Carmel

1er Mars 1895 – Saintes

 

MA RÉVÉRENDE ET TRÈS HONORÉE MÈRE,

Paix et très humble salut en Notre-Seigneur Jésus-Christ !

C'est au cours des jours bénis où, prosternées au pied de l'Hostie pacifique, nous nous efforcions de Lui offrir nos hommages d'adoration, d'expiation et d'amour en réparation des folies du monde, qu'il a plu à l'Agneau, toujours vivant et toujours immolé, de se choisir parmi nous une nouvelle victime.

Il y a sept mois, jour par jour, c'était une de nos plus jeunes et de nos plus robustes soeurs qui s'envolait vers la Patrie ; aujourd'hui, nous venons réclamer les suffrages de notre Saint Ordre pour une des pierres fondamentales dé notre humble Carmel, notre vénérée et bien-aimée doyenne, ma soeur Octavie-Marie de la Croix, première professe de notre Communauté. Elle avait 75 ans, 7 mois, 11 jours d'âge et de religion 39 ans et 2 mois.

Il nous serait doux et consolant, ma Révérende Mère, de vous donner les détails de cette vie parfaitement religieuse dont l'esprit de foi formait la base, et qui s'écoula tout entière dans la prière, l'humilité, la droiture ; mais nous croyons devoir répondre au désir de celle que nous entourions avec tant d'amour de toute notre vénération, car ce désir, fruit de son humilité profonde, couronne dignement une vie toute cachée en Dieu avec Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Permettez-nous, ma digne Mère, de vous transcrire ici l'expression de son humble demande :

« Je prie notre Révérende Mère, qui sera en charge quand je mourrai, de « ne me faire de circulaire que pour demander les suffrages de notre Saint Ordre ; n'ayant rien à dire de moi, je la supplie de ne pas me refuser cette grâce.

« Dans l'impossibilité de parler où je pourrais me trouver au moment de la mort, je supplie mes bien-aimées Mères et Soeurs de vouloir bien me pardonner tous les sujets de peines que je leur ai donnés par mes mauvais exemples, mon orgueil, mon mauvais caractère, mon peu de douceur et de chanté.

Je les supplie de prier beaucoup pour moi et je leur promets, en retour, si le Bon Dieu me fait miséricorde, comme je l'espère, de bien prier pour toutes. »

Tout ce que nous nous permettons d'ajouter, ma Révérende Mère, c'est que cette chère âme, qui demeure le secret de Dieu, sera pour ses Mères et Soeurs une joie et une gloire au jour des grandes manifestations. Bienheureux les humbles ; ils seront exaltés.

Notre bien-aimée fille, entrée en religion à un âge déjà avancé, y a passé en faisant le bien. Elle était simplement ce qu'elle était et elle était tout ce que Dieu lui demandait d'être. Sous-Prieure à diverses reprises, son zèle, sa régularité, son esprit de foi et son dévouement ne se démentirent jamais. Elle avouait ingénument qu'elle ne connaissait pas l'irrégularité. « Comment, disait-elle, peut-on faire attendre le Bon Dieu ! »

Digne fille de notre vénérée et si regrettée Mère Catherine du Saint-Coeur de Marie, de sainte mémoire, elle était un des types de cette génération dames fortes et vaillantes à laquelle nous devons tant de travaux et de si magnifiques exemples.

Sa mort a été le résumé de sa vie. Au milieu de ses Mères et Soeurs jusqu'au dimanche soir, 24 février, elle ne s'alita que pour recevoir les derniers Sacrements et pour s'endormir doucement dans le baiser du Seigneur, avec sa pleine connaissance, dans une prière perpétuelle et une humilité profonde. C'était le mardi 26, à 6 heures du matin. Nous venions de réciter avec elle l'Angélus et les prières de la recommandation de l'âme.

Nous ne pourrions vous dire, ma Révérende Mère, ce qu'il nous en coûte de vous taire tant d'édification que vous procurerait cette longue et sainte existence religieuse, mais, encore une fois, Dieu a ses desseins en nous imposant ce sacrifice, et notre devoir est de nous conformer à son adorable bon plaisir.

Nous vous prions donc de vouloir bien faire rendre au plus tôt les suffrages de notre Saint Ordre à notre regrettée et bien-aimée Soeur. Par grâce, une communion de votre Sainte Communauté, l'indulgence du Via Crucis, une invocation à la Face adorable de N. S, à notre Mère Immaculée, à notre Père saint Joseph, à son bon Ange et tout ce que votre charité vous suggérera.

Elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui avons la grâce de nous dire,

Ma Révérende et bien Digne Mère, Votre humble soeur et servante en N.-S.

Soeur Marie de Jésus Hostie, R. C. i.

De notre monastère de la Réparation, de l'Immaculée-Conception sous la protection de notre Père saint Joseph des Carmélites de Saintes.

Le 1er Mars 1895.

Retour à la liste