Carmel

18 Mai 1893 – Metz

Ma Révérende et très honorée Mère,

Très humble et respectueux salut en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 

Un seul mot pourrait résumer la vie de notre vénérée et si regrettée Soeur Anne-Marie des- Anges, ravie à notre affection le 18 Avril dernier: « Sa vie a été cachée en Dieu avec Jésus- Christ. » Comment donc soulever ce voile dont le Seigneur a constamment entouré sa servante et son épouse?.. C'est ce qui ne se pourra qu'au grand jour de l'éternité...

Notre bien-aimée Soeur naquit à Paris d'une famille aussi honorable que distinguée par sa foi, sa piété, l'élévation et la noblesse de ses sentiments. Depuis longtemps son digne Père, attaché à la Cour, était alors Maréchal des 1ogis du roi Charles X ; il habitait les Tuileries lorsque Dieu lui donna le 28 Février 1828 cette enfant de bénédiction, la 4e au foyer paternel. Nommée au baptême Anne-Marie-Caroline, elle fut entourée dès sa naissance de la vigilance et des soins de ses vertueux parents qui prirent à coeur d'inculquer à leurs enfants les vertus héréditaires qui les distinguaient eux-mêmes: une foi vive et profonde, un attachement invincible à la S'e Eglise de Dieu et à toutes les traditions sacrées de leur nation et de leurs ancêtres, un amour du devoir jusqu'à l'héroïsme, et enfin un cachet d'humilité et de modestie aussi admirable que rare dans la situation qu'ils tenaient de la divine Providence.

A la naissance de notre chère Soeur, les souvenirs de la grande révolution étaient encore tout vivants dans sa famille. Sa grand tante. Soeur Marie des Anges, religieuse Carmélite de St-Denis, qui avait vécu sous le gouvernement et dans l'intimité de notre vénérable Mère Thérèse de S' Augustin (Madame Louise de France), était encore avec l«s siens, n'ayant pu reprendre la route de son Carmel qui n'était pas rétabli. Cette vénérée tante avait assisté à des scènes navrantes. Elle avait été témoin de la mort tragique de son digne frère, arrêté comme appartenant à la suite de Louis XVI, elle l'avait vu monter à la guillotine. Au moment où la fatale charrette le conduisait à l'exécution, sa courageuse soeur qui s'était postée sur une borne pour être plus à sa portée, l'avait exhorté à la mort. Comme il laissait une toute jeune veuve et quatre tout petits enfants, il lui fit jurer de s'occuper de sa famille ; puis elle dit tout haut: « Adieu, mon frère, meurs pour ton Dieu et pour ton Roi. » Elle risquait ainsi sa vie ; mais les nombreux témoins de son courage, tout occupés de l'exécution de son frère, la laissèrent tranquille.

Au moment de leur dispersion de St-Denis,29 Septembre 1792, les Religieuses chassées par la révolution, avaient emporté chacune une part égale des nombreuses reliques du couvent ; le partage avait été fait par les ordres de l'archevêque de Paris qui avait tenu à en conserver l'authenticité. Dans le lot échu à Soeur Marie des Anges, était le corps entier de sainte Justine, renfermé dans une sorte de petit autel peint et doré. Elle le couvrit de planches brutes et l'emporta partout pendant des années, au prix de peines incroyables, tantôt dans des villages aux environs de Paris, tantôt à Saint-Germain ou à Paris même, elle le cachait soit dans une cave, soit près de son lit. Son bonheur était de prier devant cette châsse. Elle la rapporta en 1829 rue Cassini où elle rentra le 13 Octobre de cette même année: c'est là que s'étaient réunis les membres de la communauté de Saint-Denis

Quelque temps après, notre chère Soeur fut conduite par sa digne mère au Carmel de la rue Cassini pour voir sa grand-tante Soeur Marie des Anges. Comme la clôture n'était pas encore parfaitement rétablie, celle-ci demanda de faire passer sa jeune nièce par le tour, puis elle la déposa sur l'autel en la vouant à sainte Thérèse. Elle mourut en 1834, à l'âge de 82 ans. C'est en souvenir d'elle que notre chère Soeur reçut en religion le nom d'Anne-Marie des Anges.

A la révolution de 1830, le père de notre bonne Soeur se retira à Saint-Germain chez sa digne mère qui mourut eu 1832. A cette époque, il vint se fixer aux environs de Metz dans une propriété de sa famille, où il mena, au milieu des siens, une vie aussi patriarcale que retirée. C'est là qu'il mourut saintement, vivement regretté de sa famille et de tous ceux qui l'avaient connu.

La petite Anne avait deux frères et une soeur qui l'entouraient de leur tendre el fraternelle affection, à laquelle elle répondait de tout coeur, sans préjudice néanmoins de sa nature un peu taquine qui ne se rangeait pas toujours à l'avis des autres: elle eut constamment à travailler sur ce point, parmi ses deux frères, Dieu se choisit un prêtre qui brilla surtout par sa ferveur, sa piété et sa grande modestie. Lorsqu'il était encore vicaire à Saint-Martin de Metz, il ambitionna de suivre, en qualité d'aumônier, à la campagne de Crimée, l'armée française, dont sou frère faisait partie : il y fit la mort des saints, emporté par la fièvre typhoïde à la fleur de son âge et victime de sa charité. L'autre devint un vaillant général dont le nom seul commande le respect et la vénération. Plus âgé que sa soeur, c'est le seul qui lui survive aujourd'hui. Quant à la soeur aînée de notre chère Soeur, Dieu l'appela aussi à se consacrer à Lui, dans la congrégation de Sainte Chrétienne, où elle mourut pieusement il y a quelques années.

L'éducation de la chère petite Anne fut confiée aux religieuses du Sacré Coeur de notre ville chez qui elle fit sa première communion. Elle voua toujours depuis à ses chères maîtresses la reconnaissance la plus vive. Après ses années de pension, elle rentra au sein de sa famille où sa jeunesse se passa dans la pratique des vertus dont sa digne mère était un vivant exemplaire. A l'époque des vacances, une brillante jeunesse, composée de ses frères et de ses nombreux cousins et cousines, apportait une vie extraordinaire en la demeure de ses parents, et la chère Anne y prenait une large part. A cette époque aussi, préludant dès lors à sa vie d'infirmière au Carmel, elle étudia la vertu des plantes et leurs propriétés médicinales, et une de ses grandes occupations était de composer des remèdes qu'elle appliquait ensuite avec succès sur les plaies et les maux de ceux qui souffraient et qui venaient en grand nombre en l'habitation de sa famille, recourir à sa charité aussi bienveillante qu'inépuisable.

Autant notre chère Soeur trouvait de joie à la campagne, autant elle détestait le monde et ses vanités. Sou supplice était d'y paraître. Elle laissait alors percer un tel ennui que c'était le sujet de graves discussions entre elle et sa digne Mère qui ne pouvait comprendre cette disposition en sa fille, et aurait voulu que celle-ci se prêtât davantage aux ajustements du monde pour lesquels elle eut toujours une invincible répugnance. C'est que le Seigneur l'avait prédestinée pour Lui seul, ne voulant pas que le souffle du monde la ternît. Heureux choix qu'il daigna lui manifester Lui même, l'attirant doucement et fortement vers la vie austère du Carmel où elle espérait pouvoir trouver ce Dieu seul qu'elle cherchait et dont son âme avait faim et soif !. . . Son confesseur, un Père Jésuite, ayant étudié et reconnu sa vocation, l'approuva et l'aida à la suivre. Il s'agissait de la faire agréer à sa vertueuse Mère à qui le Seigneur avait déjà demandé de si grands sacrifices ! A la première ouverture que lui en fit sa chère fille, elle parut n'y pas croire, manifesta une grande opposition et finit par demander comme condition de son consentement que cette affaire fût remise entre les mains de Monseigneur Dupont des Loges, évêque de Metz, de sainte mémoire, en qui elle avait pleine confiance. Le jour fut choisi ; la mère et la fille se rendirent à l'évêché. Celle-ci, malgré sa timidité, exposa si bien ses raisons que le saint prélat n'eut pas de peine à reconnaître en elle l'appel divin; il obtint le consentement de sa digne mère qui, malgré le déchirement de son coeur, donna à Dieu sa troisième enfant.

Le Carmel de Metz n'étant pas fondé alors, il fut décidé que la chère aspirante serait présentée à notre premier couvent du Carmel de Paris, rue d'Enfer, où elle entra le 25 Août 1859. Elle eut le bonheur de revêtir le saint habit de la religion le 25 Janvier 1860 et fit sa profession le 18 Avril 1861 dans toute la ferveur de son âme et l'énergie de sa volonté. Elle s'était proposé un grand programme à remplir, et c'était ce qui avait déterminé sa vocation, ainsi que nous l'avons touché plus haut; elle se mit donc généreusement à l'oeuvre pour avoir en toute sa vie et en toutes ses actions Dieu seul toujours en vue, Jésus-Cbrist toujours en pratique, Marie toujours en aide et elle-même toujours en sacrifice. Elle réalisa bien ces paroles; et aujourd'hui qu'elle n'est plus, chacune de nous peut dire avec quelle constance elle s'est adonnée à l'esprit d'abnégation et de mort.

Désignée pour faire partie de la petite colonie devant restaurer l'ancien Carmel de Metz, elle n'accepta ce mandat que par obéissance ; il lui eu coûtait de quitter son cher berceau religieux, et, comme elle était très détachée de tout, elle craignait de se rapprocher de sa famille : car s'étant donnée à Dieu, elle ne regarda jamais en arrière pour regretter ce qu'elle avait si généreusement sacrifié.

Quelque temps après la fondation, notre chère Soeur fut chargée du soin des novices, charge qu'elle remplit avec autant de bonté que d'humilité et de sollicitude. Elle n'avait pas le don de la parole, mais elle possédait celui bien plus précieux d'enseigner toutes les vertus par ses exemples. On la voyait d'une grande dépendance à sa Mère Prieure, s'assujettissant à ses désirs jusque dans les plus petits détails, lui portant un respect profond, et inculquant ce respect à ses novices par ses paroles et toutes ses actions. Elle leur enseignait aussi cette aimable simplicité que reflétait si bien sa figure virginale et dont elle était la vivante image par sa parfaite droiture. La recommandation de devenir simples comme des enfants était presque sa seule parole dans ses entretiens intimes, tant elle aimait cette vertu, à l'exemple de Jésus, son divin Maître. Et l'humilité sous toutes ses formes, qui pourrait dire avec quelle éloquence ses exemples l'en­seignaient?.... Tout le monde pouvait remarquer le mépris, la haine profonde qu'elle se portait à elle-même: à son corps qu'elle traitait en esclave, lui refusant impitoyablement tout ce qui aurait pu l'accommoder, l'asservissant par une obéissance exacte et rigoureuse à nos Saintes Règles où elle cherchait surtout sa perfection : car elle leur était attachée de toutes les fibres de son âme. Au choeur, en dehors des moments prescrits par les règlements, nous ne l'avons vue s'asseoir que très rarement. Au réfectoire, elle prenait si peu de chose (et toujours ce qui lui allait le moins) qu'on s'étonnait qu'elle put soutenir si vaillamment le poids du jour et de la chaleur. Pour tout résumer en un mot, il suffit de rappeler les paroles qu'elle dit un jour à une de ses novices: elles montrent combien elle aimait l'humble pénitence; les voici: «Oh! ma Soeur, quand on médite la Passion de Notre-Seigneur, et surtout cette scène de la flagellation, on devient altéré de sang!....» Outre ce mépris absolu qu'elle faisait de son corps, elle était très soigneuse de ne jamais se faire valoir en rien, mais plutôt de s'abaisser en faisant ressortir ses travers naturels comme son défaut de mémoire, ses abstractions, etc. ; elle s'interpellait alors elle-même par les épithètes les plus mortifiantes et se faisait une joie de faire quelquefois par ses petites aventures, les frais de nos récréations, à quoi elle donnait la main avec une grâce charmante.

Un jour que les novices étaient réunies en licence avec leur Maîtresse, celle-ci leur ayant raconté un trait à son désavantage et étant sortie peu après, une des novices qui l'avait connue dans le monde, et qui, comme elle, jugeait des choses suivant l'esprit de Dieu, dit à ses compagnes : • Nous pouvons remercier Notre Seigneur de nous avoir donné une Maîtresse si vertueuse et qui s'entend si bien à s'humilier : quelle est celle d'entre nous qui pourrait jamais la surprendre à se faire valoir?. .. Vers ce même temps, la Maîtresse entrant un jour à l'office des pains, adressa ces paroles à la jeune officière, sa novice: «.Ma Soeur, si vous voulez faire bien de la peine à ma Soeur X vous n'avez qu'à laisser sur cette caisse le nom et le titre de sa famille ; faites-les donc disparaître au plus tôt, je vous prie, pour ne pas lui donner l'ennui de les revoir souvent.» C'est que, dans le fond de son âme, notre chère Soeur avait gravé les sacrés enseignements de notre Séraphique Mère sainte Thérèse qui recommande tant à celles de ses filles qui sont d'une naissance illustre, de le laisser ignorer en s'abstenant, plus que les autres, de parler de leur famille.

Cependant notre bonne Soeur des Anges qui n'avait accepté la charge des novices qu'en tremblant et par obéissance, fit des instances réitérées auprès de notre vénérée Mère fondatrice pour s'en faire décharger en faveur de notre chère et si regrettée Mère Thérèse de Jésus, en qui elle reconnaissait beaucoup d'aptitudes pour cet emploi. Sa prière fut exaucée en 1871, et à partir de ce moment, notre bien aimée Soeur s'efforça de s'oublier et de disparaître toujours plus. Ce fut vers cette époque que la main du Seigneur commença à la crucifier par un long et dou­loureux martyre qu'elle porta avec un silence, une abnégation et un esprit de mort au-dessus de toutes paroles. Elle endura des souffrances cruelles dans tout son corps et surtout dans ses pieds qui se déformèrent peu à peu ; sa taille aussi dévia insensiblement. Presque dès cette époque, ses jours et ses nuits se passaient dans de grandes souffrances, sans qu'on put lui faire accepter de soulagement. Quand on voyait redoubler la joie sur son gracieux et doux visage, chacune de nous se disait : «Il faut croire que ma Soeur des Anges souffre beaucoup aujourd'hui... • Et c'était vrai en effet. Elle avait appris à fond la science sublime de la croix ; aussi le Seigneur en

donna-t-il une large part à cette épouse aimante et généreuse. Jamais, durant ces longues années, elle ne se départit de l'austérité de notre Sainte Règle; elle y tenait bien plus qu'à sa vie, et jusque dans ses derniers jours, alors que nous u'attendions plus que son dernier soupir, elle manifestait encore son désir de garder l'abstinence envers et contre tout.

Comment aborder le champ de bataille où notre Soeur bien-aimée fournit une carrière aussi longue que bien remplie? La tâche eu est difficile. .. Dès les premiers jours de la fondation de Metz, elle fut nommée infirmière, charge qu'elle remplit toute sa vie. C'est dans cet emploi que nous avons vu briller en elle une douceur, une bonté, un oubli d'elle-même qui surpassent tout éloge. Les Anges de Dieu ont compté et enregistré plus d'un trait héroïque de cette Soeur véné­rée, sur lesquels nous devons garder le silence, par respect pour son humilité! . . . Qu'elle est celle d'entre nous qui n'a pas reçu ses soins, qui ne l'a vue à son chevet, à ses pieds, lui rendant les derniers et plus humbles services, qui ne l'a vue se relever nombre de fois durant la nuit, alors qu'elle était plus malade elle-même que celles qu'elle avait à soigner ?. . . Quand le nombre de ses malades augmentait à l'infirmerie, par proportion, la joie de l'aimable infirmière redoublait. Elle nous accueillait alors avec une expression si radieuse qu'on était ému de voir une charité si parfaite et si inépuisable. Personne ne pouvait douter de l'esprit de foi qui l'animait, et, rien qu'en la voyant agir, on entendait par avance les paroles que Notre Seigneur Jésus-Christ doit dire au dernier jour à ceux qui auront exercé la divine charité : « J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'ai été malade et affligé et vous m'avez secouru et consolé. .. Venez et entrez dans la joie de votre Seigneur. . . » Dans ce même esprit de foi, la vénérée Soeur ne laissait à aucune de ses officières le soin de panser les plaies les plus affreuses et de nettoyer tout ce qui était le plus répugnant: c'était sa part à elle, et personne n'aurait osé la lui disputer! Non, encore une fois, nous ne pouvons parler de cette vie de dévouement et de sacrifice continuée durant plus de 30 ans avec une joie et un courage toujours nouveaux ; nous ne pouvons que demander au Bon Dieu de nous faire héritières de son esprit d'immolation.

Toute sa vie, notre chère Soeur fut très assidue au travail, ne perdant jamais un instant. Long­temps, elle fut chargée des reliquaires, car elle était très adroite. Elle avait aussi un grand esprit de pauvreté, se gênant et s'assujettissant beaucoup pour ménager toutes choses et ne perdre pas le plus petit bout de fil, de papier, ou quoi que ce fût. Quand on venait la déranger, alors qu'elle faisait des travaux difficiles et absorbants, on avait lieu de remarquer sa vertu ; elle quittait tout au premier signe, non pas une fois, mais cinquante, si cela c'était trouvé, soit pour accomplir une petite obédience, soit pour rendre un service, sans laisser jamais voir le dérangement que ces interruptions lui occasionnait. Il en était de même pour ce dont on avait besoin de sa part. Ve­nait-on lui demander telle ou telle chose qui lui était nécessaire et dont elle avait besoin à l'heure même, elle la donnait aussitôt, prèle à se laisser dépouiller de tout, et s'arrangeant ensuite, comme elle pouvait, non sans peine! On était désolé quand on apprenait les difficultés qu'on lui avait occa­sionnées ; mais pour elle, ne s'en plaignant jamais, elle recommençait à se dépouiller à la pro­chaine occasion. C'est qu'elle entendait cette parole du Roi Prophète touchant Notre Seigneur : « J'ai été pauvre et dans les travaux dès ma jeunesse, » et elle avait à coeur de l'imiter. Comme Lui et en son honneur, elle aimait les humbles travaux et elle y trouvait ses délices. Chargée du soin du préau et des fleurs, durant longtemps, elle bêchait, plantait, arrosait, manipulait la terre et le fumier, se fatiguant beaucoup, sans vouloir jamais avouer ses fatigues, et, par conséquent, sans accepter aucun soulagement après ses laborieuses journées. A l'entendre, elle n'était faite que pour cela, et c'était son élément. Elle s'y traînait encore alors que son pauvre corps tout courbé ne pouvait presque plus se soutenir. C'est qu'elle était avide de souffrances, et qu'elle ne voulait pas perdre la bonne aubaine d'en endurer une de plus pour son bien-aimé Jésus. C'était en un mot une vraie Carmélite, aimant la vie humble et cachée, le détachement des créatures, du monde et de tout ce qui n'est pas Dieu.

Notre bien aimée Soeur fut constamment la joie, la consolation et l'appui de ses Mères prieures par sa parfaite droiture, son bon jugement, sa discrétion et son esprit de foi. Cependant la vertu était la plupart du temps, pour elle, le fruit d'un vigoureux effort; mais jamais sous quelque gou­vernement que ce fût, nous ne l'avons vue se départir de la plus affectueuse obéissance. Combien de fois, durant ces 18 derniers mois surtout, cette vénérée Soeur ne pratiqua- t- elle pas l'obéissance jusqu'à l'héroïsme ? On la rencontrait souvent, se faisant une violence infinie pour se rendre où l'attendait l'accomplissement d'une obédience. Et quand ses Soeurs lui disaient : «  Mais, ma bonne Soeur des Anges, c'est impossible que vous alliez plus loin! » — « Si, si, ma Soeur, répondait- elle, il faut obéir jusqu'à la fin, et ne pas croire à l'impossibilité. » Et elle ne rebroussait chemin que sur nos instances et pour se rendre à notre désir.

Que lui importait que le commandement lui vint d'une ancienne Mère ou d'une Soeur plus jeune qu'elle, ayant été sa novice ! Elle ne voyait en toutes que l'autorité de Dieu qui lui était sacrée. Quelle émotion n'avons- nous pas eue souvent dans l'intime de notre âme en voyant cette soeur si vénérée venir à nous comme un petit enfant, nous dire tout ce qui se passait dans son âme : ses joies, ses peines, ses combats, ses défaillances.

Mais vous le comprenez, ma Révérende Mère, ces vertus si vraies et si difficiles avaient une substance vitale qui les animait, et cette substance n'était autre que l'esprit de prière qui fut con­stamment celui de notre chère Soeur. Elle ne marchait pas par la voie des consolations, non ; mais elle cheminait par celle de la foi pure et nue, regardant toujours son premier but: « Dieu seul toujours en vue, Jésus Christ toujours en pratique, Marie toujours en aide, et moi toujours en sa­crifice » ; et dans ses dernières années, quand elle avait quelques moments de tristesse, il suffisait de le lui rappeler pour rasséréner aussitôt son âme et rajeunir sa vigueur.

Notre bien-aimée Soeur avait puisé au sein de sa famille un attachement profond à la Sainte- Eglise et au Souverain Pontife dont elle partageait toutes les douleurs. Souvent nous l'avons entendue gémir sur sa captivité et sur la situation difficile que lui ont faite ses ennemis; et nous savons que sa prière et ses intentions pour lui étaient continuelles. Elle priait incessamment aussi pour le clergé et les ordres religieux, invoquant surtout pour eux le Saint-Esprit. Du reste, sa prière était vraiment apostolique et universelle, embrassant toutes les âmes rachetées du Sang de Jésus- Christ, ainsi que doit le faire une vraie fille de notre sainte Mère Thérèse. Comme dans ces der­nières années, elle dormait très peu, la plus grande partie de ses nuits était consacrée aux plus ardentes supplications pour les grands intérêts de Jésus, et elle faisait passer tontes ses demandes par le Coeur Immaculé de Marie qui était sa demeure habituelle. Mais le trait dominant de la vie intérieure de notre Soeur bien-aimée, était l'amour ardent qu'elle portait à l'Enfance de Notre Seigneur. Tant qu'elle put se traîner, elle ne laissa à personne le soin de son ermitage pour lequel elle avait obtenu de Monseigneur Dupont des Loges en sa visite canonique de 1873, une indul­gence de 40 jours, à chaque visite qu'on y ferait. Elle passait de longues heures auprès de l'image du divin Enfant, le regardant, l'adorant et se perdant en Lui. Quand revenait la belle fête de Noël, elle redoublait de soins et d'assiduités pour mieux honorer son divin petit Roi : elle se faisait enfant avec Lui, et sa figure a conservé jusqu'à sa mort ce cachet de candeur qui distingue le premier âge. Elle avait aussi une dévotion particulière à notre vénérable Soeur Marguerite du Saint-Sacrement de Beaune, à qui les mystères de l'enfance de Notre Seigneur furent si clairement manifestés. Comme elle, notre vénérée Soeur partageait les joies et les peines de la Sainte Famille. Qui pourrait dire l'ardeur qui l'animait spécialement durant les jours de Juillet consacrés à honorer le retour à Nazareth du divin Enfant! Avec quel recueillement elle accompagnait les divins voya­geurs, et quel fête ne célébrait-elle pas à leur retour! L'ermitage était alors paré et illuminé splen­didement, et chacune était heureuse de s'associer à la joie de la bonne Soeur et de se rendre à son invitation, en allant prier avec elle dans ce petit sanctuaire où était tout son coeur.

Depuis quelques années le Bon Dieu la crucifiait très douloureusement dans l'intime de son âme. Ses facultés intellectuelles baissaient, elle le sentait et elle en souffrait, ainsi que de l'im­puissance où, peu à peu, le Seigneur la réduisait pour toutes choses. La taille élancée de notre chère Soeur s'était tellement courbée qu'elle était toute pliée en deux, souffrant un véritable mar­tyre en tout son corps ; néanmoins, elle travaillait et s'occupait encore autant qu'elle le pouvait. Depuis le mois de Janvier seulement, tout travail Iui devint impossible, ce qui lui fut matière à grand sacrifice. C'est depuis cette époque, plus que jamais, que nous vîmes combien continuel et ardent était son esprit de prière. Nuit et jour elle priait, la plupart du temps tout haut, surtout quand elle n'en pouvait plus. On l'entendait répéter des milliers de fois cette invocation « Coeur Eucharistique de mon Jésus, je vous adore et je vous aime. » Quelquefois, quand la nuit était plus obscure en son âme, elle s'écriait avec douleur: « Et où êtes-vous donc, mon Jésus, mon Bien-Aimé? » D'antres fois, quand ses souffrances physiques redoublaient, elle se plaignait ainsi: « 0 mon Dieu, que je souffre !. . . » Et puis, se reprenant aussitôt, elle ajoutait avec une ardente volonté: «Que la volonté de Dieu soit faite!. . . Coûte que coûte, tout pour vous, mon Dieu, tout pour la Sainte Eglise, notre Saint-Père le Pape, les âmes du Purgatoire, etc. »

 

Malgré cet état si douloureux, nous avions encore l'espoir de conserver longtemps, pour notre édification, cette belle âme, auprès de laquelle ou respirait l'atmosphère de la sainteté, et qui en portait déjà l'auréole ; mais Dieu en avait décidé autrement. Vers le commencement du ca­rême, ses jambes lui refusèrent absolument tout service : il fallut alors l'habiller et la coucher comme un enfant, et ces opérations duraient très longtemps, tant les moindres mouvements lui étaient difficiles. A partir de cette époque, elle dut recevoir la Sainte Communion assise, et avec une peine extrême. Souvent aussi, ses souffrances étaient telles qu'il était impossible de la lever pour aller recevoir ce Jésus après lequel elle soupirait jour et nuit. Elle disait alors amoureuse­ment : «Hélas! aujourd'hui, c'est un grand jour de jeûne ! » Aussi, jusqu'à la fin, fit-elle des efforts inouïs pour ne pas perdre de communions, et, tandis qu'on l'habillait, elle répétait : « Allons, et ne laissons pas passer le Seigneur. . . Mon Dieu, que vous êtes bon et combien je vous remer­cie de la grâce que vous me faites d'aller vous recevoir ! »

Le Jeudi-Saint, notre bien-aimée Soeur fit la sainte communion à la chapelle de l'infirmerie pour la dernière fois. A partir de ce moment ses douleurs s'accrurent beaucoup et ses forces di­minuèrent sensiblement. Le vendredi de la semaine de Pâques, d'après l'avis du Docteur, elle re­çut avec une grande piété et en pleine connaissance la grâce du Saint Viatique et celle des der­niers sacrements qui lui furent administrés par notre vénéré Père confesseur, assisté de Monsieur notre digne et si dévoué chapelain. Le soir de ce jour, se voyant si près de la mort, notre ver­tueuse Soeur manifesta la crainte qu'elle en avait et combien sa nature y répugnait. Comme elle le disait à sa chère infirmière, en présence d'une jeune Soeur qui priait auprès d'elle, celle-ci lui dit : « Ma bonne Soeur des Anges, qu'elle joie vous donneriez au Bon Dieu, si, à l'heure même, vous lui faisiez d'un grand coeur le sacrifice de votre vie ! Il veut cela de vous. » — « Il attend cela de moi, dites-vous. Il l'aura tout de suite. Mon Dieu, dit-elle, avec ferveur, je vous fais le sacrifice de ma vie, prenez-la aujourd'hui même, si vous le voulez. »

Cependant, peu à peu, de grandes plaies apparurent sur le corps de notre chère Soeur ; elle les souffrit avec une patience qui rappelle celle du saint homme Job. Les pansements étaient aussi longs que douloureux; mais, habituée à regarder la grande victime du Calvaire, elle s'y appliquait plus particulièrement pendant ces opérations, comme elle le dit un jour à ses infirmières pour les encourager, les assurant que la vue de Jésus en croix allégeait beaucoup ses souffrances. Il serait difficile d'exprimer avec quel respect et quelle vénération chacune de nous venait s'édifier et prier auprès de ce lit de douleur! Souvent la douce victime gardait le silence, se consumant lentement. Quand on lui parlait des choses de ce monde, elle paraissait n'y être plus; mais quand on lui par­lait du Bon Dieu, de Jésus, Marie, Joseph, elle ouvrait aussitôt les yeux, témoignant qu'elle avait toute sa connaissance, et elle répétait les aspirations qui lui étaient suggérées. La prière qui, toujours, avait été son élément, le devenait plus que jamais .A plusieurs reprises, nous la crûmes à sa dernière heure, tant elle portait tous les signes de la mort sur sou visage amaigri par la souffrance ; nous nous réunissions toutes alors pour réitérer auprès d'elle les prières du Manuel, auxquelles elle s'unissait toute radieuse et s'en allant à son Dieu avec la paix et la confiance d'un enfant qui s'endort dans les bras de son Père. Elle ne manifesta pas une seule inquiétude durant tout le cours de sa maladie. De temps en temps, elle demeurait plusieurs heures sans qu'on pût avoir d'elle une parole, ou saisir le moindre signe de connaissance ; mais, à notre grand étonnement, elle revenait à la vie et à la lumière naturelle quand nous lui disions: «Voyons, ma bonne Soeur des Anges, nous allons dire le Gloria Patri, que vous aimez tant » Elle répondait aussitôt: «Oh! oui», disons en premier lieu celui de la reconnaissance — Gloire au Père, gloire au Fils, gloire au Saint Esprit. .. Et bénédiction à la Très Sainte Vierge Marie. Et le répétant distinctement après nous, elle ne s'en lassait jamais, toujours prête à redire tantôt celui-là, tantôt celui de l'amour, de l'adoration, de la contrition, du zèle, etc. Chacune de nous savait le moyen de la rendre à la vie, et on y recourait souvent. Elle recevait ses Soeurs avec tant de joie qu'on ne pouvait s'arracher d'auprès d'elle, et chacune la priait d'appeler sur elle toutes les bénédictions du Seigneur, ce à quoi elle se prêtait avec autant de candeur que de simplicité. Elle nous apparaissait presque déjà comme une âme bienheureuse, toute perdue et passée en Dieu.

Quoiqu'elle n'entendit presque plus rien des choses de ce monde, elle fut cependant bien sensible à l'affection des siens, tous dignes d'elle, et elle promit de n'en oublier aucun quand elle serait devant le Bon Dieu. Son vénérable oncle, plus qu'octogénaire, qui avait toujours eu pour elle une tendresse toute paternelle, et madame sa belle-soeur qu'elle aimait beaucoup, reçurent en ce monde, ainsi que son digne frère, une de ses dernières prières, toute remplie d'affection.

Qu'il nous soit permis, ma Révérende Mère, de transcrire ici, pour votre édification, quelques passages des lettres de l'honorable et si vertueux frère de notre chère Soeur auquel elle n'était si attachée qu'en vertu de l'unité et de la réciprocité de leurs mutuels sentiments à l'égard de Dieu, de tout ce qui tient à sa cause et à celle de son Église :

«Dites bien à ma chère soeur combien je suis de coeur avec elle. Je sais qu'elle ne demande pas de retard pour aller recevoir la récompense que, j'espère, elle a méritée. Tout en disant: «Que votre volonté soit faite !» je suis bien convaincu qu'elle soupire après le moment où elle verra son Dieu en face. — Embrassez-la pour son vieux frère qui l'aime beaucoup, beaucoup.» — Dans une autre : «D'après ce que vous me dites, je n'ai pas le moindre espoir de voir revenir ma pauvre malade eu santé — Peut-être le divin Maître voudra-t-il encore l'éprouver pendant quel­ques semaines, lui faire attendre la récompense qu'il lui réserve ; mais voilà tout. — Dites bien à cette bonne Soeur que je m' incline devant la règle de son Ordre. — Je sais ce que c'est qu'une règle et le respect qu'on lui doit — Mais elle comprendra mon chagrin de la savoir un pied dans la tombeau et de ne pouvoir aller lui donner la dernière étreinte fraternelle. — Merci pour tous les soins que vous donnez à ma bien-aimée Soeur. Merci à toutes les religieuses qui l'entourent de leur affection et qui prient pour que, jusqu'au dernier instant, elle conserve sa grande rési­gnation et sa confiance en Dieu.»

Une des dernières consolations que notre chère Soeur reçut en ce monde, fut la bénédiction de Monseigneur l'Evêque de Metz, Supérieur de notre Monastère, notre vénéré et si dévoué Père. Cette grâce lui apporta une grande force et la fit surabonder de joie. Durant ses derniers jours, monsieur notre digne chapelain entra deux fois pour prier avec nous et lui donner une dernière absolution. Sur le soir du 17 Avril, elle conservait encore toute sa connaissance, témoignant qu'elle s'unissait aux prières que nos Soeurs faisaient auprès d'elle. A deux heures du matin, elle ne paraissait plus entendre, mais son visage était calme et paisible, et à 8 heures moins un quart, sans aucune agonie, elle rendit son dernier soupir si doucement, qu'à peine celles de nos Soeurs qui étaient auprès d'elle, purent s'en apercevoir. Nous eûmes la douleur de ne pouvoir l'assister à sa dernière heure, ce qui fut pour nous un sacrifice d'autant plus grand que nous aimions et vénérions davantage cette Soeur bien-aimée. Le 19 Avril, nous recevions de Monseigneur, notre vénéré Père, les lignes suivantes : «Que le Bon Dieu protège son Carmel qui lui envoie une sainte âme de plus! Je plains les Soeurs qui viennent de faire une grande perte ; mais je les félicite de l'intercession qui leur est acquise au ciel.» — Une foule nombreuse vint voir notre chère Soeur à la grille du choeur, et on admirait l'air de repos et de paix qui était empreint sur sa figure où toute trace de souffrance avait disparu.

L'enterrement qui eut lieu le 20 Avril, fut très solennel ; une grande foule y assista, ainsi que le digne frère de notre bonne Soeur et plusieurs membres de sa famille. Nos deux vénérés et si dévoués Pères confesseurs ordinaire et extraordinaire entrèrent pour les absoutes avec le clergé de la paroisse, monsieur notre pieux chapelain et un grand nombre de prêtres des diverses paroisses et établissements religieux de notre chère et si bonne ville de Metz.

Quoique la vie si vertueuse et la mort si sainte de notre chère et bien-aimée Soeur Anne-Marie des Anges, nous donnent l'espérance qu'elle est déjà admise à posséder le Dieu trois fois saint qu'elle a tant aimé et si fidèlement servi sur la terre, cependant, comme les jugements de Dieu nous sont inconnus, nous vous prions, ma Révérende Mère, de vouloir bien ajouter aux suffrages déjà demandés, par grâce, une communion de votre fervente communauté, une journée de bonnes oeuvres, l'indulgence du Via Crucis, celle des six Pater, quelques invocations à Notre-Dame du Perpétuel secours, au Coeur Immaculée de Marie, à Sainte Anne et aux Saints Anges, ses patrons; elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui avons la grâce de nous dire en Jésus Notre Seigneur, avec un profond et religieux respect,

Ma Révérende et très honorée Mère,

 

Votre très humble servante.

Soeur MARIE-DOROTHÉE DE LA COMPASSION DE LA Ste VIERGE.

r. c. ind.

De notre Monastère de la Sainte Trinité et de l'Incarnation, sous la Protection de notre Père Saint Joseph, des Carmélites de Metz

le 18 Mai 1893.

 

POST-SCRIPTUM. Aujourd'hui, 21 Mai, fête de la Pentecôte. le Seigneur vient encore de faire un nouveau vide parmi nous en retirant des misères de cet exil l'âme de notre chère Soeur Anne de Saint Barthélemy, professe de la rue d'Enfer à Paris, et doyenne de nos Soeurs du voile blanc; elle avait d'âge 66 ans, 9 mois et 18 jours, et de religion 51 ans, 10 mois et 18 jours.

Depuis plusieurs années, notre bonne Soeur était dans un état d'enfance bien pénible. Comme en ces derniers temps, elle ne pouvait plus avaler que du liquide, il ne nous fut pas possible de lui faire recevoir le Saint Viatique. Vendredi dernier elle a reçu l'Extrême Onction, et ce matin encore, une heure avant sa mort, elle a eu la grâce de recevoir une dernière absolution.

Durant sa longue épreuve et pendant sa dernière maladie qui fut une paralysie intérieure, elle pratiqua une grande douceur, ne se plaignant jamais de rien ; elle conserva jusqu'à la fin sou esprit de prière, alors même qu'elle ne pouvait plus articuler aucune parole. Elle remit son âme entre les mains de son Créateur ce matin, à la fin de la messe de communauté, la plus grande partie de nos Soeurs et nous présentes.

Veuillez, ma Révérende Mère, lui faire rendre au plus tôt les suffrages de notre Saint Ordre; par grâce une communion de votre Sainte Communauté, une journée de bonnes oeuvres, l'indul­gence du Via Crucis, celle des six Pater, quelques invocations à la Très Sainte Vierge en qui elle mit toujours son espérance, quelques unes aussi à notre Père Saint Joseph, à Sainte Anne et à Saint Barthélemy, ses patrons, ainsi qu'aux âmes du purgatoire pour lesquelles notre chère Soeur eut constamment une grande dévotion. Elle vous en sera aussi reconnaissante que nous dans les divins Coeurs de Jésus et de Marie.

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