Ma Révérende et très honorée Mère. Que la grâce et l'amour de N. S. soient toujours avec nous. Nous venons recommander à vos saintes prières et implorer l'offrande du St Sacrifice de la Messe pour notre bien chère Soeur Marie, tourière agrégée de notre communauté. Cette Soeur bien-aimée s'est endormie paisiblement dans le Seigneur ce matin, à 1 heure. Elle était âgée de 48 ans, dont il et quelques mois passés en religion. La vie de notre bonne et regrettée soeur, ma Révérende Mère, a été une vie de prière et de dévouement. Ayant perdu sa mère jeune encore, elle s'était consacrée sans réserve à son digne père et à ses soeurs. On garde dans sa paroisse le souvenir le plus édifiant de sa vertu, surtout de sa cordiale charité. Pendant bien des années, le respectable Curé l'a proposée pour modèle aux jeunes filles de la congrégation. Cette âme pieuse et fidèle était pour nous un don de Dieu. Pour elle, sou admission, longtemps sollicitée par une de ses soeurs, tourière dans notre cher Carmel de Bordeaux, lut une récompense et le prélude des grâces nombreuses que le Seigneur devait lui accorder encore. Soeur Marie ne savait pas lire; quelques-uns des devoirs des tourières auraient été au dessus de ses forces. Nous lui avions confié, en partie, la culture de notre jardin. C'est en sanctifiant ce travail par son esprit de foi et de prière qu'elle a rempli sa vocation religieuse et attiré sur bien des âmes, nous le croyons, les bénédictions de Dieu. Elle ne se plaignait d'aucune fatigue, ne cherchait que les regards du Seigneur. A la fin de ses laborieuses journées, c'était une consolation pour elle de se retrouver auprès de ses chères compagnes et de passer ensemble une joyeuse récréation. Puis elle allait devant le Tabernacle : là, elle trouvait son repos, son bonheur et sa vie. Le rosaire à la main et les yeux fixés sur l'autel, le temps s'écoulait sans lassitude pour elle. Elle n'a pas souffert de la privation des lectures. Le divin Maître lui faisait tout entendre à l'oreille du coeur, ou rappelait à sa mémoire les exhortations, les paroles de Dieu qu'elle avait entendues de ses Mères Prieures et des ses Supérieurs. Quelques mots courts, mais pénétrants, révélaient parfois la vie de son âme : « Je suis la chose de Dieu, » répondait elle, un jour, à ses compagnes qui lui demandaient son bouquet spirituel de la journée. Cette parole, qu'elle a dite souvent, était le secret de son dévouement constant, de sa complète abnégation. Un asthme bien douloureux a marqué du sceau de la souffrance tous les jours de la vie de notre chère et bien- aimée Soeur. Elle ne se couchait plus depuis 8 ans ; une oppression continuelle l'obligeait à prendre péniblement sur un fauteuil le repos de la nuit. Une maladie d'estomac et plusieurs autres infirmités sont venues successivement faire de son existence un vrai martyre. Toujours calme, souriante, pleine de Dieu, elle ne savait que le bénir et s'abandonner à ses volontés. Ses bien-aimées compagnes l'ont entourée jusqu'à la fin des soins les plus fraternels et les plus affectueux. Les secours de la religion lui étaient prodigués par notre digne Père Aumônier. C'est dans un sentiment de reconnaissance pour toutes ces laveurs que Dieu lui accordait et auxquelles se joignait la paix profonde de son âme, que notre bonne Sr Marie a échangé paisiblement la vie du temps contre celle de l'éternité. Le souvenir de sa pieuse vie, si simple et si pure, met dans tous nos coeurs une impression de paix qui semble le gage du bonheur éternel dont jouit son âme. Veuillez, cependant, ma Révérende Mère, accorder à notre bien- aimée Soeur vos pieux suffrages. Elle avait fait le voeu héroïque en faveur des âmes du purgatoire. C'est en union de vos saintes prières que nous aimons à nous dire, au pied de la croix de notre divin Sauveur, Votre humble soeur et servante S' Marie du Calvaire, r. e. nul. De notre Monastère de l'Immaculée Conception et des SS. Anges, sous la protection de notre Père St Joseph, des Carmélites d'Albi, ce 17 septembre 1895.
