Carmel

15 septembre 1897 – Puy

 

Ma Révérende et très honorée Mère,

Paix et très affectueux salut en Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont la volonté souverainement aimable, à l'heure même d'une douloureuse séparation, vient y associer les joies célestes de la Nativité de Marie. C'est par les mains pleines de grâces de cette incomparable Enfant, que nous avons vu aller à Dieu son humble et fidèle servante, notre Vénérée Soeur Anne-Thérèse-Marie-Aimée de la Sainte-Trinité, professe du Carmel de Tulle, et la dernière survivante de nos dignes fondatrices. Elle était âgée de quatre-vingt-six ans, quatre mois, et avait passé soixante ans, neuf mois, dans la vie religieuse.

C'est le coeur bien ému, ma Révérende Mère, que nous jetons un regard sur cette longue et chère existence dont trente-sept ans nous appartiennent. Partout nous voyons rayonner les effusions de cette âme si aimante. Comme notre bonne Soeur Aimée réalisait bien son nom ! Sa charité était si vraie, si tendre ! Son expression si touchante ! Qu'il nous était doux de l'entourer de tendresse et de vénération ! N'était- elle pas la joie de ce petit Carmel, et sa vivante colonne par sa ferveur et sa parfaite régularité !

Notre chère Soeur naquit à Auriac, dans la Corrèze, d'une famille patriarcale. Elle reçut de ses parents, avec l'exemple des vertus, celui de cette bonté de coeur qui semblait être le cachet distinctif de cette excellente famille. La petite Marie-Anne était fort bien douée des dons de la nature, ce qui, joint à l'amabilité de son caractère, aurait pu devenir un écueil pour son âme, en excitant autour d'elle des témoignages d'admiration auxquels elle n'était pas insensible. Heureusement ses bons parents veillaient avec sollicitude sur ce trésor que le Ciel leur avait confié. Un frère de son père, digne prêtre du diocèse de Tulle, ne fut pas sans doute étranger à la détermination qui fut prise de la mettre chez les religieuses de Saint-Joseph. C'est là qu'elle goûta la piété et ressentit les premiers attraits pour la vie religieuse. One véritable transformation s'opéra dans cette âme si droite et se refléta jusque dans son extérieur qui dès lors fut empreint d'une certaine austérité. Elle s'y livra même avec cette ardeur qui faisait le fond de son caractère, et cette disposition devint celle de toute sa vie : « Faire bonne mesure au bon Dieu, disait-elle, dans la crainte de n'en pas faire assez pour Lui. » Un trait, ma digne Mère, vous dépeindra ce qu'elle était déjà : Un matin des Quatre-temps, elle oublia le jeûne et l'abstinence. S'apercevant de sa méprise pour la réparer, comme aussi pour calmer le trouble de son âme, elle ne prit rien jusqu'au lendemain^ Sans doute, son fort tempérament pouvait supporter ce long jeûne. Ce trait montre néanmoins combien son âme était timorée.

La jeunesse de Marie-Anne s'écoulait douce et paisible au milieu des siens dont elle faisait le bonheur, sans songer .à. l'avenir, Elle avait vingt-six ans, lorsque notre Vénérée Mère Thérèse-Madeleine du Calvaire, de sainte et douce mémoire, entreprit la fondation du cher Carmel de Tulle. Ce fut pour Marie-Anne comme une révélation. Elle comprit où Dieu la voulait, et brisa, sans hésiter, les liens qui la retenaient dans le monde. Son père, malgré sa tendresse, accompagna lui-même son Isaac sur la montagne du sacrifice. C'est le 16 décembre 1836, que notre chère Soeur fit son entrée dans l'Arche sainte. Elle devait être la première professe de ce nouveau Monastère. Notre Vénérée Mère Madeleine lui donna le nom d'Aimée, pensant qu'elle ressemblerait à son oncle prêtre, chéri de tous dans le diocèse.

La nouvelle postulante embrassa avec ardeur toutes les pratiques de la vie religieuse. Sa fidélité allait parfois jusqu'au scrupule. Un soir, c'était l'avant-veille de Noël, on lui recommanda de ne pas se lever avant le signal du réveil. Dans la nuit, elle aperçut sa croisée ouverte. Il faisait grand froid, mais croyant être fidèle à la recommandation, elle ne se leva pas pour remédier à cet inconvénient.

Sa vie religieuse devait se composer ainsi d'actes continuels d'obéissance et de régularité, visibles surtout aux yeux, du Seigneur et de ses Anges, mais dont le parfum se répandait autour d'elle.

Les petits sacrifices préparent aux grands. Aussi, le bon Maître ne devait être satisfait qu'après avoir immolé en entier ce coeur si profondément affectueux.

En 1860, une autre fondation se préparait parmi les filles de la Vénérée Mère Madeleine du Calvaire. Celle-ci ne pouvant l'entreprendre elle-même, y donna son assentiment le plus complet et le plus joyeux, et bénit les pierres vivantes destinées à ce nouvel édifice. A leur tête se trouvait notre si regrettée Mère Thaïs de Saint-Jean de la Croix, qui devait être Prieure du nouveau Carmel. Ma Soeur Aimée était loin de désirer en faire partie. Elle aimait tant son Monastère de Tulle ! Les Mères qui y testaient avaient toute sa confiance. Et puis, sa famille qui la chérissait plus que jamais ! C'étaient autant de liens qui semblaient la retenir.

Un premier départ avait eu lieu pour le Puy, un autre devait le suivre. On était aux dernières heures qui précédaient la séparation. Notre chère Soeur Aimée ignorait encore qu'elle fut choisie, lorsqu'elle reçut de sa Mère Prieure un billet qu'elle devait lire aux pieds de la Sainte Vierge. Cette bonne Mère dut lui donner le courage de dire son humble fiât, car elle ne laissa paraître aucune faiblesse et se rendit vaillamment où la voix de l'obéissance l'appelait. L'esprit de foi et l'amour du devoir lui auraient fait embrasser jusqu'au martyre, sans la moindre hésitation.

Mais l'excellente famille de notre chère Soeur ne fut pas aussi résignée à un tel sacrifice. Que de larmes ont coulé, nous disait dernièrement son digne neveu. Sa mère et ses soeurs étaient inconsolables. Des démarches furent faites auprès de Monseigneur de Tulle, qui leur laissa l'espoir d'un prochain retour.

Le 7 septembre 1860, nos chères Soeurs arrivèrent au Puy. Trente-sept ans plus tard, à pareil jour, Dieu récompensait cette séparation si méritoire par la réunion suprême du Ciel. Mais notre chère Soeur devait l'acheter par une longue fidélité dans cette vie de mort. Elle chérissait cette humble fondation et s'y dévouait toute Entière; et cependant, le souvenir de son berceau religieux restait toujours sensible à son âme. Lorsque un envoi ou un message de Tulle venait réjouir nos Mères fondatrices, ma Soeur Aimée paraissait la plus émue, ses éloges sur ce cher Carmel étaient les plus expressifs ! Les nouvelles postulantes le comprenaient vile, et s'il y avait un jour plus sombre pour notre Vénérée Doyenne, on lui faisait répéter quelque anecdote déjà souvent redite sur son enfance religieuse. Alors tout se rassérénait. On ne pouvait lui causer de plus grand plaisir que d'avoir quelque attention pour ce Carmel tant aimé, et lorsqu'il célébra le cinquantième anniversaire de sa fondation, elle voulut s'unir à la fête et faire parvenir de sa propre main, au berceau de sa vie religieuse, l'expression de son profond attachement. Une telle circonstance n'eut pas cependant le pouvoir de la faire se départir de son grand esprit de pauvreté, et sa plume, rouillée depuis de longs ans, se refusant à tout service, elle eut l'ingénieuse idée de la plonger dans l'huile de la lampe pour la rajeunir et la mettre à l'unisson de son coeur.

Ce Coeur si bon faisait à son Dieu une part aussi large que possible dans ses effusions. Ses rapports avec le divin Maître étaient empreints d'humilité et de respect. Rien n'était édifiant comme sa tenue au choeur. Les longues heures dont elle pouvait disposer, les dimanches et les jours de fête, on la retrouvait fidèle à son poste de prière et d'adoration. Défiante d'elle-même, elle avait un air de confusion lorsqu'on parlait des choses spirituelles, se croyant bien la moins capable de les comprendre, et écoutant avec intérêt ce que lui en aurait dit la dernière venue. Elle ne parlait à Dieu qu'avec le secours des prières composées parles autres, les récitant souvent à mi-voix avec une telle expression, que ses voisines entendaient tous ses colloques et l'en plaisantaient ensuite joyeusement.

Son assiduité au choeur était exemplaire. Jusqu'à l'âge de quatre-vingt-deux^ ans elle assistait à Matines et ne manquait pas l'examen du soir. Le matin, pour remédier à son manque d'agilité, elle avait obtenu la permission de se lever avant l'heure, afin d'être des premières rendues à l'Oraison. A l'Office divin, sa forte voix qu'elle prodiguait dans son ampleur l'emportait sur toutes. Ces derniers temps, notre chère infirme se trouvait parfois au choeur au moment des Heures pour se disposer à entendre la sainte Messe. Elle mettait une sorte de fierté à dominer la psalmodie, sa mémoire, quoique affaiblie, ayant conservé les versets des psaumes.

Cette ardeur qu'elle avait toujours mise à chanter les louanges de Dieu se traduisait encore par les expressions de son zèle tout apostolique. Elle souhaitait ne pas mourir avant d'avoir vu le triomphe de l'Eglise, la délivrance du Saint-Père, la liberté pour les Ordres religieux. Que de pleurs n'a-t-elle pas versés sur toutes ces saintes causes ! Lorsqu'au réfectoire, la lecture traitait de ces grands intérêts qui la touchaient si sensiblement, elle oubliait de prendre sa nourriture et mouillait son pain de ses larmes. A la récréation, le sujet en revenait souvent. Son indignation contre les ennemis de l'Eglise, excitée par les saillies des novices, rappelait les saints frémissements de notre Père Saint-Élie.

Bonne Soeur ! que de fois nous pourrons nous dire, en des circonstances émouvantes : Si ma Soeur Aimée était là elle pleurerait, elle s'indignerait. Malgré son grand âge, quel vide elle laisse parmi nous !

Qu'il était édifiant de voir sa tenue si humble, si respectueuse envers ses Mères Prieures. Ses rapports étaient empreints de cette docilité d'esprit, de cette profonde vénération qui, de nos jours, tend à disparaître. Ce qu'elle avait été pour notre regrettée Mère Saint-Jean de là Croix durant de six longues années, elle le fut aussi pour nous qui lui succédions dans la charge. Seulement, son affection tout en restant fort respectueuse, revêtit un cachet de sollicitude qu'on pourrait appeler maternelle. Quel intérêt aussi pour chacune de nous ! Savait-elle une perte douloureuse, un malheur dans une de nos familles, aussitôt ses yeux se mouillaient de larmes, cette pensée ne la quittait plus, elle priait sans cesse pour les chers affligés. 

Sa prédilection était pour les Postulantes. Elle les suivait d'un regard plein d'une tendresse attentive et parfois un peu inquiète, jusqu'au beau jour de la Profession. Alors, rassurée sur leur compte, elle y faisait moins attention. Là-dessus, nos jeunes Soeurs se plaignaient joyeusement à notre chère Doyenne : 0 ma Soeur Aimée, lui disaient-elles, depuis que nous avons le voile noir, serions-nous oubliées?...

Ces quelques détails intimes vous feront comprendre, Ma Révérende Mère, quelle fut notre joie lorsque nous pûmes fêter les noces d'or de cette aimable jubilaire. Elle s'y prépara par une bonne retraite, et se prêta avec une humble simplicité aux honneurs de ce jour. Plusieurs de nos chers Carmels s'y unirent par des présents et des témoignages si fraternels, que son coeur en débordait de reconnaissance. M. de Pélacot, notre vénéré Supérieur, vint lui-même présider cette fête de famille, et laissa s'épancher sa paternelle affection par les accents émus dont il a si bien le secret. Durant tout le jour, notre vénérée Soeur put dominer son émotion ; mais, le soir venu, lorsque nous l'introduisîmes dans sa petite cellule ornée comme un sanctuaire, elle ne put retenir ses larmes : Ma Mère, c'en est trop, nous dit-elle, vous me ferez mourir de bonheur !

Les noces d'or ne furent pas, pour notre chère Soeur, un droit au repos. Sa santé était encore vigoureuse, et à part quelques foulures au pied qui l'avaient retenue momentanément à la cellule, elle avait été le soutien de la vie régulière. Dans cet âge avancé, elle pratiquait toujours les jeûnes et les austérités de notre Saint Ordre. Comme elle était heureuse de remplir encore les petits offices de la semaine ! Lectrice au réfectoire, sa voix forte et sonore réparait les écarts involontaires

occasionnés par l'affaiblissement de sa vue. Serveuse, sa démarche peu assurée ne lui permettait pas de porter toujours en parfait équilibre la planche de service, ce qui lui causait bien des perplexités. Malgré toutes ces difficultés, il lui en aurait coule d'y renoncer, mais c'était surtout lorsqu'elle était chargée de l'office important de sonner la cloche, que son zèle religieux et son amour pour la parfaite régularité la tenaient en éveil et lui attiraient de joyeuses plaisanteries. Des le milieu de la récréation, on la voyait devenue soucieuse, retirer ses lunettes, plier son ouvrage et demander licence d'aller s'assurer de l'heure. A peine était-elle de retour que ses appréhensions la reprenaient, et enfin, quand le moment était venu, son bras vigoureux savait mieux que tout autre faire parler ou prier notre modeste cloche.

Mais la jalousie du bon Maître est encore plus satisfaite par notre destruction que par nos actions les meilleures. Aussi, voulut-il en entier purifier son épouse avant de la convier aux noces éternelles.

Au commencement de 1893, notre chère Doyenne eut une fausse attaque qui la laissa dans un état de faiblesse dont elle ne devait pas se relever. Alors l'infirmerie devint son séjour habituel. Ne pouvant se mouvoir qu'avec peine, elle tut comme une enfant entre les mains de ses infirmières. Avec sa nature encore vive, combien cette réclusion dut lui coûter ! Combien lui fut-il pénible de ne pouvoir se servir elle-même ! Sa mémoire s'affaiblissait aussi, cependant elle gardait ce bon sens parfait qui la caractérisait, et qui se faisait voir par des réponses pleines d'à-propos. L'assistance aux récréations lui était encore possible, et chacune lui racontait de la lecture du réfectoire les passages les plus capables de l'intéresser... Son attention s'éveillait alors, et lorsque les larmes mouillaient ses paupières, c était comme une réminiscence du passé qui consolait, nos coeurs, car, nous disait-elle : « Ce sont des larmes de joie ! »      

Sa docilité devenait comme enfantine. Cette parfaite obéissance se révélait jusqu a la fin et se rendait au moindre désir de chacune de ses Soeurs. Un mot de notre part lui aurait fait tout accepter. Son affection pour sa Mère Prieure avait besoin de s'exprimer sans cesse, et alors nous lui parlions de Jésus comme étant le grand centre des coeurs • « Oh ! oui ! répétait-elle d'un air recueilli, aimer le bon Dieu comme notre sainte Mère Thérèse ! » C'était son refrain habituel, à tous elle souhaitait d'être une Thérèse en amour.   .

Le 16 décembre dernier nous fêtâmes ses noces de diamant, mais ce tut tout intime. Ses forces ne permettaient plus une cérémonie extérieure. Pourtant Notre- Seigneur lui réservait une consolation, celle de la bénédiction apostolique obtenue pour elle par notre bon Aumônier qui lui témoignait en toute circonstance son affectueux dévouement. Notre confesseur extraordinaire, vénérable Jésuite de quatre-vingts ans, se trouvait aussi parmi nous ce jour-là, et lui adressa quelques paroles touchantes. L'heureuse jubilaire put renouveler ses voeux au Chapitre, et recevoir le baiser de ses Soeurs.

Un trait touchant de la Providence nous fit comprendre que le bon Maître voulait faire Lui-même les frais de son modeste repas. Dès la veille au soir un pigeon vint se blottir non loin de son infirmerie et se laissa prendre sans résistance, semblant s'offrir de lui-même à un désir de notre chère infirme.

Cependant, malgré son grand âge, notre édifiante Soeur voulut, cette année encore, garder dans son entier l'abstinence du Carême. Nous pouvons bien dire que 1'austérité l'a accompagnée jusqu'à la fin. Au mois de mai, quelques faiblesses nous firent comprendre que la lampe était prêt de s'éteindre. Un fâcheux accident hâta encore le dénouement.    

Une chute occasionnée par un faux pas fut cause d'une fracture a la jambe, qui la fit beaucoup souffrir. Dès lors elle baissa sensiblement et nous crûmes prudent de la faire administrer. Près de trois mois devaient encore s'écouler avant l'heure de sa délivrance. Qu'ils furent longs ces jours de lente agonie, alors que chaque instant semblait devoir nous la ravir ! La chère victime était sur l'autel du sacrifice, et se consumait en des alternatives de mieux et de plus mal.

Le 2 juillet, son neveu, digne curé du diocèse de Tulle, arrivait tout ému lui faire une sainte et consolante visite. Il était envoyé par sa vieille mère, soeur de notre vénérée malade ; le temps n'avait pas affaibli cette affection si vive que lui avaient vouée les siens et ce prêtre fervent venait tous les représenter auprès de ce lit d'agonie. Il put lui porter le saint Viatique et lui parler à la grille des malades où ils répétèrent ensemble le Magnificat. Un de ses petits neveux, séminariste à Saint-Sulpice, eut le regret de ne pouvoir assistera cette réunion. Mais comme dédommagement, n'avait-il pas eu les dernières lignes tracées par sa vénérée tante ?       ...

Durant ces jours de souffrance, Jésus Hostie vint chaque semaine réconforter son âme pour le grand passage. La grâce de l'absolution lui fut souvent renouvelée par notre Père confesseur, si dévoué à nos âmes ! Monseigneur notre Evêque, dans sa grande bonté, vint aussi lui apporter sa paternelle bénédiction, et lui adresser d'encourageantes paroles. Que de prières l'ont entourée jusqu'à la fin ! Elle s'y unissait et nous montrait le ciel comme étant le lieu de son repos : « Allons chez nous... là-haut !.. » aimait-elle à répéter. Puis elle suppliait Marie de lui tendre la main. Oh oui ! elle était là cette Mère bénie, elle assistait cette âme qui s'était placée entre ses bras maternels !

Les trois derniers jours, notre chère mourante ne donnait plus signe de connais­sance. Une paix sereine se répandait parfois sur sa physionomie, elle semblait plongée dans un profond sommeil. Le 7 septembre, à onze heures du matin, un râle douloureux souleva sa poitrine, et dura jusqu'à cinq heures du soir. Alors il se produisit un grand calme, et vers les six heures moins un quart cette âme si bonne s'envolait vers la Patrie, entourée de sa Mère et de toutes ses Soeurs qui l'assistaient de leurs supplications ferventes.

Après son décès, le visage de notre regrettée Doyenne se revêtit de beauté et prit un air de béatitude. Toute trace de souffrance disparut. Nous avions l'intime convic­tion qu'elle était déjà au ciel.        

Un nombreux clergé voulut bien assister à ses obsèques, qui furent présidées par M. de Pélacot, vicaire général, notre digne supérieur. Le vénéré Pasteur de notre paroisse vint aussi, malgré son état de souffrance, nous donner ce gage de sa pater­nelle affection. La grand'messe fut chantée par nos bons Frères de l'Orphelinat de Saint-François-Régis.  

Et maintenant, ma Révérende Mère, nous espérons qu'après avoir servi si longtemps et si généreusement le divin Maître, notre chère Doyenne a reçu la récompense promise aux serviteurs bons et fidèles, et qu'elle est entrée dans la joie de son Seigneur. Mais nous comptons sur votre charité, ma Très Révérende Mère, pour lui faire rendre au plus tôt les suffrages de notre saint Ordre. Par grâce une

communion de voire fervente Communauté, une journée de bonnes oeuvres, lé Via Crucis, l'indulgence des six Pater.

Elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous qui avons la grâce de nous dire, auprès du berceau de Marie-Enfant.

Ma Révérende Mère,

Votre très humble Soeur et servante, Soeur MADELEINE, de Saint-Joseph,

R. C. ind.

De notre monastère du Coeur de Jésus, de Notre-Dame du Mont-Carmel et de notre père saint Joseph, des Carmélites du Puy, ce 15 septembre 1897.

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