Carmel

12 janvier 1889 – Orléans

Ma Révérende et très honorée Mère,

Très humble et très respectueux salut en Notre-Seigneur, qui est venu mêler pour nous de l'amertume aux douces joies delà fête de Noël, en nous demandant un nouveau sacrifice par la mort de notre très; chère Soeur THÉRÈSE de SAINT JOSEPH du CŒUR de MARIE, professe et doyenne de notre Communauté âgée de soixante-dix-huit ans deux mois, et de religion cinquante ans dix mois.
Notre bonne Soeur appartenait à une chrétienne famille de la Savoie ; elle fut baptisée dans l'église de Sainte-Marie, de Mouliers en Tarentaise. Nous citons cette circonstance, ma Révérende Mère, en  vous priant de bénir avec nous la Vierge Marie d'avoir, du berceau à la tombe, protégé cette âme si particulièrement, ce qui a souvent fait dire dans notre Communauté : Comme la Sainte Vierge aime ma Soeur du Coeur de Marie !                                                                                                                                                                            
La mémoire heureuse de notre chère Doyenne secondait son coeur; elle ne se lassait pas de faire le récit des accidents, des événements où cette protection de la divine Mère avait été remarquable. Elle en faisait le sujet favori de ses récréations : dans son bas âge, c'était une louve qui cherchait à l'emporter dans la montagne. Une autre fois, montée sur un toit périlleux par une voie impossible à la prudence, elle y devait périr si le Ciel n'eût veillé à sa garde. Plus tard à Paris, c'était une voleuse d'enfants déjà chargée d'une charmante victime appelant sa mère à gros sanglots qui voulait entraîner Amélie par la main. Nous dépasserions les bornes d'une circulaire si nous nous étendions sur toutes les circonstances où la divine Mère veilla sur son enfant.
                                       
Le coeur dominait tout chez elle ; aussi, grandes furent ses sollicitudes pour la plus chère amie de sa première enfance; c'était une véritable centenaire de cent douze ans. La charité dont elle l'entourait, son assiduité â lui tenir compagnie, ses craintes de la perdre trop tôt, étaient choses touchantes à cet âge. On des plus pieux souvenirs de notre chère Soeur était de s'être introduite près d'un prêtre isolé, de l'avoir assisté à la mort, et reçu son dernier soupir. Le moribond, touché de la charité de la petite fille, l'avait bénie, et cette bénédiction fut pour elle la plus douce des récompenses.

Chez Amélie, la réflexion n'égalait pas le coeur; aussi une surveillance de tous les instants lui était-elle bien nécessaire de la part de ses parents. La mort prématurée de sa pieuse mère fut une grande perte pour elle. Dans ses derniers instants, les enfants ayant été écartés, Amélie vint avec son coeur et son indé pendance frapper à la porte de la chambre à coups de pieds afin d'arriver près de sa mère. La pauvre agonisante voulut la voir encore et lui dit : « Mon enfant, je t'ai confiée à la Sainte Vierge, elle sera la Mère, elle prendra soin de toi. » La divine Mère accepta la tutelle de cette enfant qu'elle aimait déjà, et disposa tout pour son bien.  
Peu après, conduite à Paris par son père, ce fut une vraie grâce pour son âme d'être admise dans la pieuse maison de la Providence, où elle s'attacha à ses bonnes maîtresses et surtout à la vénérée Mère Madeleine, supérieure si digne et si justement aimée, qui, avant de mourir, voulut faire le voyage' d'Orléans pour revoir son Amélie et lui donner ses avis et ses encouragements. Notre chère Soeur ne pouvait tarir sur les bontés de sa Mère Madeleine, et jamais enfant ne fut plus sensible et plus pénétrée de gratitude à son égard.

Attachée à Marie par des liens intimes, cette âme éprouva le désir de suivre l'exemple de celles de ses compagnes qui avaient dirigé leurs pas vers le Carmel. La Révérende Mère Camille de Soyecourt ayant essayé de relever le Carmel de Compiègne, ce fut là qu'elle fit son premier essai de la vie religieuse, elle y entra le 8 février 1838, et reçut le nom du Coeur-de-Marie que l'on célébrait alors en ce jour. Chaque époque de sa vie devait être marquée par une nouvelle preuve de l'amour maternel de sa Mère immaculée.
Mais une grande épreuve l'attendait. Les difficultés qui survinrent ayant nécessité la dispersion des
sujets, la novice dut se retirer aussi. Elle fut acceptée dans notre Carmel par la Révérende Mère Euphrosine, de douce mémoire, alors Prieure. Ma Soeur du Coeur-de-Marie vint directement à Orléans sans mettre le pied dans le monde. Elle fut donc définitivement fixée dans un monastère dédié à la Sainte Mère de Dieu, et c'était en la fête de Notre-Dame-des-Neiges (1839) que nos portes s'ouvrirent pour la recevoir. Comme elle avait déposé le saint habit pour le voyage, il lui fut rendu au bout de trois mois et elle fit sa profession après une année de noviciat, en la fêté de la Présentation de la Très Sainte Vierge.
Notre bonne Soeur est restée toute sa vie comme une enfant. Si elle en a eu quelques faiblesses, elle en avait aussi quelques qualités qui nous la rendaient chère. Elle était humble sans le soupçonner, elle se tenait sincèrement pour la plus imparfaite, et l'aveu de ses misères nous a souvent touchée. C'était le petit enfant versant des larmes en disant à sa mère qu'il ne le ferait plus.
Avec le genre de son caractère, notre bonne Soeur pratiquait la vertu. Elle était courageuse et fidèle dans la pratique de nos saintes observances. Quoique le jeûne dût être pénible à son bon appétit, elle l'observait encore âgée de plus de soixante-quinze ans. Quand ses Prieures voulaient le lui adoucir, ce qui lui allait le mieux, disait-elle, c'étaient quelques bouchées de pain sec. Dans ses indispositions, elle se hâtait bientôt de sortir des soulagements avec une exactitude édifiante. Dans les derniers temps de sa vie, nous lui avons reconnu des habitudes de mortification qui faisaient notre admiration. Alors qu'un fauteuil de malade lui semblait si nécessaire, elle ne pouvait l'accepter; une chaise de paille était tout ce qu'il fallait, et quand elle croyait pouvoir se soutenir sur sa petite selle de bois, elle y revenait vite, encore qu'il lui arriva souvent de tomber à terre en dormant.

Elle a bien tenu sa place dans la Communauté par sa fidélité à se trouver aux exercices jusqu'à ses derniers jours. Être avec la Communauté était le besoin de son coeur. Quoiqu'elle eût peine à marcher, elle la suivait du choeur au réfectoire et se trouvait à toutes les prières qui suivent les grâces descendant à l'avant-choeur à son rang et cela encore peu de jours avant sa mort.
Sa forte voix fut bien utile au choeur; elle était si heureuse d'y officier qu'elle eut à faire un grand sacrifice pendant les derniers mois de sa vie quand son état ne le lui permit plus. Pour adoucir son épreuve, il fut réglé qu'elle suppléerait notre chère Soeur portière dans l'office de semainière. Cette mesure de con descendance lui fut très agréable, et nous n'eûmes qu'à la féliciter de sa ferveur; elle était si attentive et si heureuse quand elle pouvait être suppléante, que nous jouissions de son contentement.
Notre bonne ancienne fut toute sa vie facile à contenter comme un enfant ; de petits riens de la part de ses Mères et Soeurs semblaient lui faire plaisir. Longtemps chargée du réfectoire, au moment des fêtes de ses Prieures, elle mettait tout son savoir-faire à préparer les décorations de leur table. Dans ces circonstances, lui donner un regard de satisfaction, faire une caresse au petit mouton par elle placé sur la table, lui était une vraie joie, elle voyait le Seigneur dans son Pasteur, et son travail avait un but surnaturel.
A cette âme expansive, le soin d'un ermitage était nécessaire ; il tint une grande place dans sa vie. C'était le premier orné, parfois plusieurs jours avant les fêtes qui étaient fréquentes pour son oratoire. Quel qu'en fût le titulaire, sa divine Mère en était la Reine, et l'objet et le centre vers lequel tous ses soins étaient dirigés. La Vierge Immaculée était la Mère, la Maîtresse, la Consolatrice de son enfant qui se répandait à ses pieds dans des épanchements naïfs, pleins de tendresse, de candeur et d'abandon filial. Notre jeunesse aimait à mettre notre chère Doyenne sur le terrain des grâces de la Très Sainte Vierge ; elle laissait volontiers déverser son coeur, et ses récits furent souvent le sujet de joyeuses récréations. Ce tendre attachement pour la Sainte Mère de Dieu ressemblait à l'amour du petit enfant pour sa mère, qui ne pense qu'à elle et qui va se réfugier sur son coeur au temps de ses chagrins. Ce tempérament formé à l'air vif des montagnes avait besoin de quelques tours au jardin; la bonne Soeur rencontrait-elle les premières violettes du printemps, quelques prémices des rosiers, quelques jolies fleurs, c'était pour sa Mère Immaculée. Elle s'inclinait en passant près des images de Marie, et chaque jour elle se mettait à genoux au milieu d'un passage en disant l'Ave Maria, devant la statue de Notre-Dame-de-la-Garde, objet de sa dévotion et de ses soins. Dans ses vieux jours, sans calculer le danger, elle gravissait une échelle pour atteindre sa Divine Mère et y maintenir la propreté. Le Rosaire, le Chapelet, les Sept-Douleurs, l'office de l'Immaculée-Conception composaient un second bréviaire cher à la piété filiale de notre bonne Soeur. Elle avait été fidèle à une prière favorite pour obtenir la grâce de voir la Mère de miséricorde au moment de la mort; aussi, dans ses derniers jours, appelait-elle ardemment la Divine Marie.                 
Saint Joachim et sainte Anne étaient de vrais grands-parents pour cette âme. Une image, qui les représente avec la Sainte Vierge enfant, placée au chevet de son lit, recevait chaque jour le témoignage de sa dévotion par un baiser. C'était un chagrin de ce que son grand-père saint Joachim n'était pas nommé dans les litanies des Saints. Quand notre saint Evêque venait nous, bénir avant ses voyages à Rome, notre bonne Soeur le priait avec instance d'avoir la bonté de porter son désir aux pieds du Saint-Père et d'en faire la demande.                                                      
Elle aimait tant notre Père saint Joseph et notre Sainte Mère qu'elle avait joint leurs noms à celui du Coeur de Marie au jour de sa profession. Notre chère Soeur lisait beaucoup ; sa mémoire et son coeur possédaient la vie de notre Sainte Mère; l'histoire de notre saint ordre lui était familière. Elle aimait
aussi notre Père Saint Jean de la Croix ; elle connaissait les biographies de nos premières Mères, c'était pour son coeur récits de la famille; tous ces souvenirs lui fournissaient amples matières de récréation où elle était si heureuse de se réunir à ses Soeurs qu'elle aimait beaucoup et qui l'aimaient aussi.
Ainsi s'écoulait la vie de notre chère Soeur dans l'humilité de la vie cachée ; sans attirer les regards, elle préparait sa couronne par un grand courage dans les infirmités qu'elle porta vaillamment dans ses dernières années, où des douleurs, des souffrances venaient par moment accroître ses mérites pour l'éter nité ; elle les endurait le plus possible avec Dieu et ne se plaignait pas facilement.
L'hiver dernier se passa péniblement, et il fut nécessaire de la mettre à l'infirmerie. Bien loin de s'attendrir sur son état, elle arrivait fidèlement au choeur dès sept heures du matin pour la sainte messe, malgré son étouffement. Nous étions édifiées de sa ferveur, de son ardeur pour la sainte Communion qu'elle ne pouvait se résigner à perdre, alors que des nuits péniblement passées lui faisaient sentir le besoin de quelques soulagements.                                                                        

Au mois de février, elle atteignait cinquante ans de religion depuis son entrée à Compiègne. Sa jubilation longtemps désirée arriva enfin ; elle fut fixée après Pâques. Monseigneur, à peine relevé de maladie, voulut bien choisir ce jour-là pour venir nous donner la bénédiction papale, et nos chères jubilaires en furent, comme nous toutes, grandement reconnaissantes.
Ma Soeur du Coeur-de-Marie ne désirait plus rien sur la terre. Cependant, les beaux jours lui ayant permis de venir même à Matines, nous ne pressentions pas sa fin prochaine ; mais au mois de septembre, elle fut de nouveau bien fatiguée; elle dut s'aliter pour la fête de la Nativité de la Sainte Vierge. Elle était habituée à ce que sa divine Mère, dans ses solennités, lui apportât quelques souffrances. Notre chère malade comprit qu'elle approchait de l'éternité et nous sentions le travail de la grâce dans cette âme. Elle nous disait que la maladie était une grande faveur de Dieu, et elle se purifiait à cette lumière en repassant ses années. Contre notre attente, elle se remit assez pour reparaître en Communauté, avec une ferveur qui dépassait ses forces. Venait-elle à savoir que nous avions une première messe pendant l'oraison, elle était en sollicitude avant le signal du réveil, afin que la bonne Soeur du voile blanc qui repose près de nos infirmes, l'aidât assez tôt pour n'y pas manquer. Sa charité pour sa vieille compagne de noviciat, de jubilation et d'infirmerie était touchante; dès sept heures moins le quart, sa lampe d'une main, elle guidait sa chère aveugle à pas tremblants dans l'escalier et qu'elle était heureuse de lui prouver jusqu'à la fin son fraternel attachement.

Au mois d'octobre, notre chère Soeur nous demanda de devancer l'époque de sa retraite annuelle dans la crainte de ne pouvoir la faire plus tard. Au mois d'août, elle avait suivi les exercices qui nous  furent donnés par un bon Père Jésuite tout paternel pour nos âmes et depuis un an elle avait déjà fait deux retraites particulières, car il ne lui avait pas paru possible de célébrer son jubilé sans une préparation particulière. Pour concilier sa ferveur et son état de souffrance, il fut décidé que nous aurions cependant la joie de la posséder à la récréation. Dans sa simplicité d'enfant, elle ne vit que tendresse de sa Prieure dans cet arrangement. Le premier jour de ses exercices, ayant été empêchée de nous trouver au commencement de la récréation, notre fervente ermite se rendit timidement près de la Mère Sous-Prieure en lui disant religieusement : "Notre Mère n'étant pas là, puis-je rester ?" car il était convenu qu'elle se mettrait auprès de nous. En parlant alors de ses dispositions, elle assurait que notre cher gardien, qu'elle aimait beaucoup, pouvait entendre son compte-rendu. Quand nos Soeurs en se récriant lui disaient par interrogation : « Ma Soeur du Coeur-de-Marie, vous êtes en retraite? » Elle répondait: " Je suis dans l'obéissance."                                                                             
En tirant les billets des patrons du mois de décembre et les statues que nous portons aux cellules en procession, notre chère Soeur reçut la statue de Marie qu'elle avait si souvent en partage, que c'était chose bien frappante. Celle fois, elle dit que sa divine Mère venait la chercher. Puis son billet du mois lui donna le mystère de Noël à honorer ; elle dit aussi qu'elle mourrait peut-être dans cette belle nuit, comme la Révérende Mère Hyacinthe, une de ses compagnes carmélites. Ses pressentiments devaient s'accomplir.
La veille de l'Immaculée-Conception, notre chère Soeur se trouva plus fatiguée. Le catarrhe dont elle souffrait devenait plus grave. Elle crut que la Très Sainte Vierge viendrait la chercher pendant son octave, et elle demandait. l'Extrême-Onction avec instance, tout en se confiant à nous. Son esprit de foi nous édifiait ; sa Prieure était pour elle une Mère aimée qui lui représentait Dieu et l'objet de son respect. Nous trouvions bien de la consolation près de notre chère malade, si reconnaissante, si filiale, si pénétrée de son peu de valeur qu'elle s'étonnait que l'on prît tant de soins d'elle, en disant avec émotion : « C'est trop pour une pauvre vieille comme moi."
Puis elle cherchait à nous consoler de la peine que notre coeur éprouverait en la perdant: « Ma Mère, comme ce sera triste pour vous d'avoir deux enterrements si rapprochés !
Elle était, comme une aimable enfant.                         
Si la vertu acquise en santé paraît en maladie, notre chère Soeur s'y est montrée une religieuse mortifiée et dégagée d'elle-même, et ses chères infirmières n'avaient qu'une seule voix pour nous dire: Qu'elle est bonne, ma Soeur du Coeur-de-Marie !
Depuis longtemps, une jeune infirme à vie entourait notre bonne Soeur du Coeur-de-Marie du plus
tendre dévouement; son coeur reconnaissant lui faisait besoin de l'avoir toute la journée dans son infirmerie, et avant de s'aliter, c'était appuyée sur son bras qu'elle aimait à se rendre jusqu'aux pieds de sa divine Mère où elle chantait doucement son petit couplet:

Je voudrais quitter cette terre
Je veux m'en aller avec toi
Je voudrais te suivre, ô ma Mère
Marie, emmène-moi !

Dans la nuit du 14 au 15 décembre, une crise nous donna de vives alarmes. Notre dévoué Père Aumônier vint dès quatre heures du matin lui donner les derniers Sacrements. Après la cérémonie, notre bonne Soeur disait : « Que je suis heureuse, je n'ai plus rien à désirer. » Elle vécut encore dix jours entre la vie et la mort. Quand nous lui demandions si elle souffrait beaucoup, elle ajoutait : "Beaucoup, beaucoup" ; mais elle était patiente et résignée sur la croix. Elle eut des moments d'angoisse: « Je suis au jardin des Oliviers », disait-elle. Elle s'unissait aux sentiments que nous lui suggérions. Elle priait sa divine Mère; en baisant sa statue, elle faisait cette invocation : Maria mater gratiae, mater misericordiae, In nos ab hoste protege, et hora mortis suscipe.
Elle disait souvent: "Comme je voudrais mourir! La Sainte Vierge ne vient pas. Marie, ma bonne Mère, venez me chercher. L'Époux est bien long à venir." Elle baisait son crucifix et le pressait sur son coeur.                                                                                                      
Monseigneur ne voulut point laisser partir notre chère Soeur sans venir la bénir avec bonté en lui promettant d'offrir le saint sacrifice à son intention avec l'indulgence de l'autel privilégié et en ajoutant paternellement qu'il faisait ainsi à la mort de toutes ses religieuses; nous bénissons chaque jour le Seigneur d'avoir un tel Père !
Notre vénéré Père Supérieur vint plusieurs fois consoler notre chère malade, et M. notre Aumônier entourait son âme des secours de son ministère, venant selon notre désir presque chaque jour lui renouveler la sainte Absolution depuis qu'elle était en danger de mort. Elle reçut aussi plusieurs fois le Saint Viatique. Chaque visite de nos bons Pères semblait lui rendre un peu de vie, et elle profitait de toutes ces grâces, Notre-Seigneur lui ayant laissé son intelligence, quoique sa parole fût difficile à comprendre.              

Le fort tempérament de notre bonne Soeur nous donnait l'espoir de la conserver encore un peu, cependant, craignant une surprise, nous étions souvent auprès d'elle. Le soir de la veille de Noël, obligée de la quitter quelque temps, nous fûmes bientôt prévenue d'y retourner; un étouffement accompagné de signes de mort prochaine s'était déterminé dans quelques instants. La Communauté ne tarda pas à se réunir à l'infirmerie, et pendant que nous récitions les prières de la recommandation de l'âme, notre bonne soeur expira doucement vers huit heures vingt minutes.

La piété de notre chère défunte envers la Très Sainte Vierge nous donne la confiance, que sa maternelle protection l'aura suivie et abritée devant le souverain Juge. Cependant, ma Révérende, Mère, nous vous prions de vouloir bien ajouter aux suffrages déjà demandés, par grâce, une Communion de votre sainte Communauté, le Chemin de la Croix, l'indulgence des six Pater, la journée de bonnes oeuvres et un Magnificat, pour remercier la divine Marie de ses bontés envers cette âme qui en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui avons la grâce de nous dire avec un profond respect en Notre-Seigneur,
Ma Révérende et très honorée Mère,
Votre bien humble servante,
Soeur MARIE-THÉRÈSE DU SAINT-SACREMENT
De notre Monastère de la sainte Mère de Dieu et de notre Père saint Joseph des Carmélites d'Orléans, le 12 janvier 1889

P.-S. — Ma Révérende Mère, veuillez nous permettre de recommander à vos prières l'âme de Monsieur l'Abbé Gaduel, Vicaire Général, Chanoine théologal de l'Église d'Orléans, auquel notre Communauté doit bien de la reconnaissance par les secours spirituels que nous en ayons reçus pendant près de quarante ans. D'abord Confesseur ordinaire, puis Confesseur extraordinaire, il fut pour nous jusqu'à sa mort le Père le plus dévoué. Sa vie a été humble et cachée aux yeux des hommes, mais elle est grande aux yeux de Dieu, car elle fut une vie vraiment sacerdotale.

Imp. Georges Jacob - Orléans

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