Carmel

10 juillet 1888 – Bethléem

Ma très Révérende Mère,
Paix et salut en Notre Seigneur, dont la Divine Volonté vient de rappeler à lui notre chère Soeur Marie de la Croix, professe du Carmel de Pau, dans la 54me année de son âge et la 27me de sa profession de religieuse du choeur.
Notre chère Soeur était née d'une famille honorable et  chrétienne de Bayonne.
En 1875 elle vint partager les premiers travaux et les  consolations de la fondation du Carmel de Bethléem ; car pour les épreuves ordinaires au début d'une fondation, elles nous furent épargnées par l'incomparable générosité et les  sollicitudes de Mlle de St Cricq Dartigaux notre ve-nérée Fondatrice, qui nous accompagna et nous laissa  de tout souci matériel. Plus tard, non contente d'avoir assuré à perpétuité l'existence de notre Carmel, déjà solide ment construit par ses soins, elle lui assura encore les secours spirituels et le service de la chapelle en fondant tout auprès une Résidence de Pères du Sacré Coeur de Betharram.
En 1879, après nous avoir tout donné, notre vénérée et bien-aimée Mère Fondatrice se donna elle-même, et vint habiter au milieu de ses filles, qu'elle aima et servit comme la meilleure et la plus tendre des Mères, jusqu'au 5 Mars de l'année dernière, où elle s'envola dans le sein de celui à qui elle avait tout donné. Sa dernière heure, miroir fidèle de toute sa Vie y fut marquée des signes les plus consolants de la plus rare prédestination.
Permettez-nous, ma Révérende Mère, de recommander à vos prières, et à celles de votre pieuse Communauté, notre vénérée et bien-aimée Mère Fondatrice et sa noble et chrétienne famille.
Pour notre chère Soeur Marie de la Croix, dont l'esprit de foi fut le caractère distinctif, elle eût aussi toute sa vie une dévotion spéciale à Notre Père St. Joseph et au très St.. . Ces dévotions, nous n'en doutons pas, furent pour elle la source de nombreuses grâces, et particulièrement de celles qui marquèrent les derniers jours de son pèlerinage ici-bas.
Son esprit d'ordre, de propreté, la rendirent dévouée et  dans les offices dont elle fut chargée, et vigilante à conserver toutes les choses dont elle avait 1' usage.
Sa santé s'altérait insensiblement depuis quelques mois ; mais elle continuait, à suivre tous les exercices de la Communauté, suppliant qu'on la laissât aller autant qu'elle le pourrait. Une hydropisie générale qui s'est déclarée, et qui a fait en très peu de temps de rapides progrès, l'a enfin arrêtée.
Lundi, 2 Juillet, elle entendit la St. Messe et fit la Ste Communion ; un vomissement survenu la nuit suivante 1' em-pècha de la faire le lendemain.
Le Mercredi elle se rendait au choeur pour communier lorsqu' une faiblesse la retint. Le Jeudi on lui porta la Ste. Communion, qu'elle reçut à jeun; et quelques heures plus tard le Sacrement de l'Extrême-Onction lui fut administré. Elle tenait le manuel de notre St. Ordre, suivant et répondant à toutes les prières. Avant de réciter le Confiteor elle demanda pardon à la Communauté dans les termes les plus humbles et les plus éditants. Elle nous conjura toutes, à haute voix, de remercier le bon Dieu pour elle de lui avoir accordé la grâce de vivre et surtout de mourir à Bethléem.
Elle ne cessa après la cérémonie et toute la journée d'exalter les miséricordes de Dieu pour cette grâce dont elle parlait toujours avec des élans de reconnaissance.
Elle resta calme, sereine, confiante et surtout reconnaissante jusqu'à son dernier moment  où elle rendit son âme si doucement que son dernier souffle passa inaperçu. Un instant  elle demanda à la Soeur infirmière de lui donner son crucifix à baiser. Elle ajouta : Priez pour moi ! et ce fut
fini. C'était à l'aurore du Samedi du 7 Juillet.
Nous avons la douce confiance que le bon Dieu aura reçu cette chère âme dans sa miséricorde ; et nous vous prions, ma Révérende Mère, de lui accorder tout ce que votre charité voudra bien ajouter aux suffrages déjà demandés. Elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous, ma Révérende Mère, qui avons l'honneur d'être auprès de la Crèche du St Enfant Jésus
Votre très humble petite Soeur et servante Soeur Thérèse de Jésus
Carm. déch. i.
De notre Monastère du St. Enfant Jésus de la Colline de David.
Bethléem, ce 10 Juillet 1888.

Jérusalem – Imprimerie des PP. Franciscains

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