Carmel

10 avril 1892 – Rouen

 

Ma très Révérende Mère,

Que la grâce du Saint-Esprit soit toujours en l'âme de votre Révérence ! Amen !

Il y a à peine un mois, le divin Maître enlevait à notre affectueuse vénération notre excellente Mère Marie- Joseph. Un nouveau vide vient de se faire parmi nous: Notre chère Soeur Marie-Madeleine de Saint-Joseph s'est endormie du sommeil des justes; elle était âgée de 88 ans, et de religion 63 ans 5 mois.

Douée d'une très bonne santé, d'une grande énergie et d'un dévouement incomparable, notre chère Soeur fut une vraie ressource pour la Communauté par son activité au travail et son dégagement d'elle-même. Possédant à un haut degré l'esprit de sa vocation de Soeur du voile blanc, elle ne comptait jamais avec la fatigue. Se donner, se dépenser pour ses Mères et Soeurs, lui semblait tout naturel. Lorsque son grand âge et l'épuisement de ses forces obli­gèrent à la mettre au repos, ce lui fut un bien grand sacrifice ; aussi cherchait-elle encore à se rendre utile en tout ce qu'elle pouvait.

La grande dévotion de notre bonne Soeur Madeleine était le Rosaire, qu'elle récitait plusieurs fois chaque jour, l'appliquant aux besoins de la sainte Eglise et pour la conversion des pécheurs.

Ame de foi et conduite par la confiance, elle ne craignait pas la mort et s'y préparait depuis longtemps ; très gaie par caractère, souvent, à la récréation, elle impro­visait quelque couplet, chantant son départ pour la patrie. « Je décline, j'attends le coup..., » nous disait-elle, presque chaque fois qu'elle nous voyait.

Ce coup, en effet, fut frappé, ma digne Mère, il y a un mois, alors qu'une épidémie d'influenza sévissait sur notre Carmel ; elle ne s'alita pas, mais depuis, un affai­blissement considérable se manifesta peu à peu, et il y a quinze jours, nous crûmes prudent de lui faire recevoir l'Extrême-Onction, ce dont elle fut très joyeuse. Deux jours après, une congestion pulmonaire se déclarait, et notre bien-aimée Soeur rendait son âme à son cher Rédempteur, après avoir reçu une dernière absolution.

Nous vous prions, ma très Révérende Mère, de bien vouloir lui faire rendre au plus tôt les suffrages de notre saint Ordre. Elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui aimons à nous dire avec un religieux respect.

Ma très Révérende Mère, de votre Révérence,

 

la très humble Soeur et Servante,

S. MARIE de JÉSUS c. d. i.

Prieure

 

De notre Monastère de la sainte Mère de Dieu et de saint Joseph, des Carmélites déchaussées de Rouen, le l0 Avril 1892.

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