Carmel

03 Mai 1893 – Tours

Ma REVERENDE ET TRÈS HONORÉE MERE.

Paix et très humble salut en Notre-Seigneur, dont la volonté toujours adorable, nous soumet en ce moment à une bien douloureuse épreuve.

Depuis trois semaines l'influenza s'est abattue sur notre Carmel et le fléau sévit dans toute son intensité. Dix-sept d'entre nous sont au lit, la plupart avec complication de bronchites, tandis que trois, atteintes de congestion pulmo­naire, nous donnent de vives inquiétudes.

Une de nos chères soeurs du voile blanc a été la victime choisie par le Seigneur, et sa perte nous a été d'autant plus sensible que, retenue nous-même à l'infirmerie, nous avons été privée de la consolation suprême de l'assister à ses der­niers moments et de lui fermer les yeux.

La vie si fervente de notre chère soeur Marie de Saint- Gabriel, couronnée par une mort si douce et entourée de tous les secours de notre sainte religion, nous est du moins un gage de l'accueil tout miséricordieux qu'elle aura reçu du Souverain Juge. Elle était âgée de 63 ans et avait 36 ans de vie religieuse.

Dans l'impuissance où nous sommes de nous occuper d'une circulaire, nous vous prions, ma Révérende Mère, de lui rendre au plus tôt les suffrages de notre Saint Ordre ; par grâce, une communion de votre fervente communauté, l'in­dulgence du Via Crucis, et tout ce que votre charité voudra bien appliquer à cette chère âme, dont la reconnaissance était une des vertus caractéristiques.

Nous ne pouvons qu'adorer et bénir la main divine qui, lors même qu'elle nous frappe, est toujours dirigée par un amour dont la mesure surpasse infiniment celle de l'épreuve. Néanmoins, ma Révérende Mère, permettez-nous de solli­citer humblement vos bonnes prières pour notre chère Com­munauté, afin que de nouvelles séparations ne nous soient pas imposées, et que cette visite de Jésus avec sa Croix soit pour nous toutes une semence féconde de grâces et de béné­dictions.

C'est au pied de cette même Croix que j'aime à me dire, ma Révérende Mère, avec un religieux et profond respect.

 

Votre humble soeur et servante,

Sr M. Madeleine du Sacré COEUR. r.c. i.

De notre Monastère de l'Incarnation et de la Sainte-Famille des Carmélites de Tours, le 25 avril 1893.

 

Le divin Maître vient de nous frapper de nouveau par un coup bien douloureux : Notre bonne et si chère soeur Marthe de Saint-Élie, doyenne de nos soeurs du Voile blanc, s'est éteinte doucement, en pleine connaissance et dans les dispositions les plus admirables, cette nuit, au moment même où nous adorions le Verbe Incarné.

En attendant que nous puissions nous entretenir avec vous, ma révérende Mère, de sa vie si religieuse et de sa sainte mort, veuillez lui appliquer les suffrages de notre saint Ordre, et implorer la divine miséricorde pour notre Carmel si affligé.

3 mai, fête de l'Invention de la sainte Croix.

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