Carmel

Souvenirs de Céline sur sa Première Communion

Extraits de ses souvenirs autobiographiques

J'arrivai à l'époque de ma première Communion. J'y fus préparée longtemps à l'avance par mes sœurs chéries, mais ce fut surtout les 3 derniers mois qui précédèrent cette grande action, que je fus l'objet d'une particulière sollicitude. Nos mamans, Marie et Pauline, avaient chacune leur attribution spéciale. Marie était la maman en titre et Pauline la maman spirituelle. Ce fut donc Pauline qui me prépara à ma première Communion. Tous les soirs en revenant de l'Abbaye j'allai prendre place sur ses genoux...   
Oh! que j'étais bien prête quand s'ouvrit la retraite qui devait nous introduire au divin banquet! Je m'étais fait une telle idée de la pureté du cœur que je ne voulais souffrir rien qui put la ternir. Pendant ces quelques jours de retraite je fus tout à fait pensionnaire et ne retournais plus le soir aux Buissonnets. Cela me coûta beaucoup, je ne pouvais m'habituer à vivre loin de mes parents et surtout les nuits me paraissaient si tristes sans ma Thérèse, qu'involontairement j'avais des cauchemars et me réveillais en sanglotant. Hélas! je n'étais pas seule à me réveiller, car en l'une de ces circonstances je vis auprès de moi la première maîtresse qui venait sécher mes larmes avec une bonté toute maternelle. Elle me recommanda d'être bien sage se félicitant toutefois de ne me posséder que momentanément.
Thérèse venait me voir tous les jours avec Papa. Une fois elle tenait à la main un petit bouquet de cerises qu'elle me donna avec une telle expression d'indéfinissable tendresse qu'un trait délicieux me transperça jusqu'au fond du cœur... Il y a 29 ans de cela ; et lorsqu'à chaque printemps apparaissent les nouvelles cerises, je ne manque jamais, presque instinctivement d'en faire un bouquet dont la vue fait jaillir en mon cœur un flot de souvenirs.
Enfin le beau jour entre les jours se leva aussi pour moi. La description qu'en fait Thérèse du sien est tellement l'écho de mes propres sentiments que pour être vraie il me faudrait la copier. Encore aujourd'hui la vue « des flocons neigeux » me fait tressaillir... le chant du cantique matinal « O Saint Autel qu'environnent les Anges ! » fait encore vibrer mon cœur. En un mot, tout ce qui me rappelle cet heureux jour est embaumé de senteurs uniques dont le temps ne pourra jamais amoindrir la suavité.  Je me souviens que j'avais à réciter "l'Acte d'humilité" et que j'en étais bien heureuse. Avec quel cœur et quelle conviction je dis bien haut: Qui suis-je, ô mon Dieu, pour que vous daigniez jeter les yeux sur moi ? D'où me vient cet excès de bonheur que mon Seigneur et mon Dieu veuille venir à moi, moi plus misérable que le néant ?...
Oui, ce fut avec une ineffable joie que je reçus mon Bien-Aimé, je l'attendais depuis longtemps. Ah! que de choses j'avais à lui dire!.. Je lui demandais d'avoir pitié de moi, de me protéger toujours et de ne jamais permettre que je l'offense, puis je lui donnai mon cœur sans retour et lui promis d'être toute à Lui... Je sentis bien qu'il daignait m'accepter pour sa petite épouse et qu'il remplirait envers moi l'office de défenseur que je lui avais confié, je sentis qu'il me prenait sous sa garde et me préserverait à jamais de tout mal... Après cet échange de mutuelles promesses, tout était dit... et cependant, le cœur de la petite Céline était encore si plein, que ne pouvant contenir les effluves de paix et de joie célestes qui l'inondaient, sa prière s'acheva dans un flot de larmes...
Le soir, ce fut moi qui récitais l'acte de consécration à la Ste Vierge. Oh! combien j'étais heureuse de prendre la parole, en présence de tout le monde, pour me donner irrévocablement à ma Mère du Ciel que j'aimais avec une tendresse incomparable. Il me sembla qu'acceptant pour sienne la petite orpheline qui était à ses pieds, elle l'adopta pour son enfant...
Ce jour fut véritablement celui de mes fiançailles, à partir de cette époque bénie je me corrigeai de certains défauts dont je n'avais pu jusque là avoir raison. Est-ce étonnant qu'il en fut ainsi ? Comment le sang de Jésus coulant dans mes veines, sa chair se mêlant à ma chair, tout mon être n'aurait pas été transformé ?... Le feu de l'amour divin, en pénétrant en moi, me purifia de toutes mes souillures et cette purification une fois accomplie, ne trouvant plus d'obstacles à son action consumante, il pénétra et embrasa son pauvre petit tison par une incandescence totale qui le rendit en quelque sorte invulnérable à l'action du feu d'enfer dans lequel le démon projetait de le jeter.