Carmel

La fabrication de l'Histoire d'une âme

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L'équipe de Histoire d'une âme 1898

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En haut à gauche l'oncle Isidore, Thérèse malade suplombant l'Abbaye de Mondaye, Mère Marie de Gonzague à droite.
En bas de gauche à droite: Marie, Céline, Mère Agnès (Pauline) et la cousine Marie Guérin.

La genèse de ce livre promis à un fabuleux destin commence dans la tristesse, au moment où il est question de la mort prochaine de la toute jeune soeur Thérèse, au Carmel de Lisieux. Lorsqu'une carmélite meurt, ses consoeurs rédigent habituellement une courte biographie à l'intention des autres carmels. On y raconte brièvement son enfance, son désir du carmel puis son entrée, les différentes étapes de sa vie religieuse, les services rendus à la communauté et enfin, sa maladie et sa mort. Dans le milieu, on appelle ce document une circulaire car elle « circule » pour ainsi dire dans les monastères, bien que chacun reçoive son propre exemplaire.

À Lisieux vers le milieu de l'année 1897, les proches de Thérèse savent qu'elle va bientôt mourir. Sa soeur Pauline (Mère Agnès) se soucie déjà de la rédaction de sa circulaire. En effet, comment faire pour rédiger la circulaire d'une carmélite qui n'a que 24 ans et si peu de réalisations à son actif ? Mère Agnès y a réfléchi tout spécialement depuis le 30 mai 1897. Thérèse avait peu avant demandé à la prieure Marie de Gonzague (photo ci-contre) la permission de confier à sa soeur le secret bien gardé de sa première hémoptysie d'avril 1896, et elle le fait le 30 mai. Mère Agnès l'écoute en concluant que la maladie est très avancée, beaucoup plus qu'elle ne pensait. La tuberculose n'a pas commencé il y a tout juste quelques mois, mais elle est déjà très ancienne. En général, les personnes atteintes ne survivent pas plus de deux ans.

Pour la circulaire elle-même, Mère Agnès pense utiliser les souvenirs d'enfance racontés en 1895 par Thérèse dans ce qui deviendra plus tard le Manuscrit A, mais comme il y a dans ce texte peu de choses sur sa vie religieuse, elle voudrait bien une suite. Elle laisse passer la fête de famille du 30 mai autour de la prise de voile de sa cousine Marie Guérin et dans la nuit du 2 juin, elle va discuter de son projet avec la prieure Marie de Gonzague. Cette dernière trouve l'idée très intéressante et demande à Thérèse de continuer à écrire, cette fois sur sa vie religieuse.

Le lendemain, soit à partir du 4 juin, Thérèse cesse toute activité pour ne plus écrire que son "petit devoir" (CJ 25.6.2). La jeune carmélite rédige à grand peine dans un cahier noir ce qui deviendra le Manuscrit C. La tâche est pénible mais Thérèse est consciente que son texte sera publié, qu'il fera partie de sa circulaire. On lui parle d'une intégration avec son premier texte. Va-t-elle donner quelques idées pour cette édition ? Peut-être, car elle relit le texte du manuscrit qu'elle a écrit en 1895 et avoue en être très émue (cf. 1er août 1897). Elle fait confiance à ses soeurs, et spécialement à Mère Agnès. Pour avoir une idée du résultat, voici une copie du début de la publication, aux côtés de l'original de Thérèse. Pour lire l'ensemble du texte présenté ainsi en synopse, consulter Histoire d'une âme.

À Lisieux vers le milieu de l'année 1897, les proches de Thérèse savent qu'elle va bientôt mourir. Sa soeur Pauline (Mère Agnès) se soucie déjà de la rédaction de sa circulaire. En effet, comment faire pour rédiger la circulaire d'une carmélite qui n'a que 24 ans et si peu de réalisations à son actif ? Mère Agnès y a réfléchi tout spécialement depuis le 30 mai 1897. Thérèse avait peu avant demandé à la prieure Marie de Gonzague (photo ci-contre) la permission de confier à sa soeur le secret bien gardé de sa première hémoptysie d'avril 1896, et elle le fait le 30 mai. Mère Agnès l'écoute en concluant que la maladie est très avancée, beaucoup plus qu'elle ne pensait. La tuberculose n'a pas commencé il y a tout juste quelques mois, mais elle est déjà très ancienne. En général, les personnes atteintes ne survivent pas plus de deux ans.

Texte de l'Histoire d'une âme de 1898

les additions sont en bleu

Avant de prendre la plume, je me suis agenouillée devant la statue de Marie [Cette Vierge précieuse, bien que sans aucune valeur artistique, s'était ani­mée deux fois pour éclairer et consoler, en de graves circonstances, la mère de notre angélique enfant. Elle‑même reçut par cette statue bénie des grâces signa­lées, comme nous le verrons plus loin.] : celle qui a donné à ma famille tant de preu­ves des maternelles préférences de la Reine du ciel, je l'ai sup­pliée de guider ma main, afin de ne pas tracer une seule ligne qui ne lui soit agréable. Ensuite, ouvrant le saint Evangile, mes yeux sont tombés sur ces mots: « Jésus, étant monté sur une montagne, appela à lui ceux qu'il lui plut. » Voilà bien le mystère de ma vocation, de ma vie tout entière; et surtout le mystère des privilèges de Jésus sur mon âme. Il n'appelle pas ceux qui en sont dignes, mais ceux qu'il lui plaît. Comme le dit saint Paul: « Dieu a pitié de qui il veut, et il fait miséricorde à qui il veut faire miséricorde. Ce n'est donc pas l'ouvrage de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. »

Longtemps je me suis demandé pourquoi le bon Dieu avait des préférences, pourquoi toutes les âmes ne recevaient pas une égale mesure de grâces. Je m'étonnais de le voir prodiguer des faveurs extraordinaires...

Texte original de Thérèse publié en 1956

les suppressions sont en noir

Avant de prendre la plume, je me suis agenouillée devant la statue de Marie (celle qui nous a donné tant de preuves des maternelles préférences de la Reine du Ciel pour notre famille), je l'ai suppliée de guider ma main afin que je ne trace pas une seule ligne qui ne lui soit agréable. Ensuite ouvrant le Saint Evangile, mes yeux sont tombés sur ces mots :  « Jésus étant monté sur une montagne, il appela à Lui ceux qu'il lui plut; et ils vinrent à Lui. » (St Marc, Chap. III, v. 13). Voilà bien le mystère de ma vocation, de ma vie tout entière et surtout le mystère des privilèges de Jésus sur mon âme... Il n'appelle pas ceux qui en sont dignes, mais ceux qu'il lui plaît ou comme le dit St Paul  : « Dieu a pitié de qui Il veut et Il fait miséricorde à qui Il veut faire miséricorde. Ce n'est donc pas l'ouvrage de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. » (Ep. aux Rom. chap. IX, v. 15 et 16).

Longtemps je me suis demandé pourquoi le bon Dieu avait des préférences, pourquoi toutes les âmes ne recevaient pas un égal degré de grâces, je m'étonnais en Le voyant prodiguer des faveurs extraordinaires...

Un continent éditorial

Et ainsi les textes sont revus et mis ensemble une fois le petit cahier noir terminé. On commence par imaginer qu'ils sont adressés à la même personne, soit Marie de Gonzague la prieure - manoeuvre qui fera admettre plus facilement le texte de Thérèse auprès des Carmels auxquels il est avant tout destiné. En effet, si la prieure l'a autorisé, il ne paraît pas étrange qu'une religieuse rédige ainsi ses souvenirs. On ajoute quelques éléments pour faciliter la lecture. Puis le manuscrit s'enrichit de lettres, par exemple de celles adressées à Bellière. Mère Marie de Gonzague assume en effet la responsabilité du projet et en parle déjà au Père Bellière en août 1897, puis au Père Roulland en novembre 1897. On pense aussi à insérer dans le gros manuscrit de cette "circulaire" des lettres de Thérèse à Marie du Sacré-Coeur, qui constitueront plus tard le Manuscrit B. Les soeurs ajoutent ensuite des extraits de lettres de Thérèse, une cinquantaine de ses poèmes, quatre de ses prières et des passages de ses Récréations Pieuses. Les jeunes mettent par écrit leurs souvenirs de Thérèse comme maîtresse des novices. On ajoute une sélection des derniers entretiens et enfin, le récit de la mort de Thérèse.

HA-couverture-initiale

Tout cet ensemble sera façonné en 12 chapitres et le livre en devenir porte un titre : Un cantique d'amour ou le passage d'un ange. Marie de Gonzague prépare une Préface vers la fin de l'année 1897, où elle explique que ce précieux manuscrit - écrit par un "diamant", une "étoile", une "flamme !" - devait être donné au monde. Lire ici cette Préface.

Comme il dépasse largement la taille habituelle d'une circulaire - trois pages - Marie de Gonzague pense à se faire conseiller. Cette circulaire est bel et bien devenu un livre. M. le Supérieur Alexandre Maupas lui a donné dès octobre 1898 son autorisation, mais pour relire et éventuellement corriger le manuscrit, la prieure se tourne vers les Pères de Mondaye qui ont toute la confiance des carmélites. On peut lire ici sa lettre du 29 octobre 1897. Godefroid Madelaine accepte, vite édifié par la qualité du texte. Il commence à travailler sur le manuscrit au tout début de 1898, et en mars il a terminé, ayant fait beaucoup d'observations. Il suggère de nombreuses omissions, surtout dans les détails intimes, mais des années plus tard, il demandera pardon aux soeurs pour son "crayon bleu qui vous faisait sauter au plafond!" Son confrère le P. Norbert Paysan corrige quant à lui les poèmes. En avril, le P. Madeleine compose une lettre d'introduction qui sera insérée au début du livre.

Il reste une étape avant de publier: obtenir l'autorisation de l'évêque du lieu. C'est alors Monseigneur Hugonin, l'évêque de Thérèse, celui à qui elle avait demandé l'autorisation d'entrer au Carmel à 15 ans. En 1898, il est âgé de 74 ans et très malade. Le P. Madelaine va le rencontrer le 7 mars, soit peu avant sa mort qui surviendra au début de mai, et il obtient un accord oral pour le permis d'imprimer (imprimatur). Nous avons conservé une trace écrite de cette rencontre, via le P. Madelaine. Il s'agit des quelques mots à l'encre violette dans la partie de droite de ce bout de papier de 20 cm. par 7 cm., authentifié en 1909 par Mère Marie-Ange à la mine dans la section de gauche (laquelle n'est toutefois entrée qu'en 1902...).

En avril 1898, le livre a son titre définitif, d'après une lettre de Godefroid Madelaine à Marie de Gonzague: Histoire d'une âme écrite par elle-même. La réussite de toutes ses démarches enchantera longtemps Marie de Gonzague, qui a pris une part importante dans la préparation du texte et qui écrira avec fierté en 1904 avoir obtenu la publication de ce manuscrit. [lettre au P. Tessier].

À la recherche d'un imprimeur

Il ne reste plus qu'à imprimer. Cette étape était alors très complexe, car il fallait d'abord faire typographier le texte. Il faut trouver quelque imprimeur-typographe qui ne charge pas trop cher car les circulaires sont envoyées d'office aux autres carmels, elles ne sont pas vendues ! Pour ce futur livre dont le manuscrit comporte déjà quelques centaines de pages, on se tourne vers l'oncle Guérin (photo ci-dessous à gauche). C'est habituellement lui qui dépanne les carmélites avec ses largesses. Il accepte de faire imprimer ce livre écrit par sa nièce, et il fait tout de suite établir des devis chez plusieurs éditeurs-imprimeurs.

Isidore commence par écrire à la Librairie POUSSIELGUE rue Cassette à Paris, qui lui répond le 17 mars 1898 : Le prix pour 500 exemplaires en calculant sur 448 pages serait environ le livre broché 1750 francs, pour 1000 environ 2100 francs. M. Poussielgue discute aussi de qualité de papier, de photos à insérer. Il pourrait distribuer le livre lui-même, et octroie une réduction aux prêtres et aux communautés religieuses. Cette lettre est intéressante car elle est la première que M. Guérin reçoit, et il s'en servira pour évaluer les autres devis.

Suivent alors deux réponses négatives de La Croix, écrites les 26 et 30 mars, en suggérant d'autres imprimeurs sans proposer de prix.

Le 7 avril 1898, Marie Guérin demande à sa mère si son père va choisir Poussielgue, en spécifiant que c'est Pauline qui s'inquiète. La réponse de papa ou de maman se donne sans doute au parloir, car nous n'avons pas de texte écrit

Mais Isidore s'est tourné vers d'autres imprimeurs et reçoit déjà des réponses. PAILLART, d'Abbeville, lui écrit le 20 avril, proposant un tirage de 1000 exemplaires à 1400 fr., et de 2000 ex. à 2100 fr.

Puis c'est au tour de EMILE COLIN qui pour environ 400 pages, propose de manière plus détaillée le tirage et le papier, plus la couverture et le brochage de 1000 exemplaires à 1640,50 francs, incluant la composition. Pour 2000 exemplaires le prix serait de 2451,00 francs.

Alfred MAME & FILS répond le même jour, 21 avril, que 1000 exemplaires de 450 pages reviendraient environ à 1550 fr, brochage et couverture compris, et 2000 à 2100 francs. Et le lendemain 22 avril répond l'imprimerie NOTRE-DAME DES PRÉS à Montreuil-s-mer, ne pouvant faire le travail mais suggérant une autre imprimerie, dont les prix sont fournis: 450 pages en 1000 exemplaires brochés sous couverture couleur à 1500 francs, et 2000 à 2000 francs. On propose également un papier de qualité supérieure, avec des prix de 1660 fr pour 1000 exemplaires, et de 2342 fr pour 2000.

Entre toutes ces réponses, M. Guérin reçoit aussi un devis de l'oeuvre de Saint-Paul, non conservé. Avec tous ces devis, il consulte quelqu'un qui s'y connaît en impression, le P. Marie des Augustins de l'Assomption, qu'il a connu à Lourdes au cours d'un pèlerinage. Ce dernier répond à la mine en date du 12 mai :

Vous devez me trouver bien négligent. Mais ma pauvre main ne m'a pas permis tous ces jours de tenir une plume - Veuillez donc ne pas m'en vouloir. L'Oeuvre St Paul est devenue une maison sérieuse – elle commence à faire bien – on ne peut la mettre en parallèle avec Poussielgue et Retaux. Elle travaille aussi bien que Paillart...

On comprend que St-Paul ne peut encore faire aussi bien que Poussielgue et Retaux, mais concurrencerait bien Paillart. Or Paillart et Mame sont au même tarif, soit 2000 exemplaires pour 2100 francs. Il est possible d'en déduire que St-Paul est moins cher et que c'est pour cela que M. Guérin a interrogé le Père Marie. M. Guérin suivra l'avis de cet homme, et c'est l'Oeuvre de Saint-Paul qui emportera son adhésion. Cette maison a été créée en 1873 pour travailler à la défense et à la propagation de la vérité catholique par la typographie à bon marché. Le devis de St-Paul n'a pas été conservé, mais on signe pour 2000 exemplaires, en deux tirages de 1000.

En mai toujours, M. Guérin contacte un autre libraire-éditeur, envisageant un dépôt du livre à Paris. Le 18 mai, Victor Retaux, Libraire-Editeur de Paris, rédige une réponse négative à cette demande de dépôt, déclarant que « La nouvelle Constitution de l'Index ne me permet pas de publier un ouvrage du genre de celui dont vous me proposez le dépôt, si je n'ai au préalable obtenu l'autorisation de 1'Ordinaire. Veuillez donc m'envoyer les épreuves complètes du livre. Je les soumettrai à Son Eminence le Cardinal Richard et si, comme je l'espère, il me donne l'imprimatur, nous nous entendrons facilement pour les conditions de vente.» Ce qui laisse sous-entendre que l'imprimatur transcrit par le Père Godefroid Madeleine ne serait pas suffisant pour imprimer à Paris ? Mais Victor Retaux se reprend et écrit de nouveau le 25 mai 1898 et déclarant, tout en incluant ses prix pour un dépôt de livre : "Je crois que l'Approbation motivée de Mgr Hugonin suffira."

Le manuscrit est donné à St Paul pour la composition. D'après une tradition orale recueillie par une soeur de la Pommeraye en 1987, un typographe de Bar-le-Duc qui travaillait sur le manuscrit de Thérèse recopiait des phrases de son travail du jour et faisait prier sa famille avec ces extraits en rentrant chez lui! Cette étape de composition a semblé longue car en juillet, Marie Guérin s'en plaint à ses parents : "Papa a-t-il reçu des nouvelles de la Librairie St Paul ? Cela commence à se trouver un peu su." Et elle poursuit: "Enfin, il faut espérer qu'ils vont y mettre du leur là-bas, à la Librairie!" (avant le 16 juillet 1898).

Quelques photos en plus

On pense aussi à mettre quelques photos dans le livre. Il y aura notamment en frontispice la photo n° 37 de Thérèse, ci-contre à droite. Elle sera inversée au montage. C'est Madame Besnier, photographe à Lisieux, qui prépare les héliogravures.  Et elle le fait très bien, d'après Marie Guérin: "Mme Besnier vient d'envoyer ses épreuves. Elles sont parfaites, très bien réussies, il y avait un certain petit défaut et alors nous l'avons priée de venir au Carmel pour lui faire notre explication. Elle a très bien compris et a été on ne peut plus aimable, et nous aussi du reste. L'épreuve est très douce, il y en avait une qui était une expression un peu triste, mais Mme Besnier a deviné ce qui faisait cela, c'était parce qu'elle était un peu moins noire que l'autre. Notre Mère a été au parloir et trouve Mme Besnier très bien, sa petite fille était là aussi et notre Mère lui a fait cadeau d'une petite lyre, tu sais, comme j'en avais une dans ma chambre. Ma Sr Geneviève a eu beaucoup d'explications sur la photographie. Mme Besnier lui enverra tous ses procédés, toutes ses formules de virage et de satinage. Elle lui a montré son tableau en photographie, elle a parfaitement reconnu ma Sr Thérèse de l'Enf. Jésus et en a demandé une photographie comme une grande faveur. Elle nous a dit à ce propos qu'elle avait gardé tous nos clichés de famille depuis notre enfance. Mme Besnier est partie ravie du Carmel.  Voilà donc une grande épine de tirée du pied : la photographie réussie." (lettre de juillet 1898)

Le délai imposé est utilisé pour rajouter du texte au manuscrit ! Et oui, Marie de Gonzague, dans cette même lettre de juillet 1898,  prie l'oncle Guérin d'ajouter encore des poésies, que la communauté aime particulièrement. En on parle du livre comme de La Vie de Thérèse.

Enfin le 17 juillet 1898 on reçoit les premières épreuves au Carmel. Il était temps car la nouvelle de la publication imminente commence à se répandre en ville. M. Guérin en parlera bientôt aux Pottier, comme en témoigne sa fille: "Je suis bien contente que papa t'aie fait la petite confidence au sujet de la vie de notre chère petite sainte, il y a bien longtemps que je voulais te le faire!" (septembre 1898)

Les corrections sont d'abord faites en communauté, puis les épreuves sont envoyées à Isidore début septembre: cousues, pour celles qui n'ont été vérifiées qu'une fois, et détachées pour les autres. Et on discute choix de papier avec la famille: trop épais, trop beau ?... pendant que M. Guérin envoie régulièrement des pages à St-Paul avec son bon à tirer (22 août 1898).  Mère Agnès intervient, on ne sait pourquoi, directement auprès de l'imprimeur, ce qui froisse M. Guérin mais on semble se réconcilier rapidement (lettre de Marie fin août 1898).

Et courant septembre, on ne fait plus qu'attendre le livre: "Quand maman viendra, écrit Marie Guérin le 26, qu'elle apporte ou qu'elle envoie les six premières feuilles tirées de la Vie!" Le livre attendu a sans doute été promis pour la fin de septembre.

Pourtant, dans toutes les traces écrites sur ce 30 septembre 1898, premier anniversaire de la mort de Thérèse, il n'est pas fait mention de l'arrivée du livre. Marie Guérin écrit à ses parents au tout début d'octobre, racontant la journée du 30, sans un mot sur le livre. Finalement, il ne sortira que le 21 octobre (d'après une note de Céline sur une feuille volante sans date – antérieure à 1905). Ajoutons que les premières réactions des lecteurs sont datées du 22 octobre 1898, ce qui confirme ce choix. On peut lire ces dernières ici.

Il se trouva que la directrice de l'Imprimerie Saint-Paul de Bar-le-Duc se trouvait à la librairie de l'Oeuvre, rue Cassette, le jour de la parution du livre. Elle se souvient de la vente du tout premier exemplaire à un prêtre, qui hésitait à le prendre pour une autre personne, malade. Mais après avoir lu le livre, cette personne obtint sa guérison par l'intercession de Sr Thérèse ! Heureux point de départ du cher volume (cf. Annales nov. 1935).

On fait tout de suite les envois aux 121 Carmels de France et à 18 Carmels étrangers, avec une note de Marie de Gonzague encourageant la diffusion du livre. Comme elle sera obéie ! On va retirer tout de suite le second mille, et en mai 1899 la seconde édition sera prête.

Le livre est en vente à 4 francs.