Carmel

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Articles pour la cause de la servante de dieu Thérèse de l'enfant-jésus et de la sainte-face, carmélite du monastère de Lisieux

Profil biographique de Thérèse

PREMIÈRE PARTIE

[28r]
1 - C'est la vérité que Marie-Françoise-Thérèse Martin, en religion soeur Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, reçut de la mère prieure du Carmel de Lisieux l'Ordre d'écrire sans contrainte sur sa vie ce qui lui viendrait naturellement à la pensée. Notre-Seigneur lui ayant fait sentir qu'en obéissant simplement, elle lui serait agréable; avant de commencer à chanter les miséricordes de Dieu, elle pria la Sainte Vierge de guider sa main, ne voulant rien écrire qui ne lui soit agréable.

Telle est l'origine de cette sorte d'autobiographie intitulée: « Histoire d'une âme.» Ce n'est par la vie proprement dite de la soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, mais on y trouve ses pensées sur les grâces que Notre-Seigneur a daigné lui accorder, au cours de son existence. Elle était heureuse, écrivait-elle dans un gracieux langage, de chanter, près de sa mère prieure et pour elle seule, ces ineffables bienfaits et d'écrire l'histoire d'une petite fleur cueillie par Jésus. Elle ajoute: « La petite fleur qui va raconter son histoire se réjouit d'avoir à publier les prévenances tout à fait gratuites de Jésus. Elle reconnaît que rien n'était capable en elle d'attirer ses divins regards, que sa miséricorde seule l'a comblée de biens» - MSA 3,1 - Comme il sera prouvé par des témoins bien informés, qui apporteront la preuve de ce qu'ils avancent.

[28v]
2 - Marie-Françoise-Thérèse Martin naquit à Alençon, le 2 janvier 1873, de parents très chrétiens. Son père, Louis-Joseph-Stanislas Martin, se distinguait par son esprit de foi et une grande charité; sa mère, Zélie Guérin, était une femme d'une piété fervente et éclairée. Dieu avait donné la fécondité à leur union. Marie-Françoise-Thérèse était leur neuvième enfant. Elle fut baptisée dans l'église de Notre-Dame à Alençon, diocèse de Séez, le 4 janvier 1873. - Comme il sera constaté...

3 - Ces parents chrétiens se préoccupaient sans cesse du salut éternel de leurs enfants qui grandissaient dans une atmosphère de vraie et solide piété. L'aisance, éloignée de la recherche et du luxe, régnait dans leur intérieur; Dieu bénissait leurs affaires temporelles. Il rappela à lui, dès leur bas âge, quatre des enfants: deux garçons et deux filles. Les cinq autres filles entrèrent dans la vie religieuse; quatre furent reçues au Carmel de Lisieux, une au couvent de la Visitation de Caen. - Comme il sera constaté...

4 - Thérèse, la dernière, était entourée de l'affection la plus vive. On aimait à lui prodiguer, avec les noms de reine, de petite reine, les caresses les plus tendres. Son intelligence s'éveilla de très bonne heure et dès lors elle goûtait les charmes de la vertu. Comme plusieurs saintes, sainte Thérèse, sainte Geneviève et bien d'autres, elle se distingua par une maturité précoce, surtout vis-à-vis des pensées surnaturelles qui l'attirèrent pendant toute sa vie. « Oh! que je voudrais bien que tu mourrais, ma petite mère », lui disait-elle un jour. Comme on la grondait: « C'est pourtant - répondit-elle - pour que tu ailles au ciel, puisque tu dis qu'il faut mourir pour y aller.» - MSA 4,2 - Elle souhaitait de même la mort à son père, quand elle était dans ses excès [29r] d'amour, elle avait trois ans environ. Dès cet âge, malgré sa ténacité de volonté et son orgueil naissant, elle s'appliquait, à l'instigation de ses soeurs, à offrir à Dieu de petits sacrifices; elle s'initiait à la charité et était heureuse de porter aux pauvres les aumônes qui lui étaient confiées. - Comme il sera constaté par des témoins bien renseignés, qui apporteront la preuve de ce qu'ils avancent, parce qu'ils l'ont vu ou entendu dire.

5 - A quatre ans et demi, Thérèse perdit sa mère, après une longue maladie. Elle garda de ces jours un douloureux et impérissable souvenir. Tout avait frappé sa nature si sensible: l'éloignement d'abord auquel on était obligé de la soumettre, la cérémonie de l'Extrême-Onction, la douleur de son père, le baiser sur le front glacé de sa mère, la vue du cercueil qu'elle considéra longuement. Après les funérailles, les cinq petites orphelines étaient réunies et bien tristes. Céline se choisit pour mère sa soeur Marie; alors Thérèse se jeta dans les bras de l'aînée, en disant: « Pour moi, c'est Pauline qui sera maman » - MSA 12,2 - . Et elle lui donna désormais sa plus entière confiance. - Comme il sera constaté...

6 - Après son veuvage, M. Martin vint habiter à Lisieux la maison des Buissonnets, afin de rapprocher ses enfants de leur famille maternelle. Thérèse grandissait, sous la direction ferme et éclairée de sa soeur Pauline. Elle s'efforçait de faire ses actions pour plaire à Jésus et ne pas l'offenser, et, le soir, elle était anxieuse de savoir si le bon Dieu était content d'elle. Dès l'âge de cinq ans et demi, elle comprenait toutes les instructions religieuses qu'elle entendait, aussi on avança le moment de sa première confession. Sa préparation avait été si sérieuse qu'elle se présenta au prêtre comme au bon Dieu, [29v] elle emporta de cette première confession un souvenir plein d'allégresse et une dévotion plus grande envers la Sainte Vierge. Comme il sera constaté...

7 - C'était une joie de sortir avec M. Martin, leur promenade se terminait d'ordinaire par une visite au Saint-Sacrement. Elle aimait les cérémonies du dimanche, les fêtes religieuses, les pieuses lectures, la prière en commun, n'ayant, dit-elle, qu'à regarder son père pour savoir comment prient les saints. Elle entrevit, dans une sorte de vision prophétique, racontée aussitôt à ses soeurs, les croix qui devaient peser sur la fin de ce père bien-aimé. Elle crut le reconnaître sous les traits d'un vieillard courbé par l'âge et portant sur sa tête blanchie le signe de sa grande épreuve; son coeur si affectueux ne put jamais éloigner ce souvenir et l'événement confirma, plus tard, ses appréhensions d'enfant. - Comme il sera constaté...

8 - Thérèse entra chez les religieuses bénédictines de Lisieux, pour suivre les cours du pensionnat, à l'âge de huit ans et demi. Sa vive intelligence brillait dans les études, mais elle préférait le temps passé dans sa famille aux jeux plus bruyants de ses compagnes. Bientôt le départ pour le Carmel de sa soeur Pauline, qui avait été pour elle une seconde mère, lui causa une peine très vive. A cette époque et aux entretiens avec sa soeur remontent ses premières aspirations à la vie du cloître et le désir de parvenir à la sainteté. Elle s'en ouvrit même, sous l'impulsion de sa soeur, à la mère prieure du Carmel. Celle-ci ajourna à de longues années la petite postulante de neuf ans, qui devait passer avant par de multiples épreuves. La première fut une maladie très grave, accompagnée de phénomènes étranges, de frayeurs attribuées au démon; la science du médecin et les [30r] soins dévoués de la famille restaient impuissants. La maladie se termina subitement pendant une neuvaine à Notre-Dame des Victoires. Un jour, où l'état paraissait le plus grave, ses soeurs se jetèrent à genoux au pied de la statue de Marie, la petite malade s'unit à leur prière ardente et Marie se laissa toucher. « La Sainte Vierge s'est avancée vers moi - dit-elle -, elle m'a souri... mais je ne le dirai à personne, car mon bonheur disparaîtrait » - MSA 30,1 - . Elle était guérie. Cependant sa nature si impressionnable fut en partie devinée par ses soeurs et des questions, dues à la pieuse curiosité des carmélites, achevèrent la divulgation du secret, ce qui la jeta dans une longue et pénible anxiété.

9 - La première communion de Thérèse eut lieu le 8 mai 1884. Pour mieux s'y disposer, elle offrait de petits sacrifices en grand nombre, comme autant de fleurs variées; elle était avide des conseils de piété qu'elle recevait et des instructions plus intimes de sa soeur Marie. Sa ferveur redoubla pendant sa retraite à l'abbaye de Lisieux. Elle la suivit comme pensionnaire et fut entourée des soins les meilleurs par les religieuses bénédictines. Les instructions sacerdotales achevèrent la préparation de ce grand jour. « Qu'il fut doux le premier baiser de Jésus à mon âme! » a-t-elle écrit, des larmes de joie coulaient durant l'action de grâces pendant qu'elle disait à Notre-Seigneur: « Je vous aime et veux me donner toute à vous » - MSA 35,1 - . Thérèse avait disparu comme la goutte d'eau qui se perd dans l'océan, Jésus restait seul, il était le maître, le roi. Elle prononça, au nom de ses compagnes, l'acte de consécration à Marie, animée d'un souvenir plein de reconnaissance pour la protection dont elle avait été l'objet. - Comme il sera constaté...

10 - Le 14 juin 1884 elle reçut la confirmation.

[30v] On lit dans l'« Histoire d'une âme »: « Je m'étais préparée avec beaucoup de soin à la visite de l'Esprit-Saint; je ne pouvais comprendre qu'on ne fît pas une grande attention à la réception de ce sacrement d'amour. La cérémonie n'ayant pas eu lieu au jour marqué, j'eus la consolation de voir ma solitude un peu prolongée. Ah! que mon âme était joyeuse! Comme les apôtres, j'attendais avec bonheur le Consolateur promis, je me réjouissais d'être bientôt parfaite chrétienne, et d'avoir sur le front, éternellement gravée, la croix mystérieuse de ce sacrement ineffable » - MSA 36,2 - . Comme sa soeur Céline était surprise de ces pieux désirs, que les enfants manifestent plutôt pour la première communion, elle lui révéla alors, avec un saint enthousiasme et une intelligence bien supérieure à son âge, ce qu'elle comprenait de la vertu de ce sacrement, de la prise de possession de son coeur, de son âme, de tout son être, par l'esprit d'amour. « Je ne sentis pas - dit-elle - le vent impétueux de la première Pentecôte, mais plutôt cette brise légère dont le prophète Elie entendit le murmure sur la montagne d'Horeb. En ce jour, je reçus la force de souffrir, force qui m'était bien nécessaire, car le martyre de mon âme devait commencer peu après » - MSA 36,1-37,2 - .

En effet la maladie des scrupules l'assaillit à tel point à 13 ans, que son père dut la retirer du pensionnat des bénédictines. Sa soeur Marie était sa confidente et la soutenait, jusqu'au jour où elle-même quitta les Buissonnets pour le Carmel. Thérèse alors chercha son appui dans sa famille du ciel, en invoquant surtout les quatre petits anges que Dieu avait rappelés à lui. - Comme il sera constaté...

11 - A une sensibilité exagérée et trop personnelle succéda une charité intense pour les âmes et un grand désir de [31r] les sauver par la prière; ce fut la grâce, 1886, qu'elle appelle l'époque de sa conversion. La vue des blessures de Notre-Seigneur sur la croix toucha son coeur, la parole du Calvaire: « J'ai soif », se présentait à son esprit dans le sens spirituel du zèle pour le salut des âmes. Comme elle avait souvent entendu parler, à cette époque, d'un assassin endurci, sur le point d'expier à Paris ses forfaits, elle employa tous les moyens spirituels pour sa conversion et fit cette prière: « Mon Dieu, je suis bien sûre que vous pardonnerez au malheureux Pranzini, je le croirais même s'il ne se confessait pas et ne donnait aucune marque de contrition, tant j'ai confiance en votre infinie miséricorde; mais, c'est mon premier pécheur, à cause de cela je vous demande un signe de son repentir, pour ma simple consolation.» - MSA 46,1 - Et, sur l'échafaud, au moment suprême, ce pécheur, obstiné jusque-là, réclama le crucifix que l'abbé Faure, l'aumônier de la prison, lui fit baiser. La lecture de cette scène, où le signe réclamé avait été obtenu, remplit de consolation la servante de Dieu. Comme il sera constaté...

12 - Thérèse s'efforçait avec sa soeur Céline de correspondre à la grâce; l'Imitation de Jésus-Christ était sa lecture habituelle, le texte se gravait dans sa mémoire. Elle communiait souvent et Jésus l'instruisait lui-même; il l'appelait, bien jeune encore, vers le Carmel, Céline était sa seule confidente. A quatorze ans et demi, le moment lui sembla venu de s'en ouvrir à son père *; bien des obstacles allaient s'opposer au pieux projet; pour en triompher, elle invoqua le Saint-Esprit avec ferveur et résolut d'exposer son désir le jour même de la Pentecôte. Le sacrifice fut dur pour M. Martin; mais profondément chrétien, il ne pensa pas à s'opposer à la vocation de sa fille. « Il me parla comme un saint », a écrit la Servante de Dieu - MSA 50,2 - et n'objecta que la grande jeu-[31v]nesse de Thérèse. Les autres consentements furent plus laborieux à obtenir: il y eut opposition momentanée dans la famille, au Carmel, peu d'encouragements, sauf chez la soeur Agnès de Jésus; opposition du supérieur du Carmel, qui crut sans doute au succès d'un moyen dilatoire, en renvoyant la décision à Mgr Hugonin, Thérèse plaida elle-même sa cause devant monseigneur l'évêque de Bayeux, vivement frappé de la vocation précoce de cette enfant et plus encore de la générosité de son père, mais il crut ne devoir donner qu'une réponse évasive à cause de la grande jeunesse de l'enfant. La peine qu'elle en éprouva ne put ébranler sa volonté de répondre, sans retard, à l'appel divin. Comme il sera constaté...

13 - M. Martin, pour consoler Thérèse, la conduisit à Rome avec sa soeur Céline; ils s'étaient joints au pèlerinage du diocèse de Coutances, organisé à l'occasion du jubilé sacerdotal de Léon XIII. Elle forma le projet de demander au Saint-Père l'autorisation si désirée. L'itinéraire était combiné pour l'agrément et la piété des pèlerins. Les beautés de la nature et de l'art charmaient Thérèse, les souvenirs religieux la touchaient davantage, surtout au sanctuaire de Lorette, aux Catacombes, au Colysée; la vue du Pape, l'assistance à sa messe l'impressionnèrent au plus haut point. Voici ce qu'elle écrivait à cette époque: «Je ne sais pas comment je m'y prendrai pour parler au Pape; vraiment si le bon Dieu ne se chargeait pas de tout, je ne sais comment je ferais, Mais j'ai une si grande confiance en lui qu'il ne pourra pas m'abandonner, je remets tout entre ses mains » - LT 32 - . Enfin arriva le moment de l'audience. Les pèlerins étaient admis à s'agenouiller devant Sa Sainteté et à baiser son anneau, avec la défense formelle de lui adresser aucune requête. Cependant Thérèse dominant l'émotion que cause à [32r] tous la première rencontre avec le Vicaire de Jésus-Christ, les yeux baignés de larmes, encouragée par sa soeur et soutenue par la grâce elle dit au Pape: « Très Saint-Père, j'ai une grande grâce à vous demander. Aussitôt raconte-t-elle, baissant la tête jusqu'à moi, son visage toucha presque le mien, on eût dit que ses yeux noirs et profonds voulaient me pénétrer jusqu'à l'intime de l'âme. Très Saint-Père, répétais-je, en l'honneur de votre jubilé permettez-moi d'entrer au Carmel à quinze ans.»

M. Révéroni, vicaire général, était à côté du Pape, il reprit:

« Très Saint-Père, c'est une enfant qui désire la vie du Carmel, mais les supérieurs examinent la question en ce moment.

- Eh bien ! mon enfant, me dit Sa Sainteté, faites ce que les supérieurs décideront.»

Joignant alors les mains et les appuyant sur les genoux du Pape, elle tenta un suprême effort.

« Oh! très Saint-Père, si vous disiez oui, tout le monde voudrait bien.

- Allons, allons, - lui dit Léon XIII, en appuyant sur chaque syllabe -, vous entrerez si le bon Dieu le veut » . - MSA">. - MSA> 63,1-2 -

Grande fut l'épreuve de n'avoir pas le oui si ardemment désiré. La pieuse enfant avait fait tout son possible, Dieu devait faire le reste; mais, à partir de ce moment, il y eut comme un voile sur son pèlerinage. - Comme il sera constaté...

14 - Monseigneur l'évêque de Bayeux fut informé de ce qui s'était passé à l'audience du Vatican, il écrivit au Carmel pour donner son avis favorable; c'était au jour des Saints Innocents. L'entrée fut alors ajournée par la mère prieure et reportée après le carême. La Servante de Dieu a indiqué comment elle s'y disposa, et surmonta la tentation de mener pendant ces quelques mois une vie moins réglée que de coutume. [32v] Dieu lui fit comprendre les bienfaits de ce délai: « Je résolus - écrit-elle - de me livrer plus que jamais à une vie sérieuse et mortifiée. Lorsque je dis mortifiée, je n'entends pas les pénitences des saints. Loin de ressembler aux belles âmes qui, dès leur enfance, pratiquent toute espèce de macérations, je faisais uniquement consister les miennes à briser ma volonté, à retenir une parole de réplique, à rendre de petits services autour de moi, sans les faire valoir, et mille autres choses de ce genre. Par la pratique de ces riens je me préparais à devenir la fiancée de Jésus et je ne puis dire combien cette attente me fit grandir dans l'abandon, l'humilité et les autres vertus.» - MSA 68,2 -

Le passage suivant d'une lettre à sa soeur Pauline, mère Agnès de Jésus, fait connaître les pensées qui animaient cette âme généreuse pendant cette période d'attente :

« Ma petite maman chérie,

Ma nacelle a bien de la peine à atteindre le port. Depuis longtemps je l'aperçois, et toujours je m'en trouve éloignée; mais Jésus la guide, cette petite nacelle, et je suis sûre qu'au jour choisi par lui, elle abordera heureusement au rivage béni du Carmel. 0 Pauline! quand Jésus m'aura fait cette grâce, je veux me donner tout entière à lui, toujours souffrir pour lui, ne plus vivre que pour lui. Oh non! Je ne craindrai pas ses coups, car, même dans les souffrances les plus amères, on sent que c'est sa douce main qui frappe. Et quand je pense que pour une souffrance supportée avec joie, nous aimerons davantage le bon Dieu toujours! Ah! si au moment de ma mort je pouvais avoir une âme à offrir à Jésus, que je serais heureuse! Il y aurait une âme [33r] de moins dans l'enfer, une de plus à bénir le bon Dieu toute l'éternité! » - LT 43 - 13. Comme il sera constaté...

15 - L'entrée au Carmel fut fixée au 9 avril 1888. La résolution de se donner tout entière à Dieu, qui avait dicté tant de démarches, n'abandonna pas la jeune postulante de 15 ans, au moment du départ. Fortifiée par la sainte communion et la bénédiction de son admirable père, elle franchit, sans larmes, la porte de clôture, mais son coeur battait si violemment, au moment de la séparation, qu'elle se demandait si elle n'allait pas mourir. Elle fut réconfortée par le cordial accueil de sa nouvelle famille religieuse et une paix intime de l'âme ne l'abandonna plus, même avec le pain quotidien des sécheresses. Son but, le salut des âmes et surtout la prière pour les prêtres, ne pouvait être atteint que par l'union avec la croix, elle le comprenait et ne cessa, jusqu'à la mort, de porter sa croix. Elle avait d'autant plus de mérite qu'elle devait dominer la sensibilité de sa nature, elle se refusait toutes les occasions de la satisfaire. - Comme il sera constaté...

16 - La Servante de Dieu suivit une retraite du père Pichon, S. J., religieux très versé dans la conduite des âmes; elle s'ouvrit à lui avec une grande simplicité, il la tranquillisa sur son passé et ajouta: « Mon enfant, que Notre-Seigneur soit toujours votre supérieur et votre maître des novices » - MSA 70,1 - paroles qui n'enlevèrent rien de la soumission à ses supérieurs religieux, en qui elle voyait les représentants directs de Dieu, mais lui indiquaient de le laisser agir directement dans son âme. Elle se tourna bien vite vers le Directeur des directeurs et s'épanouit à l'ombre de la croix.

[33v] 17 - La prise d'habit, fixée au 10 janvier 1889, fut présidée par Mgr Hugonin, évêque de Bayeux. M. Martin, malgré les craintes qu'avait données sa santé, put présenter lui-même sa fille au Seigneur. Bientôt l'état de dépression intellectuelle et physique, dans lequel il tomba, fut l'épreuve que le coeur de Thérèse redoutait, et ressentit si profondément; elle comprit que son père, après avoir donné ses enfants au ciel ou au cloître, s'était offert lui-même comme victime. Les peines de sa piété filiale s'augmentèrent d'une grande sécheresse d'âme, et cependant elle remerciait Dieu dans ses épreuves et écrivait à sa soeur Céline pour la consoler:

Janvier 1889

« Ma chère petite Céline,

Jésus te présente la croix, une croix bien pesante! et tu t'effraies de ne pouvoir porter cette croix sans faiblir; pourquoi? Notre Bien-Aimé, sur la route du Calvaire, est bien tombé trois fois, pourquoi n'imiterions-nous pas notre Epoux? Quel privilège de Jésus! Comme il nous aime pour nous envoyer une si grande douleur! Ah! l'éternité ne sera pas assez longue pour l'en bénir. Il nous comble de ses faveurs, comme il en comblait les plus grands saints. Quels sont donc ses desseins d'amour sur nos âmes? Voilà un secret qui ne nous sera dévoilé que dans notre patrie, le jour où le Seigneur essuiera toutes nos larmes. Maintenant, nous n'avons plus rien à espérer sur la terre, les fraîches matinées sont passées, il ne nous reste que la souffrance! Oh! quel sort digne d'envie! Les Séraphins dans les cieux sont jaloux de notre bonheur » - LT 81 - .

Et le 28 février 1889 :

[34r] « Ma chère petite soeur,

Jésus est un Epoux de sang. Il veut pour lui tout le sang de notre coeur! Tu as raison, il en coûte pour lui donner ce qu'il demande. Et quelle joie que cela coûte! Quel bonheur de porter nos croix faiblement! Céline, loin de me plaindre à Notre-Seigneur de cette croix qu'il nous envoie, je ne puis comprendre l'amour infini qui l'a porté à nous traiter ainsi. Il faut que notre père soit bien aimé de Dieu, pour avoir tant à souffrir! Quelles délices d'être humiliées avec lui! L'humiliation est la seule voie qui fait les saints, je le sais; je sais aussi que notre épreuve est une mine d'or à exploiter, Moi, petit grain de sable, je veux me mettre à l'oeuvre, sans courage, sans force, et cette impuissance même me facilitera l'entreprise, je veux travailler par amour. C'est le martyre qui commence... Ensemble, ma soeur chérie, entrons dans la lice; offrons nos souffrances à Jésus pour sauver les âmes » - LT 82 - .

Et encore le 18 juillet 1890:

« Et notre père chéri! Ah! mon coeur est déchiré; mais comment nous plaindre, puisque Notre-Seigneur lui-même a été considéré comme un homme frappé de Dieu et humilié? Dans cette grande douleur, oublions-nous et prions pour les prêtres; que notre vie leur soit consacrée. Le divin Maître me fait de plus en plus sentir qu'il veut cela de nous deux... » - LT 108 - .Comme il sera constaté...

18 - A la fin de son noviciat la Servante de Dieu aspirait à sa profession, quand elle fut différée par le supérieur ecclésiastique. Le sacrifice ne fut pas accepté sans efforts, mais la lumière divine lui montra qu'une fiancée ne serait pas agréable à son époux, si elle n'était ornée de magnifiques parures et elle dit à Dieu.- « Je vais mettre tous mes soins à me faire une robe enrichie de diamants et de pierreries de [34v] toutes sortes, quand vous me trouverez assez riche, je suis sûre que rien ne vous empêchera de me prendre pour épouse. » "

Aidée de la Sainte Vierge, elle se mit à l'oeuvre avec courage, ses efforts portaient surtout vers la vertu de pauvreté, les petits actes de vertu bien cachés, la mortification de l'amour-propre, à défaut des autres mortifications que lui interdisait l'obéissance. Elle a dit de cette période, qui dura vingt mois: « Tout ce que je viens d'écrire, en si peu de mots, demanderait bien des pages; mais ces pages ne se liront pas sur la terre » - MSA 75,1 - . - Comme il sera constaté...

19 - Quelques-unes ont été signalées, au moins pour la retraite de profession. Elle écrivait à sa soeur Marie (4 septembre 1890):

« Votre petite fille n'entend guère les harmonies célestes.- son voyage de noces est bien aride! Son fiancé, il est vrai, lui fait parcourir des pays fertiles et magnifiques; mais la nuit l'empêche de rien admirer et surtout de jouir de toutes ces merveilles. Vous allez peut-être croire qu'elle s'en afflige? Mais non, au contraire, elle est heureuse de suivre son fiancé pour lui seul et non à cause de ses dons. Lui seul, il est si beau! si ravissant! même quand il se tait, même quand il se cache! » - LT 111 -

« Bien loin d'être consolée - dit-elle encore -, l'aridité la plus absolue, presque l'abandon furent mon partage. Jésus dormait, comme toujours, dans ma petite nacelle » - MSA 75,2 - . Elle attribue à une bénédiction spéciale reçue du Saint-Père, l'assistance qui l'aida à traverser la plus furieuse tempête de toute sa vie. Quelques heures avant sa profession, dans cette aridité absolue, le démon lui suggéra l'assurance qu'elle n'était pas appelée au Carmel, qu'elle trompait ses supérieurs [35r] en avançant dans une voie qui n'était pas faite pour elle. A ce moment d'angoisse et de perplexité, Jésus, qui lui indiquait, comme elle l'assure, les moyens actuels de pratiquer la vertu, lui inspira de découvrir la tentation à la maîtresse des novices et à sa supérieure. Quand cet acte d'humilité eut été accompli, la paix, une paix qui surpasse tout sentiment, pénétra son coeur et y demeura, malgré les larmes versées sur les tristesses extérieures, qui accompagnèrent sa prise de voile. Elle les dit à sa soeur Céline dans sa lettre du 23 septembre 1890:

« 0 Céline, comment te dire ce qui se passe dans mon âme?... Quelle blessure! Mais je sens qu'elle est faite par une main amie, par une main divinement jalouse!... Tout était prêt pour mes noces; cependant ne trouves-tu pas qu'il manquait quelque chose à la fête? Il est vrai que Jésus avait déjà mis bien des joyaux dans ma corbeille, mais il en fallait un, sans doute, d'une beauté incomparable, et ce diamant précieux, Jésus me l'a donné aujourd'hui... Papa ne viendra pas demain! Céline, je te l'avoue, mes larmes ont coulé... elles coulent encore pendant que je t'écris, je puis à peine tenir ma plume. Tu sais à quel point je désirais revoir notre père chéri; eh bien! maintenant je sens que c'est la volonté du bon Dieu qu'il ne soit pas à ma fête. Il a permis cela simplement pour éprouver notre amour... Jésus me veut orpheline, il veut que je sois seule avec lui seul, pour s'unir plus intimement à moi; et il veut aussi me rendre, dans la patrie, les joies si légitimes qu'il m'a refusées dans l'exil. » - LT 120 -

Notre-Seigneur ne l'abandonna pas, après sa profession, dans ses nombreuses épreuves spirituelles, et la consola de différentes manières. Un jour, il se servit du prédicateur de retraite, qui les ayant entrevues, lui dit: « Mon enfant, en ce moment, je tiens la place du bon Dieu auprès de vous, eh bien! Je vous [35v] affirme de sa part qu'il est très content de votre âme », - MSA 80,2 - et cette assurance la combla de joie. Plus tard, c'est la doyenne et fondatrice du Carmel de Lisieux, la mère Geneviève, religieuse vénérable qui au moment d'une nuit obscure dans son âme lui donna ce bouquet spirituel: « Ma petite fille, servez Dieu avec paix et avec joie; rappelez-vous, mon enfant, que notre Dieu est le Dieu de la paix » - MSA 78,1 - . Paroles qui furent un arc-en-ciel dans la vie d'épreuves de la jeune religieuse. - Comme il sera constaté...

20 - A une longue période d'aridité succédèrent des jours de paix et de joie: « Le divin Maître - dit-elle - a changé complètement sa manière de faire pousser sa petite fleur: la trouvant sans doute assez arrosée, il la laisse maintenant grandir sous les rayons bien chauds d'un soleil éclatant» - MSC 1,2-2,1 - Son désir de sanctification redoublait. La distance était extrême entre elle et une sainte, pensait-elle. Si Dieu l'y appelait, il lui donnerait le moyen de franchir la distance. Mais comment? n'y aurait-il, se disait-elle toujours, d'inventions pratiques que dans la vie terrestre si l'on découvrait un ascenseur pour s'élever jusqu'à Dieu. Elle en chercha le secret dans les livres saints. Ces mots des Proverbes (9,4) lui parurent la solution désirée: « Si quelqu'un est tout petit, qu'il vienne à moi », et ceux d'Isaïe (66,13): « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et vous balancerai sur mes genoux.» L'ascenseur précieux est trouvé: ce sont vos bras, ô Jésus. Elle ne désire plus que chanter les miséricordes divines, et se sanctifier dans la voie où Dieu l'appelle. - Comme il sera constaté...

21 - Malgré ses supplications, la mère prieure lui confia [36r] la charge de maîtresse des novices, sans lui en donner le titre, elle n'avait que 22 ans. « Dès que je pénétrai - écrit-elle - dans le sanctuaire des âmes, je jugeai, du premier coup d'oeil, que la tâche dépassait mes forces; et je me plaçai bien vite dans les bras du bon Dieu.» - MSC 22,1 - Elle ajoute: « En comprenant qu'il m'était impossible de rien faire par moi-même, la tâche me parut simplifiée. je m'occupai intérieurement et uniquement à m'unir de plus en plus à Dieu, sachant que le reste me serait donné par surcroît. En effet, jamais mon espérance n'a été trompée; ma main s'est trouvée pleine autant de fois qu'il a été nécessaire pour nourrir nos soeurs » - MSC 22,2 - . - Comme il sera constaté...

22 - La jeune maîtresse des novices se conduisait avec une prudence consommée dans cette direction des âmes, elle étudiait avec soin la voie que Dieu voulait pour chacune; son attention était toujours en éveil, quoi qu'il lui en coûtât, pour observer les fautes et leur livrer une guerre à mort. Si sa perspicacité, aidée de la grâce, découvrait les moindres défauts, sa bonté ne reprenait pas sans s'imposer un véritable effort. « Je trouve - dit-elle - le prophète Jonas bien excusable de s'être enfui de devant la face du Seigneur pour ne pas annoncer la ruine de Ninive » - MSC 23,1 - .

La sévérité était plus difficile à la Servante de Dieu à cause de son jeune âge, et cependant elle disait: « Le Seigneur m'a fait cette grâce de n'avoir nulle peur de la guerre; à tout prix il faut que je fasse mon devoir » - MSC 23,2 - . Si on lui demandait avec instance: « Ne me prenez pas par la force, mais par la douceur, autrement vous n'aurez rien » - MSC 23,2-24,1 - , elle se disait que nul n'est bon juge dans sa propre cause, qu'un enfant, auquel le chirurgien fait subir une douloureuse opération, ne manquera pas de jeter les hauts cris et dire que le remède est pire que le mal; cependant, quand il se trouve guéri, il est tout heureux de pouvoir jouer et courir. Il en est de mê- [36v] me pour les âmes, bientôt elles reconnaissent qu'un peu d'amertume est préférable au sucre et ne craignent pas de l'avouer. - Comme il sera constaté...

23 - La vigilance sur elle-même, sur la curiosité en particulier et sur la sensibilité, n'était pas moindre que celle exercée sur ses novices: « Je sais, ma mère - disait-elle -, que vos petits agneaux me trouvent sévère... S'ils lisaient ces lignes ils diraient que cela n'a pas l'air de me coûter le moins du monde de courir après eux, de leur montrer leur belle toison salie, ou bien de leur rapporter quelques flocons de laine qu'ils ont accrochés aux ronces du chemin. Les petits agneaux peuvent dire tout ce qu'ils voudront: dans le fond ils sentent que je les aime d'un très grand amour; non, il n'y a pas de danger que j'imite le mercenaire qui voyant venir le loup, laisse le troupeau et s'enfuit. je suis prête à donner ma vie pour eux et mon affection est si pure que je ne désire même pas qu'ils la connaissent. Jamais, avec la grâce de Dieu, je n'ai essayé de m'attirer leurs coeurs; j'ai compris que ma mission était de les conduire à Dieu et à vous, ma mère, qui êtes ici-bas le Dieu visible qu'ils doivent aimer et respecter » - MSC 23,1-2 - . C'est la prière et le sacrifice qui font toute ma force, ce sont mes armes invincibles; elles peuvent, bien plus que les paroles, toucher les coeurs, je le sais par expérience » - MSC 24,2 - . Comme il sera constaté...

24 - La première atteinte du mal, qui devait l'emporter, se fit sentir par un crachement de sang, à la fin du carême de 1896, le 3 avril, dans la nuit du jeudi saint, elle avait 23 ans. Les conséquences lui en apparurent aussitôt « comme un lointain murmure qui lui annonçait l'arrivée de l'Epoux » - MSC 5,1 - . Par mortification cependant, elle resta toute la nuit sans cons-[37r]tater la réalité de l'accident et le lendemain elle demanda avec instance de ne rien modifier au régime de la semaine sainte. Comme il sera constaté...

25 - Dieu permit alors une épreuve nouvelle: de violentes tentations contre la foi vinrent l'assaillir et lui causer un inexprimable martyre. Ces attaques visaient en particulier l'existence du ciel. Dans cette nuit noire, elle multiplia les actes et les oeuvres de la foi, elle offrit ses souffrances en réparation des fautes commises sur la terre contre cette vertu. - Comme il sera constaté...

26 - La Servante de Dieu a écrit par obéissance comment se termina momentanément cette épreuve. Ses paroles s'adressent à Jésus et non plus à la mère prieure et elle rapporte le songe qu'elle eut, le 10 mai 1897:

« 0 Jésus, qui pourra dire avec quelle tendresse, quelle douceur vous conduisez ma petite âme!... L'orage grondait bien fort en elle depuis la belle fête de votre triomphe, la radieuse fête de Pâques; lorsqu'un des jours du mois de mai, vous avez fait luire dans ma sombre nuit un pur rayon de votre grâce... Pensant aux songes mystérieux que vous accordez parfois à vos privilégiés, je me disais que cette consolation n'était pas faite pour moi; que, pour moi, c'était la nuit, toujours la nuit profonde! Et sous l'orage, je m'endormis. Le lendemain, 10 mai, aux premières lueurs de l'aurore, je me trouvai, pendant mon sommeil, dans une galerie où je me promenais seule avec notre mère. Tout à coup, sans savoir comment elles étaient entrées, j'aperçus trois carmélites revêtues de leurs manteaux et grands voiles, et je compris qu'elles venaient du ciel. Ah! que je serais heureu-[37v]se, pensai-je, de voir le visage d'une de ces carmélites! Comme si ma prière eût été entendue, la plus grande des saintes s'avança vers moi et je tombai à genoux. 0 bonheur! elle leva son voile, ou plutôt le souleva et m'en couvrit. Sans aucune hésitation, je reconnus la vénérable mère Anne de Jésus, fondatrice du Carmel en France. Son visage était beau, d'une beauté immatérielle; aucun rayon ne s'en échappait, et cependant, malgré le voile épais qui nous enveloppait toutes les deux, je voyais ce céleste visage éclairé d'une lumière douce qu'il semblait produire de lui-même. La sainte me combla de caresses et, me voyant si tendrement aimée, j'osai prononcer ces paroles: 0 ma mère, je vous en supplie, dites-moi si le bon Dieu me laissera longtemps sur la terre? Viendra-t-il bientôt me chercher? Elle sourit avec tendresse. - Oui, bientôt... bientôt... Je vous le promets. - Ma mère, ajoutai-je, dites-moi encore si le bon Dieu ne me demande pas autre chose que mes pauvres petites actions et mes désirs; est-il content de moi?

A ce moment, le visage de la vénérable mère resplendit d'un éclat nouveau, et son expression me parut incomparablement plus tendre. - Le bon Dieu ne demande rien autre chose de vous, me dit-elle, il est content, très content!... Et me prenant la tête dans ses mains, elle me prodigua de telles caresses, qu'il me serait impossible d'en rendre la douceur. Mon coeur était dans la joie, mais je me souvins de mes soeurs et je voulus demander quelques grâces pour elles... Hélas! je m'éveillai! Je ne saurais redire l'allégresse de mon âme. Plusieurs mois se sont écoulés depuis cet ineffable rêve, et cependant le souvenir qu'il me laisse n'a rien perdu de sa fraîcheur, de ses charmes célestes. je vois encore le regard et le sourire pleins d'amour de cette sainte carmélite, je crois sentir encore les caresses dont elle me combla [38r]. 0 Jésus, vous aviez commandé aux vents et à la tempête, et il s'était fait un grand calme. A mon réveil, je croyais, je sentais qu'il y a un ciel, et que ce ciel est peuplé d'âmes qui me chérissent et me regardent comme leur enfant » - MSB 2,12 - . - Comme il sera constaté...

27 - Après des désirs brûlants de zèle elle s'écria: « 0 Jésus, mon amour, ma vocation, enfin, je l'ai trouvée, ma vocation, c'est l'amour. Oui, j'ai trouvé une place au sein de l'Eglise et cette place, ô mon Dieu, c'est vous qui me l'avez donnée, dans le coeur de l'Eglise, ma mère, je serai l'amour... je ne sais plus qu'une chose, vous aimer, ô Jésus. Les oeuvres éclatantes me sont interdites, je ne puis prêcher l'Evangile, verser mon sang... Qu'importe! Mes frères travaillent à ma place et moi, petit enfant, je me tiens tout près du trône royal, j'aime pour ceux qui combattent... Mais comment témoignerai-je mon amour, puisque l'amour se prouve par les oeuvres?... je n'ai pas d'autre moyen pour vous prouver mon amour que de jeter des fleurs, c'est-à-dire de ne laisser échapper aucun sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter des moindres actions et de les faire par amour. Je veux souffrir par amour et même jouir par amour, ainsi je jetterai des fleurs, je n'en rencontrerai pas une sans l'effeuiller pour vous. O Jésus, que ne puis-je dire à toutes les petites âmes ta condescendance ineffable! Je sens que si, par impossible, tu en trouvais une plus faible que la mienne, tu te plairais à la combler de faveurs plus grandes encore, pourvu qu'elle s'abandonnât avec une entière confiance à ta miséricorde infinie» - MSB 3,2, 4,1-2, 5,2 - Comme il sera constaté...

Les vertus de Thérèse

[39r]
DEUXIÈME PARTIE

VERTUS THÉOLOGALES, VERTUS CARDINALES ET AUTRES VERTUS CONNEXES PRATIQUÉES PAR LA SERVANTE DE DIEU AU DEGRÉ HÉROÏOUE

La vie de la Servante de Dieu se fit remarquer par la pratique constante de vertus chrétiennes; dès son jeune âge elle lutta contre ses défauts naissants. Ses vertus grandirent dans la vie religieuse pour atteindre par la promptitude, par la générosité, par la continuité sans défaillance, le degré héroïque, qui les distingua des vertus pratiquées par les religieuses ferventes, comme, dans une campagne, les héros se signalent parmi les braves qui les entourent.

LA FOI

28 - Thérèse de l'Enfant Jésus eut un foi précoce; elle la montrait, toute petit enfant, dans ses réflexions sur la puissance de Dieu, dans la pensée du ciel, dans la pratique des sacrifices. «Je m'efforçais - dit-elle - de plaire à Jésus dans toutes mes actions et je faisais grande attention à ne l'offenser jamais » - MSA 15,2 - . Sa première confession fut faite avec un grand esprit de foi; à cinq ans et demi, un sermon sur la Passion 1a toucha si profondément que depuis elle ne cessa de saisir le sens et de goûter toutes les instructions religieuses. Elle témoignait par son attitude recueillie à l'église, par le goût avec lequel elle parlait ou entendait parler des cho-[39]ses pieuses d'une dévotion peu commune. Ses vertus reflétaient sur ses traits une lumière céleste. Une personne disait en la regardant: « Qu'a donc cette enfant? on en voit d'aussi jolies, mais ce n'est pas de cette beauté-là: cette petite Thérèse a du ciel dans les yeux.» - Comme, il sera constaté...

29 - Sa foi parut dans la préparation lointaine à la première communion. Lorsque sa sœur Céline se disposait à ce grand jour, Thérèse n'avait que sept ans, elle voulut imiter sa sœur et prit la résolution de mener dès lors une vie nouvelle, pensant que ce ne serait pas trop de quatre ans pour se préparer à recevoir Notre-Seigneur. Aidée de sa sœur Marie, ses efforts redoublèrent, quand vint la préparation immédiate; elle s'isolait dans sa chambre pour penser au bon Dieu dans une véritable oraison. Voici le souvenir qu'elle avait gardé de sa première communion: «Ce jour-là - dit-elle - notre rencontre ne pouvait plus s'appeler un simple regard, mais une fusion. Nous n'étions plus deux: Thérèse avait disparu comme la goutte d'eau qui se perd au sein de l'océan, Jésus restait seul, il était le Maître, le
Roi » - MSA 35,1 - - Comme il sera constaté...

30 - Elle aspirait ensuite à s'approcher souvent de la table sainte et se fit remarquer toute sa vie par sa dévotion envers l'Eucharistie: « Ce n'est pas - disait-elle - pour rester dans le ciboire d'or que Jésus descend chaque jour du ciel, mais afin de trouver un autre ciel, le ciel de notre âme où il prend ses délices » - MSA 48,2 - . Elle ne se contentait pas de communier; elle n'entreprenait rien d'important sans faire offrir le saint sacrifice de la messe.
Lorsque, à 14 ans, déjà altérée de la soif des âmes, elle voulait obtenir la conversion d'un assassin fameux, nommé Pranzini, sentant que ses petits mérites seraient insuffisants, [40r] elle demanda à sa sœur Céline, qui avait deviné ses intentions, de faire dire une messe pour ce criminel et, plus tard, quand on lui remettait quelque argent pour ses fêtes, elle demandait la permission de faire offrir le saint sacrifice pour celui qu'elle appelait « son enfant » - MSA 46,2 - Voici ce qu'elle a écrit à son sujet:
«Afin d'exciter mon zèle, le bon Maître me montra bientôt que mes désirs lui étaient agréables. J'entendis parler d'un grand criminel - du nom de Pranzini - condamné à mort pour des meurtres épouvantables, et dont l'impénitence faisait craindre une éternelle damnation. Je voulus empêcher ce dernier et irrémédiable malheur. Afin d'y parvenir, j'employai tous les moyens spirituels imaginables; et, sachant que de moi-même je ne pouvais rien, j'offris pour sa rançon les mérites infinis de Notre-Seigneur et les trésors de la sainte Eglise. Faut-il le dire? le sentais au fond de mon cœur la certitude d'être exaucée. Mais afin de me donner du courage pour continuer de courir à conquête des âmes, je fis
cette naïve prière: Mon Dieu, je suis bien sûre que vous pardonnerez au malheureux Pranzini; je le croirais même s'il ne se confessait pas et ne donnait aucune marque de contrition, tant j'ai confiance en votre infinie miséricorde. Mais c'est mon premier pécheur; à cause de cela, vous. demande seulement un signe de repentir pour ma simple consolation. Ma prière fut exaucée à la lettre! » - MSA 45,2 46,1 - Comme il sera constaté...

31 - La Servante de Dieu nourrissait son âme de L'Imitation de Jésus Christ, livre qu'elle savait par cœur avant d'entrer au Carmel, et de la lecture de l'Ecriture Sainte: « En elle, je trouve une manne cachée, solide et pure mais c'est surtout l'Evangile qui m'entretient pendant mes oraisons. Là, je puise tout ce qui est nécessaire à un pauvre petite [40v] âme. J'y découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux, je comprends et je sais que le royaume de Dieu est au dedans de nous. Jésus n'a pas besoin de docteurs ni de livres pour instruire les âmes.
Lui, le Docteur des docteurs, enseigne sans bruit de paroles. Jamais je ne l'ai entendu parler, mais je sais qu'il est en moi. A chaque instant il me guide et m'inspire; j'aperçois juste au moment où j'en ai besoin des clartés inconnues jusque-là » - MSA 83,2 - .
Elle écrit à un missionnaire: « Parfois, lorsque je lis certains traités, où la perfection est montrée à travers mille entraves, mon pauvre petit esprit se fatigue bien vite, je ferme le savant livre qui me casse la tête et me dessèche le cœur, et je prends l'Ecriture Sainte. Alors tout me paraît lumineux, une seule parole découvre à mon âme des horizons infinis, la perfection me semble facile, je vois qu'il suffit de reconnaître son néant et de s'abandonner, comme un enfant, dans les bras du bon Dieu. Laissant aux grandes âmes, aux esprits sublimes les beaux livres que je ne puis comprendre, encore moins mettre en pratique, je me réjouis d'être petite, puisque les enfants seuls et ceux qui leur ressemblent seront admis au banquet céleste. Heureusement que le royaume des cieux est composé de plusieurs demeures! car, s'il n'y avait que celles dont la description et le chemin me semblent incompréhensibles, certainement je n'y entrerais jamais....» - LT 226 - Thérèse chercha dans les livres saints ce qu'elle appelle dans son gracieux langage l'ascenseur pour s'élever jusqu'à Jésus: « J'ai demandé aux livres saints l'indication de l'ascenseur, objet de mon désir; et j'ai lu ces mots sortis de 1a bouche même de la Sagesse éternelle: Si quelqu'un est TOUT PETIT qu'il vienne à moi (Prov. 9, 4). Je me suis donc approchée de Dieu, devinant bien que j'avais découvert ce que je cher-[41r]chais; voulant savoir encore ce qu'il ferait au tout petit, j'ai continué mes recherches et voici ce que j'ai trouvé. Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein, et je vous balancerai sur mes genoux. Ah! jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses ne sont venues réjouir mon âme. L'ascenseur qui doit m'élever jusqu'au ciel, ce sont vos bras, ô Jésus! Pour cela je n'ai pas besoin de grandir, il faut au contraire que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. 0 mon Dieu, vous avez dépassé mon attente, et moi je veux chanter vos miséricordes! Vous m'avez instruite dès ma jeunesse, et jusqu'à présent j'ai annoncé vos merveilles; je continuerai de les publier dans l'âge le plus avancé » - MSC 3,1 - .

Elle chantera plus tard:
«Aux affaires du ciel daigne me rendre habile, / montre-moi ces secrets cachés dans l'Evangile. / Ah! que ce livre d'or / est mon plus cher trésor... / Rappelle-toi » - PN p695 couplet 12 - .
- Comme il sera constaté...

32 - La foi qui animait sa vie religieuse, inspirait ses paroles et ses écrits, fut battue en brèche par des tentations violentes et prolongées; elles la rendirent plus méritoire. Ce fut au début de sa maladie. Voici comment elle les dépeint:
«Aux jours si lumineux du temps pascal, Jésus me fit comprendre qu'il y a réellement des âmes sans foi et sans espérance qui, par l'abus des grâces, perdent ces précieux trésors, source des seules joies pures et véritables. Il permit que mon âme fût envahie par les plus épaisses ténèbres et que la pensée du ciel, si douce pour moi depuis ma petite enfance, me devînt un sujet de combat et de tourment. La durée de [41v] cette épreuve n'était pas limitée à quelques jours, à quelques semaines; voilà des mois que je la souffre, et j'attends encore l'heure de ma délivrance. je voudrais pouvoir exprimer ce que je sens; mais c'est impossible! Il faut avoir voyagé sous ce sombre tunnel pour en comprendre l'obscurité. Il me semble que les ténèbres, empruntant la voix des impies, me disent en se moquant de moi:
'Tu rêves la lumière, une patrie embaumée, tu rêves la possession éternelle du Créateur de ces merveilles, tu crois sortir un jour des brouillards où tu languis; avance!... avance!... réjouis-toi de la mort qui te donnera, non ce que tu espères, mais une nuit plus profonde encore, la nuit du néant!...'. Mère bien-aimée, cette image de mon épreuve est aussi imparfaite que l'ébauche comparée au modèle; cependant je ne veux pas en écrire plus long, je craindrais de blasphémer... j'ai peur même d'en avoir trop dit. Ah! que Dieu me pardonne! Il sait bien que, tout en n'ayant pas la jouissance de la foi, je m'efforce d'en faire les œuvres. J'ai prononcé plus d'actes de foi depuis un an que pendant
toute ma vie» - MSC 5,2-7,1 - .

A l'instigation d'un religieux très éclairé, auquel elle avait confié ses peines, elle portait sur elle le texte du symbole des apôtres, qu'elle avait écrit de son sang. Il ne faudrait pas se méprendre sur cet état de tentations violentes, en lisant ses poésies écrites à cette époque, car elle affirme: « Lorsque je chante le bonheur du ciel, l'éternelle possession de Dieu, je n'en ressens aucune joie; car je chante simplement ce que je veux croire » - MSC 7,2
- . - Comme il sera constaté...

33 - Toute sa vie elle eut une grande confiance dans la protection de la Sainte Vierge. Elle devait à sa protection manifeste, pendant une neuvaine à Notre-Dame-des-Victoires, la délivrance d'une maladie pénible pour tous. Dans les circonstances plus difficiles, dans la direction des novices, elle [42r] jetait un regard intérieur vers Marie. Son image était sa consolation dans la maladie. « Que je l'aime, la Vierge Marie - disait-elle un jour : Si j'avais été prêtre, que j'aurais bien parlé d'elle. On la montre inabordable, il faudrait la montrer imitable. Elle est plus mère que reine » - CJ 21-8-3 - .» - Comme il sera constaté...

VERTU D'ESPÉRANCE
34 - Vers l'âge de sa première communion, Jésus lui fit comprendre que la vraie, l'unique gloire est celle qui durera toujours et que le moyen d'y parvenir est de devenir une sainte.
« Ce désir pourrait sembler téméraire - dit-elle - si l'on considère combien j'étais imparfaite, et combien je le suis encore après tant d'années passées en religion; cependant je sens toujours la même confiance audacieuse de devenir une grande sainte. Je ne compte pas sur mes mérites, n'en ayant aucun; mais j'espère en celui qui est la vertu, la sainteté même. C'est lui seul qui, se contentant de mes faibles efforts, m'élèvera jusqu'à lui, me couvrira de ses mérites et me fera sainte. je ne pensais pas alors qu'il fallait beaucoup souffrir pour arriver à sa sainteté; le bon Dieu ne tarda pas à me dévoiler ce secret » - MSA 32,1 - .
On demandait un jour à la Servante de Dieu comment elle ne se décourageait pas dans les moments d'épreuve et de délaissement. Elle répondit: « Je me tourne vers le bon Dieu, vers tous les saints, et je les remercie quand même; je crois qu'ils veulent voir jusqu'où je pousserai mon espérance... Mais ce n'est pas en vain que la parole de Job est entrée dans mon cœur: Quand même Dieu me tuerait, j'espérerais encore en lui! Je l'avoue, j'ai été longtemps avant de m'établir à ce degré d'abandon; maintenant j'y suis, le Seigneur m'a prise et m'a [42v] posée là » - CJ 7-7-p3 - . La mère prieure la chargea, à 22 ans, de la direction des novices. « Aussitôt que je pénétrai dans le sanctuaire des âmes,
je jugeai - dit-elle - du premier coup d'œil que la tâche dépassait mes forces; et, me plaçant bien vite dans les bras du bon Dieu, j'imitai les petits bébés qui, sous l'empire de quelque frayeur, cachent leur tête blonde sur l'épaule de leur père, et je dis: Seigneur, vous le voyez, je suis trop petite pour nourrir vos enfants; si vous voulez leur donner par moi ce qui convient à chacune, remplissez ma petite main; et, sans quitter vos bras, sans même détourner la tête, je distribuerai vos trésors à l'âme qui viendra me demander sa nourriture. Lorsqu'elle la trouvera de son goût, je saurai que ce n'est pas à moi, mais à vous qu'elle la doit; au contraire, si elle se plaint et trouve amer ce que je lui présente, ma paix ne sera pas troublée, je tâcherai de lui persuader que cette nourriture vient de vous, et me garderai bien d'en chercher une autre pour elle » - MSC 22,1-2 - . Son espérance ne fut jamais déçue, elle fit le plus grand bien aux âmes de ses novices et disait: on obtient de Dieu tout autant qu'on en espère. - Comme il sera
constaté...

35 - Thérèse de l'Enfant Jésus mettait autant son espérance dans la justice de Dieu que dans sa bonté, et s'efforçait d'inspirer les mêmes sentiments, quand elle écrivait, l'année de sa mort, à un missionnaire:
« S'il faut être bien pur pour paraître devant le Dieu de toute sainteté, je sais, moi, qu'il est infiniment juste; et, cette justice qui effraie tant d'âmes fait le sujet de ma joie et de ma confiance. Etre juste, ce n'est pas seulement exercer la sévérité envers les coupables, c'est encore reconnaître les intentions droites et récompenser la vertu.
J'espère autant de la justice du bon Dieu que de sa miséricorde; c'est [43r] parce qu'il est juste qu'il est
compatissant et rempli de douceur, lent à punir et abondant en miséricorde. Car il connaît notre fragilité il se souvient que nous ne sommes que poussière. Comme un père a de la tendresse pour ses enfants, ainsi le Seigneur a compassion de nous! (Ps. 112, 8.13.14) " - LT 226 - . - Comme il sera
constaté ...

SA CHARITÉ POUR DIEU
36 - Une flamme du ciel anima constamment la Servante de Dieu. Elle ne vécut que pour Dieu, qu'elle aima d'un amour fort et généreux. La piété de son enfance, sa vie continuelle en la présence de Dieu, son assiduité à l'oraison, son goût pour les pratiques de dévotion, surtout la préoccupation qu'elle eut de chercher ce qui pouvait profiter à sa perfection, sa voie d'abandon, comme une enfant, à l'amour plein de miséricorde de Dieu, tout cela en fournit des preuves surabondantes. Dès sa plus petite enfance, la Servante de Dieu s'appliquait à corriger ses défauts, et tenait à se rendre compte du succès de ses efforts; avant de s'endormir elle demandait à sa sœur Pauline: « Est-ce que j'ai été mignonne aujourd'hui? Est-ce que le bon Dieu est content de moi? Est-ce que les petits anges vont voler autour de moi? » - MSA 18,2 - .» Toujours la réponse était: oui; autrement elle aurait passé la nuit tout entière à pleurer. - Comme il sera constaté...

37 - Dans l'« Histoire d'une âme », sœur Thérèse de l'Enfant Jésus a rappelé un trait bien ordinaire de ses premières années; mais au sens surnaturel qu'elle lui donne, on peut juger de sa charité et y voir un résumé de toute sa vie. Il s'agissait de se partager de menus objets entre fillettes, chacune prenait à sa guise; elle avança la main et dit: je choisis tout. Voici son interprétation: [43v] « Ce trait de mon enfance est comme le résumé de ma vie entière. Plus tard, lorsque la perfection m'est apparue, j'ai compris que pour devenir une sainte il fallait beaucoup souffrir, rechercher toujours ce qu'il y a de plus parfait et s'oublier soi-même. J'ai compris que, dans la sainteté, les degrés sont nombreux, que chaque âme est libre de répondre aux avances de Notre-Seigneur, de faire peu ou beaucoup pour son amour; en un mot, de choisir entre les sacrifices qu'il demande. Alors, comme aux jours de mon enfance, je me suis écriée: Mon Dieu, je choisis tout! Je ne veux pas être sainte à moitié; cela ne me fait pas peur de souffrir pour vous, je ne crains qu'une chose, c'est de garder ma volonté; prenez-la, car je choisis tout ce que vous voulez! » - MSA 10,1-2 - Comme il sera constaté...

38 - Elle s'y appliqua si bien qu'elle rend ainsi compte d'une retraite, après sa profession, retraite pendant laquelle son âme troublée s'était révélée tout entière au prédicateur qui donnait les exercices:
« Le père me lança à pleines voiles sur les flots de la confiance et de l'amour qui m'attiraient si fort, mais sur lesquels je n'osais avancer. Il me dit que mes fautes ne faisaient pas de peine au bon Dieu: 'En ce moment, ajouta-t-il, je tiens sa place auprès de vous; eh bien! je vous affirme de sa part qu'il est très content de votre âme'. Oh! que je fus heureuse en écoutant ces consolantes paroles! Jamais je n'avais entendu dire que les fautes pouvaient ne pas faire de peine au bon Dieu. Cette assurance me combla de joie; elle me fit supporter patiemment l'exil de la vie. C'était bien là, d'ailleurs, l'écho de mes pensées intimes. Oui, je croyais depuis longtemps que le Seigneur est plus tendre qu'une mère, et je connais à fond plus d'un cœur de mère! Je sais qu'une mère est toujours prête à pardonner les petites indélicatesses involontaires de son enfant » - MSA 80,2 - .» - Comme il sera constaté...

[44r] 39 - Cette âme pure et aimante se tenait sans cesse dans la présence de Dieu; une de ses sœurs lui ayant demandé si elle la perdait quelquefois, elle parut étonnée et répondit: « Oh! non, je crois que je n'ai jamais été trois minutes sans être unie à lui, cela n'est pas difficile, on pense naturellement à quelqu'un qu'on aime ».» Un jour, une sœur la surprit travaillant avec une grande activité et cependant l'air si recueilli que, frappée d'étonnement, elle lui demanda: « A quoi pensez-vous donc? - Je médite le Pater répondit-elle c'est si doux d'appeler le bon Dieu notre Père » - CSG p77 - .»
Elle a manifesté dans diverses poésies les sentiments qui l'animaient. Voici trois strophes de celle intitulée Vivre d'amour:
« Vivre d'amour, ce n'est pas sur la terre fixer sa tente au sommet du Thabor; avec Jésus, c'est gravir le Calvaire, c'est regarder la croix comme un trésor! Au ciel, je dois vivre de jouissance, alors l'épreuve aura fui sans retour: mais, au Carmel, je veux dans la souffrance vivre d'amour!

Vivre d'amour, c'est garder en soi-même un grand trésor en un vase mortel. Mon Bien-Aimé! ma faiblesse est extrême! Ah! je suis loin d'être un ange du ciel. Mais, si je tombe à chaque heure qui passe: me relevant, m'embrassant tour à tour, tu viens à moi, tu me donnes ta grâce, je vis d'amour!

Vivre d'amour, c'est essuyer ta Face, c'est obtenir des pécheurs le pardon. 0 Dieu d'amour! qu'ils rentrent dans ta grâce, [44v] et qu'à jamais ils bénissent ton nom!

Jusqu'à mon cœur retentit le blasphème. Pour l'effacer je redis chaque jour:

0 nom sacré! Je t'adore et je t'aime, je vis d'amour! » - PN 17 p667, 4-7-11 - .

- Comme il sera constaté...

40 - Sœur Thérèse de l'Enfant Jésus parlait de Dieu, de sa miséricorde, de son amour avec tant d'ardeur et d'onction qu'on sentait en elle une flamme dévorante. La même flamme se retrouve dans ce qu'elle a écrit; les âmes en sont avides, cette lecture les rend plus ferventes, c'est le secret de la diffusion si rapide et dans tous les pays de l'Histoire d'une âme.
Au jour de sa profession elle portait ces lignes sur son cœur: «O Jésus, mon divin Epoux, faites que la robe de mon baptême ne soit jamais ternie! Prenez-moi, plutôt que de me laisser ici-bas souiller mon âme en commettant la plus petite faute volontaire. Que je ne cherche et ne trouve jamais que vous seul! Que les créatures ne soient rien pour moi, et moi, rien pour elles! Qu'aucune des choses de la terre ne trouble ma paix. 0 Jésus, je ne vous demande que la paix!... La paix, et surtout l'amour sans bornes, sans limites! Jésus! que pour vous je meure martyre; donnez-moi le martyre du cœur ou celui du corps. Ah! plutôt donnez-les-moi tous deux! » - PRI p958 - . - Comme il sera constaté...

41 - Je ne m'afflige pas, disait la Servante de Dieu, en me voyant la faiblesse même: « Me souvenant que la charité couvre la multitude des péchés, je puise à cette mine féconde ouverte par le Seigneur dans son Evangile sacré. Je fouille dans les profon-[45r]deurs de ses paroles adorables, et je m'écrie avec David: J'ai couru dans la voie de vos commandements, depuis que vous avez dilaté mon cœur (Ps. 118, 32). Et la charité seule peut dilater mon cœur... 0 Jésus! depuis que cette douce flamme le consume, je cours avec délices dans la voie de votre commandement nouveau, et je veux y courir jusqu'au jour bienheureux où, m'unissant au cortège virginal, je vous suivrai dans les espaces infinis, chantant votre Cantique nouveau, qui doit être celui de l'AMOUR.» - MSC 15,1 16,2 -

« 0 Cœur de Jésus, trésor de tendresse, c'est toi mon bonheur, mon unique espoir!
Toi qui sus bénir, charmer ma jeunesse, reste auprès de moi jusqu'au dernier soir.
Seigneur, à toi seul j'ai donné ma vie, et tous mes désirs te sont bien connus,
c'est en ta bonté toujours infinie que je veux me perdre, ô Coeur de Jésus! » - PN 23 p690 -

42 - La Servante de Dieu s'offrit, deux années environ avant sa mort, comme holocauste à l'amour miséricordieux dans une formule inspirée par la charité la plus vive, qu'elle signa le 9 juin 1895, en la fête de la Sainte-Trinité.

Cette formule doit être reproduite ici malgré sa longueur:

« Acte d'offrande de moi-même, comme victime d'holocauste à l'Amour miséricordieux du bon Dieu.

Cet écrit a été trouvé après la mort de sœur Thérèse de l'Enfant Jésus, dans le livre des saints Evangiles qu'elle portait jour et nuit sur son cœur.

0 mon Dieu, Trinité bienheureuse, je désire vous aimer et vous faire aimer, travailler à la glorification de la sainte Eglise, en sauvant les âmes qui sont sur la terre et en déli-[45v]vrant celles qui souffrent dans le purgatoire. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m'avez préparé dans votre royaume; en un mot je désire être sainte, mais je sens mon impuissance, et je vous demande, ô mon Dieu, d'être vous-même ma sainteté.

Puisque vous m'avez aimée jusqu'à me donner votre Fils unique pour être mon Sauveur et mon Epoux, les trésors infinis de ses mérites sont à moi; je vous les offre avec bonheur, vous suppliant de ne me regarder qu'à travers la Face de Jésus et dans son Cœur brûlant d'amour.

Je vous offre encore tous les mérites des saints qui sont au ciel et sur la terre, leurs actes d'amour et ceux des saints anges; enfin je vous offre, ô bienheureuse Trinité, l'amour et les mérites de la Sainte Vierge, ma mère chérie; c'est à elle que j'abandonne mon offrande, la priant de vous la présenter.

Son divin Fils, mon Epoux bien-aimé, aux jours de sa vie mortelle, nous a dit: Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera (Joan., 16, 23). Je suis donc certaine que vous exaucerez mes désirs... Je le sais, ô mon Dieu, plus vous voulez donner, plus vous faites désirer.

Je sens en mon cœur des désirs immenses, et c'est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. Ah! je ne puis recevoir la sainte communion aussi souvent que je le désire; mais, Seigneur, n'êtes-vous pas Tout-Puissant? Restez en moi comme au tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie.

Je voudrais vous consoler de l'ingratitude des méchants, et je vous supplie de m'ôter la liberté de vous déplaire! Si par faiblesse je viens à tomber, qu'aussitôt votre divin regard purifie mon âme, consumant toutes mes imperfections comme le feu qui transforme toute chose en lui-même.

[46r] Je vous remercie, ô mon Dieu, de toutes les grâces que vous m'avez accordées: en particulier de m'avoir fait passer par le creuset de la souffrance. C'est avec joie que je vous contemplerai au dernier jour, portant le sceptre de la croix; puisque vous avez daigné me donner en partage cette croix si précieuse, j'espère au ciel vous ressembler, et voir briller sur mon corps glorifié les sacrés stigmates de votre passion.

Après l'exil de la terre, j'espère aller jouir de vous dans la patrie; mais je ne veux pas amasser de mérites pour le ciel, je veux travailler pour votre seul amour, dans l'unique but de vous faire plaisir, de consoler votre Cœur sacré, et de sauver des âmes qui vous aimeront éternellement.

Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides; car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres... Toutes nos justices ont des taches à vos yeux! Je veux donc me revêtir de votre propre justice, et recevoir de votre amour la possession éternelle de vous-même. Je ne veux point d'autre trône et d'autre couronne que vous, Ô mon Bien-Aimé!

A vos yeux le temps n'est rien; un seul jour est comme mille ans (Ps. 89, 4). Vous pouvez donc en un instant me préparer à paraître devant vous.

Afin de vivre dans un acte de parfait amour, JE M'OFFRE COMME VICTIME D'HOLOCAUSTE À VOTRE AMOUR MISÉRICORDIEUX, VOUS suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont renfermés en vous, et qu'ainsi je devienne martyre de votre amour, ô mon Dieu!

Que ce martyre, après m'avoir préparée à paraître devant vous, me fasse enfin mourir, et que mon âme s'élance sans retard dans l'éternel embrassement de votre miséricordieux amour! Je veux, ô mon Bien-Aimé, à chaque battement de mon [46v] cœur, vous renouveler cette offrande un nombre infini de
fois, jusqu'à ce que, les ombres s'étant évanouies, je puisse vous redire mon amour dans un face à face éternel!...

MARIE-FRANÇOISE-THÉRÈSE de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face, rel. carm. ind.
Fête de la Très Sainte Trinité, le 9 juin de l'an de grâce 1895 » - PRI p962-964 - .

43 - Plus la charité croissait dans l'âme de la Servante de Dieu, plus aussi elle suivait ce qu'elle appelait la voie d'enfance et d'abandon, fruit délicieux de l'amour, selon la parole de saint Augustin. Elle chantait:

« Mon ciel est de rester toujours en sa présence, de l'appeler mon Père et d'être son enfant; entre ses bras divins je ne crains pas l'orage... Le total abandon, voilà ma seule loi! Voilà mon ciel à moi » - PN 32 p715 -

Ses dernières paroles, les yeux fixés sur le crucifix de sa cellule et prononcées dans les derniers spasmes de l'agonie, résument sa vie tout entière: « Oh! je l'aime!... Mon Dieu, je vous... aime » - CJ 30sept p1145 - .
Comme il sera constaté...

44 - La charité pour Dieu lui inspirait le zèle des âmes. Elle était spécialement unie de prières à deux missionnaires et offrait ses mérites pour aider leur apostolat. Elle révèle ainsi le fond de sa pensée:« Puisque le zèle d'une carmélite doit embrasser le monde, j'espère même, avec la grâce de Dieu, être utile à plus de deux missionnaires. Je prie pour tous, sans laisser de côté les simples prêtres, dont le ministère est aussi difficile parfois que celui des apôtres prêchant [47r] les infidèles. Enfin je veux être fille de l'Eglise, comme notre mère sainte Thérèse, et prier à toutes les intentions du Vicaire de Jésus-Christ. C'est le but général de ma vie » - MSC 33,2 - .
Très jeune, cette pensée du zèle la poursuivait; en 1889, à 16 ans, encore novice, elle écrivait à sa soeur. « Céline, pendant les courts instants qui nous restent, sauvons des âmes; je sens que notre Epoux nous demande des âmes, des âmes de prêtres surtout... C'est lui qui veut que je te dise cela. Il n'y a qu'une seule chose à faire ici-bas: aimer Jésus, lui sauver des âmes pour qu'il soit aimé. Soyons jalouses des moindres occasions pour le réjouir, ne lui refusons rien.
Il a tant besoin d'amour! » - LT 94 p397 - .» Elle déclara dans l'examen solennel qui précéda sa profession: « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout pour prier pour les prêtres » - MSA 69,2 - . - Comme il sera constaté...

45 - Les sacrifices nombreux qu'elle offre journellement, les sécheresses de son âme, les souffrances de son corps visent le salut des âmes, aussi ce désir qui fait battre son cœur inspire souvent ses paroles et ses chants. Elle s'adresse à Jésus:

« Rappelle-toi cette fête des anges, cette harmonie au royaume des cieux,
et le bonheur des sublimes phalanges, lorsqu'un pécheur vers toi lève les yeux!
Ah! je veux augmenter cette grande allégresse...Jésus, pour les pécheurs je veux prier sans cesse;
que je vins au Carmel pour peupler ton beau ciel, rappelle-toi!
Rappelle-toi cette très douce flamme que tu voulais allumer dans les coeurs :
ce feu du ciel, tu l'as mis en mon âme, [47v] je veux aussi répandre ses ardeurs.
Une faible étincelle, ô mystère de vie, suffit pour allumer un immense incendie..
Que je veux, ô mon Dieu, porter au loin ton feu, rappelle-toi! » - PN 24 ,16-17 - .

Dans l'Histoire d'une âme, écrite par elle-même, ce zèle suggère des expressions enthousiastes à la Servante de Dieu:
« Etre votre épouse, ô Jésus! être carmélite, être par mon union avec vous la mère des âmes, tout cela devrait me suffire. Cependant je sens en moi d'autres vocations: je me sens la vocation de guerrier, de prêtre, d'apôtre, de docteur, de martyr... Je voudrais accomplir toutes les œuvres les plus héroïques, je me sens le courage d'un croisé, je voudrais mourir sur un champ de bataille pour la défense de l'Eglise. La vocation de prêtre! Avec quel amour, ô Jésus, je vous porterais dans mes mains lorsque ma voix vous ferait descendre du ciel! avec quel amour je vous donnerais aux âmes! Mais, hélas! tout en désirant être prêtre, j'admire et j'envie l'humilité de saint François d'Assise, et je me sens la vocation de l'imiter en refusant la sublime dignité du sacerdoce. Comment donc allier ces contrastes? Je voudrais éclairer les âmes comme les prophètes, les docteurs. je voudrais parcourir la terre, prêcher votre nom et planter sur le sol infidèle votre croix glorieuse, ô mon Bien-Aimé! mais une seule mission ne me suffirait pas: je voudrais en même temps annoncer l'Evangile dans toutes les parties du monde, et jusque dans les îles les plus reculées. je voudrais être missionnaire, non seulement pendant quelques années, mais je voudrais l'avoir été depuis la création du monde, et continuer de l'être jusqu'à la consommation des siècles.

[48r] Ah! par-dessus tout, je voudrais le martyre. Le martyre! voilà le rêve de ma jeunesse; ce rêve a grandi avec moi dans ma petite cellule du Carmel. Mais c'est là une autre folie; car je ne désire pas un seul genre de supplice, pour me satisfaire il me les faudrait tous... Comme vous, mon Epoux adoré, je voudrais être flagellée, crucifiée... Je voudrais mourir dépouillée comme saint Barthélemy; comme saint Jean, je voudrais être plongée dans l'huile bouillante; je désire, comme saint Ignace d'Antioche, être broyée par la dent des bêtes, afin de devenir un pain digne de Dieu.
Avec sainte Agnès et sainte Cécile, je voudrais présenter mon cou au glaive du bourreau; et comme Jeanne d'Arc, sur un bûcher ardent, murmurer le nom de Jésus! » - MSB 2,2 -3,1 - . - Comme il sera constaté...

46 - Ces désirs ne suffisent pas encore à la Servante de Dieu, son zèle ne s'éteindra pas avec la vie, elle veut passer son ciel à faire du bien sur la terre. Elle écrivait à l'un de ses frères missionnaires: « Ce qui m'attire vers la patrie des cieux, c'est l'appel du Seigneur, c'est l'espoir de l'aimer enfin comme je l'ai tant désiré, et la pensée que je pourrai le faire aimer d'une multitude d'âmes qui le béniront éternellement » - LT 254,p610 - .

Et une autre fois: « Je compte bien ne pas rester inactive au ciel, mon désir est de travailler encore pour l'Église et les âmes; je le demande à Dieu et je suis certaine qu'il m'exaucera. Vous voyez que si je quitte déjà le champ de bataille, ce n'est pas avec le désir égoïste de me reposer » - LT 254 - Comme il sera constaté...

47 - Sœur Thérèse de l'Enfant Jésus eut, toute jeune, une charité pour les pauvres, qui était touchante; on sentait qu'elle les aimait. Lorsque dans les sorties de famille [48v] on rencontrait des pauvres, c'était toujours Thérèse qui leur portait l'aumône; elle les regardait d'un air plein de tendresse et de respect. Elle demanda, avec instance, à l'âge de dix ans, à aller soigner une pauvre femme de son voisinage qui se mourait et n'avait personne pour la secourir; elle catéchisait de jeunes enfants. - Comme il sera constaté...

48 - Entrée au Carmel, la Servante de Dieu cherchait toutes les occasions de rendre service aux sœurs par mille petits actes de vertu cachée, et quand une terrible épidémie d'influenza sévit sur le Carmel de Lisieux, restée une des seules valides, elle multipliait ses soins auprès des malades et des mourantes. Elle s'étudie sans cesse à pénétrer ce que Notre-Seigneur appelle son commandement nouveau, pour rendre sa charité plus surnaturelle et la mieux pratiquer. Jésus m'a fait connaître sa volonté « lorsque à la dernière Cène il donna son commandement nouveau, quand il dit à ses apôtres de s'entr'aimer comme il les a aimés lui-même... Et je me suis mise à rechercher comment Jésus avait aimé ses
disciples; j'ai vu que ce n'était pas pour leurs qualités naturelles, j'ai constaté qu'ils étaient ignorants et remplis de pensées terrestres. Cependant, il les appelle ses amis, ses frères; il désire les avoir près de lui dans le royaume de son Père et pour leur ouvrir ce royaume, il veut mourir sur la croix, disant qu'il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime. J'ai vu - dit-elle combien mon amour pour mes sœurs était imparfait, j'ai compris que je ne les aimais pas comme Jésus les aime. Ah! je devine maintenant que la vraie charité consiste à supporter tous les défauts du prochain, à ne pas s'étonner de ses faiblesses, à s'édifier de ses moindres vertus; mais surtout, j'ai appris que la charité ne doit point rester enfermée dans le fond du cœur, car personne n'allume [49r] un flambeau pour le mettre sous le boisseau, mais on le met sur le chandelier afin qu'il éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Il me semble, ma mère, que ce flambeau représente la charité qui doit éclairer, réjouir, non seulement ceux qui me sont le plus chers, mais tous ceux qui sont dans la maison. Et elle s'y donnait tout entière » - MSC 11,2-12,1 -
Comme il sera constaté...

49 - Elle dit encore: « Oui, je le sens, lorsque je suis charitable c'est Jésus seul qui agit en moi; plus je suis unie à lui, plus aussi j'aime toutes mes sœurs. Si je veux augmenter en mon cœur cet amour et que le démon essaie de me mettre devant les yeux les défauts de telle ou telle sœur, je m'empresse de rechercher ses vertus, ses bons désirs; je me dis que, si je l'ai vue tomber une fois, elle peut bien avoir remporté un grand nombre de victoires qu'elle cache par humilité; et que, même ce qui me paraît une faute peut très bien être, à cause de l'intention, un acte de vertu.
J'ai d'autant moins de peine à me le persuader que j'en fis l'expérience par moi-même. Un jour, pendant la récréation, la portière vint demander une sœur pour une besogne qu'elle désigna. J'avais un désir d'enfant de m'employer à ce travail, et justement le choix tomba sur moi. Aussitôt je commence à plier notre ouvrage, mais assez doucement pour que ma voisine ait plié le sien avant moi, car je savais la réjouir en lui laissant prendre ma place. La sœur qui demandait de l'aide, me voyant si peu pressée, dit en riant: « Ah! je pensais bien que vous ne mettriez pas cette perle à votre couronne, vous alliez trop lentement !. Et toute la communauté crut que j'avais agi par nature » - MSC
12,2-13,1 - .» - Comme il sera constaté...

50 - Elle raconte ainsi son triomphe sur une antipathie naturelle:
[49v] « Une sainte religieuse de la communauté avait autrefois le talent de me déplaire en tout; le démon s'en mêlait, car c'était lui certainement qui me faisait voir en elle tant de côtés désagréables; aussi, ne voulant pas céder à l'antipathie naturelle que j'éprouvais, je me dis que la charité ne devait pas seulement consister dans les sentiments, mais se laisser voir dans les œuvres. Alors je m'appliquai à faire pour cette sœur ce que j'aurais fait pour la personne que j'aime le plus. A chaque fois que je la rencontrais, je priais le bon Dieu pour elle, lui offrant toutes ses vertus et ses mérites. je sentais bien que cela réjouissait grandement mon Jésus; car il n'est pas d'artiste qui n'aime à recevoir des louanges de ses œuvres, et le divin Artiste des âmes est heureux lorsqu'on ne s'arrête pas à l'intérieur, mais que, pénétrant jusqu'au sanctuaire intime qu'il s'est choisi pour demeure, on en admire la beauté. Je ne me contentais pas de prier beaucoup pour celle qui me donnait tant de combats, je tâchais de lui rendre tous les services possibles; et quand j'avais la tentation de lui répondre d'une façon désagréable, je m'empressais de lui faire un aimable sourire, essayant de détourner la conversation; car il est dit dans l'Imitation: 'Qu'il vaut mieux laisser chacun dans son sentiment que de s'arrêter à contester' (liv. 3, ch. 44, 1). Souvent aussi, quand le démon me tentait violemment et que je pouvais m'esquiver sans qu'elle s'aperçût de ma lutte intime, je m'enfuyais comme un soldat déserteur... Et sur ces entrefaites, elle me dit un jour d'un air radieux: 'Ma sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, voudriez-vous me confier ce qui vous attire tant vers moi? Je ne vous rencontre pas que vous ne me fassiez le plus gracieux sourire'. Ah! ce qui m'attirait, c'était Jésus caché au fond de son âme, Jésus qui rend doux ce qu'il y a de plus amer! » - MSC 13,2-14,1 - .» - Comme il sera constaté...

[50r] 51 - Dans ses rapports avec les religieuses de sa communauté, elle s'imposait le sacrifice de ne pas rechercher la société de ses trois sœurs, malgré son affection si vive, pour que la charité envers sa famille du Carmel n'eût pas à en souffrir, car elle disait:

« Quel festin pourrais-je offrir à mes sœurs, si ce n'est un festin spirituel composé de charité aimable et joyeuse? Non, je n'en connais pas d'autre, et je veux imiter saint Paul qui se réjouissait avec ceux qu'il trouvait dans la joie. Il est vrai qu'il pleurait avec les affligés, et les larmes doivent quelquefois paraître dans le festin que je veux servir; mais toujours j'essaierai que les larmes se changent en sourires, puisque le Seigneur aime ceux qui donnent avec joie » - MSC 28,2 - .
Comme il sera constaté...

52 - Souvent, il fallait lutter avec énergie, il y avait un vrai combat pour dominer sa nature, elle raconte plusieurs traits comme celui-ci: « Longtemps, à l'oraison, je ne fus pas éloignée d'une sœur, qui ne cessait de remuer, ou son chapelet, ou je ne sais quelle autre chose; peut-être n'y avait-il que moi à l'entendre, car j'ai l'oreille extrêmement fine; mais dire la fatigue que j'en éprouvais serait chose impossible! J'aurais voulu tourner la tête pour regarder la coupable et faire cesser son tapage; cependant, au fond du cœur, je sentis qu'il valait mieux souffrir cela patiemment pour l'amour du bon Dieu d'abord, et puis aussi pour éviter une occasion de peine » - MSC 30,1-2 - . Malgré la sensibilité de sa nature la Servante de Dieu conserva toujours la douceur et ses manières charitables; si quelqu'une
lui avait fait de la peine, on ne surprit jamais chez elle aucune marque de froideur, elle redoublait au contraire de prévenances et d'attentions. Comme il sera constaté...

[50v] 53 - Elle entourait de soins et d'une attention toute filiale une sœur du voile blanc, sœur Saint-Pierre, que son grand âge et de nombreuses infirmités avaient rendue un peu exigeante. Ce ministère de charité se prolongea assez longtemps et il a trouvé place dans l'Histoire d'une âme: « Je me souviens d'un acte de charité que le bon Dieu m'inspira lorsque j'étais encore novice. De cet acte, tout petit en apparence, le Père céleste, qui voit dans le secret, m'a déjà récompensée sans attendre l'autre vie. C'était avant que ma sœur Saint-Pierre tombât tout à fait infirme. Il fallait, le soir à six heures moins dix minutes, que l'on se dérangeât de l'oraison pour la conduire au réfectoire. Cela me coûtait beaucoup de me proposer; car je savais la difficulté ou plutôt l'impossibilité de contenter la pauvre malade. Cependant je ne voulais pas manquer une si belle occasion, me souvenant des paroles divines: Ce que vous aurez fait au plus petit des miens, c'est à moi que vous l'aurez fait (Matth. 25, 40). Je m'offris donc bien humblement pour la conduire, et ce ne fut pas sans peine que je parvins à faire accepter mes services. Enfin je me mis à l'œuvre avec tant de bonne volonté que je réussis parfaitement. Chaque soir, quand je la voyais agiter son sablier, je savais que cela voulait dire: partons! Prenant alors tout mon courage; je me levais, et puis toute une cérémonie commençait. Il fallait remuer et porter le banc d'une certaine manière, surtout ne pas se presser, ensuite la promenade
avait lieu. Il s'agissait de suivre cette bonne sœur en la soutenant par la ceinture; je le faisais avec le plus de douceur qu'il m'était possible, mais si par malheur survenait un faux pas, aussitôt il lui semblait que je la tenais mal et qu'elle allait tomber. 'Ah! mon Dieu! vous allez trop vite, j'vais m'briser!'. Si j'essayais alors [51r] de la conduire plus doucement: -'Mais suivez-moi donc, je n'sens pas vot-main, vous m'lâchez, j'vais tomber!... Ah! j'disais bien que vous étiez trop jeune pour me conduire'. Enfin nous arrivions sans autre accident au réfectoire. Là, surgissaient d'autres difficultés. je devais installer ma pauvre infirme à sa place et agir adroitement pour ne pas la blesser, ensuite relever ses manches, toujours d'une certaine manière, après cela je pouvais m'en aller. Mais je m'aperçus bientôt qu'elle coupait son pain avec une peine extrême; et depuis, je ne la quittais pas sans lui avoir rendu ce dernier service. Comme elle ne m'en avait jamais exprimé le désir, elle resta très touchée de mon attention, et ce fut par ce moyen, nullement cherché, que je gagnai entièrement sa confiance, surtout - je l'ai appris plus tard - parce qu'après tous les petits services je lui faisais, disait-elle, mon plus beau sourire ».» - MSC 28,2-29,2 -
La pauvre malade a voulu elle-même raconter aussi le fait dans ses détails pour transmettre au Carmel son admiration de cette charité sans défaillance. - Comme il sera constaté...

54 - Lorsque Thérèse de l'Enfant Jésus fut chargée des novices, sa charité dévouée ne cessa de s'employer pour elles, leur donnant tout son temps, et multipliait ses soins et ses sacrifices pour leur avancement. Enfin à l'approche de la mort elle manifestait le désir de continuer les œuvres de la charité: « Je veux - disait-elle - passer mon ciel à faire du bien sur la terre » - CJ 17-7 - . Ce qu'elle réalise chaque jour et de tous côtés. Comme il sera constaté...

55 - Sa charité s'étendait aux âmes du purgatoire et toujours elle manifesta un grand zèle pour les secourir. Elle fit, en leur faveur, l'acte héroïque, leur donnant tout ce qu'elle gagnerait de mérites pendant sa vie, et les suffra-[51v]ges qui seraient offerts pour elle, après sa mort. Son zèle était grand pour gagner les indulgences, elle constituait ensuite la Sainte Vierge la dispensatrice de ses richesses, qu'elles vinssent des indulgences ou de ses propres sacrifices. Elle aurait voulu, le jour de sa profession, pouvoir délivrer toutes les âmes retenues en purgatoire. Toute sa vie elle travailla à leur soulagement par ses chemins de croix, la récitation de la prière: « 0 bon et très doux Jésus » et des six Pater et Ave du scapulaire de l'Immaculée-Conception, qu'elle continua jusqu'aux derniers jours de sa vie. - Comme il sera constaté...

PRUDENCE

56 - La Servante de Dieu a pratiqué très jeune la vertu de prudence dans sa conduite personnelle et dans la direction des novices.

Afin de répondre, sans délai, à l'appel de Dieu et entrer dans le cloître, à 15 ans, il fallut des négociations délicates, les circonstances étaient particulièrement difficiles; Thérèse mit toute sa confiance dans le Saint-Esprit, elle supplia les apôtres de la protéger et choisit le jour de la Pentecôte pour manifester son désir à son père. Ce consentement obtenu, elle poursuivit ses démarches auprès du supérieur ecclésiastique et des mères du Carmel, et, malgré sa timidité, auprès de monseigneur l'évêque de Bayeux; la prière seule l'empêchait de se laisser abattre par les oppositions multiples qu'elle rencontra sur sa route: « L'appel divin devenait si pressant - dit-elle - que m'eut-il fallu traverser les flammes, je m'y serais élancée pour répondre à Notre-Seigneur » - MSA 49,1 - Comme il sera constaté...

57 - Enfin sa demande personnelle et ses instances auprès de Souverain Pontife lui-même, dans l'émotion intense que causait à toute personne, et encore plus à une enfant de [52r] 14 ans, une première audience solennelle du Pape Léon XIII, indiquent la prudence surnaturelle avec laquelle elle se conduisit dans ces difficultés, pour répondre ainsi au pressant appel de Dieu. - Comme il sera constaté...

58 - La vertu de prudence est bien au-dessus de son âge dans cette lettre d'une novice de 15 ans, à sa cousine Marie Guérin, qui devait plus tard la suivre au Carmel:
« Avant de recevoir tes confidences (à propos des scrupules), je pressentais tes angoisses; mon cœur était uni au tien. Puisque tu as l'humilité de demander des conseils à ta petite Thérèse, elle va te dire ce qu'elle pense: Tu m'as causé beaucoup de peine en laissant tes communions, parce que tu en as causé à Jésus. Il faut que le démon soit bien fin pour tromper ainsi une âme! Ne sais-tu pas, ma chérie, que tu lui fais atteindre ainsi le but de ses désirs? Il n'ignore pas, le perfide, qu'il ne peut faire pécher une âme qui veut être tout au bon Dieu; aussi, s'efforce-t-il seulement de lui persuader qu'elle pèche. C'est déjà beaucoup; mais, pour sa rage, ce n'est pas encore assez... Il poursuit autre chose: il veut priver Jésus d'un tabernacle aimé. Ne pouvant entrer, lui, dans ce sanctuaire, il veut du moins qu'il demeure vide et sans maître. Hélas! que deviendra ce pauvre cœur?... Quand le diable a réussi à éloigner une âme de la communion, il a tout gagné, et Jésus pleure!... 0 ma petite Marie, pense donc que ce doux Jésus est là,
dans le tabernacle, exprès pour toi, pour toi seule, qu'il brûle du désir d'entrer dans ton cœur. N'écoute pas le démon, moque-toi de lui, et va sans crainte recevoir le Jésus de la paix et de l'amour. Mais je t'entends dire: Thérèse pense cela parce qu'elle ne sait pas mes misères... Si, elle sait bien, elle devine tout, elle t'assure que tu peux aller sans crainte recevoir ton seul [52v] Ami véritable. Elle a aussi passé par le martyre du scrupule, mais Jésus lui a fait la grâce de communier toujours, alors même qu'elle pensait avoir commis de grands péchés. Eh bien! Je t'assure qu'elle a reconnu que c'était le seul moyen de se débarrasser du démon; s'il voit qu'il perd son temps, il nous laisse tranquille. Non, il est impossible qu'un cœur dont l'unique repos est de contempler le tabernacle, - et c'est le tien, me dis-tu - offense Notre-Seigneur au point de ne pouvoir le recevoir. Ce qui offense Jésus, ce qui le blesse au Cœur c'est le manque de confiance. Prie-le beaucoup, afin que tes plus belles années ne se passent pas en craintes chimériques. Nous n'avons que les courts instants de la vie à dépenser pour la gloire de Dieu; le diable le sait bien; c'est pour cela qu'il essaie de nous les faire consumer en travaux inutiles. Petite sœur chérie, communie souvent, bien souvent, voilà le seul remède si tu veux guérir » - LT 92 p392-394 - . Si la Servante de Dieu répondait si sagement à sa cousine, elle ne se conduisait pas elle-même avec moins de prudence, pour suivre cette direction donnée par son confesseur, dans lequel elle croyait entendre la parole de Dieu: « Mon enfant, que Notre-Seigneur soit toujours votre supérieur et votre maître des novices » - MSA 70,1 - . Elle le fit, sans blesser personne et donnant toujours les
marques de la déférence la plus entière. Comme il sera constaté...

59 - La maturité précoce et la prudence de sœur Thérèse étaient si bien reconnues que la mère prieure du Carmel lui confia, à vingt-deux ans, le soin d'instruire et de former les novices. Elle a écrit: « En comprenant qu'il m'était impossible de rien faire par moi-même, la tâche me parut simplifiée. Je m'occupai intérieurement [53r] et uniquement de m'unir de plus en plus à Dieu sachant que le reste me serait donné par surcroît » - MSC 22,2 - .» Elle s'explique ensuite sur la difficulté de son ministère: « De loin, il semble aisé de faire du bien aux âmes, de leur faire aimer Dieu davantage, de les modeler d'après ses vues et ses pensées. De près, au contraire, on sent que faire du bien est chose aussi impossible, sans le secours divin, que de ramener sur notre hémisphère le soleil pendant la nuit. On sent qu'il faut absolument oublier ses goûts, ses conceptions personnelles et guider les âmes, non par sa propre voie, par son chemin à soi, mais par le chemin particulier que Jésus leur indique. Et ce n'est pas encore le plus difficile: ce qui me coûte par-dessus tout, c'est d'observer les fautes, les plus légères imperfections et de leur livrer une guerre à mort. J'allais dire: malheureusement pour moi, - mais non, ce serait de la lâcheté - je dis donc: heureusement pour mes sœurs, depuis que j'ai pris place dans les bras de Jésus, je suis comme le veilleur observant l'ennemi de la plus haute tourelle d'un château-fort. Rien n'échappe à mes regards; souvent je suis étonnée d'y voir si clair, et je trouve le prophète Jonas bien excusable de s'être enfui de devant la face du Seigneur pour ne pas annoncer la ruine de Ninive.
J'aimerais mieux recevoir mille reproches que d'en adresser un seul; mais je sens qu'il est très nécessaire que cette besogne me soit une souffrance, car lorsqu'on agit par nature, il est impossible que
l'âme en défaut comprenne ses torts, elle pense tout simplement ceci: la sœur chargée de me diriger est mécontente et son mécontentement retombe sur moi qui suis pourtant remplie des meilleures intentions » -
MSC 22,2-23,1 - . - Comme il sera constaté...

60 - La prudence de sœur Thérèse de l'Enfant Jésus était toute surnaturelle; parlant de sa manière d'agir avec les novices, elle dit à la mère prieure: [53v] « Ma mère, il en est de cela comme du reste, il faut que je rencontre en tout l'abnégation et le sacrifice; ainsi je sens qu'une lettre écrite ne produira aucun fruit, tant que je ne l'écrirai pas avec une certaine répugnance et pour le seul motif d'obéir. Quand je parle avec une novice, je veille à me mortifier, j'évite de lui adresser des questions qui satisferaient ma curiosité. Si je la vois commencer une chose intéressante, puis passer à une autre qui m'ennuie sans achever la première, je me garde bien de lui rappeler cette interruption, car il me semble que l'on ne peut faire aucun bien en se recherchant soi-même » - MSC 32,2 - Comme il
sera constaté...

61 - Sa prudence alliait la bonté compatissante à la fermeté. Pour aider une novice, qui ne pouvait s'astreindre à ne pas lever les yeux au réfectoire, conformément à la règle, elle compose la prière suivante, demandant, pour elle-même, la grâce dont la novice avait seule besoin « Jésus, vos deux petites épouses prennent la résolution de tenir les yeux baissés pendant le réfectoire, afin d'honorer et d'imiter l'exemple que vous leur avez donné chez Hérode. Quand ce prince impie se moquait de vous, ô beauté infinie, pas une plainte ne sortait de vos lèvres, vous ne daigniez pas même fixer sur lui vos yeux adorables. Oh! sans doute, divin Jésus, Hérode ne méritait pas d'être regardé par vous; mais,
nous qui sommes vos épouses, nous voulons attirer sur nous vos regards divins. Nous vous demandons de nous récompenser par ce regard d'amour, chaque fois que nous nous priverons de lever les yeux; et même, nous vous prions de ne pas nous refuser ce doux regard quand nous serons tombées, puisque nous nous en humilierons sincèrement devant vous » - PRI 3
,p358 - Comme il sera constaté...

62 - La Servante de Dieu répondait avec précision et [54r] souvent avec une onction pleine de charme aux demandes qui étaient faites, comme le prouve ce trait raconté par une de ses novices: « Je voulais me priver de la sainte communion pour une infidélité qui lui avait causé beaucoup de peine, mais dont je me repentais amèrement. Je lui écrivis ma résolution; et voici le billet qu'elle m'envoya: ' Petite fleur chérie de Jésus, cela suffit bien que, par l'humiliation de votre âme, vos racines mangent de la terre... il faut entrouvrir, ou plutôt élever bien haut votre corolle, afin que le pain des anges vienne, comme une rosée divine, vous fortifier et vous donner tout ce qui vous manque. Bonsoir, pauvre fleurette, demandez à Jésus que toutes les prières qui sont faites pour ma guérison servent à augmenter le feu qui doit me consumer » - CSG p290 - .
Une autre rapporte: « A l'infirmerie, nous attendions à peine que ses actions de grâces fussent terminées pour lui parler et lui demander ses conseils. Elle s'en attrista d'abord et nous en fit de doux reproches. Puis bientôt elle nous laissa faire, nous disant: ' J'ai pensé que je ne devais pas désirer plus de repos que Notre-Seigneur. Lorsqu'il s'enfuyait au désert après ses prédications, le peuple venait aussitôt troubler sa solitude. Approchez de moi tant que vous voudrez. Je dois mourir, les armes à la main, avant à la bouche le glaive de l'esprit qui est la parole de Dieu ' » (Eph. 6e 17)
- CSG p291 - Comme il sera constaté...

63 - L'ascendant de sa direction ne venait pas d'une prudence purement humaine, mais de son exemple, de son abnégation, de son amour pour les âmes. Son union avec Dieu était continuelle; elle avait sans cesse recours à lui et il ne cessa de la guider dans les conjonctures particulière-[54v]ment difficiles, comme il s'en rencontre parfois dans la vie commune, et qui ne lui furent pas épargnées. - Comme il sera constaté...

JUSTICE

64 - La Servante de Dieu n'a cessé de pratiquer la vertu de justice envers Dieu et les saints par le culte qu'elle leur rendait. Toute jeune, elle aimait les cérémonies pieuses et la fréquentation des sacrements de pénitence et d'eucharistie. Au Carmel, elle eut pour l'office divin la plus grande dévotion. A la fin de sa vie, elle s'exprimait ainsi:
« Je puis dire que l'office a été mon bonheur et mon martyre à la fois, parce que j'avais un si grand désir de bien le réciter et de ne pas y faire de fautes: je ne crois pas qu'il soit possible d'avoir désiré plus que moi réciter parfaitement l'office divin et bien y assister au chœur. Que j'étais fière quand j'étais semainière, que je disais les oraisons tout haut, au milieu du chœur, parce que je pensais que le prêtre disait les mêmes oraisons à la messe et que j'avais, comme lui, le droit de parler tout haut devant le Saint Sacrement » - CJ 6-8 - .» Pendant sa maladie, alors qu'elle était dispensée de l'office divin, elle voulut dire l'office des morts pour les sœurs décédées et ne cessa que sur l'ordre qui l'obligea de s'en abstenir. - Comme il sera constaté...

65 - Sœur Thérèse de l'Enfant Jésus, qui devait à Notre-Dame des Victoires la guérison de la maladie qui avait tant attristé son enfance, eut toujours pour Marie une dévotion très filiale et un culte particulier pour la statue devant laquelle elle avait été guérie. Elle récita avec joie l'acte de consécration à Marie, le jour de la première communion, au nom de ses compagnes. Elle voulut être reçue enfant de Marie, à l'abbaye des bénédictines de Lisieux. [55r] La récitation quotidienne du chapelet, du Memorare, les invocations à la Sainte Vierge, au début de la journée, étaient des pratiques qui lui furent toujours chères et elle voulut placer sous la protection spéciale de la Mère de Dieu la rédaction de son manuscrit. Le premier de ses chants fut en son honneur et la dernière poésie qui jaillit de son cœur fut: « Pourquoi je t'aime, ô Marie? - PN 54 p750 - » Comme il sera constaté...

66 - La Servante de Dieu avait une dévotion très confiante envers saint joseph; sa statue occupait une place d'honneur dans sa chambre de jeune fille, et, chaque jour, elle récitait la prière: « 0 saint joseph, père et protecteur des vierges... » Au Carmel, l'exemple de sainte Thérèse accrut cette dévotion et sa confiance, elle le priait surtout pour obtenir une plus grande participation à la sainte Eucharistie, dans un moment où la pratique de la sainte communion était rendue plus difficile au Carmel de Lisieux; aussi salua-t-elle avec joie le décret libérateur de Léon XIII.
Inutile de mentionner son culte pour sainte Thérèse, sa mère et sa patronne, et pour saint Jean de la Croix. - Comme il sera constaté...

67 - Elle honorait les anges du ciel et son ange gardien; elle nourrissait sa piété des exemples des apôtres et des saints et savait très judicieusement les proposer dans ses directions. Elle écrit à sa sœur Céline, le 30 octobre 1893:

« Ma sœur chérie,

Tu m'écris que tu sens ta faiblesse, c'est une grâce; c'est Notre-Seigneur qui imprime en ton âme ces sentiments de défiance de toi-même. Ne crains pas; si tu restes fidèle à [55v] lui faire plaisir dans les petites occasions, il se trouvera obligé de t'aider dans les grandes. Les apôtres, sans lui, travaillèrent longtemps, toute une nuit, sans prendre aucun poisson; leur travail pourtant lui était agréable, mais il voulait prouver que lui seul peut nous donner quelque chose. Il demandait seulement un acte d'humilité: Enfants, n'avez-vous rien à manger?, et le bon saint Pierre avoue son impuissance: Seigneur, nous avons pêché toute la nuit sans rien prendre! C'est assez! Le Coeur de Jésus est touché, il est ému... Peut-être que si l'apôtre eût pris quelques petits poissons, le divin Maître n'aurait pas fait de
miracle; mais il n'avait rien, aussi par la puissance et la bonté divines ses filets furent bientôt remplis de gros poissons! Voilà bien le caractère de Notre-Seigneur: il donne en Dieu, mais il veut l'humilité du cœur» - LT 161 - .»

Elle a eu un culte spécial pour sainte Agnès et pour deux serviteurs de Dieu, béatifiés depuis sa mort: la bienheureuse Jeanne d'Arc et le bienheureux Théophane Vénard. À Jeanne d'Arc elle a consacré une bonne partie de ses chants et elle appelait sa béatification des vœux les plus ardents. Les lettres du bienheureux Théophane Vénard la charmaient et elle admirait en lui le zèle du missionnaire et la générosité du martyr. - Comme il sera constaté...

68 - Lorsque la Servante de Dieu eut la charge de sacristine, son esprit de piété se manifestait dans le soin apporté pour la dignité des ornements, son respect religieux pour les vases et les linges sacrés, par son zèle à préparer les fleurs de l'autel ou à fleurir une statue de l'Enfant Jésus, qui lui était confiée. Comme il sera constaté...

[56r] VOEUX DE RELIGION
La Servante de Dieu n'a cessé de pratiquer la justice par sa fidélité, jusqu'à la mort, à ses trois vœux de religion.

PAUVRETÉ

69 - « Pendant mon postulat - dit-elle - j'étais contente d'avoir à mon usage des choses soignées et de trouver sous la main ce qui m'était nécessaire. Jésus souffrait cela patiemment, car il n'aime pas à tout montrer aux âmes en même temps. Depuis ma prise d'habit, j'ai reçu des lumières abondantes sur la perfection religieuse, principalement au sujet du vœu de pauvreté » - MSA 74,1 - .
Et lorsque par mégarde une sœur avait, un soir, pris sa lanterne, elle resta dans l'obscurité, s'estimant heureuse d'être privée de ce qui lui était nécessaire; elle cherchait à avoir les objets les plus laids, les moins commodes; dans sa nourriture, elle ne manifestait jamais aucun regret quand on lui servait des restes ou des mets que son estomac digérait péniblement. Ces pratiques lui coûtaient beaucoup, mais elle savait toujours se renoncer. - Comme il sera constaté...

70 - La Servante de Dieu luttait de même pour triompher de ses impatiences, si on prenait les objets à son usage. Elle a écrit:
« S'il est difficile de donner à quiconque demande, il l'est encore bien plus de laisser prendre ce qui appartient sans le redemander. 0 ma mère, je dis que c'est difficile, je devrais plutôt dire que cela semble difficile; car le joug du Seigneur est suave et léger: lorsqu'on l'accepte, on sent aussitôt sa douceur. Je disais: Jésus ne veut pas que je réclame ce qui m'ap-[56v]partient; cela devrait me paraître tout naturel, puisque réellement rien ne m'appartient en propre: je dois donc me réjouir lorsqu'il m'arrive de sentir la pauvreté dont j'ai fait le vœu solennel. Autrefois je croyais ne tenir à quoi que ce soit; mais, depuis que les paroles de Jésus me sont lumineuses, je me vois bien imparfaite. Par exemple si, me mettant à l'ouvrage pour la peinture, je trouve les pinceaux en désordre, si une règle ou un canif a disparu, la patience est bien près de m'abandonner et je dois la prendre à deux mains pour ne pas
réclamer avec amertume les objets qui me manquent. Ces choses indispensables, je puis sans doute les demander, mais en le faisant avec humilité je ne manque pas au commandement de Jésus, au contraire, j'agis comme les pauvres qui tendent la main pour recevoir le nécessaire » - MSC
16,1-2 - . - Comme il sera constaté...

71 - Elle étendait cette pratique aux biens de l'esprit, d'une façon bien méritoire:
« Quand le divin Maître me dit de donner à quiconque me demande et de laisser prendre ce qui m'appartient sans le redemander, je pense qu'il ne parle pas seulement des biens de la terre, mais qu'il entend aussi les biens du ciel. D'ailleurs les uns et les autres ne sont pas à moi: j'ai renoncé aux premiers par le vœu de pauvreté, et les seconds me sont également prêtés par Dieu qui peut me les retirer sans qu'il me soit permis de me plaindre. Mais les pensées profondes et personnelles, les flammes de l'intelligence et du cœur forment une richesse à laquelle on s'attache comme à un bien propre, auquel personne n'a le droit de toucher. Par exemple: si je communique à l'une de mes sœurs quelque lumière de mon oraison et qu'elle la révèle ensuite comme venant d'elle-même, il semble qu'elle s'approprie mon bien; ou si l'on dit tout bas à sa compagne, pendant la récréation, une parole d'esprit et d'à-propos et [57r] que celle-ci, sans en faire connaître la source, répète tout haut cette parole, cela paraît comme un vol à la propriétaire qui ne réclame pas, mais en aurait bien envie et saisira la première occasion pour faire savoir finement qu'on s'est emparé de ses pensées. Ma mère, je ne pourrais vous expliquer aussi bien ces tristes sentiments de la nature, si je ne les avais éprouvés moi-même; et j'aimerais à me bercer de la douce illusion qu'ils n'ont visité que moi, si vous ne m'aviez
ordonné d'entendre les tentations des novices. J'ai beaucoup appris en remplissant la mission que vous m'avez confiée; surtout je me suis vue forcée de pratiquer ce que j'enseignais. Oui, maintenant je puis le dire, j'ai reçu la grâce de n'être pas plus attachée aux biens de l'esprit et du cœur qu'à ceux de la terre. S'il m'arrive de penser et de dire une chose qui plaise à mes sœurs, je trouve tout naturel qu'elles s'en emparent comme d'un bien à elles: cette pensée appartient à l'Esprit-Saint et non pas à moi, puisque saint Paul assure que nous ne pouvons, sans cet Esprit d'amour, donner à Dieu le nom de Père. Il est donc bien libre de se servir de moi pour donner une bonne pensée à une âme et je ne puis croire que cette pensée soit ma propriété » - MSC 18,2-19,2 - Comme il sera constaté...

CHASTETÉ

72 - La Servante de Dieu, toute jeune, se faisait remarquer par un grand amour de la pureté. Ce n'était qu'avec peine qu'on la décidait à suivre des traitements nécessaires à son état maladif, comme des douches, tant elle redoutait de blesser la pureté. Carmélite, cette belle vertu brillera dans toute sa vie et elle l'exaltera dans ses chants et honorera toujours d'un culte [57v] particulier sainte Agnès. Elle a composé le cantique suivant:

« Cantique de sainte Agnès:
Le Christ est mon amour, il est toute ma vie, il est le fiancé qui seul ravit mes yeux;
j'entends déjà vibrer de sa douce harmonie les sons mélodieux.
Son empire est le ciel, sa nature est divine, une Vierge ici-bas pour mère il se choisit;
son Père est le vrai Dieu qui n'a pas d'origine, il est un pur esprit.
Lorsque j'aime le Christ et lorsque je le touche,
mon coeur devient plus pur, je suis plus chaste encor:
de la virginité le baiser de sa bouche m'a donné le trésor...
Il a déjà posé son signe sur ma face, afin que nul amant n'ose approcher de moi:
mon coeur est soutenu par la divine grâce de mon aimable Roi » - PN 26 p704 -

Si elle écrit à une novice pour sa profession que la chasteté sera son arme dans la vie, c'est qu'elle-même se sert de cette arme pour lutter chaque jour.

« La chasteté me rend la sœur des anges, de ces esprits purs et victorieux.
J'espère un jour voler en leurs phalanges mais, dans l'exil, je dois lutter comme eux..
Je dois lutter, sans repos et sans trêve, pour mon Epoux, le Seigneur des seigneurs.
La chasteté, c'est le céleste glaive qui peut lui conquérir des coeurs.
[58r] La chasteté, c'est mon arme invincible; mes ennemis par elle sont vaincus;
par elle je deviens, ô bonheur indicible! l'épouse de Jésus » - PN 48 p740 - .

La Servante de Dieu n'était pas scrupuleuse dans sa direction; et, pour elle, son habitude de garder toujours la présence de Dieu la faisait agir avec une grande réserve. Cet ange de pureté a confié à une de ses sœurs qu'elle n'avait jamais été tentée contre cette vertu. Comme il sera constaté.

OBÉISSANCE

73 - Thérèse de l'Enfant Jésus s'appliqua à pratiquer l'obéissance et à triompher de son caractère, nombreux sont les exemples qui pourront être rapportés dans sa vie d'enfant. Devenue religieuse, elle obéissait en esprit de foi à toutes celles qui devaient la commander, elle était disposée à le faire en toutes circonstances et disait à sa supérieure:
« Ma mère, vous êtes la boussole que Jésus m'a donnée pour me conduire sûrement au rivage éternel. Qu'il m'est doux de fixer sur vous mon regard et d'accomplir ensuite la volonté du Seigneur! En permettant que je souffre des tentations contre la foi, le divin Maître a beaucoup augmenté dans mon cœur l'esprit de foi, qui me le fait voir vivant en votre âme et me communiquant par vous ses ordres bénis. je sais bien, ma mère, que vous me rendez doux et léger le fardeau de l'obéissance; mais il me semble, d'après mes sentiments intimes, que je ne changerais pas de conduite et que ma tendresse filiale ne souffrirait aucune diminution, s'il vous plaisait de me traiter sévèrement, parce que je verrais
encore la volonté de mon Dieu se manifestant d'une autre façon pour le plus grand bien de mon âme » - MSC 11,1-2 - . -
Comme il sera constaté...

[58v] 74 - Son obéissance allait jusqu'à déférer à la demande de toutes les sœurs qui lui prescrivaient une chose et, si quelque recommandation fixait un point de minime importance, elle s'y conformait ensuite sans le transgresser jamais plus. Pendant sa maladie, son infirmière lui avait conseillé de faire tous les jours une petite promenade d'un quart d'heure dans le jardin. Ce conseil devenait un ordre pour elle. Un après-midi, une sœur la voyant marcher avec beaucoup de peine, lui dit: « Vous feriez bien mieux de vous reposer, votre promenade ne peut vous faire du bien dans de pareilles conditions, vous vous épuisez, voilà tout! - C'est vrai - répondit-elle mais savez-vous ce qui me donne des forces? Eh bien! Je marche pour un missionnaire. Je pense que là-bas, bien loin, l'un deux est peut-être épuisé
dans ses courses apostoliques, et pour diminuer ses fatigues, j'offre les miennes au bon Dieu » - DE mai - . - Comme il sera constaté...

75 - Voici comment elle chante l'obéissance:

« L'ange orgueilleux, au sein de la lumière, s'est écrié: "Je n'obéirai pas '
Moi je répète en la nuit de la terre: Je veux toujours obéir ici-bas.
Je sens en moi naître une sainte audace, de tout l'enfer je brave la fureur.
L'obéissance est ma forte cuirasse et le bouclier de mon coeur.
0 Dieu vainqueur! Je ne veux d'autres gloires que de soumettre en tout ma volonté;
puisque l'obéissant redira ses victoires toute l'éternité!» - PN 48 ,p740 - .

[59r] LA FORCE

76 - La force chrétienne fut de tous les jours dans la vie de la Servante de Dieu, si on l'étudie dans ses détails. D'une nature ardente et sensible, elle parvint à se dominer et à conserver toujours une humeur égale et bienveillante, même au milieu des épreuves et des souffrances.

« Le jour de ma confirmation, je reçus dit-elle - la force de souffrir, force qui m'était bien nécessaire, car le martyre de mon âme devait commencer peu après » - MSA 36,2 - .» Aussi est-ce à l'Esprit-Saint qu'elle s'adresse pour la soutenir dans les démarches multiples et dans les échecs apparents qui précédèrent son arrivée au Carmel. Au moment même de la séparation, elle n'entendait que des sanglots et ne versa pas de larmes, mais, dit-elle, « en marchant la première pour me rendre à la porte de clôture, mon cœur battait si violemment que je me demandais si je n'allais pas mourir. Oh! quel instant! quelle agonie! il faut l'avoir éprouvée pour la comprendre; j'embrassai tous les miens et me
mis à genoux devant mon père pour recevoir sa bénédiction. Il s'agenouilla lui-même et me bénit en pleurant » - MSA 69,1 - .» Thérèse manifesta une force héroïque en gardant, si jeune, une paix profonde dans sa vie nouvelle, malgré l'agonie de son cœur. - Comme il sera constaté...

77 - La force de la Servante de Dieu se montra dans son énergie pour supporter, dès le début, toutes les austérités de la règle, les sécheresses de l'âme et la sévérité qui présida à sa première formation. Elle a écrit:

« J'ai trouvé la vie religieuse telle que je me l'étais figurée, aucun sacrifice ne m'étonna; et pourtant, vous le savez, ma mère, mes premiers pas ont rencontré plus d'épines que de roses. D'abord je n'avais pour mon âme que le pain quotidien [59v] d'une sécheresse amère. Puis le Seigneur permit, ma mère vénérée, que, même à votre insu, je fusse traitée par vous très sévèrement. Je ne pouvais vous rencontrer sans recevoir quelque reproche. Une fois, je me rappelle qu'ayant laissé dans le cloître une toile d'araignée, vous m'avez dit, devant toute la communauté: 'On voit bien que nos cloîtres sont balayés par une enfant de quinze ans! c'est une pitié! Allez donc ôter cette toile d'araignée, et devenez plus soigneuse à l'avenir'. Dans les rares directions où je restais près de vous pendant une heure, j'étais encore grondée presque tout le temps; et ce qui me faisait le plus de peine, c'était de ne pas comprendre la manière de me corriger de mes défauts: par exemple, de ma lenteur, de mon peu de dévouement dans les offices; défauts que vous me signalez, ma mère, dans votre sollicitude et votre bonté pour moi » - MSA 69,2 - "'. -
Comme il sera constaté...

78 - Sa force s'accusa dans la façon généreuse de supporter ces sacrifices:

« Pendant ce temps de mon postulat, notre maîtresse m'envoyait le soir, à quatre heures et demie, arracher de l'herbe dans le jardin: cela me coûtait beaucoup; d'autant plus, ma mère, que j'étais presque sûre de vous rencontrer en chemin. Vous dîtes, en l'une de ces circonstances: 'Mais enfin, cette enfant ne fait absolument rien! Qu'est-ce donc qu'une novice qu'il faut envoyer tous les jours à la promenade?'. Et pour toutes choses, vous agissiez ainsi à mon égard. 0 ma mère bien-aimée, que je vous remercie de m'avoir donné une éducation si forte et si précieuse! Quelle grâce inappréciable! Que serais-je devenue si, comme le croyaient les personnes du monde, j'avais été le joujou de la communauté? Peut-être, au lieu de voir Notre-Seigneur en mes supérieures, n'aurais-je considéré que la créature, et mon cœur, [60r] si bien gardé dans le monde, se serait attaché humainement dans le cloître. Heureusement, par votre sagesse maternelle, je fus préservée de ce véritable malheur. Oui, je puis le dire, non seulement pour ce que je viens d'écrire, mais pour d'autres épreuves plus sensibles encore, la souffrance m'a tendu les bras dès mon entrée et je l'ai embrassée avec amour» - MSA 69,2 - '. - Comme il sera constaté...

79 - La Servante de Dieu accepta avec courage, gardant son égalité d'âme, la sévérité des supérieurs, après sa prise d'habit et sa profession, malgré l'illusion de plusieurs religieuses sur la façon dont elle était traitée. Elle le dit au début de la seconde partie de son manuscrit, quand la révérende mère prieure lui demanda de plus amples détails sur sa vie religieuse:

« Dans la communauté, on croit généralement que vous m'avez gâtée de toute façon, depuis mon entrée au Carmel; mais l'homme ne voit que l'apparence, c'est Dieu qui lit au fond des cœurs. 0 ma mère, je vous remercie une fois encore de ne m'avoir pas ménagée; Jésus savait bien qu'il fallait à sa petite fleur l'eau vivifiante de l'humiliation, elle était trop faible pour prendre racine sans ce moyen, et c'est à vous qu'elle doit cet inestimable bienfait » - MSC 1,2 -
Comme il sera constaté...

80 - La Servante de Dieu fut également forte dans l'épreuve des sécheresses qui furent le partage de presque toute sa vie religieuse. Elle écrit, pendant sa retraite de prise d'habit, à la mère Agnès de Jésus:

« Dans mes rapports avec Jésus, rien: sécheresse! sommeil! Puisque mon Bien-Aimé veut dormir, je ne l'en empêcherai pas; je suis trop heureuse de voir qu'il ne me trai-[60v]te point comme une étrangère, qu'il ne se gêne pas avec moi. Il crible sa petite balle de piqûres d'épingle bien douloureuses. Quand c'est ce doux Ami qui perce lui-même sa balle, la souffrance n'est que douceur, sa main est si douce! Quelle différence avec celle des créatures!.» - LT74 p370 -

Mêmes aridités pendant la retraite de profession. Elle les découvre à sa sœur, Marie du Sacré-Cœur: « Votre petite fille n'entend guère les harmonies célestes: son voyage de noces est bien aride! Son Fiancé, il est vrai, lui fait parcourir des pays fertiles et magnifiques; mais la nuit l'empêche de rien admirer et surtout de jouir de toutes ces merveilles. Vous allez peut-être croire qu'elle s'en afflige? Mais non, au contraire, elle est heureuse de suivre son Fiancé pour lui seul et non à cause de ses dons. Lui seul, il est si beau! si ravissant! même quand il se tait, même quand il se cache! Comprenez votre petite fille... elle est lasse des consolations de la terre, elle ne veut plus que son Bien-Aimé. je crois que le travail de Jésus, pendant cette retraite, a été de me détacher de tout ce qui n'est pas lui. Ma seule consolation est une force et une paix très grandes; et puis, j'espère être comme Jésus veut que je sois: c'est ce qui fait tout mon bonheur » - LT 111 - Comme il sera constaté...

81 - La même force se manifestait dans les services à rendre à ses sœurs et lorsque, pendant une nuit, un commencement d'incendie avait menacé le Carmel, sœur Thérèse de l'Enfant Jésus était à la tête des autres et, sans prendre garde au danger, contribua grandement à éteindre les flammes. Elle savait se faire violence avec une grande énergie de volonté et « à toutes ses vertus, elle joignait un courage extraordinaire. Dès son entrée, à quinze ans, sauf les jeûnes, [61r] on lui laissa suivre toutes les pratiques de la règle austère. Parfois, ses compagnes du noviciat remarquaient sa pâleur et essayaient de la faire dispenser, soit de l'office du soir ou du lever matinal; la vénérée mère prieure n'accédait point à leurs demandes: 'Une âme de cette trempe - disait-elle - ne doit pas être traitée comme une enfant, les dispenses ne sont pas faites pour elle. Laissez-la, Dieu la soutient. D'ailleurs, si elle est malade, elle doit venir le dire elle-même'. Mais sœur Thérèse avait ce principe qu'il « faut aller jusqu'au bout de ses forces avant de se plaindre.» Que de fois elle s'est rendue à matines avec des vertiges ou de violents maux de tête! ' Je puis encore marcher - se disait-elle -, eh bien! Je dois être à mon devoir!'. Et grâce à cette énergie, elle accomplissait simplement des actes héroïques » - CRM 66 -

Elle raconte ce fait entr'autres à la révérende mère prieure: « Je me souviens qu'étant postulante, j'avais parfois de si violentes tentations de me satisfaire et de trouver quelques gouttes de joie, que j'étais obligée de passer rapidement devant votre cellule et de me cramponner à la rampe de l'escalier pour ne point retourner sur mes pas. Il me venait à l'esprit quantité de permissions à demander, mille prétextes pour donner raison à ma nature et la contenter. Que je suis heureuse maintenant de m'être privée dès le début de ma vie religieuse! Je jouis déjà de la récompense promise à ceux qui combattent courageusement » - MSC 21,2-22,1 - . - Comme il sera constaté...

82 - La Servante de Dieu montra une force héroïque dans les aridités spirituelles et les cruelles souffrances de sa longue maladie, quand on ne pouvait pas lui donner de remède pour la soulager; elle provoqua l'admiration du médecin. « Ah! si vous saviez ce qu'elle endure; jamais je n'ai vu - disait-il - souffrir autant avec cette expression de joie surnaturelle. C'est un ange » - HA ch.12 - Comme il sera constaté...

[61V] TEMPÉRANCE

83 - Le devoir de l'obéissance obligea la Servante de Dieu à ne pas faire de grandes mortifications extérieures, en dehors de celles déjà considérables imposées par la règle austère du Carmel. Ce qu'elle avait écrit des trois mois d'attente, qui précédèrent son entrée au cloître, elle continuait de le mettre en pratique, se livrant de plus en plus à une vie mortifiée, qu'elle définit de la sorte.

« Lorsque je dis mortifiée, je n'entends pas les pénitences des saints. Loin de ressembler aux belles âmes qui, dès leur enfance, pratiquent toute espèce de macérations, je faisais uniquement consister les miennes à briser ma volonté, à retenir une parole de réplique, à rendre de petits services autour de moi sans les faire valoir, et mille autres choses de ce genre. Par la pratique de ces riens, je me préparais à devenir la fiancée de Jésus » - MSA 68,2 - .

Et ailleurs: « Je m'appliquais surtout aux petits actes de vertu bien cachés; ainsi j'aimais à plier les manteaux oubliés par les sœurs, et je cherchais mille occasions de leur rendre service. L'attrait pour la pénitence me fut aussi donné; mais rien ne m'était permis pour le satisfaire. Les seules mortifications que l'on m'accordait, consistaient à mortifier mon amour-propre; ce qui me faisait plus de bien que les pénitences corporelles » - MSA 74,2 -
. - Comme il sera constaté...

84 - La Servante de Dieu imposa cette héroïque mortification à sa curiosité, lors de sa première hémorragie pulmonaire, qu'elle croyait un signe avant-coureur de sa délivrance:

« Au carême de l'année dernière (1896) je me trouvai plus forte que jamais, et cette force, malgré le jeûne que j'obser-[62r]vais dans toute sa rigueur, se maintint parfaitement jusqu'à Pâques; lorsque le jour du Vendredi Saint, à la première heure, Jésus me donna l'espoir d'aller bientôt le rejoindre dans son beau ciel. Oh! qu'il m'est doux ce souvenir! Le jeudi soir, n'ayant pas obtenu la permission de rester au tombeau la nuit entière, je rentrai à minuit dans notre cellule. A peine ma tête se posait-elle sur l'oreiller, que je sentis un flot monter en bouillonnant jusqu'à mes lèvres; je crus que j'allais mourir et mon cœur se fendit de joie. Cependant, comme je venais d'éteindre notre petite lampe, je mortifiai ma curiosité jusqu'au matin et m'endormis paisiblement » - MSC 4,2-5,1 - . Comme il sera
constaté...

85 - Si la Servante de Dieu ne pouvait pas s'imposer de mortifications corporelles spéciales, sans en avoir la permission, elle savait mortifier son cœur en lui refusant au Carmel les consolations qui lui auraient été chères; car après la séparation si douloureuse de son père tant aimé, elle retrouvait ses deux sœurs aînées, les confidentes de son âme, mais la solitude et le silence étant rigoureusement gardés, elle ne voyait ses sœurs qu'à l'heure des récréations. Si elle eût été moins mortifiée, souvent elle aurait pu s'asseoir à leurs côtés; mais, « elle recherchait de préférence la compagnie des religieuses qui lui plaisaient le moins » - HA ch12 - ; aussi l'on pouvait dire qu'on ignorait si elle affectionnait ses sœurs plus particulièrement. Quelque temps après son entrée, on la donna comme aide à sœur Agnès de Jésus, sa « Pauline » tant aimée: ce fut une nouvelle source de sacrifices. Sœur Thérèse savait qu'une parole inutile est défendue et jamais elle ne se permit la moindre confidence. « 0 ma petite mère - dira-t-elle plus tard - que j'ai souffert alors!... Je ne pouvais vous ouvrir mon cœur, et je pensais que vous ne me connaissiez plus!... » - DEA 13-7 - "'.

[62v] Après cinq années de ce silence héroïque, sœur Agnès de Jésus fut élue prieure. Au soir de l'élection, le cœur de la « petite Thérèse » dut battre de joie, à la pensée que désormais elle pourrait parler à sa « petite mère » en toute liberté, et, comme autrefois, épancher son âme dans la sienne; mais le sacrifice était devenu l'aliment de sa vie; si elle demanda une faveur, ce fut celle d'être considérée comme la dernière, d'avoir partout la dernière place. Aussi, de toutes les religieuses, ce fut elle qui vit sa mère prieure le plus rarement. - Comme il sera constaté...

86 - « Son esprit de sacrifice était universel. Tout ce qu'il y avait de plus pénible et de moins agréable, elle s'empressait de le saisir comme la part qui lui était due; tout ce que Dieu lui demandait, elle le lui donnait, sans retour sur elle-même. 'Pendant mon postulat - dit-elle - il me coûtait beaucoup de faire certaines mortifications extérieures, en usage dans nos monastères; mais jamais je n'ai cédé à mes répugnances: il me semblait que le crucifix du préau me regardait avec des yeux suppliants et me mendiait ces sacrifices'. Sa vigilance était telle qu'elle ne laissait inobservés aucune des recommandations de sa mère prieure, aucun de ces petits règlements qui rendent la vie religieuse si méritoire. Une sœur ancienne, ayant remarqué sa fidélité extraordinaire sur ce point, la considéra dès lors comme une sainte. Elle se plaît à dire qu'elle ne faisait pas de grandes pénitences: c'est que
sa ferveur comptait pour rien celles qui lui étaient permises. Il arriva pourtant qu'elle fut malade pour avoir porté trop longtemps une petite croix de fer, dont les pointes s'étaient enfoncées dans sa chair. 'Cela ne me serait pas arrivé pour si peu de chose - disait-elle ensuite - si le bon Dieu n'avait voulu me faire comprendre que les ma-[63r]cérations des saints ne sont pas faites pour moi, ni pour les petites âmes qui marcheront par la même voie d'enfance' » - HA ch.12 - Comme il sera constaté...

Les novices racontent qu'elle leur cachait ses mortifications sous des dehors gracieux. « Cependant, un jour de jeûne, où notre révérende mère lui avait imposé un soulagement, je la surpris assaisonnant d'absinthe cette douceur trop à son goût », rapporte l'une d'elles - CSG (130).

« Une autre fois, je la vis boire lentement un exécrable remède.
- Mais dépêchez-vous, lui dis-je, buvez cela tout d'un trait!
- Oh! non; ne faut-il pas que je profite des petites occasions qui se rencontrent de me mortifier un peu, puisqu'il m'est interdit d'en chercher de grandes?
C'est ainsi que, pendant son noviciat je l'ai su dans les derniers mois de sa vie, - une de nos sœurs, ayant voulu rattacher son scapulaire, lui traversa en même temps l'épaule avec sa grande épingle, souffrance qu'elle endura plusieurs heures avec joie.

Une autre fois, elle me donna une preuve de sa mortification intérieure. J'avais reçu une lettre fort intéressante qu'on avait lue à la récréation en son absence. Le soir, elle me manifesta le désir de la lire à son tour et je la lui donnai. Quelque temps après, comme elle me rendait cette lettre, je la priai de me dire sa pensée au sujet d'une chose qui, particulièrement, avait dû la charmer. Elle parut embarrassée et me répondit enfin:
- Le bon Dieu m'en a demandé le sacrifice, à cause de l'empressement que j'ai témoigné l'autre jour; je ne l'ai pas lue... » - CSG (130).

La Servante de Dieu poursuivra sans défaillance ses mortifications jusqu'à l'heure de sa mort. - Comme il sera constaté...

[63v] HUMILITÉ

87 - La voie d'enfance et d'abandon que la Servante de Dieu enseigna et s'efforça de suivre est une voie d'humilité. Elle l'étudia, avec sa sœur la mère Agnès, dans la dévotion à la Sainte Face: « Alors, j'ai compris mieux que jamais ce qu'est la véritable gloire. Celui dont le royaume n'est pas de ce monde, me montra que la royauté seule enviable consiste à vouloir être ignorée et comptée pour rien, à mettre sa joie dans le mépris de soi-même. Ah! comme celui de Jésus, je voulais que mon visage fût caché à tous les yeux, que sur la terre personne ne me reconnût: j'avais soif de souffrir et d'être oubliée.
Qu'elle est miséricordieuse la voie par laquelle le divin Maître m'a toujours conduite! Jamais il ne m'a fait désirer quelque chose sans me le donner; c'est pourquoi son calice amer me parut délicieux » - MSA 71,1 - . - Comme il sera constaté...

88 - Au jour de sa profession, elle surmonta une tentation qui la jetait dans la plus grande perplexité par un acte d'humilité. Elle découvrit à sa maîtresse des novices le trouble qui agitait son âme, à la pensée qu'elle trompait ses supérieures et qu'elle n'était pas appelée au Carmel. Cet acte d'humilité mit en fuite le démon et lui procura aussitôt une grande paix.
Parlant des consolations que Dieu lui donna dans une période de sa vie religieuse, elle ajoute:
« Ce doux soleil, loin de flétrir la petite fleur, la fait croître merveilleusement. Au fond de son calice, elle conserve les précieuses gouttes de rosée qu'elle a reçues autrefois; et ces gouttes lui rappelleront toujours qu'elle est petite et faible. Toutes les créatures pourraient se pencher vers elle, l'admirer, l'accabler de leurs louanges; cela n'ajouterait jamais une ombre de vaine satisfaction à la véritable joie qu'elle sa-[64r]voure en son cœur, se voyant aux yeux de Dieu un pauvre petit néant, rien de plus » - MSC 1,2-2,1 - . Une des religieuses de son monastère résume ainsi son attitude journalière: « Jamais elle ne donnait son avis, à moins qu'on le lui demandât, ne se mêlant aucunement à des conversations où elle n'était pas interrogée, s'effaçant toujours, se faisant petite à l'égard de ses sœurs, aimant à rendre service.» - Comme il sera constaté...

89 - La Servante de Dieu goûtait les humiliations que lui apportaient, à certains jours, les réflexions de ses novices, comme l'indiquent les lignes suivantes:

« J'ai sans cesse présent le souvenir de mes misères. Quelquefois cependant, il me vient un désir bien grand d'entendre autre chose que des louanges, mon âme se fatigue d'une nourriture trop sucrée, et Jésus lui fait servir alors une bonne petite salade bien vinaigrée, bien épicée: rien n'y manque, excepté l'huile, ce qui lui donne une saveur de plus. Cette salade m'est présentée par les novices, au moment où je m'y attends le moins. Le bon Dieu soulève le voile qui leur cache mes imperfections; et mes chères petites sœurs, voyant la vérité, ne me trouvent plus tout à fait à leur goût. Avec une simplicité qui me ravit. elles me disent les combats que je leur donne, ce qui leur déplaît en moi; enfin elles ne se gênent pas plus que s'il était question d'une autre, sachant qu'elles me font un grand plaisir en agissant
ainsi. Ah! vraiment c'est plus qu'un plaisir, c'est un festin délicieux qui comble mon âme de joie. Comment une chose qui déplaît tant à la nature peut-elle donner un pareil bonheur? Si je ne l'avais expérimenté, je ne le pourrais croire. Un jour, où je désirais ardemment être humiliée, il arriva qu'une jeune postulante se chargea si bien de me satis-[64v]faire que la pensée de Séméi, maudissant David, me revint à l'esprit, et je répétai intérieurement avec le saint roi: 'Oui, c'est bien le Seigneur qui lui a ordonné de me dire toutes ces choses'. Ainsi le bon Dieu prend soin de moi. Il ne peut toujours m'offrir le pain fortifiant de l'humiliation extérieure; mais, de temps en temps, il me permet de me nourrir des miettes qui tombent de la table des enfants. Ah! que sa miséricorde est grande! » - MSC
26,2-27,1 - - Comme il sera constaté...

Sœur Thérèse de l'Enfant Jésus voulut être au Carmel la petite servante de ses sœurs. Dans cet esprit d'humilité, elle s'efforçait d'obéir à toutes indistinctement.

« Un soir, pendant sa maladie, la communauté devait se réunir à l'ermitage du Sacré-Cœur pour chanter un cantique. Sœur Thérèse de l'Enfant Jésus, déjà minée par la fièvre, s'y était péniblement rendue; elle y arriva épuisée et dut s'asseoir aussitôt. Une religieuse lui fit signe de se lever pendant le chant du cantique. Sans hésiter, l'humble enfant se leva et, malgré la fièvre et l'oppression, resta debout jusqu'à la fin » - HA ch.12 - .

« Loin de fuir les humiliations, elle les recherchait avec empressement; c'est ainsi qu'elle s'offrit pour aider une sœur que l'on savait difficile à satisfaire; sa proposition généreuse fut acceptée. Un jour qu'elle venait de subir bien des reproches, une novice lui demanda pourquoi elle avait l'air si heureux. Quelle ne fut pas sa surprise en entendant cette réponse.- ' C'est que ma sœur * * * vient de me dire des choses désagréables. Oh! qu'elle m'a fait plaisir! Je voudrais maintenant la rencontrer afin de pouvoir lui sourire '. Au même instant cette sœur frappe à la porte, et la novice émerveillée put voir comment pardonnent les saints.» - HA ch.12 -

[65r] Dans l'exercice de l'humilité, c'était Jésus qu'elle voulait imiter, à lui qu'elle voulait plaire, comme elle le chantait, l'année qui précéda sa mort:

« Pour moi, sur la rive étrangère, quels mépris n'as-tu pas reçus!...
Je veux me cacher sur la terre, être en tout la dernière, pour toi, Jésus.
Mon Bien-Aimé, ton exemple m'invite à m'abaisser, à mépriser l'honneur.
Pour te ravir, je veux rester petite; en m'oubliant, je charmerai ton coeur »"'. - PN 31 ,3-4 -
Comme il sera constaté...

DONS SURNATURELS

90 - La sœur Thérèse de l'Enfant Jésus a reçu plusieurs dons surnaturels pendant sa vie: d'abord le don d'intelligence. Dieu qui aime à se communiquer aux âmes vraiment humbles et aux cœurs purs, a instruit cette jeune religieuse, comme elle le dit elle-même, sur le mystère de sa vocation, et sur l'économie de la distribution de sa grâce dans le monde, sur la direction des âmes; elle a exprimé de la façon la plus simple et la plus aimable des idées théologiques les plus élevées. Elle avait supplié la Sainte Vierge, avant d'écrire, de guider sa main pour ne pas tracer une ligne qui ne lui soit pas agréable. La protection de Marie lui a obtenu de Dieu des lumières très vives sur le mystère de l'enfance de Notre-Seigneur et de sa passion, sur sa justice et sur sa miséricorde. - Comme il sera
constaté...

[65v] 91 - La Servante de Dieu a eu plusieurs fois dans son ministère de maîtresse des novices la connaissance de leurs plus intimes pensées. Comme elles s'en étonnaient: « Voici mon secret - leur dit-elle je ne vous fais jamais d'observation sans invoquer la Sainte Vierge, je lui demande de m'inspirer ce qui doit vous faire le plus de bien; et moi-même je suis souvent étonnée des choses que je vous enseigne; je sens simplement, en vous les disant, que je ne me trompe pas et que Jésus vous parle par ma bouche » - HA ch.12 - "'.

De même, une religieuse presque découragée, dans un moment de pénible angoisse, étant entrée dans sa cellule, pendant sa maladie, et sans rien laisser paraître de sa peine, elle lui dit: « Il ne faudrait pas pleurer comme ceux qui n'ont pas d'espérance » - HA ch.12 - Comme il sera constaté...

92 - La Servante de Dieu fut favorisée, vers l'âge de dix ans, d'une apparition de la Sainte Vierge à la fin d'une neuvaine à Notre-Dame des Victoires, pour obtenir sa guérison, pendant que ses trois sœurs étaient près d'elle et priaient avec ferveur. Voici son récit: « Ne trouvant aucun secours sur la terre et près de mourir de douleur, je m'étais aussi tournée vers ma Mère du ciel, la priant de tout mon cœur d'avoir enfin pitié de moi. Tout à coup, la statue s'anima! La Vierge Marie devint belle, si belle que jamais je ne trouverai d'expression pour rendre cette beauté divine. Son visage respirait une douceur, une bonté, une tendresse ineffable; mais, ce qui me pénétra jusqu'au fond de l'âme, ce fut son ravissant sourire! Alors toutes mes peines s'évanouirent, deux grosses larmes jaillirent de mes paupières et coulèrent silencieusement... Ah! c'étaient des larmes d'une joie céleste et sans mélange! [66r] La Sainte
Vierge s'est avancée vers moi! elle m'a souri... que je suis heureuse! » - MSA 30,1-2 - .

Elle confirma le fait, quelques semaines avant sa mort; lorsqu'elle regardait avec amour cette même statue, elle disait à sa sœur Marie, qui avait été témoin de son extase au moment de sa guérison par la Sainte Vierge: « Jamais elle ne m'a paru si belle, mais aujourd'hui c'est la statue, autrefois vous savez bien que ce n'était pas la statue » - HA ch.12 - Comme il sera constaté...

93 - La Servante de Dieu fut encore l'objet d'une autre faveur qu'elle raconta ainsi peu de temps avant de mourir:

« Quelques jours après mon offrande à l'Amour Miséricordieux, je commençais au chœur l'exercice du chemin de la croix, lorsque je me sentis tout à coup blessée d'un trait de feu si ardent que je pensai mourir. Je ne sais comment expliquer ce transport; il n'y a pas de comparaison qui puisse faire comprendre l'intensité de cette flamme. Il me semblait qu'une force invisible me plongeait tout entière dans le feu. Oh! quel feu! quelle douceur!.»

Comme la mère prieure lui demandait si ce transport était le premier de sa vie, elle répondit simplement: « Ma mère j'ai eu plusieurs transports d'amour, particulièrement une fois, pendant mon noviciat, où je restai une semaine entière bien loin de ce monde; il y avait comme un voile jeté pour moi sur toutes les choses de la terre. Mais je n'étais pas brûlée d'une réelle flamme, je pouvais supporter ces délices sans espérer de voir mes liens se briser sous leur poids; tandis que, le jour dont je parle, une minute, une seconde de plus, mon âme se séparait du corps... Hélas! je me retrouvai sur la terre, et la sécheresse, immédiatement, revint habiter mon cœur! » - DEA 7-7 - Comme il sera
constaté...

[66v] 94 - La sœur Thérèse de l'Enfant Jésus eut une connaissance plus précise de sa mission, peu de temps avant sa mort. Comme saint Thomas d'Aquin avait fait de son compagnon, le frère Réginald, le confident des lumières qu'il recevait de Dieu *, - BR 2ème Leç. ,2ème nocturne - , elle fit de la mère Agnès de Jésus sa confidente. Dans la soirée du 17 juillet 1897, elle l'accueillit avec une expression toute particulière de joie sereine et lui dit:
« Ma mère, quelques notes d'un concert lointain viennent d'arriver jusqu'à moi, et j'ai pensé que bientôt j'entendrai des mélodies incomparables; mais cette espérance n'a pu me réjouir qu'un instant; une seule attente fait battre mon cœur: c'est l'amour que je recevrai et celui que je pourrai donner! Je sens que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le bon Dieu comme je l'aime... de donner ma petite voie aux âmes. Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre. Ce n'est pas impossible, puisqu'au sein même de la vision béatifique, les anges veillent sur nous. Non, je ne pourrai prendre aucun repos jusqu'à la fin du monde! Mais lorsque l'ange aura dit. Le temps n'est plus!, alors je me reposerai, je pourrai jouir, parce que le nombre des élus sera complet.
- Quelle petite voie voulez-vous donc enseigner aux âmes?
- Ma mère. c'est la voie de l'enfance spirituelle, c'est le chemin de la confiance et du total abandon. Je veux leur indiquer les petits moyens qui m'ont si parfaitement réussi; leur dire qu'il n'y a qu'une seule chose à faire ici-bas: jeter à Jésus les fleurs des petits sacrifices, le prendre par des caresses! C'est comme cela que je l'ai pris, et c'est pour cela que je serai si bien reçue! » - DEA 17-7 - Comme il sera constaté...

[67r] DERNIÈRE MALADIE ET MORT DE LA SERVANTE DE DIEU

95 - La sœur Thérèse de l'Enfant Jésus mourut le 30 septembre 1897, à 24 ans, d'une tuberculose pulmonaire; pendant les derniers mois de sa vie, ses vertus, au milieu du martyre du corps et de l'âme, s'élevaient jusqu'à l'héroïsme.

« Que nous avons de peine - lui disaient des religieuses - de vous voir tant souffrir et de penser que peut-être vous souffrirez davantage encore! 'Oh! ne vous affligez pas pour moi, j'en suis venue à ne plus pouvoir souffrir, parce que toute souffrance m'est douce... Cependant priez pour moi: souvent, lorsque je prie le ciel de venir à mon secours, c'est alors que je suis le plus délaissée' » - DEA 29-5 - .
Etonnées, ses compagnes lui demandent comment alors elle garde la vertu d'espérance?
- « Je me tourne vers le bon Dieu, vers tous les saints, et je les remercie quand même; je crois qu'ils veulent voir jusqu'où je pousserai mon espérance... Mais ce n'est pas en vain que la parole de Job est entrée dans mon cœur: 'Quand même Dieu me tuerait, j'espérerais encore en lui! '. Je l'avoue, j'ai été longtemps ayant de m'établir à ce degré d'abandon; maintenant j'y suis, le Seigneur m'a prise et m'a posée là! » - DEA 7-7 - Comme il sera constaté...

96 - Malgré les tentations sans cesse renaissantes contre la foi, elle reste fidèle dans sa voie de confiance et d'abandon, elle dit:
« Je ne désire pas plus mourir que vivre; si le Seigneur m'offrait de choisir, je ne choisirais rien; je ne veux que ce qu'il veut; c'est ce qu'il fait que j'aime! Je n'ai nullement peur des derniers combats, ni des souffrances de la maladie, si grandes soient-elles. Le bon Dieu [67v] m'a toujours secourue; il m'a aidée et conduite par la main, dès ma plus tendre enfance... je compte sur lui. La souffrance pourra atteindre les limites extrêmes, mais je suis sûre qu'il ne m'abandonnera jamais » - DEA 27-5 - Comme il sera constaté...

97 - Le démon renouvelait ses attaques:
« Hier au soir - disait-elle à mère Agnès de Jésus - je fus prise d'une véritable angoisse et mes ténèbres
augmentèrent. je ne sais quelle voix maudite me disait: Es-tu sûre d'être aimée de Dieu? Est-il venu te le dire? Ce n'est pas l'opinion de quelques créatures qui te justifiera devant lui » - HA ch.12 - .

« Dans le courant du mois d'août, elle resta plusieurs jours comme hors d'elle-même, conjurant de faire prier pour elle. Jamais on ne l'avait vue ainsi. Dans cet état d'angoisse inexprimable, on l'entendit répéter: Oh! comme il faut prier pour les agonisants! si l'on savait!
Une nuit, elle supplia l'infirmière de jeter de l'eau bénite sur son lit en disant:
- Le démon est autour de moi; je ne le vois pas, mais je le sens... il me tourmente, il me tient comme avec une main de fer pour m'empêcher de prendre le plus léger soulagement; il augmente mes maux afin que je me désespère... Et je ne puis pas prier! Je puis seulement regarder la Sainte Vierge et dire: Jésus! Combien elle est nécessaire la prière des complies: Procul recedant somnia, et noctium phantasmata! Délivrez-nous des fantômes de la nuit. J'éprouve quelque chose de mystérieux, je ne souffre pas pour moi, mais pour une autre âme... et le démon ne veut pas.
L'infirmière, vivement impressionnée, alluma un cierge bénit et l'esprit de ténèbres s'enfuit pour ne plus revenir. Ce [68r]pendant, la malade resta jusqu'à la fin dans de douloureuses angoisses » - DEA 25-8 - - Comme il sera constaté...

98 - Comme le douleurs redoublaient et que l'état devenait plus grave, la sœur Thérèse de l'Enfant Jésus désirait beaucoup le sacrement d'Extrême-Onction; elle le reçut avec de vifs sentiments de foi et de résignation à la volonté divine. Elle reçut aussi le saint viatique, le 30 juillet. Ensuite, donnant libre cours à sa reconnaissance elle disait:
« J'ai trouvé le bonheur et la joie sur la terre, mais uniquement dans la souffrance, car j'ai beaucoup souffert ici-bas. Il faudra le faire savoir aux âmes... Au commencement de ma vie spirituelle, tout de suite après ma première communion, je désirais la souffrance, mais je ne pensais pas à en faire ma joie, c'est une grâce que le bon Dieu m'a faite plus tard » - DEA 31-7 - . - Comme il sera constaté...

99 - Son amour pour Marie redoublait, avec une note plus filiale encore. Un soir elle s'écria:
« Que je l'aime la Vierge Marie! Si j'avais été prêtre, que j'aurais bien parlé d'elle! On la montre inabordable, il faudrait la montrer imitable. Elle est plus mère que reine! J'ai entendu dire que son éclat éclipse tous les saints, comme le soleil à son lever fait disparaître les étoiles. Mon Dieu! que cela est étrange! Une mère qui fait disparaître la gloire de ses enfants! Moi, je pense tout le contraire; je crois qu'elle augmentera de beaucoup la splendeur des élus... La Vierge Marie! comme il me semble que sa vie était simple! » - DEA 21-8,23-8 - .

Un autre jour, elle chantait doucement; en regardant la statue de Marie:
[68v] « Quand viendra-t-il, ma tendre Mère, quand viendra-t-il ce beau jour, où de l'exil de la terre je volerai dans l'éternel séjour? » - DEA 6-8 - .»
Comme il sera constaté.

100 - A une sœur qui lui disait: « C'est affreux ce que vous souffrez », elle répondit avec calme:
« Non, ce n'est pas affreux; une petite victime d'amour pourrait-elle trouver affreux ce que son Epoux lui envoie? Il me donne à chaque instant ce que je puis supporter; pas davantage; et si le moment d'après il augmente ma souffrance, il augmente aussi ma force. Cependant, je ne pourrais jamais lui demander des souffrances plus grandes, car je suis trop petite; elles deviendraient alors mes souffrances à moi, il faudrait que je les supporte toute seule; et je n'ai jamais rien pu faire toute seule » - DEA 25-9,et15-8 et 11-8 - . - Comme il sera constaté...

101 - La maladie de la Servante de Dieu s'était généralisée, tout son corps était dans la souffrance, on lui demandait si elle était découragée, elle répondit: «Non... mais pourtant tout est pour le pire; à chaque respiration je souffre violemment. Et se reprenant. Non, tout n'est pas pour le pire, tout est pour le mieux.» - DEA 24- 8 - Comme il sera constaté...

Le médecin appréciait ainsi ses souffrances, il disait aux religieuses du Carmel: « Ah! si vous saviez ce qu'elle endure! Jamais je n'ai vu souffrir autant, avec cette expression de joie surnaturelle. C'est un ange!.» Et comme elles lui exprimèrent leur chagrin à la pensée de perdre un pareil trésor: - « Je ne pourrai la [69r] guérir, c'est une âme qui n'est pas faite pour la terre » - DEA 24-9 - .» Et le médecin ignorait les souffrances que lui causaient ses peines intérieures. Comme sa sœur, mère Agnès, y faisant allusion, lui disait: « C'est bien dur de souffrir sans aucune consolation intérieure », la malade lui répondit, en dévoilant toute son âme: « Oui, mais c'est une souffrance sans inquiétude que la mienne. Je suis contente de souffrir, puisque le bon Dieu le veut » "'. - DEA 29-8 - - Comme il sera constaté...

102 - Une des dernières nuits, l'infirmière la trouvant les mains jointes et les yeux fixés vers le ciel:
« Que faites-vous donc ainsi? lui demanda-t-elle; il faudrait essayer de dormir.
- Je ne puis pas, ma sœur, je souffre trop! alors je prie...
- Et que dites-vous à Jésus?
- Je ne lui dis rien, je l'aime » - CSG 25-9 - Et elle s'écriait parfois:
« Oh! que le bon Dieu est bon! Oui, il faut qu'il soit bien bon pour me donner la force de supporter tout ce que je souffre » - DEA 22-8 - . - Comme il sera constaté...

103 - Les derniers moments de la Servante de Dieu donnèrent la plus grande édification à celles qui en furent les témoins. C'était le jeudi, 30 septembre 1897. Le matin, en regardant la statue de Marie elle avait dit: « Oh! je l'ai priée avec une ferveur... Mais c'est l'agonie toute pure, sans aucun mélange de consolation. L'air de la terre me manque, quand est-ce que j'aurai l'air du ciel ? » - DEA 30-9 - .
Vers deux heures et demie, elle se redressa sur son lit: [69v] « Ma mère, le calice est plein jusqu'au bord! Non, je n'aurais jamais cru qu'il fût possible de tant souffrir... je ne puis m'expliquer cela que par mon désir extrême de sauver des âmes....»
Et quelque temps après: « Tout ce que j'ai écrit sur mes désirs de la souffrance, oh! c'est bien vrai! Je ne me repens pas de m'être livrée à l'amour.»
Elle répéta plusieurs fois ces derniers mots. Et un peu plus tard: « Ma mère, préparez-moi à bien mourir.»
La mère prieure l'encouragea par ces paroles: Mon enfant, vous êtes toute prête à paraître devant Dieu, parce que vous avez toujours compris la vertu d'humilité.
Elle se rendit alors ce beau témoignage: Oui, je le sens, mon âme n'a jamais recherché que la vérité... oui, j'ai compris l'humilité du cœur! » - DEA 30-9 - Comme il sera constaté...

104 - La suprême agonie de la Servante de Dieu commença, vers quatre heures et demie. Elle remercia d'un gracieux sourire la communauté venue pour l'assister de ses prières; elle tenait le crucifix dans ses mains défaillantes, une sueur froide baignait son visage, elle tremblait de tous ses membres.
A sept heures et quelques minutes, la pauvre petite martyre, se tournant vers sa mère prieure, lui dit:
« Ma mère, n'est-ce pas l'agonie?... Ne vais-je pas mourir?...
- Oui, mon enfant, c'est l'agonie, mais Jésus veut peut-être la prolonger de quelques heures.»
Alors d'une voix douce et plaintive: « Eh bien... allons... allons... oh! je ne voudrais pas moins souffrir! »
Puis, regardant son crucifix: [70r] « OH!... JE L'AIME!... MON DIEU, JE... VOUS... AIME!!! » - DEA 30-9 - "'.
La Servante de Dieu s'affaissa sur elle-même, puis ses yeux se fixèrent, brillants de paix et de bonheur, un peu au-dessus de l'image de Marie et elle expira dans ce suprême acte d'amour. - Comme il sera constaté...

105 - La joie du dernier instant s'imprima sur son visage. Son corps fut exposé, le samedi et le dimanche, à la grille du chœur. Une foule nombreuse et recueillie se pressa, pendant les deux jours, dans l'église. On ne cessa de l'admirer, de dire que c'était une sainte; c'est par centaines qu'on lui fit toucher des objets de piété. Son corps conserva toute sa souplesse pendant les quatre jours qui précédèrent les funérailles.
Plusieurs carmélites et des personnes du dehors affirment avoir vu à cette époque ou depuis, certaines traces lumineuses dans sa cellule ou dans le ciel; d'autres affirment également avoir senti des parfums très suaves émanant des objets lui ayant appartenu, ou quand elles l'ont invoquée, ou bien quand elles ont obtenu quelques faveurs par son intercession.
- Comme il sera constaté...

106 - La cérémonie funèbre eut lieu, le quatre octobre, dans la chapelle du Carmel, en présence d'une assemblée imposante de prêtres et de fidèles. Un petit nombre seulement se rendit au cimetière de Lisieux, le corps y fut placé dans le terrain réservé aux carmélites, au milieu desquelles il repose. Une simple croix de bois a été dressée sur sa tombe avec cette inscription:

SOEUR THÉRÈSE DE L'ENFANT JÉSUS
1873-1897.
JE VEUX PASSER MON CIEL A FAIRE
DU BIEN SUR LA TERRE.
- Comme il sera constaté...

[70v] RÉPUTATION DE SAINTETÉ

107 - La réputation de sainteté de la Servante de Dieu se répandit peu, durant sa vie, en dehors du Carmel de Lisieux. Elle y était entrée à 15 ans et mourut neuf ans après. Si elle apporta ses soins à tendre à la perfection de la vie religieuse, elle n'en mit pas moins à vivre humble et cachée, en suivant sa « petite voie » d'enfance spirituelle et d'abandon à l'amour miséricordieux. Elle pratiquait, dans la souffrance, une charité pleine de simplicité et de cordialité, inspirée des vertus de la Sainte Famille. Elle l'écrivait, en 1892, à la mère Agnès de Jésus:
« Quel bonheur d'être si bien cachées que personne ne pense à nous, d'être inconnues, même aux personnes qui vivent avec nous! 0 ma petite mère! comme je désire être inconnue de toutes les créatures! Je n'ai jamais désiré la gloire humaine, le mépris avait eu de l'attrait pour mon cœur; mais, ayant reconnu que c'était encore trop glorieux pour moi, je me suis passionnée pour l'oubli » - LT 103 -.

Plusieurs des carmélites s'y méprirent et l'une d'elles demandait ce que l'on pourrait bien signaler de spécial après sa mort. D'autres, plus attentives et plus éclairées, avaient constaté chaque jour des progrès rapides, qui les dépassaient toutes. Une pauvre infirme, sœur Saint-Pierre, que la maladie avait rendue exigeante, témoin personnel de l'héroïque charité de sœur Thérèse, demandait que le souvenir s'en transmît dans le monastère et prévoyait même qu'il se répandrait au loin.
La mère prieure, bien renseignée, lui avait confié, à vingt-deux ans, la formation des novices et celles-ci ne surprirent jamais une défaillance dans les vertus dont elle leur enseignait la pratique, plus encore par son exemple que par ses conseils. - Comme il sera constaté...

[71r] 108 - La mort si édifiante de la Servante de Dieu mit en relief sa sainteté et bientôt la figure de cette jeune religieuse, si humble et si douce pendant sa vie, rayonna au loin. Il est d'usage que la mère prieure d'un Carmel, après la mort d'une de ses filles, la recommande aux prières des différents monastères de l'Ordre; elle leur adresse une petite monographie de la défunte, sous forme de circulaire, en relatant les traits principaux de sa vie et de ses vertus, de sa maladie et de sa mort. Cette pieuse pratique entretient l'esprit de charité et de prière, elle apporte à toutes un encouragement, souvent un modèle. Il sembla au Carmel de Lisieux que rien ne ferait mieux connaître la sœur
Thérèse de l'Enfant Jésus, que les pages écrites par elle, dans un acte d'obéissance. De là naquit la pensée de substituer l'« Histoire d'une âme » à la circulaire attendue; il suffisait de la compléter par un chapitre sur la dernière maladie et la mort si édifiante.
Le manuscrit imprimé et envoyé, à la fin de 1898, fit connaître dans les Carmels celle que l'on appela partout une petite sainte: les lettres de remerciements reçues à cette occasion en témoignent. Comme il sera constaté...

109 - Dans l'intérêt des âmes, pour lesquelles la Servante de Dieu avait tant souffert et prié, on pensa à une diffusion plus grande. Sa grandeur monseigneur Amette, archevêque de Paris, alors évêque de Bayeux et Lisieux, approuva le projet. Il écrivait le 24 mai 1899:

« Ma révérende mère,
L'Esprit-Saint a dit que ‘s'il est bon de cacher le secret du roi, c'est rendre honneur à Dieu que de révéler et de publier ses œuvres!'
[71v] Vous vous êtes sans doute souvenue de cette parole lorsque vous avez résolu de donner au public l'Histoire d'une âme. Dépositaire des secrets intimes de votre fille bien-aimée, sœur Thérèse de l'Enfant Jésus, vous n'avez pas cru devoir garder pour vous seule et pour vos sœurs ce qu'elle n'avait écrit que pour vous. Vous avez pensé, et de bons juges avec vous, qu'il serait glorieux à Notre-Seigneur de faire connaître les opérations merveilleuses de sa grâce dans cette âme si pure et si généreuse. Vos espérances n'ont pas été trompées; la rapidité avec laquelle s'est épuisée la première édition de votre livre le montre assez, Je demande à Notre-Seigneur de donner une bénédiction semblable, et plus abondante encore, à la nouvelle édition que vous préparez.»

Voici comment s'étaient exprimés quelques-uns de ces bons juges:

Le révérendissime père Godefroy Madelaine, abbé des prémontrés de Saint Michel de Frigolet:
Abbaye de Mondaye, Vendredi Saint, 8 avril 1898.
« Ma révérende mère,
La première lecture de l'Histoire d'une âme me charma, la seconde me laisse dans un ravissement inexprimable. Il y a dans ce livre des pages si vivantes, si chaudes, si suggestives qu'il est presque impossible de n'en être pas saisi. On y trouve une théologie que les plus beaux livres spirituels n'atteignent que rarement à un degré aussi élevé. N'est-ce pas merveille de voir comment une jeune fille de vingt et quelques années se promène avec aisance dans le vaste champ des Ecritures inspirées, pour y cueillir, d'une [72r] main sûre, les textes les plus divers et les mieux appropriés à son sujet ? Parfois elle s'élève à des hauteurs mystiques surprenantes; mais toujours son mysticisme est aimable,
gracieux et tout évangélique. »

Le révérendissime père Dom Etienne, abbé de la Grande-Trappe de Mortagne:
21 janvier 1899
« Ma révérende mère,
je me ferais volontiers le propagateur et l'apologiste des écrits et des vertu admirables de votre sainte enfant; mais il faut l'avouer, cette petite gâtée de Notre-Seigneur n'a besoin de l'éloge de personne; son mérite lui suffit devant Dieu et devant les hommes. Je ne suis pas surpris de la rapidité de l'écoulement de la première édition. Quand on a lu le précieux volume de l'Histoire d'une âme, on voudrait que tout le monde le lût, tant il renferme de charmes, de piété, de doctrine, de naturel et de surnaturel, d'humain et de divin. C'est Notre-Seigneur humanisé, rendu palpable, sensible, cultivant avec un amour incessant cette fleurette du Carmel qu'il fait germer, grandir, et qu'il embaume des plus suaves parfums, pour les délices de son Cœur et le ravissement du nôtre.»

Voici quelques fragments de l'appréciation du très rév. père le Doré, supérieur général des Eudistes:
Paris, 24 février 1899

« Ma révérende mère,
Vous voulez rééditer, me dites-vous, ce délicieux volume qu'on a si bien nommé l'Histoire d'une âme. C'est là, ma révérende mère, une pensée excellente que seul le bon Dieu a pu vous inspirer. [72v] Quiconque aura ouvert ce livre le lira jusqu'au bout; il fera comme moi, il le relira, il le goûtera, je puis même ajouter: il le consultera. Les heures coulent rapides à parcourir des pages où la vertu se montre sans fard ni recherche, et pourtant avec des formes pleines de charmes. On suit sœur Thérèse, sans s'en douter, dans son vol vers l'idéal, on plane avec elle aux sommets de la perfection; dans sa compagnie, on aime plus ardemment le bon Dieu; on est plus disposé à servir et à supporter son
prochain; les souffrances deviennent presque aimables, et dans l'épreuve, on se sent plus fort. L'histoire et l'héroïne plaisent et rendent meilleur. J'ai déjà fait lire à des prêtres, à des dames du monde, ici aux novices de notre Congrégation, l'exemplaire que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Tous en ont été enchantés, et tous en ont tiré profit.»

Un religieux de l'Ordre des Passionnistes, remarquable par ses écrits et plus encore par la sainteté de sa vie, le révérend père Louis Th. de Jésus agonisant, écrivait, à l'âge de 80 ans:

Mérignac, 30 novembre 1898
« Ma révérende et chère mère,
Merci!... Ah! c'est un grande merci que je vous dois... Pendant trois jours, grâce à vous, j'ai vécu avec un ange! Que Dieu est admirable! quelle nouvelle invention de sainteté, j'ose dire, inconnue jusqu'à ce jour! Quelle révélation est faite au monde! C'est bien un genre de sainteté suscité par l'Esprit-Saint pour l'heure présente, où tant d'âmes, même chrétiennes, ne voient dans les sacrifices du cloître que les horreurs de la croix. Quelle gloire pour le Carmel et quelle espérance pour tous! [73r] Aussi l'ai-je invoquée avec je ne sais quel irrésistible attrait. Mes forces, je veux les ranimer aux énergies de sa vertu, et réchauffer mon coeur aux flammes de ce séraphin. je l'ai priée, cette privilégiée de Marie, de venir à mon aide quand j'adresse à la Vierge Immaculée la prière qui fut la sienne: Toi qui vins me sourire au matin de ma vie, viens me sourire encor, Mère, voici le soir.» -
Comme il sera constaté...

110 - Douze ans après l'audience pontificale où la petite Thérèse Martin avait dû faire appel à toute sa force, soutenue par la grâce de Dieu, pour adresser la parole au Saint-Père, sœur Thérèse de l'Enfant Jésus revenait au Vatican, le 30 décembre 1899.

C'était S. Em. le cardinal Gotti qui offrait au Pape Léon XIII un magnifique exemplaire de l'« Histoire d'une âme », don du Carmel de Lisieux. Le cardinal n'a pas dit si en voyant la gravure si appréciée où Thérèse, à genoux, demande au Saint-Père la permission d'entrer au Carmel à quinze ans, le Pape s'est souvenu de la scène, mais il écrivait, quelques jours après, à la révérende mère prieure: « Sa Sainteté a voulu en prendre connaissance sur-le-champ, a prolongé sa lecture pendant un temps notable, avec une satisfaction marquée.»

Dans une seconde lettre du 19 mars 1900, adressée à la même mère prieure, Son Eminence la remerciait avec effusion de divers souvenirs de la Servante de Dieu qui lui avaient été offerts. Comment ne pas voir dans le passage suivant que la réputation de sainteté de la Servante de Dieu s'était déjà répandu à Rome: « J'ai montré ces souvenirs au très révérend père général des carmes déchaussés, et nous avons pensé qu'il convenait de les garder dans la caisse de la Postulation
des Causes de nos vénérables. C'est là qu'ils seront mieux sauve[73v]gardés, et l'on sera heureux de les y trouver, s'il plaît à Dieu de glorifier un jour sa fidèle servante, en lui faisant décerner les honneurs d'un culte public dans son Eglise.»

111 - Le très révérendissime père Bernardin de Sainte-Thérèse, général des carmes déchaussés, avait écrit, quelques mois plus tôt, une lettre qui doit être reproduite dans les Articles. Elle montre l'accueil que devaient trouver les propositions de traduction de l'« Histoire d'une âme », faites à la famille religieuse de Lisieux, afin de porter, non seulement dans les Carmels étrangers, mais dans tout le monde catholique, le nom de la Servante de Dieu. - Comme il sera constaté...

J.+ M.
P. C. Rome, Corso d'Italia, 39
31 août 1889
« Ma très révérende mère,
Que je suis reconnaissant envers votre Révérence de ce qu'elle a eu la bonté de me faire envoyer cette ravissante « Histoire d'une âme »! L'on ne saurait parcourir ces pages sans se sentir remué jusqu'au fond de l'âme par le spectacle d'une vertu si simple, si gracieuse et en même temps si élevée et si héroïque. Il faut que Notre-Seigneur chérisse singulièrement votre Carmel pour lui avoir fait don d'un tel trésor. Il est vrai que cet ange terrestre n'a fait, pour ainsi dire, que s'y montrer un instant, tant il avait hâte d'aller rejoindre ses frères du ciel et de se reposer sur le cœur de son unique Amour; mais le cloître qui a eu le bonheur de l'abriter reste embaumé du parfum et éclairé de la trace lumineuse qu'il laisse après lui. Vous avez cru, ma très révérende mère, que votre Carmel ne devait pas être seul
à respirer ce parfum; que cette lumière si brillante et si pure ne pouvait rester cachée dans l'étroite enceinte d'un monastère, mais qu'elle devait éten-[74r]dre au loin son rayonnement bienfaisant. S'il m'était permis d'exprimer ici un vœu, ma très révérende mère, je demanderais que des plumes exercées s'essayassent bientôt à rendre, en plusieurs langues, la grâce presque inimitable de celle qui a écrit l'Histoire d'une âme: l'Ordre du Carmel tout entier serait ainsi mis en possession de ce que je regarde comme un précieux joyau de famille.
Veuillez agréer, etc...
Fr. Bernardin de Sainte-Thérèse, préposé général des carmes déchaussés.»

112 - La première traduction fut la traduction polonaise, due au Carmel de Przemys'l (Autriche-Galicie).

« La 'petite' grande sainte de votre communauté veut peut-être se servir de nous pour 'faire du bien' en Pologne, Or, ma révérende mère, nous serions heureuses de l'assister en cela, si vous nous accordez la permission de publier en langue polonaise l'Histoire d'une âme.»

Cette demande avait la priorité sur deux autres propositions, émanées de la comtesse de Jelska, de Cracovie, et du révérend père Mohl, S. J. La traduction parut avec l'approbation motivée de sa Grandeur monseigneur Likowski, évêque titulaire d'Auréliopolis:

Posen, 6 décembre 1901
« Non seulement j'accorde avec plaisir l'Imprimatur désiré, mais je recommande chaudement la traduction polonaise de la vie de sœur Thérèse. Il y a longtemps que la littérature ascétique n'a produit, particulièrement en polonais, un livre aussi instructif et édifiant. Personne ne le lira sans être édifié et instruit.» - Comme il sera constaté...

113 - La traduction anglaise fut un témoignage de gra-[74v]titude envers la Servante de Dieu offert par le professeur Dziewicki, de l'Université de Cracovie. Voici un extrait de sa demande d'autorisation, du 29 mai 1899:

« Comme une marque de reconnaissance envers sœur Thérèse de l'Enfant Jésus pour tout le bien qu'elle m'a fait, j'ai pris la résolution de faire tout ce qui dépendait de moi pour que ce livre fût connu dans une autre langue. L'anglais, que j'enseigne ici à l'Université, est ma langue maternelle et j'ai déjà écrit plusieurs livres en cette langue. Je me suis donc adressé à Burns et Oates, libraires catholiques à Londres, leur déclarant qu'en faisant la traduction du livre je ne voulais aucun honoraire. Ils m'ont prié de demander votre permission pour la traduction du livre et la reproduction des photographies de soeur Thérèse, etc..»

Le travail du savant professeur devança celui commencé au Carmel de Boston, qui ne fut pas achevé, mais remplacé par la traduction des poésies de sœur Thérèse de l'Enfant Jésus.

Le journal Irish Catholic, de Dublin, reproduisit aussi pour l'Irlande l'« Histoire d'une âme », sous le titre de la « Petite Fleur de Jésus.»
Une autre édition très complète est en préparation. - Comme il sera constaté...

114 - Deux traductions italiennes ont paru, l'une due à mademoiselle Teresa Canella, de Brescia, et l'autre, au Carmel de Sainte-Marie-Madeleine de Pazzi, de Florence.
Voici en quels termes fut demandé le droit de faire la traduction hollandaise, en mai 1904:

« Un père de notre province des carmes chaussés prépare la traduction hollandaise de la vie de sœur Thérèse de l'Enfant Jésus. Sous peu de temps il l'aura finie. Or, c'est bien son désir de l'achever sous tous les rapports. Mais afin [75r] de répandre avec plus de fruit la connaissance de la conduite extraordinaire de Dieu envers cette âme privilégiée, le droit d'auteur est fort désiré. Ce droit vous étant réservé, ma révérende mère, vous m'obligerez beaucoup, moi et le traducteur, le révérend père Pierre-Thomas Hikspoors, en lui accordant l'autorisation de traduire, etc..»
Eug. Driessen, Carme Oss (Brabant Septentrional).

115 - La traduction allemande fut proposée de divers côtés et très instamment demandée par une princesse de la famille royale de Bavière; elle a paru dans une édition très soignée, publiée par la librairie Albert Jacobi, à Aachen; elle a été précédée par celle de la baronne Frentz. - Comme il sera constaté...

116 - La traduction portugaise a été entreprise pour généraliser le bien qu'avait déjà produit chez quelques privilégiés la connaissance des écrits de 1a Servante de Dieu, comme l'indique 1a lettre du révérend père P. de Santanna, S. J.:

« Je viens de bien loin vous demander instamment la permission de traduire et faire imprimer en langue portugaise la vie si admirable de notre chère petite Thérèse, cet ange d'amour plein de grâce et de beauté, qui passe maintenant son ciel à faire du bien sur la terre. Dès qu'un heureux hasard me l'a fait connaître, ici à Madère, pendant que j'étais occupé à prêcher une retraite au clergé de l'Ile, sœur Thérèse est devenue pour moi une vraie sœur et une douce amie d'âme. je l'ai fait connaître à toutes les personnes confiées à ma direction, et partout et toujours la lecture de ce livre a produit les plus abondants fruits de joie et de grâce. On me demande donc instamment la traduction. je désire
la faire imprimer immédiatement après mon retour à Lisbonne, [75v] au commencement d'octobre. J'espère donc, ma révérende mère, que vous m'accorderez cette grâce pour la gloire de Dieu et de votre céleste enfant, l'angélique 'petite Thérèse'.» P. de Santanna, S. 1. Funchal (Madeira), 14 août 1905.

117 - On attend encore la publication de la traduction espagnole. Monseigneur Polit, évêque de Cuenca (Equateur), 1e collaborateur si apprécié de la traduction des œuvres complètes de sainte Thérèse entreprise par les Carmélites du premier monastère de Paris, en avait jadis conçu, puis abandonné le projet. Il formulait ainsi ses regrets dans une lettre adressée à la révérende mère prieure de Lisieux le 20 mars 1908 :

... « C'est une bien grande peine pour moi de voir que dans la langue de sainte Thérèse on ne possède pas encore une bonne traduction de la Vie de celle qu'un jour on invoquera partout comme la seconde sainte Thérèse. Je le regrette d'autant plus que six langues européennes ont déjà traduit le beau chef-d'œuvre.
L'édition espagnole manque pour 60 millions de catholiques. Il faut que cette traduction soit aussi
parfaite que possible. Faute d'autres plus capables, oh! Si je pouvais faire cette traduction si désirée!
Mais ceci est devenu impossible pour moi, hélas! Quant à ma collaboration, je vous l'offre pleine et
dévouée et pour notre chère Teresa del Niño Jesùs, je retrancherai volontiers une heure de mon sommeil chaque jour s'il le faut.» Le vide va être comblé; on imprime les derniers chapitres de la traduction révisée par monseigneur M. M. Polit.- Comme il sera constaté...

118 - Bientôt, grâce au projet du révérend père Marmonier, des [76r] Missions Etrangères, on peut espérer que les japonais liront dans leur langue l'« Histoire d'une âme », comme les aveugles peuvent la lire reproduite en écriture Braille. La traduction russe vient d'être commencée à Kief (mars 1910). - Comme il sera constaté...

119 - Pendant que ces diverses traductions mettent la vie si édifiante de sœur Thérèse à la portée des fidèles répandus dans tant de pays, le Carmel de Lisieux reste le centre de la dévotion à la sœur Thérèse de l'Enfant Jésus.
Les nombreux pèlerins qui vont s'agenouiller sur sa tombe, l'invoquer et bien souvent la remercier des faveurs obtenues, viennent aussi prier dans la chapelle, où elle s'est consacrée tout entière à l'amour de Notre-Seigneur.
Ils en parlent comme d'une sainte, et attendent avec impatience le moment où ils la verront élevée sur les autels.
Leurs témoignages sont bien souvent accompagnés d'ex-voto de marbre ou d'objets précieux, offerts comme gages de reconnaissance; ils sont conservés dans une pièce spéciale à l'intérieur du monastère. On retrouve les mêmes sentiments dans les lettres venues de toutes parts, souvent des missions les plus lointaines, pour demander des prières, des exemplaires de la vie, des souvenirs, des images.
Qu'il suffise, pour donner une appréciation approximative de ce mouvement croissant, de dire que l'édition française complète de l'« Histoire d'une âme » est arrivée au soixantième mille, sans compter l'édition abrégée, tirée à quatre-vingt mille exemplaires.
En 1909 seulement, il a fallu envoyer 112.000 images, 25.000 souvenirs; chaque jour, la poste apporte, en moyenne, au Carmel de Lisieux trente lettres se rapportant à la sœur Thérèse de l'Enfant Jésus. Dans cette correspondance quotidienne se trouvent exprimés les sentiments les plus touchants de la confiance en celle que l'on appelle « la petite [76v] Sainte », le récit de grâces les plus diverses ou de guérisons multiples. - Comme il sera constaté...

120 - Les principales revues catholiques, beaucoup de journaux et de Semaines religieuses, en France et à l'étranger, ont consacré des articles à la sœur Thérèse de l'Enfant Jésus; le Glasgow Observer doit avoir une mention spéciale. Il publiait, chaque semaine, en 1909, des Remerciements « Acknowledgments », comme on fait pour les Annonces. Chacun disait simplement en quelques lignes qu'il s'était engagé à rendre publique sa reconnaissance et qu'il venait s'acquitter de sa dette après avoir été favorisé de la protection de la « Petite Fleur de Jésus » « the Little Flower of Jesus », c'est le nom charmant donné là-bas à la Servante de Dieu. Le numéro du 25 septembre 1909 contenait vingt et un Acknowledgments; le journal déclarait qu'il devrait désormais imposer une légère rétribution pour se couvrir des frais d'impression. - Comme il sera constaté...

Grâces et miracles obtenus

[77r]

TROISIÈME PARTIE

GRÂCES ET MIRACLES OBTENUS PAR L'INTERCESSION DE LA SERVANTE DE DIEU

Les prodiges opérés par Dieu à l'intercession de la soeur Thérèse de l'Enfant Jésus sont nombreux; elle réalise, chaque jour davantage, le souhait de la fin de sa vie: « Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre.»

 

121 - Madame Héloïse Debossu, habitant à Reims, actuellement 9 rue Luiquet, et précédemment 5 avenue de Laon, souffrait depuis une dizaine d'années d'une tumeur fibreuse, située du côté gauche, un peu au-dessous des côtes. De nombreux médecins consultés réclamaient avec instance une opération, devenant chaque jour plus urgente. La malade ne voulut jamais y consentir. En désespoir de cause, elle fut soumise à divers traitements de massage et d'électricité qui ne lui procurèrent qu'un soulagement très passager. Au mois de janvier 1901, son état s'aggrava tellement qu'elle dut garder la chambre et même le lit à peu près continuellement. La maigreur et les souffrances étaient devenues effrayantes. Au mois de septembre 1902, une péritonite venait même de se déclarer. Les médecins l'avaient condamnée et, même avec une opération, ne répondaient pas de sa guérison. C'est alors que désespérant du côté de la terre, monsieur l'abbé D. Petit, ancien directeur du séminaire de Versailles, curé de Marnes-la-Coquette (Seine-et-Oise), envoya à la pauvre malade une mèche de cheveux de la chère et vénérée petite [77v] soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, en l'engageant à s'unir à une neuvaine qu'il allait demander au Carmel. Le résultat ne se fit pas attendre. Le dernier jour de la neuvaine, la malade pouvait se rendre à sa paroisse et y faire la sainte communion en action de grâces. Depuis, ses forces n'ont fait qu'aller en augmentant, Sa figure annonce une santé parfaite, et sa maigreur a fait place à un embonpoint et à une fraîcheur de teint qui ne laissent aucun doute sur sa guérison. Tous ceux qui connaissent cette personne, qui l'ont vue si malade et si désespérée, s'accordent à proclamer la chère petite soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus comme l'agent merveilleux de sa guérison.

Impossible de dire la reconnaissance de madame Debossu pour sa bienfaitrice. - Comme il sera constaté...

 

122 - Le même abbé D. Petit, curé de Marnes-la-Coquette, signalait une autre guérison, l'année suivante. Voici son récit adressé au Carmel de Lisieux:

« Marnes-la-Coquette (Seine-et-Oise),

23 janvier 1903.

Une dame Jouanne, mariée à un jardinier et mère de deux enfants, dont l'aîné a dix ans, eut à subir, il y a plus d'un an, une opération pour une double hernie étranglée. Elle faillit y laisser la vie. Depuis elle pouvait à peine se traîner, et sa maigreur était extrême. Il y a trois semaines environ, cette femme est retombée gravement malade d'une appendicite, compliquée d'une péritonite complète. Les médecins déclarent qu'elle est perdue. Un matin de la semaine dernière, le mari se précipite chez moi: « Venez vite, monsieur le curé, elle se meurt.» Un grand chirurgien de Paris, celui-là même qui précédemment l'avait opérée de sa double hernie, appelé par son confrère de Ville-d'Avray, était venu [78r] la veille pour tenter une opération. La malade avait été endormie. On lui ouvre le ventre, mais on se trouve en présence de tels abcès et de pus répandu, que vite on renonce à toute opération et qu'après quelques points de suture pour rejoindre tant bien que mal les bords de la plaie, on déclare qu'elle n'a plus que quelques heures à vivre, un jour ou deux tout au plus.

J'arrive promptement. La malade ne pouvait plus parler, avait le teint cadavérique, était glacée et semblait ne plus avoir qu'un souffle. Elle gardait cependant sa connaissance. Je lui adresse du fond du coeur quelques mots, je lui recommande de se mettre intérieurement sous la protection de notre bien-aimée petite Thérèse, puis je lui donne l'absolution et l'indulgence de la bonne mort. J'avais oublié les saintes huiles, peut-être par une permission de Dieu...

La religieuse qui était près d'elle déclarait qu'elle baissait de minute en minute. Alors je glisse, en la prévenant, sous le traversin de la malade, un des chers petits sachets renfermant des feuilles des roses dont soeur Thérèse de l'Enfant Jésus avait caressé son crucifix.

Le même jour, les vomissements, qui depuis six jours étaient continuels, cessaient entièrement; le surlendemain, les médecins déclaraient qu'elle était hors de danger et lui permettaient des aliments. Cinq jours après, le mari venait me dire et la joie de la malade et toute sa reconnaissance pour la chère petite sainte.

Vous le voyez, ma révérende mère, un rien qu'a touché cet ange a une valeur et une vertu inexprimables....»

 

Du même, 23 juillet 1907

« Madame Jouanne, femme du jardinier guérie miraculeusement il y a près de cinq ans par soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, n'habite plus depuis longtemps déjà ma paroisse; elle demeure actuellement à Versailles. Je l'ai revue plusieurs fois en [78v] parfaite santé; elle conserve pour notre chère petite sainte la plus vive et la plus durable reconnaissance. Comme moi, elle attribue uniquement sa guérison si surprenante, si éclatante et si subite à la relique de soeur Thérèse. Tous les détails que je vous ai donnés au moment de sa guérison sont de la plus exacte vérité et je les confirme de nouveau en son nom et au mien par la présente.

L'abbé D. Petit,

Curé de Marnes-la-Coquette.»

- Comme il sera constaté...

 

 

Nancy, 5 mai 1905- 123 - « Mademoiselle Marthe Bourgon, jeune fille de dix-neuf ans, très chère à ma famille, était atteinte de l'appendicite, Quand les médecins s'aperçurent du mal, il était déjà trop tard. Cependant, après avoir longtemps hésité, l'opération fut décidée, mais la gangrène s'était déjà étendue aux parties environnantes, et l'opération dut être écourtée. Huit jours après, la pauvre jeune fille était à toute extrémité; et on n'attendait plus qu'un dénouement prochain. De plus, une fissure s'était produite dans l'intestin et avait singulièrement compliqué le cas: bref, suivant toutes les prévisions humaines, tout espoir était perdu.

Je m'empressai de porter à la mourante ce que j'avais de plus cher: des cheveux de soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, et une neuvaine fut commencée. Deux jours après, subitement, la fissure se ferma; et, depuis ce moment, le mieux a continué, si bien et si vite que la chère malade est absolument hors de danger, se lève plusieurs heures par jour et n'a plus qu'à reprendre des forces. L'étonnement des médecins ne peut s'exprimer. «Je vous avoue - disait le chirurgien en chef - que je n'avais jamais eu [79r] le moindre espoir, je la croyais bien perdue... Cette guérison est un phénomène, c'est à n'y rien comprendre.

Nous, ma révérende mère, nous comprenons bien!

M. Robert.»

- Comme il sera constaté...

 

124 - Le révérend père Casimir Konopka, S. J., a fourni les détails de la guérison suivante:

Cracovie, 19 mai 1906

« Le frère Ignace Boron, coadjuteur de notre Compagnie de Jésus, souffrait cruellement de pierres dans le foie, depuis Noël 1905 jusqu'au 20 mars de cette année. Deux médecins, professeurs de l'Université, MM. Parenski et Domanski avaient déclaré le mal incurable. Le professeur Kader célèbre chirurgien,. disait qu'une opération était indispensable. Après avoir fait inutilement plusieurs neuvaines, nous en avons commencé une au Sacré-Coeur et à la très Sainte Vierge par l'intercession de soeur Thérèse de l'Enfant Jésus de Lisieux Le deuxième jour de la neuvaine, le frère eut une crise, et le troisième, il se leva complètement guéri, au grand étonnement des docteurs qui déclarèrent le fait inconnu à la médecine.»

Le 19 mai 1906, le révérend père C. Konopka est allé au Carmel de Cracovie célébrer une messe d'actions de grâces; le frère Boron y a communié. Ce dernier a dit qu'il se sent tout rajeuni, tout renouvelé et mieux portant qu'il ne l'a jamais été. - Comme il sera constaté...

 

125 - A la fin de juin 1908, soeur Catherine Clarke, alors postulante au noviciat de la Congrégation du Bon-Pasteur, à Finchley, Londres, glissa deux marches d'un escalier et se fit une foulure grave au pied. Le repos et les diffé[79v]rents remèdes ordonnés par le médecin n'apportèrent aucune amélioration, le pied restait enflé et décoloré; la soeur ne pouvait pas marcher. Au moyen des rayons X on fit à l'hôpital du Royal-College l'examen du pied, qui fut ensuite enfermé dans une gouttière de plâtre. Le chirurgien ordonna qu'il reste ainsi durant six semaines. Au bout de ce temps, le mal n'ayant point diminué, et la soeur souffrant beaucoup, on essaya un vésicatoire pour réduire l'enflure, mais sans plus de succès. Enfin, le spécialiste de l'hôpital fut appelé à Finchley. Après une consultation avec le médecin du couvent, il donna une très sérieuse appréciation du mal, et déclara qu'il n'espérait le guérir que sous sa particulière et personnelle surveillance.

 

Ayant su que les parents de la novice, à Glasgow, désiraient quelle fût soignée chez eux, le spécialiste parla d'écrire à un certain professeur écossais, pour lui donner ses conseils au sujet de l'opération. De plus, il avertit que les plus grandes précautions seraient à prendre pour le voyage, et que le moindre choc suffirait pour aggraver le mal et rendre une amputation inévitable. Le mardi suivant 3 novembre, le révérend père Clarke, frère de la novice, arriva de la paroisse Saint-Patrice, Schieldmuir (près Wishaw), dans le but de la ramener chez elle. Il fut bien affligé de l'état de son pied, et en le voyant d'une si mauvaise couleur, enflé et complètement informe, il comprit clairement qu'une opération devenait urgente. On prit des mesures pour qu'une voiture d'ambulance se trouvât prête, dès l'arrivée de l'infirme à Glasgow. Jusqu'alors on avait caché à soeur Catherine la nécessité de son départ. Elle fit des instances pour rester au monastère, mais le cas était trop grave et il lui fallut accepter l'épreuve. Elle fit donc bien tristement ses adieux au noviciat, et la voiture, qui devait l'emporter loin du couvent qu'elle aimait et [80r] regrettait si vivement, fut demandée pour le lendemain matin, à huit heures et demie.

 

Lors de l'accident, on avait placé sur le pied malade une médaille du Sacré-Coeur, on avait employé de l'eau de Lourdes pour les pansements. Des neuvaines furent faites au Sacré-Coeur, à la Très Sainte Vierge, à saint Gérard Majella, à la vénérable mère Pelletier, fondatrice de l'Institut du Bon-Pasteur. D'autres saints furent encore invoqués, mais le ciel semblait sourd à toutes les demandes.

Le 30 octobre, après la décision du chirurgien, soeur Catherine, de l'avis de sa supérieure commença une neuvaine à soeur Thérèse de l'Enfant Jésus et plaça parmi ses bandages un pétale de rose avec lequel soeur Thérèse avait autrefois embaumé et caressé son crucifix, sur son lit d'agonie. On avait d'ailleurs dans le couvent une grande dévotion à cette jeune religieuse.

 

« Le vendredi soir, 30 octobre - écrit soeur Catherine - j'avais commencé une neuvaine à la "Petite Fleur" [nom donné en Angleterre à la Servante de Dieu], avec une grande confiance. je ne la perdais pas de vue, un seul instant, toujours je la priais d'avoir pitié de moi et de me guérir, pour sauver ma vocation. Le 3 novembre, veille de mon départ, je me couchai vers 9 heures, ressentant une excessive douleur dans le pied. Je conjurai alors la « Petite Fleur » de m'obtenir enfin du Dieu Tout-Puissant ma guérison. A chaque fois que je m'éveillais, je lui faisais les mêmes instances. Vers 3 heures, je m'éveillai encore, mais cette fois, ma cellule était remplie de lumière. Je ne savais quoi penser de cette exquise clarté et je m'écriai: « 0 mon Dieu! qu'est-ce que cela?.» Je restai dans cette lumière pendant trois quarts d'heure, et je n'arrivais pas à me rendormir, malgré mes efforts. Alors je sentis comme l'impression de quelqu'un qui enlevait les couvertures, de mon lit et m'excitait à me lever. Je remuai mon [80v] pied, et quelle ne fut pas ma surprise de trouver les sept mètres de bandes, qui avaient été liées très fortement et dont je n'aurais pu me passer, complètement retirées. Je regardai mon pied, il était entièrement guéri. Je me levai, je marchai, et ne sentant plus aucun mal, je tombai à genoux en m'écriant: « 0 Petite Fleur de Jésus, qu'est-ce que vous avez fait pour moi ce matin? Je suis guérie!.»

Vers l'heure de la messe, on vint chercher soeur Catherine pour la conduire à la chapelle, mais elle dit qu'elle n'avait plus besoin de l'appui d'un bras, ni de la canne dont elle se servait d'habitude. Elle descendit seule l'escalier et courut vers sa supérieure:

 

«La 'Petite Fleur' m'a guérie! ma mère », dit-elle, et tout aussitôt, la nouvelle se répandit dans la communauté, comme une traînée de poudre. Une sorte de crainte planait sur la maison avec le sentiment que Dieu avait passé par là. La mère Provinciale vint bientôt et se rendit compte par elle-même de l'événement. Pour prouver qu'elle était bien guérie, la novice marcha de long en large à l'extérieur de l'église, et montra qu'elle portait sa chaussure ordinaire, au lieu de la chaussure d'infirme qu'on lui avait préparée, à cause de l'enflure. Enfin, elle resta tout le temps de la messe à genoux et marcha d'un pas ferme pour recevoir la sainte communion des mains de son frère. Celui-ci ignorait encore le miracle, mais il avoua ensuite que jamais, depuis sa première messe, il n'avait reçu autant de consolations divines qu'à cette messe-là. Témoignage touchant encore du pouvoir d'intercession de soeur Thérèse en faveur des prêtres, pour lesquels elle aimait tant à prier!

Immédiatement après la messe, la mère prieure alla le trouver et lui raconta ce qui était arrivé. Alors, très ému, il entonna le Te Deum, que la novice poursuivit debout avec la [81r] communauté entière, dans une joie et une émotion indicibles.

L'examen du pied montra que la décoloration, l'enflure, les marques de vésicatoire et des pointes de feu avaient disparu et qu'il était revenu à sa forme naturelle. - Comme il sera constaté...

 

 

126 - L'abbé Charles Anne, séminariste de Lisieux, éprouva, en 1905, plusieurs hémoptysies abondantes qui marquèrent les débuts de la terrible maladie de poitrine. Elles se reproduisirent, l'année suivante, et voici comment le docteur La Néele appréciait le cas, au 24 août 1906:

«Je constatais chez ce malade une poussée inflammatoire de tuberculose, à la partie supérieure du poumon droit, autour d'un foyer assez large de ramollissement des tissus. Des hémorragies sérieuses, une expectoration abondante, de la fièvre continue et une oppression considérable rendaient le pronostic très grave. Les jours suivants, les lésions s'étendirent rapidement en surface et en profondeur, le poumon gauche se prit à son tour et la partie supérieure parvint très vite à la période de ramollissement. Les crachats très abondants contenaient des bacilles de Kock. La température, malgré les antithermiques, se maintenait toujours très élevée, l'oppression augmentait encore et des hémorragies menaçaient, à chaque instant, d'enlever le malade. A ce moment, 1er septembre, je m'absentais, pour une quinzaine et je confiais le malade à un de mes confrères.»

 

L'abbé Anne, qui avait promis de publier sa guérison si elle était obtenue, a écrit:

« Alors mes parents, éplorés, sollicitèrent ma guérison de Notre-Dame de Lourdes, par l'intercession de soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, et je passai à mon cou un sachet des cheveux de cette petite sainte. Les premiers jours de cette [81v] neuvaine, mon état s'aggrava: j'eus une hémorragie si violente que je pensai mourir; on appela en toute hâte un prêtre; mais, bien que l'on m'engageât à faire le sacrifice de ma vie, je ne pouvais m'y résoudre et j'attendais avec confiance la fin de cette neuvaine. Le dernier jour, aucun mieux ne s'était produit. Alors le souvenir de Thérèse se présenta à mon coeur, la parole qui a si nettement esquissé sa grande âme me pénétra d'une confiance indicible: « Je veux passer mon ciel. à faire du bien sur la terre.» Je pris au mot la jeune carmélite. Elle était au ciel, oh! oui, j'en étais sûr; j'étais sur la terre, je souffrais, j'allais mourir: il y avait du bien à faire, il fallait qu'elle le fît. Serrant donc fortement contre ma poitrine la chère relique, je priai la petite sainte avec tant de force, qu'à la vérité, les efforts mêmes, faits en vue de la vie, eussent dû me donner la mort.

Nous recommençâmes une neuvaine, demandant cette fois ma guérison à soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus elle-même, avec promesse, si elle nous exauçait, d'en publier la relation. Dès le lendemain, la fièvre baissa subitement, et, les jours suivants, après l'auscultation, le médecin conclut au rétablissement d'une façon aussi catégorique qu'il avait affirmé 'la fin. De la caverne du poumon, il n'y avait plus trace, l'oppression avait cessé et l'appétit revenait sensiblement. J'étais guéri.»

Le médecin remplaçant, ayant constaté lui aussi, « outre des hémorragies graves, des lésions pulmonaires avancées, de nature tuberculeuse, avait porté également un pronostic très grave.»

 

Le Docteur La Néele revit le malade, vers le 18 septembre, stupéfait de le voir résister aussi longtemps. Voici les termes de son appréciation: « La température était redevenue normale depuis le lundi 10 septembre; elle avait commencé à descendre, le lundi 3 septembre. La caverne du poumon droit avait disparu et je [82r] constatai au sommet droit une simple induration due à du tissu de cicatrice. Au poumon gauche, il y avait des râles de ramollissement. Ceux-ci disparurent peu à peu et le malade reprit ses forces. Depuis longtemps les poumons ne présentent plus aucune trace des lésions étendues et graves dont ils étaient atteints. Je revois le malade, chaque année, et il continue à jouir d'une excellente santé.» Il ajoute: « Cette guérison est absolument extraordinaire et inexplicable au point de vue scientifique. On a vu dans l'histoire médicale les formes les plus diverses de la tuberculose guérir naturellement, mais jamais quand elles présentent un caractère aussi grave que le cas précédent. Forme aiguë à marche très rapide, maladie restant à l'état larvé pendant longtemps, et passant par ses trois degrés dans un délai de quelques jours, c'est ce qui caractérise la phtisie galopante la plus grave, et devant laquelle la médecine reste impuissante.

Lisieux, 7 mars 1909.»

Le jeune séminariste, devenu prêtre, est vicaire dans une paroisse importante et suffit sans fatigue à un ministère laborieux. - Comme il sera constaté...

 

127 - Une guérison prodigieuse eut lieu au mois de janvier 1907, pour la soeur Joséphine, âgée de 41 ans, converse du Carmel de Nîmes, exilé à Florence, villa Dolgoroucky. Voici le récit de la mère prieure et de la malade avec l'observation du médecin de Florence:

« Soeur Joséphine, l'une de nos soeurs converses, fut atteinte, le 18 janvier 1907, d'une pneumonie déclarée infectieuse. En quatre jours elle fut à toute extrémité, la fièvre montait à 43°. Aussitôt que je compris la gravité du mal, je m'adressai avec une confiance inébranlable à l'ange de [82v] Lisieux; je plaçai son image au chevet du lit de la malade qui, elle, ne désirait pas guérir. Cependant, le sixième jour de la maladie, le docteur ne nous laissa plus aucun espoir, et nous avertit de lui faire recevoir les derniers sacrements, craignant un dénouement fatal pour le lendemain. Je voulus passer cette dernière nuit auprès de notre chère enfant; mais nos soeurs m'obligèrent à aller prendre un peu de repos, ce que je fis pour ne pas les contrister, mais en redoublant mes instantes prières à notre soeur du ciel. Vers deux heures du matin, je fus réveillée par une force mystérieuse, j'avais l'intuition que notre soeur Joséphine était à l'agonie. J'accourus immédiatement et la trouvai, en effet, sur le point de rendre le dernier soupir, elle était noire... les yeux vitrés... D'une voix étouffée elle balbutia: « Ma mère, je ne puis pas mourir!.»

 

Je dis à la mère Saint-Pierre qui me pressait de faire les prières des agonisants: «            Non, la petite Thérèse la guérira » et je récitai le Credo avec toute l'énergie de ma foi. J'avais dans l'âme une sorte de saisissement, comme si notre petite soeur Thérèse de l'Enfant Jésus m'eût touchée, pour me signifier que le miracle était obtenu. Et je crus à cette touche inoubliable et je dis tout haut: « Soeur Joséphine est sauvée!.» Elle l'était, en effet. La crise de suffocation s'apaisa, les yeux reprirent de la vie et de l'éclat. Le lendemain, le docteur vint constater lui-même la résurrection de celle dont il croyait constater la mort.»

Monsieur le professeur Maestro a donné, en deux appréciations successives, ce diagnostic de la maladie de la soeur Joséphine:

« Pneumonie fibrineuse bilatérale, au cours de l'influenza. Conditions très aggravantes: fièvre continue au-delà de 40 degrés, pouls intermittent, filiforme, très fréquent (plus de 150 pulsations à la minute), respiration du type Cegne-Stokes, [83r] phénomènes accentués d'asphyxie et d'intoxication bulbaire, anurie presque complète. La malade est guérie, le septième jour, tout à coup, contre mes prévisions, par un secours d'en haut!.»

La déclaration de la malade doit être citée pour montrer son état d'âme et ce qu'elle éprouva au moment de la guérison.

« En l'honneur de la soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, je veux dire à ma grande confusion que, tout le temps de ma maladie, je n'ai pas dit un Ave Maria pour demander ma guérison; je ne regardais pas son image qui était toujours pendue à notre lit, je ne voulais pas guérir, je ne lui ai pas dit merci. Maintenant je lui dis grand merci. Qu'elle fasse à mon âme ce qu'elle a fait à mon corps. Dès que je fus malade, je compris que je l'étais bien pour mourir, je n'avais jamais eu tant de mal, mais la nuit que notre mère est venue, j'étais à bout de forces, tout se détruisait dans moi, et je sentais que je ne pouvais plus vivre. Cependant une force me retenait sur la terre et je ne pouvais mourir, j'étais là suspendue entre la vie qui partait et la mort qui ne venait pas, je souffrais beaucoup, je ne respirais pas, je ne me souviens pas le temps que ça dura comme cela. Mais au bout d'un moment que notre mère fut à mon côté, je sentis que je revivais tout à fait, c'est ce qui me fit dire que notre mère, elle, m'avait guérie. Elle avait prié l'ange de Lisieux qui me rendait la vie. Après je ne sentais plus rien, mais j'étais bien faible.» Comme il sera constaté...

 

 

128 - La soeur Sainte-Foy de Jésus, du Carmel de Rodez, souffrait, depuis six années de faiblesse générale, à la[83v]quelle était venue se joindre, depuis seize mois, une extinction totale de la voix. Les remèdes humains avaient été sans efficacité et les prières n'avaient point obtenu d'amélioration. La lecture de plusieurs faveurs dues aux prières de la Servante de Dieu engagèrent à s'adresser à elle. Une neuvaine, à la Sainte Face de Notre-Seigneur par l'intercession de soeur Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face fut décidée, avec promesse, si la guérison était obtenue, de s'employer à propager la dévotion à la Sainte Face et à faire connaître la Servante de Dieu.

Les prières commencèrent le 26 avril 1908. Dès le second jour le mieux se fit sentir et la malade put fredonner ces deux vers du cantique Vivre d'amour: « Vivre d'amour, ce n'est pas, sur la terre fixer sa tente au sommet du Thabor.»

Le troisième, la parole était distincte, mais se fatiguait à la psalmodie. Le quatrième jour, soeur Sainte-Foy était guérie et reprenait l'usage total de sa voix; la santé générale était également rétablie, plus de faiblesse, même après des travaux pénibles, comme la lessive; la voix même est plus forte qu'avant la maladie.

Monseigneur l'évêque de Rodez ayant constaté ce qui s'était passé a insisté pour avoir une attestation médicale. Elle a été donnée, trois mois après, le 27 juillet 1908, et porte: que « Dame soeur Sainte-Foy de Jésus, née Louise Chincholle, carmélite au couvent de Rodez, a été atteinte pendant seize mois de faiblesse générale très accusée, de crachements de sang fréquents et d'une extinction complète de la voix, autant de symptômes qui faisaient redouter l'existence d'une tuberculose laryngée, d'autant que toutes les médications employées avaient été inefficaces... Depuis la fin d'avril 1908, alors que la malade ne faisait plus aucune médication, tous les symptômes ci-dessus ont [84r] disparu: la voix est redevenue normale, les crachements de sang ont cessé, l'état général s'est sensiblement amélioré. L'auscultation de la poitrine n'avait jamais révélé aucun signe de lésion pulmonaire, mais parfois des traces de bronchite qui n'existent plus aujourd'hui. La malade présente à la vérité quelques signes de névropathie, tels que l'anesthésie oculaire et l'abolition du réflexe pharyngé, mais toute crainte de tuberculose paraît devoir être écartée.» - Comme il sera constaté...

 

129 - Voici une observation médicale de la jeune Reine Fauquet, âgée de 4 ans et demi, demeurant à Lisieux, atteinte de kératite phlycténulaire et guérie le 26 mai 1908:

« Reine Fauquet n'a jamais été malade, sauf de la rougeole quand elle avait un an. Le 11 janvier 1906, elle a commencé à souffrir des yeux. Ses paupières étaient collées et renfermaient du pus, les yeux étaient rouges et irrités, Au bout de quinze jours, on la conduisit au docteur D. qui lui continua ses soins pendant plus d'un an. La malade avait des rémissions pendant quelques temps, puis survenaient des crises plus aiguës. Elle vit trois oculistes: le docteur D. à Lisieux, et les docteurs M. et L. à Caen. Ceux-ci dirent à la mère de ne pas ramener l'enfant, parce que ses yeux étaient perdus. Ils étaient, en effet, injectés de sang et couverts de taies blanchâtres (une douzaine environ). L'enfant souffrait beaucoup, surtout la nuit, Elle ne voyait pas pour se conduire et ne distinguait aucun objet placé devant elle. Elle tenait les yeux fermés et portait des lunettes pour souffrir moins. Touchée de cet état, madame Saint-Edmond, religieuse de la Providence à Lisieux et maîtresse de la classe enfantine, conseilla à la mère de demander la guérison de sa petite infirme à soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, et de la porter sur sa tombe, en lui recommandant d'avoir d'autant plus de con-[84v]fiance que sa fille s'appelait Reine, nom que monsieur Martin, père de soeur Thérèse, se plaisait à donner à celle-ci. La mère hésitait. Elle se décida cependant, après la lecture de la vie abrégée de soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, et porta l'enfant au cimetière. Elle demanda au Carmel une neuvaine de prières. Le lendemain , 26 mai 1908, avant-veille de l'Ascension, elle assista à la messe de six heures et demie et mit un cierge à la Sainte Vierge, en l'honneur de soeur Thérèse. En rentrant chez elle, on lui apprend que sa fille a eu une crise de souffrance plus forte que les autres. «Mets tes lunettes, puisqu'elles te soulagent », dit la mère à la fillette. Mais celle-ci de s'écrier toute joyeuse: « Maman, je n'en ai plus besoin, je vois aussi bien que toi, à présent.» Alors la mère approche l'enfant de la fenêtre et appelle son mari: « Regarde ta fille! Tu te moquais de ma confiance, vois ses yeux! Elle est guérie!.» En effet, les yeux grands ouverts n'étaient plus rouges; il n'y avait plus de pus, d'inflammation ni de taies, et l'enfant voyait distinctement tout ce qui l'entourait. Depuis elle n'a eu aucune rechute. Le docteur D. la déclara complètement guérie de sa kératite phlycténulaire et délivra un certificat, à la date du 6 juillet 1908. Cette maladie, très fréquente chez les enfants à constitution faible et lymphatique, est caractérisée par des ulcérations de la cornée, Elle est sujette à des récidives très fréquentes, d'abord, puis, à intervalles plus éloignés, à mesure que l'enfant se fortifie. Elle ne peut donc guérir que très lentement, et elle laisse presque toujours des traces indélébiles, sous forme de taies plus ou moins opaques.

Lisieux, le 7 décembre 1908.

Dr. La Néele.»

La famille alla témoigner sa reconnaissance au Carmel de Lisieux et donner aux religieuses les détails de la guéri[85r]son qu'elles désiraient savoir. Dans le résumé de cette entrevue qu'elles ont écrit et signé, le 5 février 1909, elles s'expriment ainsi:

« Marie Fauquet, âgée de 9 ans et demi, nous a dit avoir vu sa petite soeur, au matin du 26 mai, s'apaiser tout à coup, après sa grande crise, puis regarder fixement quelque chose en souriant, et faisant des gestes d'amitié avec son petit bras; enfin, s'endormir paisiblement. 'J'ai pensé - nous dit-elle qu'elle se guérissait et regardait les objets au fond de la chambre. Je lui ai demandé ensuite ce qu'elle avait tant regardé et pourquoi elle avait ri. Elle m'a répondu: J'ai vu la petite Thérèse, là, tout près de mon lit, elle m'a pris la main, elle me riait, elle était belle, elle avait un voile, et c'était tout allumé autour de sa tête'. L'enfant nous a raconté la même chose à nous-mêmes. Devant nous, sa mère a essayé de l'effrayer en lui disant de prendre garde de mentir, ou bien que la « petite Thérèse » lui reprendrait ses yeux. Elle s'est retournée vers sa mère et lui a répété avec assurance: Oui, maman, c'est vrai, je l'ai vue... - Comment était-elle habillée, ma petite Reine?, lui dîmes-nous. Pareille à vous! » - Comme il sera constaté...

 

130 - La révérende mère prieure du Carmel de San Pol de Mar (Espagne), écrivait à la révérende mère prieure de Lisieux, le 15 décembre 1908, la guérison d'une malade de son monastère:

Carmel de San Pol de Mar, Espagne, 15 décembre 1908.

« Ma révérende mère,

J'ai la consolation d'écrire à Votre Révérence ce qui suit: une de nos soeurs, soeur Marie-Michel du Saint-Sacrement, âgée de trente et quelques années, était reconnue tu-[85v]berculeuse par le médecin qui lui donnait, tout au plus, deux ans de vie. Nous commençâmes une neuvaine à l'Immaculée Conception, par l'intercession de votre aimable petite sainte, et nous la terminâmes, le 20 septembre, par la sainte communion. La malade, se voyant dans le même état, me dit: « Ma mère, le 30 de ce mois, c'est l'anniversaire de la mort de la petite soeur Thérèse de l'Enfant Jésus. Ce jour-là, je crois qu'elle fera quelque chose pour moi.» Voyant sa confiance, nous recommençâmes une neuvaine et, le lendemain du dernier jour, je fis appeler le docteur qui, après avoir ausculté notre chère soeur, me dit tout surpris: « Mais elle est beaucoup mieux!.» Cependant, je croyais qu'il fallait un certain temps pour constater une guérison complète. Ces jours derniers, je la fis donc examiner de nouveau. Après l'auscultation, le médecin se tourna vers moi et me dit: « No hay nada màs! Il n'y a plus rien, elle est guérie!.» Il me promit volontiers le certificat que je vous envoie. Vous y lirez que: « cette guérison, si prompte, lui paraît étrange et merveilleuse.»

 

Certificat du docteur J. Marqués: « Soeur Marie-Michel du Saint-Sacrement, du couvent cloîtré des religieuses carmélites de cette ville, fut par moi examinée, le 19 avril de la présente année 1908, et reconnue attaquée de la tuberculose pulmonaire; aujourd'hui 15 novembre de la même année, elle est en parfait état de santé. Bien que durant cet intervalle de temps, ladite religieuse ait été soumise à un traitement médicinal et hygiénique, tel qu'il convient à cette maladie, une si prompte guérison me paraît étrange et merveilleuse.

En foi de quoi je signe le présent certificat. 15 novembre 1908, Docteur Joseph Marqués.»

 

La guérison a été depuis vérifiée à plusieurs reprises, et attestée de nouveau par le même docteur, en mars 1910. - Comme il sera constaté...

 

[86r] 131 - Mademoiselle Marguerite Chabaud, née en 1884, souffrait de l'estomac, depuis quatre ans. Quand elle entra à l'hôpital Saint-Joseph, à Paris, le 1° janvier 1909, elle avait déjà eu plusieurs vomissements de sang. On la reconnut atteinte d'un ulcère à l'estomac.

Après trois semaines de traitement, son état s'était amélioré; elle quitta l'hôpital pour entrer dans la maison de convalescence des religieuses de Saint-Thomas de Villeneuve, à Issy-les-Moulineaux (Seine). La malade qui se disait mieux présentait toujours les symptômes de l'ulcère rond, transfixion, renvois acides, etc., constatés par le médecin de l'établissement. Le 8 février, elle eut une rechute grave avec vomissements de sang abondants, plusieurs fois répétés, et comme son estomac ne pouvait plus rien supporter, on dut l'alimenter par les moyens artificiels. Les calmants étaient sans efficacité et les nuits sans sommeil. Dans ces circonstances, la supérieure avait décidé de diriger la malade vers l'hôpital de Bon-Secours, ne croyant pas devoir garder dans une maison de convalescence une personne si gravement atteinte.

 

C'est à ce moment que fut proposée une neuvaine à la soeur Thérèse de l'Enfant Jésus; toute la communauté devait se joindre aux prières de mademoiselle Chabaud, faites en union avec le Carmel de Lisieux. Les carmélites avaient envoyé un petit sachet contenant de la laine de l'oreiller de la Servante de Dieu, et la malade avait aussitôt fixé la relique à son scapulaire. La neuvaine se fit avec ferveur, mais les douleurs augmentaient toujours. Voici comment mademoiselle Chabaud a raconté, peu après, ce qui se passa à la clôture de la neuvaine: « Le 21 février, jour où la neuvaine se terminait, je voulus absolument aller à la messe de 6 heures, avec le désir d'y communier, persuadée que je serais guérie. Pendant tout le temps de la messe, je souffrais horriblement, mais je priais avec beaucoup de ferveur et mon espérance était bien grande. Lorsque je revins de la sainte table, où je m'étais traî-[86v]née bien péniblement, mes souffrances redoublèrent. Enfin, au troisième Ave Maria que dit le prêtre au bas de l'autel, je sentis une douleur atroce à l'estomac, cette douleur correspondait dans le dos; il me semblait qu'on m'arrachait l'estomac. J'eus ensuite la sensation très nette d'une main qui se posait sur la partie malade et y répandait un baume céleste... puis, plus rien, un grand calme... J'étais guérie!

Je sentis alors que j'avais faim et j'avalai une grande tasse de lait, que je trouvai exquise. Je restai ensuite à la messe de 7 heures en action de grâces, et je l'entendis à genoux. Après cette deuxième messe, j'allai au réfectoire où je pris une grande tasse de chocolat, accompagnée de deux morceaux de pain, moi, qui depuis quatre mois, n'avais pas mis une bouchée de pain dans ma bouche! Et j'avais encore faim! A en juger par le bien-être que j'éprouve, je ne croirais pas avoir été malade. Je suis absolument guérie.»

Elle confirmait la dépêche, adressée le 21 février par la supérieure des soeurs de Saint-Thomas de Villeneuve au Carmel de Lisieux:

« Malade entièrement guérie par soeur Thérèse de l'Enfant Jésus.»

A partir de ce jour l'alimentation fut absolument normale. Le médecin qui avait été prévenu de la neuvaine disait: « Cette guérison subite d'un ulcère rond est d'autant plus étonnante que généralement l'amélioration se fait lentement et que la guérison se fait longtemps attendre. En outre la malade, examinée au point de vue nerveux, ne présente ni dans ses antécédents, ni à l'état actuel aucun symptôme de névrose. Ainsi la sensibilité, au toucher et à la piqûre, est normale.» Il ajoutait: « Avant de se prononcer définitivement, il sera bon d'attendre quelques mois pour voir si la guérison est bien définitive.»

[87r] Le 18 mai seulement il écrivait:

« Mademoiselle Marguerite Chabaud, âgée de 24 ans, garde-malade, demeurant à Issy-les-Moulineaux (Seine), rue Ernest Renan, que j'ai soignée au mois de février pour un ulcère de l'estomac et qui avait été guérie subitement, continue de se bien porter, Elle n'éprouve plus de douleurs au creux de l'estomac ni dans le dos, mange de tout ce qu'on présente à table, n'a pas de constipation, etc. En un mot, elle a très bonne mine et respire la santé.

Issy-les-Moulineaux (Seine), 18-5-09. Tison.»

 

132 - Voici les détails donnés par monsieur l'abbé J. Lamy, vicaire à Saint-Jacques de Lisieux, le 16 avril 1909, au sujet de la guérison du petit Louis Legot.

En mars 1908, un petit enfant de cinq ans était atteint d'une méningite des plus graves. J'engageai sa mère à prier avec confiance soeur Thérèse de l'Enfant Jésus. Une neuvaine fut commencée. L'enfant était dans un perpétuel délire, et cependant, lorsqu'on voulait lui faire baiser la relique de soeur Thérèse qu'il portait sur lui, il la retenait et la pressait sur son coeur. Il allait toujours plus mal. « Il y a deux jours qu'il devrait être mort », disait le docteur. Mais sa mère ne perdait pas courage. Tandis qu'il était presque agonisant et que, depuis plusieurs heures, il ne pouvait plus articuler une parole, elle vint à l'église, se confessa et avant de s'en retourner fit cette prière à soeur Thérèse de l'Enfant Jésus: « Soeur Thérèse, si je dois croire que vous voulez bien guérir mon fils, faites qu'en revenant de la messe il me demande à boire.»

«Maman, donne-moi à boire», dit l'enfant, aussitôt que sa mère eut mis le pied sur le seuil de sa chambre.

Dès lors, il alla de mieux en mieux. Je le vis moi-même, le [87v] lendemain, l'affreux mal avait disparu. Aujourd'hui il se porte bien et attend avec impatience le moment de rentrer, en classe. - Comme il sera constaté...

 

133 - La guérison de la soeur Marie du Calvaire, à Mangalore (Indes-Orientales), est ainsi rapportée par la révérende mère prieure, écrivant aux carmélites de Lisieux:

« Carmel de Mangalore, Indes-Orientales, 7 juin 1909.

Ma très révérende mère,

Vous serez heureuse d'apprendre que votre petite soeur, qui aimait tant les Carmels des Missions, a bien voulu nous favoriser d'une de ses visites. Nous avions une de nos chères soeurs très mal d'une pneumonie compliquée d'une maladie de foie et d'une affection des reins; le docteur avait peu d'espoir et d'autant moins que notre bien-aimée malade ne voulait pas guérir, étant si heureuse d'entrevoir le ciel, objet de tous les désirs de son coeur. Elle venait de recevoir avec une piété touchante le saint Viatique et l'Extrême-Onction, lorsque nous arriva la circulaire relatant les faits merveilleux opérés par l'intervention puissante, auprès de Dieu, de votre aimable petite sainte. Nous commençâmes une neuvaine en communauté pour obtenir la guérison de notre chère malade qui voulut s'unir à nos supplications, dans le but de glorifier le bon Dieu, et de contribuer autant que possible à la glorification de la Servante de Dieu, par sa guérison. Elle vous dit elle-même comment elle a été guérie. Cette grâce obtenue au Carmel a fait grand bruit dans la ville et on nous demande des neuvaines. Nous vous se-[88r]rions bien reconnaissantes, si vous vouliez nous envoyer quelques reliques et images.

Soeur Marie de l'Enfant-Jésus, Prieure.»

 

« Sans me rendre exactement compte des maladies graves dont j'étais atteinte, souffrant beaucoup sous l'influence d'une forte fièvre, crachant le sang et comme des morceaux de poumon, j'interrogeai le docteur afin de savoir si ma vie était en danger, pour recevoir les derniers sacrements. Il me répondit que, depuis trois jours, je me trouvais dans ce cas. J'exprimai alors mon désir à notre révérende mère de ne point différer à me procurer cette grâce et, dans l'après-midi de ce même jour, 16 mars 1909, je reçus la sainte communion en viatique ainsi que l'Extrême-Onction, et me disposai de mon mieux au grand passage du temps à l'éternité. Voyant que le docteur réitérait ses visites, trois et même quatre fois par jour, et qu'il s'était adjoint un autre médecin en consultation, je fus affligée de sa sollicitude à vouloir m'arracher à la mort, moi qui me sentais si heureuse de quitter cette terre d'exil, et je lui en exprimai ma peine, lui reprochant d'agir contrairement aux desseins de Dieu qui m'appelait. Il était attristé de mes dispositions, contraires, disait-il, aux efforts de la science pour me guérir. Sa piété avait cependant plus d'espoir dans la puissance de la prière que dans les secours humains. Ce jour même, la communauté commençait une neuvaine pour solliciter un miracle par l'intercession de la Servante de Dieu, soeur Thérèse de l'Enfant Jésus.

Bien après le départ du docteur, j'éprouvai quelque chose qui ne saurait s'exprimer; j'étais seule et ne dormais point; il me semblait que j'étais comme suspendue dans l'espace. Je ne vis rien, mais je m'entendis interroger ainsi: « Pour-[88v]quoi voulez-vous mourir?.» Croyant parler à Dieu, je répondis: « Pour vous voir.» Mais la voix reprit qu'il serait plus glorieux à Dieu de m'abandonner à lui, soit pour vivre soit pour mourir, et de m'unir à la neuvaine que faisait la communauté. J'entendis encore ces paroles: « Quelle plus grande gloire pour Dieu, pour la sainte Eglise, pour votre Ordre et votre communauté, si le miracle de votre guérison doit hâter la glorification de soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus!.» Aussitôt mes dispositions furent complètement changées, je répondis: « Non, je ne veux plus désirer mourir, je vais prier et commencer une neuvaine.»

Lorsque le docteur revint dans l'après-midi, je lui fis réparation des reproches que je lui avais adressés; le même jour, sur ma demande, on me donne une image représentant soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, que je plaçai près de mon chevet. je la priais sans cesse, avec une grande confiance, à proportion de mes souffrances qui s'accentuaient davantage, à mesure que la neuvaine approchait de son terme. La veille du dernier jour, 23 mars, vers 5 heures de l'après-midi, alors que toute la communauté se trouvait réunie au choeur pour l'oraison, étant seule avec la soeur infirmière, je fus subitement prise de violentes suffocations. A la quatrième crise qui fut la dernière, j'endurai toutes les angoisses de l'asphyxie. M'étant soulevée du lit par l'excès de la souffrance, j'étreignais la soeur qui me soutenait dans ses bras croyant comme moi que j'allais expirer. L'air me manquait absolument pour respirer. Lorsque je fus remise de cette terrible lutte, aussitôt que je pus parler, j'invitai la pauvre soeur bien émotionnée à remercier Dieu: « Puisque je n'en suis pas morte - lui dis-je -, c'est une preuve que nos prières seront exaucées.» J'avais l'espoir que je serais guérie, le lendemain, à la sainte communion. La nuit fut très mauvaise. A 3 heures [89r] du matin j'endurai une véritable agonie, j'étais inondée d'une sueur froide, grelottant malgré les fortes chaleurs de l'été et la couverture de laine dont j'étais enveloppée; j'en demandai même une autre plus chaude. A 3 heures et demie j'éprouvai soudainement un indéfinissable bien-être, je dis aux soeurs qui me prodiguaient leurs soins: « Retirez-vous dans vos cellules, allez vous reposer, je n'ai plus besoin que personne me veille, je suis guérie! Aussitôt que notre mère sera levée, veuillez le lui annoncer.»

En effet, je dormis d'un bon sommeil jusqu'à l'Angélus. La veille encore, je recevais la sainte communion dans mon lit en viatique et ne pouvais avaler qu'une parcelle de la Sainte Hostie avec difficulté. Ce dernier jour de la neuvaine, je me levais, m'habillais, recevais la sainte communion et demeurais à genoux, sans appui, environ une demi-heure. A la fin de mon action de grâces je chantais un des cantiques composés par notre chère soeur Thérèse de l'Enfant Jésus.

Quelques instants après, le docteur vint m'ausculter et déclarait qu'il n'y avait plus aucune trace de la pneumonie qui m'avait conduite aux portes du tombeau, et qui était compliquée d'une affection au foie et d'une maladie non moins sérieuse des reins. Ma santé, si éprouvée depuis plusieurs années, m'a été rendue bien meilleure. En peu de jours j'ai pu reprendre et exercer sans interruption mon office de portière avec d'autres occupations fatigantes. La nuit du jeudi Saint, 7 avril, j'ai pu veiller avec la communauté devant le Saint-Sacrement. Je prends la nourriture commune de nos soeurs au réfectoire et ne ressens nullement aucune des indispositions des maladies précédentes. J'ai su, depuis, par une religieuse de Tiers-Ordre qu'ayant interrogé le docteur sur mon état, le soir, veille de ma guérison, celui-ci avait répondu: « Elle expirera peut-être cette nuit.» Gloire soit rendue à Dieu et à la chère âme qui a daigné intercéder pour son [89v] indigne petite soeur! Qu'elle achève maintenant son oeuvre en m'obtenant l'inappréciable grâce de marcher fidèlement sur ses traces dans la pratique des vertus religieuses.

Soeur Marie du Calvaire.»

Lettre d'envoi de l'attestation du médecin.

Carmel de Mangalore, Indes-Orientales, 31 juillet 1909.

« La santé de notre chère miraculée est bonne, très bonne; elle, qui depuis de bien longues années endurait de cruelles douleurs, privée des exercices de communauté, vient maintenant partout. La joie est répandue dans tout son être, on sent qu'une divine transformation s'est opérée en elle. jamais nous ne pourrons oublier l'expression du visage de notre bien-aimée soeur, le jour de sa guérison; elle était transfigurée, comme en extase, et encore, quand elle parle de sa céleste bienfaitrice, elle est toute rayonnante de reconnaissance et 'amour.

Soeur Marie de l'Enfant-Jésus, Prieure.»

Voici la traduction de l'attestation du médecin de la communauté, le docteur L.-P. Fernandez, datée du 31 juillet 1909:

« Au mois d'avril de l'année courante, j'ai eu le privilège de soigner soeur Marie du Calvaire, quand elle a eu une attaque de pneumonie. Tout le poumon droit était affecté; l'âge avancé de la malade, 66 ans, et sa faible santé en général, comme aussi là condition malsaine de ses reins, rendait son cas extrêmement sérieux, Pour rendre les choses pires, la bonne vieille soeur avait prononcé, elle-même, la sentence de mort et désirait s'envoler au ciel. Souvent elle m'a prié de ne pas l'empêcher d'obtenir la réalisation de son heureux désir. Comme les jours se passaient, je perdais tout espoir de sa guérison. [90r] Au même temps, la communauté et la soeur malade faisaient une neuvaine à la vénérable soeur Thérèse de l'Enfant Jésus pour sa guérison. Cette sainte protectrice, je n'en doute pas, avait intercédé pour ma malade, parce qu'elle avait renoncé à son désir de mourir et souhaitait vivre longtemps encore pour souffrir et mériter. Le 24 mars 1909, elle fut complètement guérie; et, maintenant, elle jouit d'une bien meilleure santé que depuis plusieurs années avant sa maladie. Signé: L. P. Fernandez. B.A.L.M.S..»

Au mois de janvier 1910, la protégée de la Servante de Dieu était maîtresse des novices et n'avait éprouvé aucune souffrance à partir de sa guérison. Comme il sera constaté...

 

134 - Une guérison surnaturelle a été obtenue au couvent de l'Adoration perpétuelle, à Quimper.

Le 1er décembre 1908, la soeur du Coeur-de-Jésus, âgée de trente et un ans, avait été atteinte d'une maladie infectieuse du cerveau et de la moelle épinière, le tout augmenté d'une phlébite aux deux jambes. Le 16 mars, le docteur ayant constaté que les phlébites avaient disparu, mais que la jambe droite était ankylosée, plia lui-même les deux jambes afin de permettre à la soeur de marcher: ce fut une souffrance ajoutée à tant d'autres, car, quand il fallut faire circuler la patiente, les jambes fléchissaient et étaient incapables de la porter. Dès l'abord, on crût à de la faiblesse et l'on espérait que le temps en aurait raison. Hélas! la malade prenait des couleurs, de l'embonpoint, mais restait impotente, et le docteur disait que, probablement, elle serait paralysée toute sa vie et que, seule, Notre-Dame de Lourdes pourrait la guérir. C'était le jeudi, 3 juin. Le vendredi, 11 juin, la malade, dès son réveil, se sen-[90v]tit plus fatiguée encore qu'à l'ordinaire et souffrit cruellement pendant la sainte messe. Au moment de la communion, quand l'infirmière la prit pour la conduire à la sainte table, elle faillit tomber, tant ses jambes étaient rebelles. De retour à l'infirmerie, la soeur dit à la malade: « Quand vous êtes seule, il faudrait essayer de vous lever du fauteuil.» Elle répondit tristement: « Je ne le puis! J'essaie souvent, mais il m'est impossible de remuer les reins.» L'infirmière n'insista pas, persuadée, en effet, de son impuissance; elle la prit par le bras et la fit marcher dans l'appartement. La soeur coadjutrice - aide pour les malades - arrivant en ce moment, dit à l'infirmière: « Pourquoi vous fatiguer ainsi? On n'est pas plus avancé de faire marcher la soeur aujourd'hui qu'au premier jour.» L'infirmière remit la malade dans son fauteuil, puis alla prendre un livre où se trouvait le portrait de soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, sur une de ses poésies: « Les anges à la crèche.» Elle fit baiser ce portrait à la malade et lui dit en s'éloignant de quelques pas: « Maintenant, venez chercher l'image.»

 

Aussitôt la soeur fit quelques efforts des reins, s'appuya sur le bras du fauteuil, se leva et suivit l'infirmière, qui tenant l'image à la main, faisait le tour de la chambre. Vivement impressionnée, elle dit à la malade: « Retournez au fauteuil et levez-vous sans vous appuyer.» Ce qu'elle fit!

Depuis ce jour, elle marche, et suit en tout la communauté. Elle a repris son emploi et se porte très bien. On ne dirait jamais qu'elle est restée six mois sans bouger. Le docteur Pilven, de Quimper, a décrit avec soin la maladie et constaté la guérison: « Je soussigné docteur médecin de la Faculté de Paris, déclare que la soeur Coeur-de-Jésus, religieuse au couvent de l'Adoration perpétuelle à Quimper, a été atteinte, le 1er décembre 1908, d'une maladie infectieuse, à début brusque, et [91r] offrait d'abord les apparences d'une fièvre typhoïde dans laquelle prédominaient les symptômes cérébraux: céphalalgie violente, vomissements, prostration considérable. Les épitaxis du début, la diarrhée et les hémorragies intestinales dans le cours de l'affection tendaient à confirmer ce diagnostic. Toutefois, dès les premiers jours, la malade, en outre de la céphalalgie, se plaignit de douleurs intenses à la nuque, de rachialgie, d'élancements pénibles dans les membres inférieurs et présenta de l'opisthotonas qui persista jusqu'à la fin, elle poussait des cris « encéphaliques » et son aspect était celui d'une méningitique. C'est alors que je songeai à la possibilité d'une méningite cérébro-spinale, affection jusqu'alors inconnue dans notre région et que je n'avais jamais observée. Toutefois la coexistence des troubles intestinaux, si caractéristiques, ne me permit pas, malgré les signes précédents et l'irrégularité considérable de la température, de m'arrêter d'une façon ferme à ce nouveau diagnostic. Quoi qu'il en soit, la maladie diminua d'intensité, au commencement du mois de janvier 1909; mais malgré la chute de la température, la malade conservait un certain degré de raideur de la nuque, de la parésie des membres, des membres inférieurs principalement, et son faciès demeurait hébété.

Le 16 janvier, apparut une phlébite du membre inférieur droit, et, 15 jours plus tard, le membre inférieur gauche était atteint à son tour. Les deux membres avaient un volume considérable et l'oedème avait gagné la région lombaire. Un mois plus tard la soeur Coeur-de-Jésus, fut soumise au massage; l'ankylose des articulations céda, dans une certaine mesure, et quelques mouvements actifs devinrent possibles. Toutefois l'oedème persistait et la parésie des membres était telle que la [91v] malade ne pouvait se lever spontanément, ni se soutenir, quand on la levait de son fauteuil; portée par deux religieuses, elle avançait les jambes, mais celles-ci fléchissaient, et la soeur privée de cet appui serait tombée. Cet état persista jusqu'au 15 juin, où si brusquement se produisit le retour à l'état normal de la motilité, en même temps que disparaissait presque complètement l'oedème des membres inférieurs et de la région lombaire. Lorsque, le lendemain, je vis la soeur Coeur-de-Jésus, elle marchait avec la plus grande facilité, et son faciès n'offrait plus l'expression de torpeur des jours précédents.

Actuellement, il ne reste de sa maladie d'autre trace qu'un léger oedème de la jambe droite, qui est un peu plus volumineuse que la jambe gauche. Le diagnostic différentiel entre une fièvre typhoïde et une méningite cérébro-spinale n'aurait pu être établi que par des analyses de laboratoire à peu près impossibles à Quimper. Toutefois c'est l'existence incontestable de troubles cérébro-spinaux, d'origine typhique ou méningococique qui m'avait fait porter un pronostic assez sombre, au sujet de la parésie des membres inférieurs, qui a si soudainement disparu, sans qu'on puisse, à mon avis, invoquer une suggestion bien profonde.

Quimper, le 28 juillet 1909.

A signé: Dr. A. Pelvin.» - Comme il sera constaté...

 

135 - Guérison du frère Marie-Paul, trappiste.

Relation du révérendissime père abbé de Notre-Dame de Fontfroide, réfugié en Espagne:

Tàrrega, Espagne, 27 juin 1909 « Dans le courant du mois de septembre de l'année der-[92r]nière, notre bon frère Marie-Paul (dans le siècle Philippe Tobzane, né à Narbonne, diocèse de Carcassonne, département de l'Aude, le 12 juin 1877, entré en religion le 9 mai 1905), convers de notre monastère, sentit dans la région du coeur les premières atteintes d'un mal auquel, tout d'abord, il ne prit pas garde. Mais ce qui, au début, n'était qu'une simple oppression se changea peu à peu en douleur si intense que tout travail prolongé et trop pénible lui devint impossible. Le docteur, consulté, déclara que le mal venait de l'estomac et soumit le malade à un régime exclusivement lacté. Après six mois de ce traitement, un mieux s'étant produit, notre bon frère crut pouvoir reprendre la vie de communauté. Mais deux mois ne s'étaient pas écoulés que les douleurs se réveillèrent plus vives et plus intenses que la première fois et nous dûmes recourir aux mêmes remèdes. Cette fois-ci, nulle fut leur efficacité; le mal empirait tous les jours et les souffrances devenaient parfois si cruelles que, pour soulager le patient, nous dûmes employer des injections de morphine.

Notre bon frère dut cesser alors tout travail, car il était d'une faiblesse extrême; manger était pour lui un véritable supplice; son estomac ne pouvait rien conserver, pas même quelques cuillerées de bouillon qui ne servaient qu'à lui faire éprouver de violentes douleurs. Parfois aussi le malade crachait comme de la chair hachée; et, de plus, son haleine était si fétide que la charité seule nous pouvait faire rester auprès de lui. Après un nouvel examen, le médecin conclut à une ulcération de l'estomac qui, facilement, pouvait dégénérer en cancer et me prévint de l'opportunité d'une opération dans le cas de complications graves. Pour pouvoir sustenter de quelque manière le malade, le docteur prescrivit des lavements aux oeufs et au lait, mais ce mode d'alimentation [92v] ne pouvait durer longtemps, car notre frère s'affaiblissait et dépérissait à vue d'oeil. Pour se conformer aux prescriptions du docteur, notre cher malade faisait chaque jour une petite promenade. Le lundi 3 mai, il en revint plus fatigué que de coutume; et, cependant, elle n'avait pas duré un quart d'heure. Rencontrant alors le père sous-prieur, il lui dit: « Priez pour moi, mon père, car je sens que c'est bien fini....»

Tout espoir n'était cependant pas perdu, et le Seigneur allait, dès le lendemain de ce jour, faire éclater le pouvoir qu'a sur son Coeur miséricordieux l'intercession de sa petite Thérèse. - «Puisque les moyens humains sont impuissants à vous soulager - dit notre père infirmier au malade -, faites une neuvaine de prières à soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, religieuse du Carmel de Lisieux, morte, il y a quelques années, en odeur de sainteté.» La proposition est acceptée avec d'autant plus de joie que le bon frère avait grande confiance en la « petite Fleur blanche » dont il avait lu un résumé de la vie dans la petite brochure intitulée: « Appel aux petites âmes.» Depuis ce jour, en effet, il portait sur lui une photographie de soeur Thérèse, disant qu'elle lui porterait bonheur. Elle ne trompa pas sa confiance. Le lendemain, mardi 4 mai, notre malade ne put conserver les lavements, les douleurs se portèrent sur les reins avec tant d'acuité qu'il fallut cette fois encore avoir recours à la morphine: le pauvre frère n'en pouvait plus. « Cela ne peut pas durer - dit-il alors au père infirmier :  « Si vous voulez bien demander pour moi à mon père X... une relique de soeur Thérèse, je l'appliquerai sur mon mal, et j'ai confiance qu'elle me guérira.» Le soir, le père infirmier lui remit la relique et lui conseilla, en même temps, de prendre un autre lavement.

 

[93r]     Mais notre malade avait son idée; plein de confiance, il avait résolu de boire le liquide. Il pria la « Petite Fleur » de lui rendre la santé pour aider ses frères déjà si accablés de travail; puis il détache quelques parcelles de la relique et les met dans son breuvage. Après en avoir avalé quelques gorgées, il craint de commettre une imprudence en voulant absorber une si grande quantité de liquide (3/4 de litre). Mais, toujours plein de confiance qu'il va guérir, il ajoute quelques nouvelles parcelles de la relique et boit le tout. Il attend... Plus de souffrances! plus de cruels maux d'estomac! Le mal est complètement disparu, notre bon frère est guéri. Il sort alors, fait une longue promenade, gravit sans éprouver ni malaise, ni fatigue, le plateau qui domine notre propriété. Il rentre ensuite tout ragaillardi, se sentant fortvigoureux, et aussitôt demande à manger. 'Prenez des oeufs', lui dit le père infirmier. Et notre bon frère, dont l'estomac ne pouvait supporter la plus légère nourriture, prend non seulement des oeufs, mais encore des pommes de terre frites, des raisins secs, des noix, des figues sèches, et achève son repas par un bon verre de vin, boisson dont il était obligé de s'abstenir depuis huit mois... Pas la moindre souffrance!

 

Notre heureux frère me fait part de sa guérison qui me réjouit souverainement et, dès le lendemain, il reprend la vie de communauté, en suit le régime austère et se remet à son pénible travail. Il continue sa neuvaine, la transformant en action de grâces. A la fin de la neuvaine, la guérison s'étant maintenue, j'ai cru de mon devoir de vous envoyer ma première relation. Aujourd'hui près de deux mois se sont écoulés depuis la faveur insigne dont notre cher frère a été l'objet, et nous pouvons tous certifier ici qu'il ne se ressent nullement de son mal, a repris de bonnes couleurs et continue avec générosité et joie le travail que l'obéissance lui a imposé.

[93v] En notre abbaye de Notre-Dame du Suffrage ce 27 juin 1909.

R.         P. Marie Havur, abbé de N.-D. de Fontfroide.

(Réfugié avec sa communauté à Notre-Dame du Suffrage).»

 

Le médecin, monsieur Alexandro Ubach, soignait le frère depuis neuf mois; il a déclaré et signé que le religieux était gravement malade de l'estomac et que, d'après les symptômes, il pouvait soupçonner l'existence d'un ulcère de l'estomac. Il ajoute: « que le cas était grave, car l'organe atteint ne supportait aucun aliment; et le malade était arrivé à un tel état d'épuisement qu'on ne le nourrissait qu'avec des lavements; les souffrances se calmaient un peu par des injections de morphine. A la vue d'un pareil état, le médecin proposa, comme ressource suprême, une intervention opératoire qui ne fut pas pratiquée, car malgré la gravité du mal, et sans changement aucun dans le traitement, qui s'était toujours montré impuissant, le malade guérit subitement, et supporta tous les aliments, ayant suspendu tout traitement médical. L'amélioration obtenue continue jusqu'à ce jour, malgré qu'il y ait déjà un mois d'écoulé depuis le changement subit et favorable dans l'état de santé du religieux.»

Le médecin ajoute « qu'ayant questionné le supérieur sur ce subit et extraordinaire changement du frère Marie-Paul, il lui fut manifesté qu'il avait coïncidé avec la célébration d'une neuvaine en l'honneur de soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, pour obtenir par son intercession la guérison du malade.» L'attestation a été signée à Tàrrega, le 15 juin 1909, par Alexandro Ubach. Comme il sera constaté...

 

 

136 - La soeur Marie-Bénigne a écrit cette relation au sujet de la guérison, survenue au moment où intervint la soeur Françoise-Thérèse (madame Léonie Martin), propre soeur de la Servante de Dieu.

[94r] « Monastère de la Visitation de Caen (Calvados), 25 juillet 1909.

Vers le mois de décembre 1908, je commençai à souffrir de l'estomac; je pus cependant encore continuer les travaux de nos soeurs converses, jusqu'au mois de février. Mais au commencement de ce mois, je fus prise de douleurs si aiguës qu'il me semblait qu'une bête me dévorait l'estomac. Quand ces douleurs me prenaient, je ne pouvais plus marcher, et lorsqu'il me fallait prendre un peu de nourriture, elles augmentaient encore. Le docteur ayant reconnu un ulcère à l'estomac, me condamna au repos le plus complet et me fit suivre un régime qui consistait à ne prendre que du lait coupé d'eau de Vals. Mais bientôt les vomissements reprirent et devinrent plus fréquents; quatre à cinq fois par jour je rejetais le peu de lait que je prenais et chaque vomissement était mêlé de sang. Me voyant dans ce triste état, je fus inspirée de faire une neuvaine à soeur Thérèse de l'Enfant Jésus. Nous la commençâmes le jeudi 24 juin; nos soeurs la firent avec moi. Pendant la neuvaine, les souffrances ne firent qu'augmenter, malgré cela ma confiance était inébranlable. Le dernier jour de la neuvaine, vers midi, j'eus une crise très forte; il me semblait que l'on m'arrachait l'estomac, la douleur était la même dans le dos; cela dura un quart d'heure à peu près. A 1 heure, soeur Françoise-Thérèse, soeur de la bien-aimée petite soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, me donna à boire un peu d'eau dans laquelle elle avait mis un pétale de rose dont soeur Thérèse de l'Enfant Jésus s'était servi pour caresser son crucifix, et en même temps, notre mère, pleine de foi en la puissante intercession de notre petite sainte, se mit à genoux et dit un Laudate et un Gloria Patri. Sa con-[94v]fiance ne fut pas déçue... Aussitôt que j'eus pris cette eau miraculeuse, je sentis quelque chose de très doux qui cicatrisait la plaie. A partir de ce moment, je ne ressentis plus aucune douleur. je bus aussitôt une tasse de lait qui passa très bien, puis, jusqu'au soir, j'en bus un litre sans éprouver aucune souffrance. Le lendemain, au déjeuner, on me servit comme la communauté: je mangeai de l'omelette, des pois, de la salade... enfin, je me trouve aujourd'hui dans un état de santé des meilleurs. J'ai fait une neuvaine d'action de grâces pour remercier ma chère bienfaitrice, mais mon coeur aura pour elle une éternelle reconnaissance.

Soeur Marie-Bénigne.»

Le certificat du docteur, du 29 juillet 1909, déclare que « la soeur Marie-Bénigne Martin a présenté, du mois de février au juillet 1909, des signes évidents d'ulcère de l'estomac, avec vomissements de sang abondants et que, depuis le 2 juillet, ces accidents ont complètement disparu.»

La santé recouvrée si subitement s'est toujours maintenue. - Comme il sera constaté...

 

137 - Guérison de mademoiselle Mary Antes.

Relation envoyée par la soeur Antonia, religieuse dominicaine du couvent de Sainte-Croix à Brooklyn, Montrose et Graham Avenues, de la guérison de sa soeur Mary Antes.

« New York, 12 août 1909 A la gloire de Dieu Tout-Puissant et de sa servante Thérèse, la petite Fleur de Jésus, je raconterai la grande faveur reçue par l'intercession de la sainte petite carmélite. Cette grâce obtenue est la guérison extraordinaire de ma [95r] soeur mortellement blessée. Cette chère soeur marchait dans les rues de New York, le matin du 30 juillet 1909, quand un cheval indompté se précipita sur elle et la piétina. Sa figure fut horriblement contusionnée et sa tête reçut un tel coup qu'elle était tout en sang. Bien plus, les côtes brisées percèrent le poumon; le coeur fut également blessé et comprimé; en un mot elle offrait l'aspect le plus pitoyable. Dans son intense agonie elle ne perdit pas cependant connaissance et put se confesser dans la rue au prêtre accouru de l'église la plus proche. Le docteur de l'ambulance de New York ne pensait pas qu'il lui fût possible d'arriver vivante à l'hôpital et, pour tout espoir, dit seulement qu'une personne sur mille pouvait en réchapper après de si terribles brisements. Tout le jour la pauvre jeune fille resta suspendue entre la vie et la mort et, vers minuit, tout espoir de guérison était abandonné. Chaque respiration semblait être la dernière. Elle resta dans cette agonie jusqu'au 3 août. C'est alors qu'une religieuse, très dévote à soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, nous conseilla de placer en elle toute notre espérance et de lui commencer une neuvaine. Je donnai à ma soeur une image relique de la petite sainte; elle l'appliqua, avec la plus grande confiance, sur son corps broyé. Le dernier jour de la neuvaine la malade était sauvée.

Soeur Antonia.»

- Comme il sera constaté...

 

138 - Guérison de Henriette Luchini.

Relation adressée au Carmel de Lisieux.

« Carmel de Piacenza, Italie, 25 septembre 1909.

Une personne vient de se présenter au monastère et nous a dit avoir reçu une grâce signalée par l'intercession de no-[95v]tre chère petite sainte. C'est la guérison d'un de ses petits enfants, infirme d'entérite obstinée. Comment cette femme a-t-elle pu prendre connaissance de notre soeur Thérèse? Voilà le fait: je ne sais si c'est par étourderie du facteur ou par autre incident, mais le petit paquet de soeur Thérèse que vous m'avez envoyé fut remis aux religieuses du Sacré-Coeur de cette ville. L'une d'elles, de bonne foi, distribua les reliques et les images à la personne susdite, qui est sa cousine. Vainement, je réclamai les objets qui m'appartenaient: toute restitution se borna au petit livre de la relation des grâces et au papier portant au-dessus mon adresse bien claire et précise. Le bon Dieu aura permis tout cela pour sa gloire et pour la glorification de sa fidèle servante. Qu'il en soit béni!.»

Voici la relation des parents de la miraculée:

« Notre petite Henriette, âgée de 11 ans, était depuis deux ans malade d'entérite aiguë opiniâtre. Tous les remèdes employés avaient été impuissants à la guérir, même à l'améliorer. Elle demeura un mois à l'hôpital, soumise aux traitements des médecins les plus distingués, mais le mal ne faisait qu'empirer. Nul aliment ne pouvait s'arrêter dans l'intestin et la pauvre petite malade en était venue à un affaiblissement extrême. Emaciée, décolorée, elle n'avait qu'à fermer les yeux au sommeil de la mort. On lui prescrivit les bains de mer, les bains de Salsomaggiore; rien ne lui profita. Le médecin frappait du pied en voyant l'insuccès de la science. Affligés, découragés, nous ne songions plus désormais ni à médecins, ni à remèdes. Ce fut alors qu'on nous remit providentiellement un objet ayant appartenu à une religieuse carmélite, Thérèse de l'Enfant Jésus. Une neuvaine fut commencée et le dernier jour la guérison était parfaite. [96r] Aujourd'hui, après deux mois, notre petite Henriette se porte aussi bien que si elle n'avait jamais été malade; pas de rechute, pas de menace de rechute. C'est un miracle pour nous, car la longue durée et la gravité du mal, la guérison soudaine au moment où la maladie semblait s'aggraver, c'est là un fait que nous ne saurions expliquer par notre courte raison humaine.

M. M. Luchini.» Comme il sera constaté...

 

139 - Guérison de madame Antpballadum à Smyrne.

« Smyrne, Turquie d'Asie, 18 octobre 1909.

Je soussigné, pour la plus grande gloire de Dieu et la glorification de ses saints, déclare ce qui suit:

Au mois de juin dernier, ma belle-soeur, se trouvant dans son cinquième moisreçut un sérieux coup de la part de son premier enfant âgé de deux ans qui, tout en s'amusant, se précipita sur elle. Il s'ensuivit des douleurs tellement vives que le docteur, appelé en toute hâte, déclara qu'il y avait à craindre, pour l'heure, un terrible accident ou bien que l'enfant naîtrait estropié. Je recommandai aussitôt la chère malade et son enfant aux prières des religieuses carmélites de cette ville, qui demandèrent à Dieu la guérison de la mère en même temps que le parfait état de l'enfant, par l'intercession de soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, morte en odeur de sainteté au Carmel de Lisieux. En même temps, elles me remirent pour la malade un morceau de vêtement de la dite sainte. Aussitôt que la relique fut appliquée sur le mal, les douleurs cessèrent et la mère se leva le lendemain pour reprendre ses occupations habituelles. Depuis, tout marcha bien et jamais plus douleur ne repa-[96v]rut. La mère était sauvée... Restait à examiner l'état de l'enfant. Ce fut une fillette qui vint au monde, le 13 octobre, dans un parfait état de santé et nullement estropiée, au grand étonnement du docteur. En signe de reconnaissance, toute la famille a décidé à l'unanimité que l'enfant portera le nom entier de Thérèse de l'Enfant Jésus.

Antpballadun, aumônier du Carmel de Smyrne.» - Comme il sera constaté...

 

 

140 - Guérison du jeune Pichard.

« Nogent-sur-Seine (Aube), 2 novembre 1909.

Le 2 août dernier, mon petit garçon, âgé de cinq ans, fut atteint d'une péritonite à la suite de la rougeole. Malgré les soins du médecin, l'enfant s'affaiblissait de jour en jour de sorte qu'on craignait pour la poitrine. Il avait une forte fièvre, un point douloureux au côté et était devenu d'une extrême maigreur. Au bout de deux mois, le médecin ayant déclaré qu'il n'y avait ni médecin, ni médicament capable de le guérir, on eut recours à un spécialiste qui ne fit que confirmer le diagnostic du docteur, ne nous cachant pas que l'enfant était perdu, et que la seule chose à tenter était le grand air et la suralimentation. Nous comprenions qu'un miracle seul pouvait le sauver. Madame la supérieure du Carmel nous conseilla de faire une neuvaine à soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, dont elle avait éprouvé pour elle-même la puissante intercession. Dieu nous a exaucés! Le huitième jour de notre neuvaine le cher enfant se lève, l'appétit revient, et l'obstruction intestinale disparaît, c'est une véritable résurrection. Quelle reconnaissance ne devons-nous pas à soeur Thé-[97r]rèse! Que Dieu nous accorde sa prompte béatification afin qu'elle soit connue et aimée de tous!

A. Pichard.»

- Comme il sera constaté...

 

141 - Guérison de monsieur Adrien Henri, professeur au séminaire de Nice.

« Nice (Alpes-Maritimes), 21 novembre 1909.

Très révérende mère,

Je viens accomplir un devoir bien doux que m'impose ma conscience en vous écrivant ces quelques lignes. Atteint depuis plus de vingt ans d'une maladie d'estomac, je croyais être au terme d'une longue durée de souffrances, car, au mois de juillet dernier, mon mal empira d'une façon inquiétante et mon docteur ne conservait qu'un faible espoir. Les médications n'opéraient plus et ne m'apportaient aucun adoucissement. L'appétit était nul et je n'avais plus de sommeil. Les professeurs et élèves devaient partir, vers le 8 juillet, en colonie de vacances, et j'avais depuis longtemps renoncé au plaisir de les suivre tant j'étais épuisé, puisque mon pauvre estomac ne pouvait plus supporter la moindre nourriture, même quelques gorgées de lait. Je reçus alors la visite d'un jeune, séminariste qui me parla, en termes très émus, de la dévotion à soeur Thérèse de l'Enfant Jésus; il me proposa de m'associer à une neuvaine de prières faites au Carmel pour ma guérison. je priai avec toute la confiance que m'avait inspirée mon ami, et le 6 juillet, au soir, je demandai à la radieuse petite reine de pouvoir dormir jusqu'au lendemain à cinq heures. Moi qui ne dormais plus, je ne me réveillai le lendemain qu'à l'heure fixée. Mieux encore: l'appétit était revenu et le 8 juillet, au matin, je partis pour un long voyage. [97v] Quinze jours après je pus suivre une excursion et faire 40 kilomètres à pied dans une seule journée! Bien des amis qui m'avaient vu si près de la mort, témoigneraient volontiers aujourd'hui du miracle de ma guérison. Je fais des voeux pour que soeur Thérèse soit connue, vénérée et bientôt glorifiée sur nos autels.

Adrien Henri.»

- Comme il sera constaté...

 

142 - La protection de soeur Thérèse se fait sentir à Madagascar.

« Ambatolampy, Madagascar, 19 décembre 1909.

Notre petite sainte continue à travailler fort à la mission et nous fait constater une fois de plus la vérité de ses paroles: « Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre.» Ce bien, je vois qu'elle aime surtout à le faire chez les plus petits, les plus pauvres, les plus déshérités des biens de la fortune et même de la grâce. J'avais une pauvre infirme qui, depuis plus de dix ans, ne pouvait se mouvoir. Après plusieurs neuvaines à soeur Thérèse elle s'est trouvée guérie et peut maintenant marcher. Elle vient d'être baptisée et a pris le nom de Marie-Thérèse. Mais j'ai à vous raconter une autre merveille: il y a un mois m'arrivait une pauvre malgache portant dans ses bras un bébé plein de santé que je venais de baptiser la mort sur les lèvres. Et, me le présentant, ainsi qu'une image de Thérèse que nous lui avions donnée pour tout remède, elle me dit: « La belle dame que tu m'as donnée a guéri mon fils pendant la nuit; je le croyais mort et déjà je pleurais, et elle arriva en portant une robe blanche qu'elle déposa sur lui, et quand mon petit se réveilla, il était guéri.»

[98r] N'est-il pas vrai, ma révérende mère, que ce sont là de beaux traits à insérer dans la "Pluie de roses"?

Soeur Berchmans, supérieure de la Mission.» - Comme il sera constaté...

 

143 - Cette lettre de la révérende mère prieure de Gallipoli a signalé au Carmel de Lisieux un fait personnel bien extraordinaire, qui a déjà été l'objet d'une enquête de l'ordinaire du lieu "'. [Suit la lettre de soeur M. Carmela du Sacré-Coeur (du Carmel de Gallipoli) à la mère prieure du Carmel de Lisieux (f. 98r-99r). Elle se trouve reproduite dans l'article 145(bis) et c'est pourquoi nous l'omettons ici.]

 

[99r] 144 - Relation de la guérison de madame Dorans, à Glascow (Ecosse).

Madame Dorans souffrit, onze années durant, de douleurs presque incessantes, causées par le développement d'une tumeur, résultant, à ce que l'on croit, d'un effort excessif qu'aurait fait cette dame, en soignant son mari, pendant la maladie mortelle qui l'empêchait de se servir lui-même. La tumeur, située au côté droit, poussa de profondes racines. Pendant plusieurs années, madame Dorans put néanmoins s'occuper des devoirs domestiques et des soins de sa nombreuse famille. A mesure que le temps s'écoulait, les douleurs devenaient plus intenses et la tumeur plus volumineuse. Durant les trois dernières années avant la guérison, la malade n'eut pas une heure de répit; elle passait des nuits blanches, rongée par la douleur incessante, ne dormant jamais plus de sept minutes de suite.

 

[99v] Elle devint si malade, les douleurs furent telles que, vers la fin d'avril 1909, le médecin ne lui donna d'autre espoir de soulagement qu'un séjour à l'hôpital pour y subir une opération.

Madame Dorans fut examinée par le chirurgien en chef et plusieurs autres et l'on se rendit compte que toute opération serait funeste, la tumeur avait affecté tous les organes du corps. C'est pourquoi la pauvre malade revint chez elle, vers le milieu du mois de mai. A partir de ce moment, jusqu'au jour de sa guérison miraculeuse, elle s'affaiblit peu à peu, ne cessant pas de beaucoup souffrir; l'estomac ne pouvait plus rien garder; la malade ne prit pendant dix semaines aucune forme solide de nourriture, elle ne put boire que de l'eau gazeuse additionnée d'un peu d'alcool, ou sucer un peu de glace, et cette légère alimentation lui causait des crises de vomissements. La tumeur, devenue énorme, pressait sur les organes intérieurs et en paralysait toutes les fonctions.

Aux neuvaines qui se succédaient pour la malade, s'unissaient de nombreux prêtres, des religieuses et des amis, mais sans résultat apparent. Sa vie semblait toucher au terme et on était sur le point de lui administrer de nouveau les derniers sacrements. On avait invoqué pour elle le Sacré-Coeur, Notre-Dame de Lourdes, saint Joseph et tous les saints qu'elle aimait le plus. Le 22 août 1909, elle paraissait n'attendre que l'appel de Dieu; le médecin avait dit qu'elle ne pouvait vivre longtemps, lorsqu'une de ses amies vint la voir. Elles se connaissaient de longue date, et la visiteuse, sachant combien la pauvre mourante était remplie de foi, lui proposa aussitôt de commencer une neuvaine en l'honneur de la soeur Thérèse, « la Petite Fleur de Jésus.» Madame Dorans ne demandait pas mieux, à condition de ne pas manquer de confiance envers le Sacré-Coeur, la très Sainte Vierge et saint Joseph. [100r] On fut d'accord d'avoir recours à eux, par l'intermédiaire de la sainte petite Carmélite, afin qu'elle demandât la guérison de madame Dorans au Coeur très aimant de Notre-Seigneur.

 

On commença donc la neuvaine, le dimanche 22 août 1909. Pendant les quatre jours qui suivirent, la malade baissa rapidement et, le jeudi, celles qui veillaient auprès d'elle ne s'attendaient pas à ce qu'elle vécut jusqu'au matin. Ses souffrances étaient aiguës. Le confesseur, qui la visitait régulièrement et qui s'occupait avec zèle de son âme, proposa encore une fois, de lui donner les derniers sacrements. La mourante, pensant qu'elle passerait bien la nuit, le pria d'attendre jusqu'au matin, car elle désirait les secours de l'Eglise, au moment même du dernier passage. Une heure avant minuit, ayant pris un peu de glace, la malade eut un vomissement qui l'épuisa complètement; puis elle s'endormit ver onze heures et demie. La fille aînée se reposait dans une chambre voisine, tandis que la plus jeune veillait auprès de leur mère: toutes deux étaient accablées de fatigue. La malade, qui depuis deux jours n'y voyait presque plus, dormit paisiblement pour la première fois, après bien des nuits d'insomnie, jusqu'à peu près cinq heures et demie du matin, c'était le vendredi 27, quand elle fut réveillée par un léger attouchement sur les épaules, comme si quelqu'un se penchait sur elle; elle sentit, en même temps, une douce chaleur, telle qu'une respiration, et comprit qu'il y avait auprès d'elle une présence invisible. Ouvrant les yeux, elle vit distinctement tous les objets extérieurs, jusqu'au dessin de la tapisserie des murs. Toute douleur, toute souffrance avait disparu; elle se sentait parfaitement bien, pouvait librement remuer ses membres. Près d'elle la chère petite soeur était venue passer quelques instants de son ciel, lui apportant la santé et rendait le bonheur à cette famille affligée. Madame Dorans, dont [100v] le coeur débordait de reconnaissance pour la faveur qu'elle venait de recevoir, et dont elle ne pouvait pas encore comprendre toute l'étendue, regarda un tableau du Sacré-Coeur, en face de son lit, fit un acte de fervente action de grâce, et puis s'endormit de nouveau, pendant une vingtaine de minutes.

 

A son réveil, elle mit la main sur la place du mal, et constata, avec grand étonnement et grande joie, que la terrible enflure, dont elle souffrait depuis si longtemps, avait complètement disparu. Elle appela sa fille, qui se réveilla en sursaut, craignant, lorsqu'elle aperçut le grand jour, d'avoir été involontairement négligente. Mais sa mère la rassura, en lui disant qu'un sommeil réparateur lui avait fait du bien. Elle demanda ensuite à boire et put avaler un grand verre d'eau gazeuse, puis se reposa, une demi-heure.

En se réveillant, elle était tellement bien et tellement disposée à manger qu'elle demanda à sa fille de lui faire du bon thé et de lui donner un petit pain frais. La jeune fille crut voir là une fantaisie de personne mourante, et, pour ne pas contrarier sa mère, elle y consentit, non sans redouter les conséquences. Madame Dorans put prendre le thé avec plaisir, pour la première fois depuis trois mois; elle mangea la moitié du petit pain, au grand étonnement de sa famille, à laquelle elle n'avait encore rien dit du grand changement survenu dans son état, puis elle s'étendit avec un sentiment de bien-être. Au lieu des résultats fâcheux qu'on redoutait, le mieux s'accentua et il y eut un mouvement naturel des fonctions digestives. Ensuite madame Dorans fit chercher le médecin, sans délai, voulant, en réalité, qu'il l'examinât et découvrît, lui-même, la guérison qu'elle savait avoir été opérée en elle.

 

Le docteur arriva aussitôt. pensant trouver la malade à l'agonie, sinon trépassée. Quel ne fut pas son étonnement, en entrant chez elle, [101r] de la voir gaie et pleine de vie! Il lui demanda ce qui était arrivé. « Mais c'est à vous - lui dit-elle - de vous en rendre compte.» Le médecin se livra à l'examen, pendant une heure; il appela la jeune fille et dit, en présence de toutes deux, que la malade était certainement mieux, et que le coeur, les poumons et tous les organes fonctionnaient bien. L'enflure avait disparu, sans moyens visibles, ne laissant autre chose qu'une petite grosseur sur le côté, telle qu'une petite bille, comme pour prouver que la tumeur avait existé. Il ne restait plus de traces de ces racines qu'on avait constatées auparavant jusque sur le dos de la malade.

Le médecin était fort intrigué et, bien que protestant, il dit que si l'on amenait auprès de madame Dorans un autre docteur, en lui déclarant l'état de la malade, quelques heures plus tôt, il n'y ajouterait pas foi. Il dit, de plus, qu'elle avait dépassé les secours de la médecine et qu'une puissance plus haute avait opéré cette guérison, qui ne pouvait se produire par les moyens humains.

Le 21 janvier 1910, le médecin donnait cette appréciation générale: « Je certifie par les présentes, que j'ai soigné madame Dorans, habitant 9 Stanley Street (Glascow), pendant les huit dernières années et que je l'ai toujours trouvée dans un très mauvais état de santé. J'ai appris qu'avant cette période, elle était si mal qu'on espérait très peu la voir se rétablir. Elle a été à Western Infirmary, à trois reprises; la dernière fois, depuis le commencement du mois de mai 1909. Elle fut renvoyée, vers le douze de ce mois, après y avoir résidé pendant moins d'une quinzaine de jours, vu que le professeur Samson Gemmil jugeait qu'elle n'avait que peu de jours à vivre. Elle a été alitée, depuis lors jusqu'au 27 août, se trouvant dans un état de faiblesse extrême, selon toutes les apparences, sur le point de mourir. Il y avait une tumeur abdominale considérable, causée évidemment par un néoplasme.

[101v] Le matin du 27 août, elle se sentit remarquablement mieux et plus à l'aise; jusqu'à ce jour, elle n'avait pu prendre qu'une toute petite quantité de nourriture, mais depuis le 27 août, elle a pu prendre sa nourriture ordinaire et peut maintenant circuler à l'aise, non seulement chez elle, mais même à l'extérieur.»

Elle va chaque jour à la messe et vaque à toutes ses occupations. - Comme il sera constaté...

 

145 - C'est la vérité que Dieu a accordé de nombreuses grâces, et qu'il opéra souvent d'autres prodiges ou miracles par l'intercession de sa servante Thérèse de l'Enfant Jésus, comme il sera rapporté par les témoins.

Hos Articulos pro nunc, salvo semper, etc. "'.

Le texte des Articles de la première édition (1910) se terminait là. Suivait alors la Table de matières de cette édition.

 

 

[Session 79: 7 août 1911) à 2h. de l'après-midi]

[Nouveaux Articles]

[Sont ajoutés les nouveaux Articles que voici à ceux déjà produits à la session deuxième par le vice-postulateur]:

[105v] 145[bis] - Cette lettre de la révérende mère prieure du Carmel de Gallipoli a signalé au Carmel de Lisieux un fait personnel bien extraordinaire, qui a déjà été l'objet d'une enquête de l'Ordinaire du lieu.

« Carmel de Gallipoli, Italie, 25 février 1910.

Ma révérende mère,

Le Coeur de Jésus a voulu se servir de moi, la plus indigne de cette communauté, pour faire éclater son infinie miséricorde. je vous envoie la relation du miracle accompli en notre faveur. Mais il y a à Rome un grand document signé non seulement de toutes nos soeurs, mais encore de l'illustrissime monseigneur l'évêque et d'une commission de révérends. Dans la nuit du 16 janvier, je me trouvai très souffrante et préoccupée de graves difficultés. Trois heures venaient de sonner, et presque épuisée, je me soulevai un peu sur mon lit comme pour mieux respirer, puis je m'endormis et, en rêve, il me semble, je me sentis touchée par une main qui, faisant revenir la couverture sur mon visage, me couvrait avec tendresse. je crus qu'une de mes soeurs était venue me faire cette charité, et, sans ouvrir les yeux, je lui dis: [106r] « Laissez-moi, car je suis tout en sueur, et le mouvement que vous faites me donne trop d'air.» Alors une douce voix inconnue me dit: « Non, c'est une bonne chose que je fais.» Et continuant de me couvrir: « Ecoutez... le bon Dieu se sert des habitants célestes comme des terrestres pour secourir ses serviteurs. Voilà 500 francs, avec lesquels vous paierez la dette de votre communauté.»

 

Je répondis que la dette de la communauté n'était que de 300 francs. Elle reprit: « Eh bien! le reste sera en plus. Mais comme vous ne pouvez garder cet argent dans votre cellule, venez avec moi.» Comment me lever, étant tout en sueur?, pensais-je. Alors la céleste vision, pénétrant dans ma pensée, ajouta souriante: «La bilocation nous viendra en aide.» Et déjà je me trouvai hors de ma cellule en compagnie d'une jeune soeur carmélite dont les habits et le voile laissaient transparaître une clarté de paradis, qui servit pour nous éclairer dans notre chemin.

Elle me conduisit en bas dans l'appartement du tour, me fit ouvrir une cassette en bois, où il y avait la note de la dette de la communauté, et y déposa les 500 francs. Je la regardai avec une joyeuse admiration et je me prosternai pour la remercier en disant: « 0 ma sainte mère!....» Mais elle, m'aidant à me relever et me caressant avec affection, reprit: « Non, je ne suis pas notre sainte mère, je suis la servante de Dieu, soeur Thérèse de Lisieux. Aujourd'hui, au ciel et sur la terre, on fête le Saint Nom de Jésus.» Et moi, émue, troublée, ne sachant que dire, je m'écriai plus encore avec mon coeur qu'avec mes lèvres: « 0 ma mère... » mais je ne pus continuer. Alors l'angélique soeur, après avoir posé sa main sur mon voile comme pour l'ajuster et m'avoir fait une caresse fraternelle, s'éloigna lentement: « Attendez lui dis-je -, vous pourriez vous tromper de chemin.» Mais avec un sourire céleste, elle me répondit: « Non, non, MA voie [106v] EST SÛRE ET JE NE ME SUIS PAS TROMPÉE EN LA SUIVANT.»

Je m'éveillai et, malgré mon épuisement, je me levai, je descendis au choeur, et je fis la sainte communion.

Les soeurs me regardaient et, ne me trouvant pas comme à l'habitude, elles voulaient faire appeler le médecin. Je passai par la sacristie et les deux sacristines insistèrent beaucoup pour savoir ce que j'avais. Elles aussi voulaient absolument m'envoyer au lit et faire appeler le médecin. Pour éviter tout cela, je leur dis que l'impression d'un rêve m'avait beaucoup émue et je le leur racontai en toute simplicité.

 

Ces deux religieuses me pressèrent alors d'aller ouvrir la cassette, mais je répondis qu'il ne fallait pas croire aux rêves. Enfin, sur leurs instances, je fis ce qu'elles voulaient: j'allai au tour, j'ouvris la boîte et... j'y trouvai réellement la somme miraculeuse de cinq cents francs!... Je laisse le reste, ma révérende mère, à votre considération... Nous toutesnous sentons confuses d'une si immense bonté et nous appelons de nos voeux le moment de voir sur les autels la petite soeur Thérèse, notre grande protectrice.

Suor M. Carmela del Cuore di Gesù, r.c.i., prieure.»

 

ADDITION DE LA SECONDE ÉDITION

DES ARTICLES

De la même, septembre 1910.

« Ma révérende mère,

Il m'en coûte beaucoup de vous confier ce que ma chère petite soeur Thérèse a fait pour nous depuis le mois de janvier. Mais je ne peux pas résister plus longtemps à vos prières ni à ma petite sainte, qui veut m'obliger à manifester les prodiges que Dieu a opérés par elle. A la fin du mois de janvier, malgré les soins avec lesquels [107r] notre soeur dépositaire, la clavière et les deux soeurs du tour tiennent leurs livres de comptes, nous avons trouvé dans la recette un surplus de 25 lires que nous n'avons pas pu nous expliquer, si ce n'est en pensant que soeur Thérèse l'avait glissé dans notre caisse. Alors monseigneur notre évêque voulut que je séparasse l'argent de la communauté d'avec les deux billets qui nous restaient des dix apportés du ciel.

 

A la fin de février, de mars et d'avril, nous avons remarqué la même chose étrange; seulement la somme variait. Au mois de mai, j'ai revu ma petite Thérèse; elle m'a d'abord parlé de choses spirituelles, et elle m'a dit ensuite: « Pour vous prouver que c'est bien moi qui vous ai apporté le surplus d'argent constaté à vos différents règlements de comptes, vous trouverez dans la cassette un billet de 50 fr..» Puis elle ajouta: « La parole de Dieu opère ce qu'elle dit.» Vous l'avouerai-je, ma bonne mère, pour ma grande confusion? Cette fois encore, je n'osais pas aller voir dans la cassette; mais le bon Dieu, qui voulait que je constate la nouvelle merveille, permit que l'un des jours suivants, deux soeurs vinssent, par dévotion, me demander à revoir les deux billets miraculeux... Et, ma mère, que vous dirai-je? Vous devinez notre émotion: au lieu des deux billets, il y en avait trois!...

 

Au mois de juin, nous trouvâmes 50 frs de la manière ordinaire. Dans la nuit du 15 au 16 juillet, je revis ma soeur bien aimée, elle me promit d'apporter bientôt 100 fr. Et puis elle me souhaita ma fête, en me donnant un billet de 5 lires. Mais moi je n'osais pas l'accepter, et alors elle le déposa au pied de la petite statue du Sacré-Coeur qui est dans notre cellule; et peu après, l'heure du réveil étant sonnée, je trouvai en effet le billet où je l'avais vue le déposer. Quelques jours après, monseigneur notre évêque, en causant, nous dit qu'il avait perdu un billet de 100 fr., en faisant les comp-[107v]tes pour son clergé, et qu'il espérait que soeur Thérèse les apporterait chez nous.

Le 6 août arriva; c'était la veille de la fête de monseigneur, qui s'appelle Gaétan. Je vis encore ma bien-aimée soeur Thérèse... elle tenait à la main un billet de 100 fr.!!! Elle me dit alors «que la puissance de Dieu retire ou donne avec la même facilité dans les choses temporelles aussi bien que dans les choses spirituelles.» Ayant trouvé ce billet de 100 fr. dans la cassette, je me hâtai de l'envoyer à monseigneur avec les souhaits de la communauté; mais lui me le renvoya aussitôt.

Depuis ce temps, elle ne nous a plus apporté d'argent, car notre détresse ayant été connue par toutes ces merveilles, nous avons reçu quelques aumônes. Mais, le 5 septembre, la veille de son exhumation, je l'ai revue et, après m'avoir parlé comme elle le fait toujours du bien spirituel de la communauté, elle m'a annoncé qu'on retrouverait « à peine ses ossements.» Et puis elle m'a fait comprendre quelque chose des prodiges qu'elle fera dans l'avenir. Soyez sûre, ma chère mère, que ses ossements bénis feront des miracles éclatants et seront des armes puissantes contre le démon. Presque toutes les fois, elle s'est fait voir vers l'aurore, en quelque moment de prière particulière. Son visage est très beau, brillant; ses vêtements luisent d'une lumière comme d'argent transparent, ses paroles ont une mélodie d'ange. Elle me révèle ses grandes et occultes souffrances supportées héroïquement sur cette terre... Ma petite Thérèse a beaucoup, beaucoup souffert!!! Que dois-je vous dire de plus? Qu'il vous suffise de savoir, ma chère mère, que nous sentons autour de nous l'esprit de votre angélique enfant. Toutes les soeurs affirment, avec franche et tendre vénération, que, outre les grâces tempo-[108r] relles accordées à la communauté, chacune a reçu des grâces intimes et très grandes...

Suor M. Carmela del Cuore di Gesù, r.c.i., prieure.»

 

145a - Le tribunal ecclésiastique, chargé par sa Grandeur monseigneur l'évêque de Bayeux d'instruire le procès de béatification de la soeur Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, ayant pris connaissance de ces récits me prie, comme vice-postulateur de la cause, de me rendre sur place, afin de préciser plusieurs détails importants. Par une permission spéciale de monseigneur Gaétano Muller, évêque de Gallipoli, je fus autorisé à pénétrer dans le Carmel, à voir les religieuses et à examiner les lieux où se sont passés les faits surnaturels dont il a été question. Je suis entré dans la clôture, le 22 octobre 1910, avec monsieur le chanoine Cavallera, pénitencier de la cathédrale de Gallipoli, désigné pour m'accompagner et me servir d'interprète. Ce monastère de construction ancienne est très pauvre, les pièces sont petites, le jardin se limite au terrain compris entre les cloîtres, car l'espace est restreint dans cette partie de la ville de Gallipoli bâtie sur une petite île rocheuse, reliée à la terre par un pont de quelques arches; elle est située sur le golfe de Tarente, dans l'Italie méridionale.

 

Au premier étage se trouve la cellule de la révérende mère Marie-Carméla du Coeur de Jésus, prieure. Elle nous reçut avec deux de ses compagnes dans cette première station de l'apparition. Son émotion était visible et il a fallu l'obéissance due à son évêque pour redire les faveurs dont elle avait été l'objet, et qui ont été consignées dans l'enquête canonique ouverte sur la prudente initiative de monseigneur Muller. Le récit fut de tous points conforme à celui adressé au Carmel de Lisieux; mais ce récit oral, sur le théâtre même des faits, avait une intensité de vie, un accent de précision et de sincérité [108v] parfaite, malgré la peine qu'éprouvait la révérende mère à énumérer des détails qui la touchaient de si près. Le monastère de Gallipoli ne connaissait pas le Carmel de Lisieux avant les vacances de 1909. A cette époque, la soeur Maria Ravizza, de la Congrégation des Marcellines de Milan (*), religieuse enseignante au pensionnat de Lecce, accompagnait quelques jeunes filles aux bains de mer. Dans ses visites au Carmel, elle parla avec une affection communicative de soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, et laissa la traduction italienne de l'« Histoire d'une âme.» Cette lecture édifia, sans provoquer une confiance spéciale.

Quand vinrent les épreuves du mois de janvier 1910, la misère était arrivée au point que les soeurs n'avaient plus qu'un kilogramme de pain par personne, chaque semaine, avec quelques pâtes en proportion. Parfois même, ne trouvant rien sur les tables, à l'heure du dîner, les carmélites se rendaient à la chapelle pour prier. On se souvint alors de la Servante de Dieu. La mère prieure et quelques religieuses la prirent pour médiatrice dans un Triduum à la Sainte-Trinité; c'est à ce moment qu'elle se montra l'avocate de cet humble Carmel et sa protectrice spéciale.

 

Renseigné désormais sur les circonstances dans lesquelles la Servante de Dieu avait été connue et invoquée, je demandai à suivre le chemin parcouru par l'apparition, Il fallut descendre du premier au rez-de-chaussée et traverser une partie du monastère, pour arriver à la pièce du tour. Elle est d'aspect pauvre et de dimensions modestes. On y voit une sorte de secrétaire assez bas, avec plusieurs tiroirs; le dernier en s'ouvrant forme table pour écrire et, dans le fond de ce tiroir, on a ménagé un petit coffret avec serrure spéciale, dont la clef ne quitte pas la mère prieure. C'est la place d'une boîte-caisse recouverte d'étoffe, où doit être [109r] déposé l'argent de la communauté. Le 16 janvier, il était réduit à sept sous, et à bien moins encore, puisqu'à côté de ces quelques piécettes de cuivre se trouvaient les notes des créanciers réclamées avec instance.

L'apparition si brillante revêtue du costume du Carmel fit ouvrir le coffret par la prieure et y déposa elle-même, dans la boîte, un rouleau de dix billets de cinquante lires (francs) de la Banque de Naples. Les autres billets apportés plus tard furent aussi trouvés dans ce même coffret. Si les secours matériels répétés se sont étendus à chaque carmélite, si la mère prieure a été favorisée de directions spéciales pour la conduite de ses soeurs, chacune aussi s'est plu à reconnaître qu'elle avait bénéficié de grâces personnelles spéciales. Elles ont développé dans le monastère une reconnaissance profonde pour leur céleste bienfaitrice et une volonté généreuse de suivre sa voie de sainteté. - Comme il sera constaté...

 

145b - Voici un nouveau fait qui s'est passé à Gallipoli, le 16 janvier 1911, à l'anniversaire de la première apparition:

Monseigneur Nicolas Giannattasio, évêque de Nardo, près de Gallipoli, a beaucoup étudié la vie de la Servante de Dieu et son intervention du 16 janvier 1910, dans ce Carmel du midi de l'Italie. Pour lui, la réponse de l'apparition: «Ma voie est sûre » - afin de tranquilliser la mère Carméla, préoccupée qu'elle ne s'égarât pas, en se retirant -, devait se prendre surtout au sens spirituel de la voie de confiance et d'abandon à Dieu, si recommandée par la soeur Thérèse de l'Enfant Jésus. Il avait toujours regretté que cette interprétation n'eût pas été dégagée et mise en évidence dans l'enquête canonique: ces paroles ainsi entendues indiqueraient un des buts principaux de cette manifestation merveilleuse [109v] et des interventions répétées qui la suivirent, en faveur du même monastère.

 

Sous l'empire de cette idée, et pour se concilier davantage, ainsi qu'à son diocèse, la protection de la pieuse carmélite, il résolut de célébrer l'anniversaire du 16 janvier 1910. Il offrirait au Carmel la même somme de 500 lires, et elle serait déposée à la pièce du tour, dans les mêmes conditions que l'année précédente.

Monseigneur Nicolas Giannattasio ignorait alors les paroles de la soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus à quelques-unes de ses novices: « Croyez à tout ce je vous ai dit sur la confiance qu'on doit avoir en Dieu et à la manière que je vous ai enseignée d'aller à lui, uniquement par l'abandon et l'amour. je reviendrai vous dire si je me suis trompée et si ma voie est sûre. Jusque-là, suivez-là, fidèlement » - HA ch.12 - "'.

Voici comment fut réalisé son projet: Il venait de recevoir une offrande dont il pouvait entièrement disposer à son gré; il prit un billet de 500 lires, et le plaça dans une enveloppe; il y glissa aussi, sans être vu de personne, une de ses cartes de visite, sur laquelle il écrivit:

«In memoriam!.» MA VOIE EST SÛRE, JE NE ME SUIS PAS TROMPÉE.

Soeur Thérèse de l'Enfant Jésus à soeur Marie-Carméla, à Gallipoli, 16 janvier 1910.

«Orate pro me quotidie ut Deus misereatur mei.»

 

Et sur cette enveloppe, demeurée ouverte, la réplique du titre: « In memoriam!.» La première enveloppe fut ensuite enfermée dans une autre plus grande, de fort papier anglais doublé à l'intérieur, et [110r] fermée par un cachet en cire, aux armes de monseigneur l'évêque de Nardo. Au lieu d'adresse, la personne à qui elle fut confiée, à la fin de décembre, vit écrire cette recommandation: « Da riporsi nella solita cassettina e da aprirsi dalla madre priora suor M. Carmela del S. Cuore di Gesù, il 16 gennaio 1911 » (* A placer dans la petite boîte ordinaire et à ouvrir par la mère prieure, soeur M. Carméla du Sacré-Coeur de Jésus, le 16 janvier 1911.)

Ils étaient accompagnés de la recommandation orale que ses désirs fussent bien suivis. Monseigneur Giannattasio ne pensait aucunement, dans la préparation de tous ces détails, à provoquer une réponse quelconque ou une confirmation de son interprétation personnelle, mais simplement à offrir un témoignage de sa confiance et de sa dévotion envers la Servante de Dieu.

Quelques jours plus tard il se rendit au Carmel; il y fut question des exercices spirituels qu'il devait donner. La mère Carméla proposa la date du 16 janvier, comme favorable pour entretenir la ferveur reconnaissante des religieuses et agréable au prédicateur. Celui-ci était au courant, il faut le dire, du désir de plusieurs carmélites de faire dans la pauvre chapelle du couvent une décoration, dont la dépense s'élèverait à trois cents francs environ; on ne les avait pas. Aussi la mère prieure s'était opposée au projet; elle avait ensuite autorisé ses filles à invoquer leur petite soeur de Lisieux, leur insigne bienfaitrice, pour les obtenir.

Le 16 janvier 1911, monseigneur de Nardo se rendit de l'évêché de Gallipoli au Carmel; il apprit bientôt que sa lettre était intacte et se trouvait toujours dans la boîte où elle avait été déposée, conformément à son désir. La mère prieure l'en retira alors et l'apporta en le priant de l'ouvrir. Il voulut qu'elle le fît elle-même. Il la regardait attentivement, à travers la grille du parloir. Elle déchira d'abord un coin de l'enveloppe, et l'ouvrit [110v] avec le doigt par le bord supérieur, puis elle la passa à monseigneur Giannattasio en lui disant: « Veuillez prendre, monseigneur, ce qui vous appartient.»

Quel ne fut pas l'étonnement de celui-ci de trouver, avec la petite enveloppe qu'il reconnaissait bien, quatre nouveaux billets de banque: deux de cents lires et deux autres de cinquante, ce qui faisait un surplus de 300 francs. Avant d'avoir retiré de la petite enveloppe son billet de 500 francs, monseigneur crut tout d'abord qu'il avait été changé par d'autres de moindre valeur. Mais la prieure reprit: « Cet argent est à vous, monseigneur, mais veuillez compter... S'il y a 300 lires, ne serait-ce pas ce que la communauté a demandé à soeur Thérèse avec tant de confiance?... Si vous le voulez, je vais appeler les soeurs et vous les leur donnerez vous-même.» Ce qui fut fait, à la grande reconnaissance de toutes les religieuses, et le don fut remis aux mains de la mère prieure. Avant cela, en recomptant les billets, monseigneur s'étant aperçu que l'un d'eux exhalait une odeur de rose, l'avait gardé pieusement et remplacé par un autre. Sa Grandeur examina l'enveloppe avec le plus grand soin: l'empreinte du cachet à ses armes était intacte, les plis qui formaient l'enveloppe n'avaient pas été décollés, elle n'avait pas été ouverte. Par quel moyen ces billets y avaient-ils donc été introduits?...

La révérende mère Carméla avoua, qu'ayant regardé cette enveloppe plusieurs jours auparavant, elle lui avait paru plus grosse que lorsqu'elle l'avait déposée dans la cassette, et qu'elle avait dès lors pressenti le secours que lui apportait sa bien-aimée soeur Thérèse, en réponse aux prières de ses soeurs. Monseigneur Giannattasio lui dit alors qu'il voyait, dans cette intervention extraordinaire, une seconde cause d'une plus haute [111r] portée: la Servante de Dieu lui paraissant vouloir confirmer par ce prodige le sens spirituel de la parole: « MA VOIE EST SÛRE....»

Il montra ensuite à la mère prieure son billet de cinq cents lires avec l'inscription qu'il avait mise sur sa carte. Cette nouvelle manifestation de la protection de la Servante de Dieu, dans les circonstances données, ne pouvait point passer inaperçue.

Une enquête aussi sévère que possible a été conduite par monseigneur Muller, évêque de Gallipoli. Après avoir étudié les faits et la qualité éminente des témoins qui s'oppose à toute pensée de fraude, il constate avec reconnaissance, depuis une année, la protection de la Servante de Dieu, soeur Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face. Elle a procuré au Carmel de Gallipoli, placé sous la clôture papale, des ressources importantes, dont on ne sait pas la provenance, elle l'a ainsi tiré de la détresse et de la misère où il était réduit; enfin, au témoignage des meilleurs juges , elle a porté toutes les religieuses vers une perfection plus grande et fait fleurir parmi elles la plus exacte observance. Ce sont des faits indéniables. - Comme il sera constaté...

 

LA VUE RENDUE À UN VIEILLARD

146 - « Saint-Jean-de-Luz (Basses-Pyrénées) 23 juillet 1910.

Ma révérende mère,

je vous adresse enfin sous ce pli la relation de la guérison vraiment merveilleuse de ma vue. J'ai laissé au temps le loisir d'imprimer à cette guérison le cachet de la réalité et de la persévérance. Si, immédiatement après la première [111v] amélioration et même à la suite des progrès plus étonnants encore de ma vue, j'avais publié ce merveilleux bienfait, on se serait avec raison demandé ce que, tout d'abord, je me suis demandé moi-même: « N'est-ce pas une de ces facilités de voir, momentanées et purement accidentelles, qui, parfois, se produisent chez des vieillards de mon âge (je suis dans ma 76' année), lueurs passagères qui ne prouvent rien?.»

Voici le fait, en toute simplicité et vérité:

Au printemps de 1900, M. le Dr X., de C., que je consultais au sujet d'une anémie, me regardant incidemment dans les yeux, me dit: « Savez-vous que vous êtes menacé d'une cataracte? » « D'une cataracte, moi? - lui répliquais-je -; mais je vois encore assez bien pour mon âge, et jamais personne de ma famille n'a été affligé de ce mal.» « Dites tout ce que vous voulez - insista-t-il -, vous avez un commencement de cataracte bien caractérisée.» je crus à une erreur de la part du médecin. Cependant, me trouvant, en septembre suivant, à Paris, je suis allé consulter le distingué oculiste Abadie, du boulevard Saint-Germain. je fus reçu par l'un de ses aides: « Je ne vois rien, me dit celui-ci, mais venez....» Et il m'introduisit dans la chambre noire. Là, il m'examina minutieusement les yeux, à la lumière électrique. « Oui - convint-il alors -, vous avez un commencement de cataracte; mais que cela ne vous inquiète pasça vous viendra plus tard... et dans une dizaine d'années, quand elle sera mûre, vous viendrez nous trouver et l'on vous fera l'opération gratuitement.»

La belle fiche de consolation! pensais-je en m'en allant.- vivre dix ans dans la perspective d'avoir les yeux gratuitement charcutés! Et quel en sera le résultat? Depuis lors, je n'ai plus consulté aucun oculiste ni aucun médecin au sujet de mes yeux, ni employé aucun remède. J'attendais que la cataracte fût « mûre.» Cependant, le pronostic de l'aide de monsieur Abadie ne [112r] tarda pas à se réaliser. Faible d'abord, le trouble de ma vue devint petit à petit tel que, dès l'année 1906, je ne pouvais plus que difficilement lire et écrire, même avec de fortes lunettes. J'avais comme un voile sur les yeux, et ce voile s'épaississait de plus les années suivantes.

A partir du commencement de 1908, je ne pouvais plus reconnaître à douze pas mes meilleurs amis. Le crépuscule venu, je n'osais plus me hasarder dehors de peur de heurter les passants, de manquer le trottoir et de me faire écraser par les voitures. En mai 1909, un opticien de passage ici, voulant me vendre des lunettes, me fit avec ses instruments lire, à des distances variées, des imprimés à caractères gradués, tour à tour des deux yeux et de chaque oeil à part. Il finit par me déclarer « l'oeil droit complètement éteint et l'autre oeil bien malade.»

Il avait quelque peu exagéré, car d'une personne placée à deux pas de moi je voyais encore, de ce seul oeil droit, la silhouette, mais une silhouette vague, imprécise, informe, dont je n'aurais pas pu dire si elle était d'homme ou de quoi. La vision de l'oeil gauche était devenue si faible que le dimanche des Rameaux 1909, je suis tombé en bas des degrés du choeur, que je ne distinguais plus, et cela devant toute la paroisse. Depuis lors, je tremblais de descendre les marches de l'autel, que j'étais obligé de chercher au tâtonnement du pied.

Bref, j'étais menacé de cécité complète à prochaine échéance, et me sentais à la veille de ne pouvoir plus ni réciter mon bréviaire, ni dire la sainte messe. J'envisageai déjà avec angoisse le voyage à Paris pour la fameuse opération gratuite, opération en elle-même scabreuse et de chance douteuse. Mais la divine Providence, qui dispose toutes choses avec suavité, m'avait, à mon insu, mis en relation avec les consoeurs d'une « oculiste » qui [112v] sait rendre la vue aux aveugles, sans onguent ni scalpel chirurgical.

 

Au printemps dernier, la révérende mère prieure du Carmel de Bordeaux, exilé à Zaraüz, en Espagne, fit appel à mon talent d'apiculteur, et je dus lui exposer le triste état de ma vue qui me rendait incapable d'accéder à son désir. Alors elle, avec sa robuste foi de carmélite, me répondit: « Puisque la prière est toute-puissante, nous allons faire violence au bon Dieu, et il sera bien obligé de vous rendre la vue.» Quelques jours après, je fus tout étonné de la facilité avec laquelle je pouvais lire et distinguer à mes pieds les marches de l'autel. Je me rendis donc au Carmel de Zaraüz, et là j'appris que la communauté avait fait une neuvaine pour obtenir la guérison de ma vue, par l'intercession de soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, dont jusqu'alors j'avais ignoré l'existence.

C'est donc à un prêtre qui ne la connaissait pas, qui ne lui avait - lui personnellement - rien demandé, que votre angélique soeur avait obtenu de son divin Epoux une insigne amélioration de sa vue. Je dis « amélioration », car, pour grand et surprenant que fût ce changement en mieux, je n'avais pas recouvré la vision claire et pleine. Nous convînmes donc, la révérende mère et moi, de faire une seconde neuvaine, et elle me remit une image relique de celle que dès lors j'appelais « ma céleste oculiste », me recommandant de l'appliquer sur mes yeux, chaque soir de la neuvaine. Or. cette neuvaine n'était pas finie, que déjà je pouvais lire aisément les « Décrets de la Sacrée Congrégation des Rites » qui se trouvent imprimés en caractères très fins en tête du Bréviaire Romain de Tournai (édition de 1902, de la Société de Saint-Jean l'Évangéliste) et qui, auparavant, ne présentaient à mes yeux qu'une page maculée indéchiffrable. Bien plus, je reconnais depuis lors les personnes à plus de cent pas.

[113r] Nous avions commencé cette neuvaine dans l'octave de la Pentecôte (19 mai). Vers la mi-juin, je suis retourné en Espagne pour mettre ordre aux ruchées du Carmel. Nous décidâmes alors de faire une troisième neuvaine, en action de grâces celle-là, et en même temps pour obtenir une plus parfaite lucidité de vue. Et, cette fois encore, ma céleste oculiste exauça nos prières! Ayant recouvré la vue, je voulais redevenir apiculteur. J'achète donc une colonie d'abeilles; quelques jours après, je visite ma ruchée et j'y trouve plusieurs cellules royales, dont les unes contenaient des larves déjà écloses et d'autres de simples oeufs. Oh! la vue de ces minimes oeufs d'abeille, pareils à de petits bouts de ténu fil à coudre d'un blanc bleuâtre! Depuis des années, il m'avait été impossible de les apercevoir, même avec de puissantes lunettes, et maintenant je les voyais de nouveau à l'oeil nu! Aussi avec quelle reconnaissance mes yeux se sont instantanément levés vers le ciel, où ma céleste oculiste venait de réaliser en ma faveur sa résolution de faire du bien sur la terre.

Il n'y a donc plus de doute possible: la guérison de ma vue est réelle et persévérante. Et cette guérison, incontestablement merveilleuse puisqu'elle est obtenue sans l'intervention d'aucun secours ni remède humains, je la dois évidemment à l'intercession de celle que nous avions invoquée: soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, morte en 1897, au Carmel de Lisieux.

Gloire à Dieu! et reconnaissance à ma céleste oculiste!

Abbé Ch. Wéber, prêtre habitué.»

 

UNE APPARITION DE LA SERVANTE DE DIEU

147 - La Servante de Dieu aimait à répéter qu'une de ses intentions, en entrant au Carmel, avait été d'intercéder [113v] pour les prêtres; elle s'efforçait de les aider dans leurs oeuvres par ses prières et ses sacrifices, et, depuis sa mort, elle ne cesse de leur témoigner un pieux intérêt. En voici une preuve dans son intervention du 16 janvier 1911, auprès du chanoine Rossignol, prêtre octogénaire, retiré à Saint-Martin-de-Beaupréau, diocèse d'Angers, dans une maison de retraite du clergé.

Pendant vingt-six ans, il avait occupé, avec une compétence très remarquée, les chaires de dogme et de morale au grand séminaire de Luçon, et, après une vie d'oeuvres et de zèle sacerdotal, il jouissait de toute la lucidité et de la force de son intelligence.

Malgré les rigueurs effrayantes exercées sur son faible corps, malgré ses prières et ses oraisons, qui étaient sa seule occupation durant le jour et une grande partie de la nuit, il tremblait à la pensée des jugements de Dieu et il appréhendait ses derniers moments. Ces terreurs avaient hanté sa vie: ses directeurs de conscience l'ont révélé, après sa mort; pour lui, il les dissimulait à son entourage et il était un sujet d'édification constante. Il avait une grande dévotion envers la soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, qui a tant insisté sur la voie d'abandon et de confiance et aimait à dire. « J'espère autant de la justice du bon Dieu que de sa miséricorde; c'est parce qu'il est juste qu'il est compatissant et rempli de douceur, lent à punir et abondant en miséricorde, car il connaît notre fragilité, il se souvient que nous ne sommes que poussière. Comme un père a de la tendresse pour ses enfants, ainsi le Seigneur a compassion de nous » (Ps. 102, 8-13, 14) - LT 226 - .

Elle ne voulut point abandonner ce pieux vieillard dans ses derniers jours. Le 16 janvier 1911, elle lui apparut, comme il en a fait la confidence, quelques heures après, à un des prêtres âgés qui avait sa confiance, monsieur l'abbé Frappereau, dont voici le récit:

 

[114r] « C'était au matin du 16 janvier, après le petit déjeuner, nous remontions à nos chambres. Je lui demande comment avait été la nuit, si mauvaise pour lui, depuis si longtemps. « Merci - me dit-il -, la nuit a été bonne, bien bonne, vu mon état habituel, mais ce qui a été bon surtout et très bon, c'est mon réveil et mon lever de ce matin, j'ai vu la petite soeur Thérèse! C'était bien elle, je l'ai bien vue et reconnue, telle que nous la donnent ses photographies. Elle se tenait au chevet de mon lit, me regardait en souriant et me fit comprendre par ses signes et l'expression de tout son visage, qu'elle venait me dire: je m'occupe de votre affaire... cela va venir... comptez-y!!.» Il me quitta, l'air tout heureux, en me recommandant de ne parler à personne de sa vision. La mort, arrivée le surlendemain, me permet de dire, aujourd'hui, ce qu'il voulait cacher, je n'en doute nullement, par esprit d'humilité, Dans la même matinée, le chanoine Rossignol alla se confesser à la Trappe de Bellefontaine, au révérend père Arsène et lui fit la même confidence; au témoignage de ce religieux, « sa crainte habituelle de la divine justice semblait avoir disparu et un air de confiance insolite rayonnait à travers sa douce joie.» Le surlendemain, 18 janvier, en présence de monsieur l'abbé Frappereau, son premier confident, il fut saisi de douleurs au coeur d'une violence telle qu'elles faisaient présager une fin imminente. Comme on l'exhortait à les offrir à Notre-Seigneur qui voulait peut-être le rappeler à lui, il interrompit la phrase et, se soulevant sur son fauteuil, la figure transfigurée, il offrit avec enthousiasme le sacrifice de sa vie et mourut quelques heures après.

Les prêtres de son entourage, mis au courant de ce qui s'était passé, ne doutèrent pas de la réalité de l'apparition. Comme il sera constaté...

 

[114v] GUÉRISON INSTANTANÉE D'UN

FIBROME APRÈS PLUSIEURS ANNÉES DE

SOUFFRANCES

148 - La soeur Marie-Dominique, de la congrégation de Saint-Gildas-des-Bois, est employée à l'hospice de Vertou (Loire-Inférieure) depuis 23 ans. Cette soeur, âgée de 52 ans, souffrait énormément du ventre. A la moindre fatigue un peu exagérée, au moindre choc sur la partie malade, elle était obligée de s'arrêter, et quelquefois pendant plusieurs jours. Au mois du mars 1910, sous l'influence d'une crise plus aiguë et d'un état général qui paraissait plus inquiétant, monsieur le docteur H. fut appelé à l'examiner. « Je constatai - dit-il - la présence d'un fibrome occupant toute la fosse iliaque gauche et de la grosseur de la tête d'un enfant nouveau-né. La soeur Dominique avait maigri et perdu son appétit, elle prenait un teint jaunâtre et il était à redouter de voir survenir des accidents sérieux. Au mois de mai, je la vis à nouveau, trouvant son état plus grave et devant l'impossibilité d'instituer un traitement médical qui, à mon avis, ne pouvait amener aucun résultat, je lui conseillai de se faire opérer.»

Devant l'appréhension de la soeur pour toute idée d'opération, sa supérieure lui fit consulter, le 26 mai, le docteur B. chirurgien, en lui taisant le diagnostic établi par son confrère. Il constata de même la présence d'un fibrome et déclarait urgent de faire l'opération, dans le plus bref délai. Le 3 juin, nouvelle consultation chez le docteur P., chirurgien et professeur à l'école de médecine de Nantes; il ne fit que confirmer le diagnostic et les deux premiers avis; il insista même pour une opération, le lendemain ou l'un des jours suivants. « Si la tumeur n'est pas enlevée - dit-il -, elle occasionnera de graves accidents.» Rien ne put déterminer la soeur, tant elle redoutait l'intervention chirurgicale.

Devant mon refus - a-t-elle écrit le docteur ajouta: « Vous [115r] pouvez attendre six mois, à moins de complications, mais s'il survient de la fièvre, venez me trouver aussitôt, je ferai l'opération.» Ces paroles mirent un peu de baume sur mon pauvre coeur, et je résolus de profiter de ce délai pour demander à Dieu ma guérison avec plus d'insistance. Mes compagnes, partageant mes inquiétudes, promirent de prier avec moi. Nous fîmes d'abord trois neuvaines successives à la petite soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, par l'intercession de laquelle je désirais obtenir ma guérison. Dans les moments où le mal était plus violent, dans mes fréquentes insomnies, j'aimais à invoquer la chère petite soeur, la priant de plaider ma cause auprès du bon Dieu. Souvent je faisais toucher ses reliques avec une grande confiance à la partie malade.

 

Les trois neuvaines terminées, le mal ne diminuait pas; nous fîmes alors une neuvaine de communions et toujours mes soeurs et moi nous continuions à invoquer la chère petite carmélite. Le mal s'aggravait et je sentais les forces me trahir. Alors, je me dis: je vais prier la Sainte Vierge, mais afin d'être plus sûrement exaucée, je supplierai soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus de demander ma guérison à cette bonne Mère. Nous fîmes ainsi trois autres neuvaines consécutives, sans aucune amélioration et cependant sans perdre espoir. Plus le délai accordé par le docteur P. approchait de son terme, plus je sentais ma ferveur redoubler; je suppliais la petite Thérèse de l'Enfant-Jésus de demander à Marie de me guérir, sans opération.

« Allons me dirent un jour mes compagnes il va falloir vous décider pour une opération; depuis cinq mois vous priez sans obtenir de soulagement, pourquoi vous obstiner à demander un miracle?.»

«Oh! donnez donc au bon Dieu le temps de m'exaucer! », répondis-je. Continuant de souffrir toujours, j'espérais quand même et disais, en regardant l'image de la petite Thérèse: [115v] « Oh! je vous en prie, demandez à la Sainte Vierge de me guérir.»

Je souffris beaucoup, dans la dernière semaine de septembre et surtout les deux premiers jours d'octobre. Le 2, qui était le dimanche du Saint-Rosaire, j'avais beaucoup prié et toujours par l'intercession de ma petite intermédiaire. Les douleurs m'obligèrent à me coucher de bonne heure; elles étaient si violentes que je ne pus d'abord reposer. Le sommeil vint enfin et je dormis très bien. Pendant la nuit, je m'éveillai, couchée sur le côté gauche, à ma grande surprise, car, depuis très longtemps, je ne pouvais me coucher ni sur ce côté, ni sur le dos: je ne sentais plus aucune souffrance. je me couchai sur le dos et m'y trouvai très à l'aise. je portai la main sur la partie malade... plus aucune grosseur! J'étais complètement guérie!

 

La pensée me vint d'appeler mes soeurs, couchées dans le même dortoir, mais, craignant que ma supérieure, peu enthousiaste, n'ajoutât pas foi à mes paroles, je gardai le silence. Dans ma reconnaissance, je répétais, sans me lasser, à Marie-Immaculée et à soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus combien je les remerciais de m'avoir obtenu cette faveur signalée, je les priais, en même temps, d'en rendre grâces avec moi à Notre Seigneur.

Dès le matin, je fis une prostration afin de m'assurer que j'étais vraiment guérie; je la fis avec autant de facilité que si je n'avais jamais eu de tumeur. Alors, je racontai ma guérison à ma supérieure; elle ne me crut pas sur parole et me dit de ne pas crier au miracle, avant que les médecins n'eussent constaté la disparition du mal. Tout en doutant de ma guérison, ma supérieure et mes compagnes furent grandement surprises de voir, dès le jour même, que mon visage n'avait plus l'expression de souffrance des jours précédents et que je travaillais sans fatigue.»

 

Voici l'appréciation écrite, du docteur H.:

[116r] « Je ne revis la soeur Dominique que dans les premiers jours d'octobre et fus appelé, presque par surprise, à l'examiner. Quelle ne fut pas ma stupéfaction de la trouver dans un état de santé très satisfaisant, engraissée, et le teint très coloré, faciès indiquant une excellente santé; l'examen du ventre ne révélait aucune trace de tumeur. Je regardai de près la peau et ne constatai aucune trace d'opération. Croyant m'être trompé dans mon diagnostic, je ne savais trop quelle contenance tenir, quand on me tira d'embarras en me racontant l'examen fait par mes deux confrères, leur diagnostic absolument identique au mien, la neuvaine de soeur Dominique, sa stupéfaction en se réveillant le matin sur le côté gauche et en ne retrouvant plus la boule, et le rétablissement très rapide de sa santé, qui lui permettait de reprendre toutes ses occupations si fatigantes. J'en conclus de suite que la disparition si brusque de sa tumeur, en dehors de toute intervention médicale ou chirurgicale, ne pouvait être attribuée qu'à une intervention miraculeuse.»

 

Les deux chirurgiens consultés ont constaté également la disparition complète du mal, et la dévotion envers la soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus n'a fait que s'accroître dans la congrégation de Saint-Gildas-des-Bois. « Plus on la prie, plus on se sent porté à l'invoquer », écrivait récemment la supérieure. - Comme il sera constaté...

 

 

GUÉRISON ET RECONSTITUTION DE LA LANGUE D'UN VIEILLARD, EN PARTIE DÉTRUITE PAR LA GANGRÈNE, À LA MÊME ÉPOQUE QUE LA GUÉRISON PRÉCÉDENTE

149 - Ferdinand Aubry est entré à l'asile de vieillards des Petites Soeurs des Pauvres, à Lisieux, au mois de mai 1910. Il était très affaibli, la parole était devenue difficile de-[116v]puis une attaque de paralysie, on l'aurait pris pour un vieillard de 80 ans, il n'en avait que soixante. A son arrivée on avait remarqué des taches sur la langue et l'on redoutait une affection grave. Les souffrances du début s'accrurent rapidement.

Le médecin de l'asile reconnut à un premier examen, fin d'août 1910, un épaississement de toute la langue, accompagné de salivation abondante de difficulté pour avaler et de douleurs assez vives. Bientôt le malade ne put prendre ni viande, ni aliments chauds, sa langue présentait à la surface une couche saburrale épaisse et foncée. Le 24 septembre, elle était devenue énorme, le vieillard ne pouvait fermer la bouche; une ulcération, évaluée par l'infirmière à deux centimètres au moins de largeur, sur plus de trois de longueur, occupait l'extrémité de la langue et s'étendait jusqu'au bord gauche assez profondément. Toute cette ulcération qui reposait sur une base indurée était recouverte d'une épaisse couche de tissu sphacélé: c'était la gangrène, à la suite d'une inflammation chronique de la langue. Les ganglions du cou se prenaient davantage, la respiration devenait très difficile et, malgré les lavages fréquents à l'eau oxygénée la plaie répandait une odeur absolument insupportable.

Le médecin prescrivit le transfert, d'urgence, dans un service de chirurgie à l'hôpital de la ville; mais, par suite des formalités administratives, l'admission se trouva retardée. Aubry demanda avec instance de ne pas quitter la maison des Petites Soeurs et y resta. Le 25 septembre, monsieur l'aumônier ne put que difficilement lui donner la sainte communion, avec une toute petite parcelle seulement de la sainte Hostie.

 

Les Petites Soeurs des Pauvres avaient eu l'inspiration d'invoquer la Servante de Dieu et apportèrent au pauvre Ferdinand, pendant son action de grâces, une de ses images avec une relique. Elles savaient que cette âme si pure et si fervente avait quelque chose de la bonté compatissante de Notre-Seigneur pour les pauvres et pour ceux qui souffrent. La [117r] mère supérieure avait heureusement choisi dans l'Histoire d'une âme, pour lire à son malade, le passage (ch. 11) où la soeur Thérèse de l'Enfant Jésus parle d'un pauvre vieillard infirme qu'elle avait voulu secourir elle-même, tout enfant, en lui portant l'aumône; le souvenir en était resté gravé si profondément dans son petit coeur de six ans, qu'elle avait prié tout spécialement pour lui, au jour de sa première communion.

Le bon Ferdinand était gagné, il avait trouvé une sainte qui aimait les malades et les pauvres, il lui donna toute sa confiance. Ses compagnons s'unirent à une neuvaine commencée pour lui, le 25 septembre, par un pèlerinage de deux des Petites Soeurs, au tombeau de la Servante de Dieu. Le mal progressait avec rapidité, il prenait des aspects plus pénibles encore: la langue se désagrégeait, des lambeaux s'étaient détachés et permettaient de mieux se rendre compte des ravages produits, la médecine était impuissante à les arrêter. Le mercredi 28, les Petites Soeurs firent demander au Carmel un pétale des roses avec lesquelles la soeur Thérèse avait embaumé son crucifix, sur son lit de mort. Elles déposèrent la relique près du vieillard dans un petit sachet fermé et cacheté; et lui, dans une pensée de foi, brisa le sceau et avala le pétale. Aussitôt l'amélioration se produisit et se maintint, les douleurs se calmèrent, mais le malade ne parlait pas. Le deux octobre, il déclara tout à coup: « Je suis guéri! - Et depuis quand? - demanda la soeur. - Depuis deux jours.» Il restait encore un point noir sur la langue. Le trois octobre, ce point noir avait disparu.

 

Le dernier jour de la neuvaine, le médecin fut appelé; il ajoutait difficilement foi au récit des infirmières. Mais quand Aubry, avec un bonheur visible, ouvrit la bouche [117v] pour montrer sa langue au docteur, celui-ci put constater la guérison. La marche de la cicatrisation était nettement indiquée par l'apparition de bourgeons charnus et la disparition des phénomènes précédents: sphacèle, odeur repoussante, etc.

Alors, d'une voix rendue à peine intelligible par la disparition d'un morceau notable de la langue que l'ulcération avait détruit, le vieillard demanda au médecin: « Ma langue va-t-elle repousser?.»

- Oh! pour ça non, mon ami - répondit le docteur -, n'y comptez pas, c'est impossible.»

Et cependant, à partir de ce jour, commença une nouvelle intervention de la Servante de Dieu, en faveur de ce pauvre vieillard. Il l'avait priée, disait-il, avec deux coeurs; il obtint par un second prodige plus étonnant encore, la réalisation de son désir si explicitement traduit par cette question: Ma langue va-t-elle repousser? La langue mutilée par la gangrène repoussa progressivement et, trois semaines après, le médecin constatait la reconstitution des tissus à peu près parfaite, c'est-à-dire, avec le même volume, la même forme, la même consistance et la même couleur, sans aucune ligne de séparation qui put faire distinguer la partie nouvelle, comme le montre la photographie jointe à l'attestation du médecin.

Ferdinand Aubry n'avait pas voulu demander la guérison des suites de sa paralysie, il désirait surtout ne pas mourir de son cancer, car il se croyait atteint d'un cancer à la langue. Après avoir été quelque temps dans un état stationnaire qui permit à tout l'asile des vieillards et à de nombreux témoins d'admirer les effets de l'intercession de sa céleste bienfaitrice, il s'affaiblit graduellement, sans aucune rechute du côté de la langue. Le 8 décembre, il put encore aller en voiture jusqu'au cimetière pour remercier la Servante de Dieu. Ce fut sa dernière sortie. Le 18 décembre 1910, il mourut dans le plus grand calme. Pendant son ago-[118r]nie, on l'encourageait par la pensée d'aller voir au ciel son angélique protectrice, alors il demanda dans une pensée d'humilité: « Mais vais-je pouvoir entrer dans l'appartement où elle est?....» - Comme il sera constaté...

 

 

ENTRÉE DANS L'ÉGLISE CATHOLIQUE

D'UN MINISTRE PROTESTANT PRESBYTÉ-

RIEN D'EDIMBOURG

150 - Après les guérisons des corps, il est bon de montrer, dans un exemple récent, comment la Servante de Dieu agit sur les âmes pour les conduire à la vérité. Ces grâces, plus nombreuses que les guérisons et le soulagement des maux temporels, exigent, d'ordinaire, la discrétion pour les confidences qui ont révélé les luttes et les victoires. Le besoin de témoigner à la soeur Thérèse de l'Enfant Jésus une reconnaissance profonde, et l'espoir que ce fait personnel pourrait entraîner d'autres âmes ont inspiré au révérend A. J. Grant la lettre suivante, adressée à la révérende mère prieure du Carmel de Lisieux, en demandant qu'elle soit publiée:

« 34, Warrender Park Terrace, Edinburgh, 23 avril 1911.

Ma révérende mère,

Il y a maintenant plus d'un an que j'ai, pour la première fois, fait la connaissance de l'autobiographie de soeur Thérèse de l'Enfant Jésus (traduction anglaise). je l'ouvris au hasard et je m'arrêtai de suite devant la beauté et l'originalité des pensées. Je trouvai qu'il m'était tombé entre les mains l'oeuvre d'un génie, aussi bien que celle d'une théologienne, d'un poète de premier ordre. Je revins alors au commencement du livre et je le lus en entier. L'impression fut aussi durable qu'elle était extraor-[118v]dinaire. Je ressentis ce qu'éprouve une personne à qui le monde invisible apparaît tout d'un coup, et à un moment je m'écriai: « Thérèse est dans cette chambre!.» La pensée de cette belle âme me hantait. A certaines heures il me semblait que je lui rendais un culte qui touchait presque à l'idolâtrie, tant elle m'apparaissait aimable. Puis, effrayé, je m'arrêtai sur cette voie dangereuse, m'accusant d'être un superstitieux... Ce fut inutile. Bientôt son image revint à mon esprit et mon coeur était de nouveau son esclave, car elle refusait absolument de me quitter, disant: «C'est ainsi que les saints aiment en Jésus-Christ. Ecoutez-moi! Choisissez ma petite voie, car elle est sûre et c'est la seule véritable.»

Sous le charme de ces suaves paroles, je répondis: « Eh bien! ma « Petite Fleur » (* Comme on l'a dit plus haut, c'est le nom donné en Angleterre à la soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus.), je tâcherai de suivre votre conseil, si vous m'y aidez, car, depuis que je vous connais, mon âme soupire après votre voie si belle et si divine. Vous avez vraiment changé mon coeur.»

Ces quelques paroles rendent bien imparfaitement l'impression produite sur mon esprit par cette âme angélique surtout depuis le jour où, pour la première fois, j'ai ouvert ce livre incomparable: l'« Histoire d'une âme » (édition française), lequel, par les desseins de la Providence, j'ai acheté le jour même où se terminait une neuvaine à la « petite Thérèse », neuvaine faite à mon insu par certains amis. Mais ce n'est que dernièrement, à vrai dire, que j'ai commencé d'invoquer son aide.

Pour un ministre protestant, ce n'était pas d'abord chose facile. Mes préjugés - cinquantenaires - étaient là pour me le défendre. Après quelques efforts cependant j'ai pu continuer avec une joie que je renonce à décrire. Un jour, étant sur le point de la prier, elle me dit subitement: « Pourquoi me demandez-vous de prier pour vous, si vous ne vou- [119r] lez pas connaître et invoquer la Sainte Vierge?.» Aussitôt, - car ce fut comme un éclair qui traversa mon esprit, - j'ai compris combien c'était peu logique d'invoquer Thérèse et de négliger la Mère de Dieu. La lumière s'était faite et immédiatement, je me suis adressé à la Sainte Vierge. La promptitude de la réponse m'étonna. A l'instant mon âme fut débordée par un amour passionné, nouveau-né un amour qui s'est agrandi et qui maintenant est un abîme. Mes préjugés disparurent et je ne doutai plus qu'il me fallait traiter Marie comme un enfant caresse sa mère. La conséquence de ce nouvel état d'esprit fut que je m'élançai dans une étude plus sérieuse et plus approfondie de la foi catholique.

 

Le samedi suivant, dans mon voyage à X ***, où je devais prêcher, j'emportai avec moi plusieurs livres catholiques que je lus en chemin et au presbytère. L'étude de ces volumes a gravé plus profondément dans mon âme certaines impressions favorables, Toutefois, j'étais bien loin d'une résolution d'embrasser la vraie foi. Une masse de notes prises alors - elles sont encore sur ma table - me démontrent combien j'étais encore indécis, mais en même temps combien mon attachement au protestantisme était en train de s'affaiblir et combien s'affermissait chez moi l'attrait de l'Eglise catholique.

La lutte devenait aiguë, et, en moins d'une semaine, j'ai vu qu'il me fallait en venir à bout. C'était une semaine d'angoisses, une agonie d'incertitudes, laquelle se prolongea encore huit jours. Bien des fois, pendant cette quinzaine, j'ai dû subir des attaques de la part de Satan. Il me souffla que tout cela c'était de la folie, que je n'y gagnerais absolument rien. L'angoisse était telle que je faillis y perdre la raison et je fus plus d'une fois près de suivre le conseil du tentateur et de rebrousser chemin.

Alors Thérèse intervenait. Avec quelle douceur pénétrante, [119v] elle me disait tout bas: « Suivez-moi! Ma voie est sûre.» En même temps ces paroles de l'Evangile retentissaient dans mon oreille: « Celui qui ne porte pas sa croix et ne me suit pas ne peut être mon disciple.» Thérèse triompha! Je me suis décidé à entrer dans la vraie Eglise et, pour couper court, une fois pour toutes, aux attaques de l'ennemi, j'ai de suite écrit à mes supérieurs d'alors, annonçant que mes rapports avec l'Eglise protestante étaient terminés.

 

Par une coïncidence frappante, non pas la première, - mais laquelle on n'a remarquée que plus tard, ce fut le 9 avril, jour même où votre enfant brisa les liens qui la retenaient loin du Carmel, que j'ai rompu les miens pour me sauver dans l'arche bénie de l'Eglise catholique. Après quelques jours d'instruction. j'entrai dans la seule vraie bergerie, le jeudi 20 avril, prenant comme noms de baptême, ceux de ma céleste libératrice: Franciscus-Maria-Teresia.

Quelle heure solennelle pour moi! Ce fut bien la plus touchante de ma vie. Je ne l'oublierai jamais. Et, moins encore le matin du jour suivant, lorsque je fis ma première communion. Mais Thérèse l'a bien dit: « Ces choses ne peuvent s'exprimer » - MSB 2,1 - "'.

Maintenant, comment pourrai-je jamais lui prouver ma reconnaissance?... Je lui dois toute la joie de la foi; elle a été l'étoile qui m'a conduit à Bethléem... Sans elle, je serais encore un protestant malheureux, errant dans la nuit profonde. Sans elle - et je tiens à répéter ici ce que j'ai publié dans la presse et proclamé partout, ce que je confesserai toujours - sans elle, je n'aurais jamais prêté l'oreille à la voix de la vérité catholique. Ce serait donc me faire une faveur, ma révérende mère, que de publier, vous aussi, la grâce immense dont j'ai été l'objet, afin que l'on con-[120r] naisse davantage la puissance d'intercession de la sainte de Lisieux et que, par elle, d'autres âmes soient éclairées et sauvées.

Veuillez agréer, ma révérende mère, l'expression de mon profond respect et prier pour moi, afin que je sache comprendre de plus en plus la doctrine de ma céleste maîtresse, me faisant à son exemple petit enfant entre les mains de Dieu, car n'est-ce pas la « voie sûre » dans laquelle, avec tant d'insistance, elle m'a engagé à marcher?...

FRANÇOIS-MARIE-THÉRÈSE GRANT (*).»

[* Le Rév. Alexandre J. Grant, membre de l'United Free Church, Eglise Libre-Unie, en Ecosse, a été reçu dans l'Eglise catholique par le R. Père Widowson, S. J., le 20 avril 1911, à Edimbourg.

Il est le premier ministre de l'Eglise Libre-Unie, qui se soit fait catholique. Le Rév. A. J. Grant est Ecossais, né à Caithness. Il fit ses études au collège de la Free Church, à Edimbourg, sous les maîtres les plus distingués, dont il se montra constamment digne autant par son travail que par ses talents.

A Fort William, Inverness, Ullapool et Tiree, où il exerça successivement son ministère, il s'attira l'estime et l'affection de tous par ses remarquables qualités d'esprit et de coeur. Nommé, en 1896, ministre à Loch Ranza, Arran, il y resta douze ans. Or, pendant qu'il était à ce poste, sa femme embrassa le catholicisme. L'événement rendit la position si difficile, au sein d'une population absolument réfractaire aux idées catholiques, que le Rév. A. J. Grant prit le parti de démissionner et d'aller se fixer à Edimbourg. Il continua à prêcher pour l'Eglise Libre-Unie dans la ville et les environs, car il est célèbre comme orateur et très connu par son érudition, jusqu'au jour où la vérité apparut clairement à son esprit. La lettre rapportée ci-dessus a révélé les différentes étapes de cette conversion.

Cf. - Glascow Observer, 21 avril 1911. Tablet, 29 avril 1911. - Revue de l'Archiconfrérie de Notre-Dame de Consolation, pour le retour de tous les peuples de langue anglaise à la Foi catholique, 25 mai 1911.]

 

151 - C'est la vérité que Dieu rend plus manifeste, de jour en jour, le crédit de la soeur Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, en faveur de ceux qui recourent à son intercession: elle obtient de secourir les âmes dans les difficultés les plus diverses et de les guider dans la pratique des vertus, elle console les affligés et, quand elle n'obtient pas la guérison ou le soulagement des corps, elle fait [120v] accepter la souffrance avec résignation en union avec Notre-Seigneur. - Comme il sera constaté...

Hos Articulos pro nunc exhibet salvo semper.... etc.

R. de Teil

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