Carmel
Sr Marie de l’Eucharistie à son père – 28 décembre 1898

DE  
GUÉRIN Marie, Soeur Marie de l'Eucharistie
À 
GUÉRIN Isidore

28/12/1898

Marie Guérin à son père.
+ Jésus !                               J.M.J.T.                                     [28 Déc . 98]
Mon petit Père chéri,
Un petit bonjour de ta petite fille qui ne cesse de penser à toi et qui voudrait bien te savoir guéri. Oh ! la bonne nouvelle que cela serait pour elle !
J'ai cependant bien des choses à te raconter pour te distraire, et je ne sais si je vais en avoir le temps, car tu sais nous faisons nos visites du jour de l'an et il ne faut pas manquer la visite, nous avons notre heure de réception. En ce moment j'attends une visite qui s'oublie je crois dans le feu d'une conversation bien intéressante, faut croire, c'est une des saintes de la Communauté.
Pour les surprises de Noël mes filles ont été ravies. Le matin elles étaient ensemble dans la même cellule, la veille j'avais eu une véritable scène, son aînée ne voulant pas donner l'hospitalité à sa soeur. C'était une comédie risible. Aussi le matin elles ont compris nos tours et nous ont dit que certainement nous avions grâce pour cacher ainsi les surprises. Tout le jour elles nous disaient ; « On a beau nous dire que c'est fini les farces, je n'y crois plus. Elles y croyaient si peu que la nuit à la crèche elles étaient restées ahuries, nous disant : « Je ne vous croyais plus, mais je ne pensais pas que ce serait si tôt ». C'était un coup de théâtre, ma Sr Béatrix allait et venait se frappant la tête, criant que c'était beau et que dans le monde on ne faisait pas d'aussi belles crèches, c'était artistique, paraît-il.
Puis après les alpargates étaient remplies d'excellents chocolats venant de chez papa et maman. Je les goûte fort surtout le soir à la collation, cela fait manger le pain et remplace avantageusement les fruits.
Si toutes mes histoires pouvaient te distraire, mais au Carmel il n'y a pas grandes nouvelles, c'est toujours la même vie, pas cette semaine cependant. Aujourd'hui, fête des Innocents, au réfectoire, je vais être habillée en nourrice, avec de grands rubans bleus dans le dos, mes deux filles vont être au milieu du réfectoire avec des serviettes, et des petits bonnets de bébé. C'est encore une surprise, ce jour-là, les postulantes mangent dans les grands plats, avec des cuillères à potage, des fourches à poisson, et si ce jour-là, elles ne veulent pas mourir de faim vu leurs ustensiles, il faut manger à poignées. Je vais donc servir mes bébés et ce soir il va y avoir une petite récréation amusante . Que dis-tu de tout cela, mon petit Père ? Que nous sommes bien enfants, n'est-ce pas ? Ah ! je te dirai qu'au Carmel il est certain que l'on change de caractère, on redevient enfant, c'est le cri de toutes les postulantes. Cela se comprend, les novices sont les bébés de la Communauté.
Ta petite fille qui t'aime bien, bien, bien tendrement.
Marie de l'Eucharistie

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