Carmel
Sr Marie de l’Eucharistie à Mme Pottier – mi-octobre 1899

DE  
GUÉRIN Marie, Soeur Marie de l'Eucharistie
À 
MAUDELONDE Céline, Mme Pottier

15/10/1899

Marie Guérin à Céline Pottier
                                                      J.M.J.T.
+ Jésus                                                                               s.d.           [mi-octobre 1899]
                         Ma petite Céline chérie,
J'ai reçu ta petite lettre qui m'a causé une vraie peine et je m'empresse d'y répondre pour t'assurer qu'aujourd'hui nous commençons la neuvaine demandée et tu sais si ta petite Marie va la faire avec ferveur. Elle va intéresser à cette guérison sa chère petite Sainte du Ciel, la petite Thérèse, qui accorde tant de petites grâces de tous côtés.
   Hier, j'avais appris par maman ton état de souffrance et je me proposais de t'écrire un petit mot de consolation quand ta lettre m'est arrivée.
   Ah ! petite Soeur chérie ! faut-il s'attrister ? Oh ! non... la terre n'est que misère. Elevons nos regards vers le Ciel, offrons à Jésus toutes nos souffrances morales et physiques. Chère petite Soeur, honore par ton inaction forcée l'immobilité de Jésus sur la Croix, pense à unir tes souffrances aux siennes, comme cela elles acquièrent un mérite infini. Je sais ce qu'il en coûte d'être malade, je sais combien l'esprit, le coeur souffre q.q.f. bien davantage que le corps aussi je me permets de te donner mes petits conseils, ce ne sont pas ceux des grands Saints, ce sont ceux d'une pauvre petite âme.
La première chose à faire pour diminuer ses souffrances, c'est de les accepter avec résignation, avec amour. Se raidir contre l'épreuve ne fait qu'augmenter la souffrance, on est mal à l'aise, d'esprit, de coeur etc. Un fiat ! prononcé même à contre coeur, voilà la sainte violence qui ravit les cieux ; la tentation de se révolter contre la souffrance revient une minute, deux secondes même après ce fiat prononcé ? recommençons le, répétons-le autant de fois qu'il le faut. Quand tu ne dirais que ce simple mot dans ta journée tu ferais la plus belle des prières. Lorsqu'on est malade, on ne peut guère prier, mais qui souffre prie. Et encore pourquoi vouloir tant se fatiguer à dire prières vocales. Qu'est ce que la prière ? C'est une élévation, un élan du coeur vers Dieu : Mon Dieu je vous aime ! non pas même prononcé des lèvres mais senti dans le coeur, voilà la vraie prière. Récite une prière d'une ou deux pages sans ferveur ou bien dit simplement : Mon Dieu, je vous aime ! avec sentiment (ou même sans sentiment) tu auras fait la plus belle prière. Quelquefois il m'arrive lorsque je ne puis rien dire au bon Dieu de prendre mon chapelet et sur chaque grain de redire à Jésus que je l'aime. A la fin de mon chapelet je me sens toute pleine d'amour. Mais la souffrance, mais les fiat ! répétés, oh ! la plus belle des prières, surtout lorsqu'ils sortent d'un coeur oppressé, angoissé.
Courage donc, ma chérie, mais surtout confiance, confiance la plus grande en Jésus. Ne désire descendre de la croix que lorsque Jésus le voudra. La voie qui t'est ouverte est celle de la patience. Et même quand tu manquerais de patience, un regard d'amour répare tout.
Peut-être que ce ne sera pas aussi long que tu le crois, peut-être Jésus veut-il être ton seul médecin, Lui seul peut te guérir sans le secours de ceux de la terre, et s'il te voit résignée, confiante en Lui, il sera obligé de te guérir Lui-même. Courage, ma chérie, moi j'ai bon espoir. Jésus veut voir jusqu'où va ta confiance, jusqu'où va ton amour pour Lui. Je prie beaucoup pour toi, j'ai lu dans ta petite lettre que tu étais un peu dans la désolation c'est pourquoi je veux te donner la consolation. Il ne faut pas s'affliger des petits riens de la vie et c'est un petit rien je l'espère.
                                             Ta petite chérie
                                   Marie de l'Eucharistie                                                            
                                                               r.c.i.
Mon souvenir à ton mari et baisers aux bébés. Je serai bien contente d'avoir de tes nouvelles si tu ne peux m'en donner toi-même, tâche de m'en faire donner par ma tante. Je t'aime tant. Je reçois une lettre de Jeanne qui elle aussi garde le repos. Notre bonne Mère te fait dire que l'on prie beaucoup pour toi. Toutes tes petites cousines t'envoient leur plus tendre baiser.

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