Carmel
Sr Marie de l’Eucharistie à Mme Pottier – 8 mai 1898

DE  
GUÉRIN Marie, Soeur Marie de l'Eucharistie
À 
MAUDELONDE Céline, Mme Pottier

08/05/1898

Marie Guérin à Céline Pottier
                                         J.M.J.T.                                           8 Mai 98
+ Jésus
                 Ma chère petite Céline,
J'ai bien tardé à te répondre n'est-ce pas ? Je suis grandemant coupable : trois lettres sans réponse ! Il y a de quoi lasser la patience, mais tu sais bien que ce n'est pas indifférence et que c'est tout bonnement le temps qui m'a manqué, aussi vas-tu avoir en compensation une longue épître de ta petite soeur qui t'aime et te chérit de plus en plus et qui pense souvent à toi plus souvent que tu ne puis le croire.
Ah ! ma chérie, que le bon Dieu est bon pour toi ! Je suis touchée des grâces qu'Il te fait et je l'en remercie, tu es une petite âme qu'Il chérit tendrement, et qui si tu es bien fidèle, avancera vite dans l'amour du bon Dieu. Il se plaît à exaucer tes désirs comme tu me le dis dans une de tes lettres. Je suis bien contente de cette nouvelle, enore un petit ange à qui tu feras connaître et aimer Jésus, il n'y en a jamais trop dans les familles chrétiennes. Mais tu sais maintenant , tu as à travailler, il faut que tu te sanctifies doublement pour élever chrétiennement deux petits anges. Il faut que tu te mettes courageusement à l'oeuvre, tu n'as pas à aller chercher de grandes choses extraordinaires, tu trouveras cela à tout moment en toi et autour de toi. Ta santé premièrement va t'en fournir un bon moyen en acceptant toutes les petites incommodités, tous les petits contre-temps qui vont survenir, avec amour et résignation, en ne se révoltant pas contre l'envoi des croix. J'ai lu quelque part, une chose qui m'a fait beaucoup de bien : une croix avant d'arriver à une âme passe d'abord par le coeur du bon Dieu qui ne l'envoie que par un très grand amour et pour le bien de cette âme, puis tous les Anges et les Saints la saluent respectueusement à son passage, et regardent avec anxiété comment elle va être reçue par l'âme à qui elle est destinée. Ils la voient si belle, si glorieuse et si pleine de mérites qu'ils l'envieraient avec ardeur, si l'envie pouvait régner au Ciel. Aussi lorsqu'ils la voient reçue avec amour, il y a grande joie au Ciel ils chantent le cantique d'action de grâces, mais s'ils la voient au contraire méprisée et rejetée, ils se couvrent de leurs ailes en voyant cette croix si glorieuse foulée aux pieds.
Il en est ainsi de toutes les croix grandes et petites, les petites sont quelquefois les plus sensibles. Tu me parlais de ta bonne, dans ta dernière lettre qui, disais-tu, semble faite exprès pour t'irriter le caractère. Eh bien ! ma chère petite Céline, veux-tu que je te donne un conseil, en tout, ranime ta foi, avec des vues de foi, vois Dieu toujours et non les créatures et je te promets le bonheur. Si tu vois les créatures, leurs défauts, tu seras toujours malheureuse et n'auras pas la force de te surmonter, mais élève ton coeur vers le bon Dieu, vois-le t'envoyant cette bonne, impatientante. C'est une croix qu'Il t'envoie dans son amour si tu la reçois bien, tu pourras gagner beaucoup de mérites et beaucoup d'âmes à Jésus surtout. Dis-toi dans ces petites occasions : « Mon bon Jésus, par amour pour vous je ne vais pas me fâcher, me contrarier, j'accepte cette bêtise de ma bonne, donnez-moi la fore de la supporter, et surtout en retour donnez-moi des âmes, convertissez ceux qui me sont chers. » Et, tu verras au bout de qq. efforts tu n'auras plus de difficulté à te vaincre, car tu sais, le bon Dieu ne se laisse jamais vaincre en générosité. Un seul effort, un seul acte de vertu appelle des torrents de grâces. J'ai vu q.q. f. le bon Dieu se contenter d'un seul effort à se vaincre sur un point pour vous enlever toute difficulté à le faire ensuite. Mais je t'entends me dire : Marie ne sait pas ce que c'est que d'avoir une bonne si impatientante, c'est constant les contrariétés qu'elle me donne, j'en suis fatiguée... Si, ta petite Marie sait ce que c'est, elle le devine, elle sait ce que c'est que de souffrir de ce côté, mais elle sait aussi qu'il faut montrer beaucoup de vertus. Il faut un grand courage c'est vrai, mais dans la prière on puise tous les secours dont on a besoin, et quand on demande humblement et avec confiance, le bon Dieu se rend près de l'âme qui le prie. Ah ! pense que tu n'es pas seule à souffrir. Jésus comme un tendre père est là qui t'aide, qui te soutient.
   Dans ta dernière lettre tu ne m'as pas parlé de ton amitié avec la femme de l'avoué. Continuez-vous toujours vos petites visites mutuelles ? Tu me demandais mon avis à ce sujet le voici : Si cette dame aime beaucoup le monde, est une mondaine, en un mot, je ne te conseillerais pas d'avoir beaucoup de relations avec elle, on n'y gagne pas, on se laisse entraîner, et on revient de tous ces entretiens le coeur vide et rempli de banalités, qui sous des dehors plus souriants plus attrayants vous irritent le caractère plus qu'une bonne impatientante (ce dont on ne voudrait jamais convenir) Mais si cette dame aime son intérieur, sa famille, ne prend du monde que ce qu'il en faut dans sa position et surtout, oh ! surtout ne l'aime pas, tu peux te lier avec elle sans crainte. Quant aux convictions de ton mari ne lui en parle pas, ce sont des tiennes que je parlais.
   Oh ! surtout ma chère petite soeur ne laisse jamais tes communions de quinzaine, c'est le moins que tu puisses en faire. Tu me ferais beaucoup de peine si j'apprenais que tu les abandonnes sans motif légitime. Sois fidèle à tout tes exercices de piété, quand tu passes devant une église entres-y pour visiter Jésus Eucharistie, fais cela en mémoire de ta petite Marie de l'Eucharistie, quand tu n'y entrerais que pendant le court espace d'un Ave Maria, Jésus serait content et il te dira un jour dans le Ciel « J'ai été prisonnier et vous m'avez visité, je me donne maintenant à vous comme récompense. »
Je suis bien contente que les cadres de cheveu t'aie fait plaisir, notre Mère voulait accompagner ce petit envoi d'une photographie pour la petite Mère, car nous pensions que ces cadres de cheveu n'étaient pas pour toi et alors on voulait te faire le plaisir d'une petite miniature de ta petite fille. Le petit mouton était pour Bébé, notre Mère ayant reçu ce cadeau à l'une de ses fêtes l'a immédiatement destiné à Bébé.
Je te quitte ma chérie en t'envoyant mes meilleurs baisers
                                      Ta petite Soeur
                                   Marie de l'Eucharistie
                                                 r.c.i.
Rappelle-moi au bon souvenir de ton mari. Baisers les plus tendres à Bébé.

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