Marie Guérin à Céline Pottier + Jésus J.M.J.T. 4 Oct. 99 Ma chère petite Céline, J'ai bien tardé à répondre à ta lettre, malgré mon grand désir de le faire pour t'encourager et te consoler, puisque malgré mon indignité Jésus veut bien condescendre à soulager tes peines par mes pauvres paroles. Mais la maladie était là qui m'a empêchée de mettre mon désir à exécution. Depuis ton passage à Lisieux j'ai été toujours très souffrante de mon état muqueux, et ce qui m'empêchait de t'écrire c'est que la moindre application au travail me donnait de petits accès de fièvre, mais ceci pour toi seule car je me suis bien gardée de le dire à mes parents cela les aurait inquiétés sans raison, car cette fièvre ne venait que de la faiblesse. Cette fois je suis complètement remise, depuis huit jours surtout je mange très bien, naturellement pour qq. temps j'ai repris la nourriture du monde, la viande et je sens les forces revenir sensiblement, j'ai même repris ma petite vie de communauté, j'ai déserté l'infirmerie. Ah ! ma petite Céline, quelle épreuve de ne pouvoir suivre sa règle ! Tu ne peux comprendre cela, mais c'est cependant ce qu'il y a de plus dur pour une religieuse. Je pensais souvent pendant ma maladie : Oh ! si l'on savait profiter des trésors que le bon Dieu met à notre disposition comme nous deviendrions riches pour le ciel. mais non, on passe à côté de ces trésors, on ne fait pas ce que l'on peut pour gagner des mérites. Comme nous regretterons cela dans l'éternité, mais il ne sera plus temps ! ... Les croix, les peines que de mérites perdus... Mais parlons de ta grande épreuve de Livarot. Crois-moi, ma chérie, adoucis ton coeur. Je te donnerai le conseil de St Paul : « Union avec Dieu et douceur. » Evite de rechercher dans ton esprit ce que tu pourras dire ou faire dans les rencontres difficiles afin de confondre tes adversaires, vis d'union avec le bon Dieu et suis le conseil que le Divin Maître donnait lui-même à ses disciples : « Quand vous serez devant vos juges ne vous inquiétez pas de ce qu'il vous faudra répondre, l'Esprit Saint parlera pour vous. » Oui, invoque souvent l'Esprit Saint en ces occasions, confie-Lui l'affaire, et abandonne-toi. Tu sais que petite Thérèse nous disait : « Vous avez bien tort de penser à ce qui peut arriver de pénible dans l'avenir, c'est comme se mêler de créer ! il ne faut jamais nous tourmenter de rien puisque nous courons dans la voie de l'amour de Dieu ». Crois-moi, petite soeur chérie, fais comme elle, ne vois que le moment présent, garde-toi d'envisager l'avenir. Si tu le confies au bon Dieu il sera forcé de te secourir, mais si tu comptes sur tes propres forces, il te laissera à toi-même. Reste bien calme au milieu de ces épreuves il est important d'être calme, mais par-dessus tout je te recommande la prière. La prière sous toutes ses formes : prière vocale, prière mentale, ou union avec Dieu puis travail et sacrifices, troisième sorte de prières. Oui, offre à Jésus toutes tes petites tristesses, tes ennuis, supporte-les avec joie pour que l'âme de celui qui te fait tant souffrir revienne à Lui. Tu trouverais cela peu de chose si à la fin de cette épreuve, tu avais mérité par ta patience, ta résignation, le salut de cette âme, eh ! bien pense que Jésus te l'accordera peut-être à ce prix, et tu trouveras tout facile. puis prends la bonne habitude de saluer, d'honorer les anges gardiens de ceux que tu rencontres, de ceux avec qui tu converses, prie-les d'éclairer, de toucher leur coeur, et prie le tien de t'éclairer toi-même. Tu verras la paix que tu ressentiras. Je n'ai que le temps de t'envoyer de gros baisers pour toi et tes chéries. Mon souvenir à ton mari Ta petite soeur Marie de l'Eucharistie r.c.ind.
