Carmel
Sr Marie de l’Eucharistie à Mme Pottier – 3 novembre 1899

DE  
GUÉRIN Marie, Soeur Marie de l'Eucharistie
À 
MAUDELONDE Céline, Mme Pottier

03/11/1899

Marie Guérin à Céline Pottier  
+ Jésus                                     J.M.J.T.                                         3 Nov. 99
                          Ma chère petite Céline,
       Laudate Dominum !!!... Que je suis heureuse des bonnes nouvelles que ta dernière lettre m'a apportées. J'ai remercié et remercie encore le bon Dieu d'un tel bonheur
   Je suis tout heureuse de voir les miséricordes du bon Dieu sur ton âme. Il t'envoie des croix, c'est vrai, mais à côté Il te met les consolations. Comme dans l'évangile d'aujourd'hui Jésus semble dormir dans ta barque, mais tout à coup Il commande aux vents et à la mer et il se fait un grand calme. Oui, mais plus forte dans ta foi, dans ta confiance, que les disciples, tu n'as pas mérité le reproche que Jésus leur fit, tu as laissé Jésus dormir sans que cela diminuât ta confiance, aussi Il ne te dit pas : « Ame de peu de foi, que crains-tu, » mais il te dit : Ame de foi, de confiance, tu as plu à mon Coeur, aussi sur toi j'ai fait éclater mes miséricordes..
   Certainement, ma petite chérie, tu n'es pas présomptieuse en disant que tu as fait un petit pas dans la voie de l'amour. Moi, j'ajoute que c'est un grand pas que tu as fait, et que je suis touchée des progrès que ton âme fait chaque jour, et ces progrès je crois que tu les dois à ta petite protectrice du Ciel, qui de tous côtés fait des miracles dans les âmes. Tu ne sais pas ce qu'elle est goûtée, aimée notre petite Sainte, par tous, par les gens du monde, les religieux, et même les pauvres ouvriers. Elle n'oublie pas tu sais, « qu'un des derniers jours de sa vie, une petite fleur vint lui sourire, la nielle des blés » elle n'oublie pas qui lui avait fait verser des larmes de bonheur par tous ces ravissants bouquets champêtres, cela l'avait tellement émue qu'au ciel elle en garde une éternelle reconnaissance, à la main aimée et chérie qui les lui envoyait.
   Tu me parles de ton embarras au sujet de ton confesseur, je n'ai qu'un avis à te donner, recommande cette affaire à la petite Thérèse, elle débrouille les écheveaux spirituels les plus embrouillés, et certainement qu'elle te guidera dans ton choix. Je prie en union avec toi, tu sais combien je t'aime et combien je suis loin de t'oublier. Quelquefois physiquement une personne vous déplaît mais, lorsqu'on la connaît dans l'intimité on change vite d'avis, il en sera peut-être de même pour ton confesseur. Prions !
   Ce n'est pas parce que tu es privée des douceurs de la religion que ton âme n'avance pas dans la vertu, au contraire. Quand cette privation vous est envoyée par Dieu, elle est plus méritoire que les consolations spirituelles, une communion spirituelle vaut q.q.f. une communion sacramentelle quand on ne peut faire autrement. Si j'avais le temps je te raconterais un petit trait charmant qui m'est arrivé dernièrement. Certainement que ce jour-là le bon Dieu a voulu me montrer le mérite de la communion spirituelle. A toi je confie mes petits secrets d'âme, mais à toi seule tu sais : un jour pendant que j'étais malade, un dimanche, notre Mère ne m'ayant pas permis de faire la Ste Communion à cause de ma grande faiblesse j'avais beaucoup de peine d'être privée du bon Dieu, jamais je n'avais senti tant de désir ni d'amour du bon Dieu. Mon désir était si grand qu'au moment de la communion je dis au bon Dieu : « O mon Dieu il est impossible que vous ne vous échappiez pas du ciboire pour vous donner aux âmes qui désirent vous recevoir et qui ne le peuvent pas. Oui, je suis convaincue qu'aujourd'hui la petite hostie qui m'était destinée ne va plus être dans le ciboire. » Puis lorsqu'arriva le moment de la communion, lorsque mon rang fut arrivé : je dis : mon Dieu échappez-vous de votre petit Ciboire, puis je fis mon action de grâce comme si, réellement le bon Dieu était venu à moi.
   Après la messe, ma petite compagne qui me précède à la communion vint me dire : Venez, j'ai qq. chose de gentil à vous dire : « Au moment de ma communion, M. l'Abbé n'a pas pu détacher deux petites hosties, si bien que j'en ai reçu deux pensant qu'il y en avait une pour vous ».
   Petite Soeur chérie, je t'avouerai que j'ai versé des larmes d'attendrissement en voyant la miséricorde du bon Dieu, car c'est au moment où j'avais prié Jésus de s'échapper de son petit ciboire qu'il s'était en effet échappé, et ma croyance, ma foi pour la communion spirituelle est devenue bien grande. Il y avait une hostie de moins dans le ciboire, le bon Dieu avait voulu me le prouver. Même lorsque le désir de la communion n'est pas très vif, ce petit miracle s'opère certainement. Ainsi tu peux avoir ce bonheur chaque jour.
   Je n'ai pas le temps de t'en dire plus long.
Je t'embrasse comme je t'aime.
                         Sr Marie de l'Eucharistie
                                   r.c.i.
Mon souvenir à ton mari
Baisers aux Bébés.

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