Carmel
de M. Guérin à Sr Marie de l’Eucharistie – 11 août 1898

DE  
GUÉRIN Isidore
À 
GUÉRIN Marie, Soeur Marie de l'Eucharistie

11/08/1898

A sa fille Marie

11 Août 1898 – La Musse

Ma bien aimée petite fille
Je ne veux pas laisser passer la lettre de ta mère, sans y joindre qques mots qui [t'...] les sentiments dont mon cœur déborde quand il pense à toi. Et combien souvent ma pensée se reporte-t-elle pt.. la journée vers le petit coin de terre du Carmel ? Tu es la synthèse de toutes mes affections. J'aime ta mère, ta sœur, tes cousines et toi et j'aime par-dessus tout Dieu [...] C'est [...] ton cœur qu'il [...pour] les nôtres [...]
Tu nous demandes pardon des peines que tu nous as causées ! Nous en as-tu causé de véritables ? Certes, non, une seule de tes lettres, un seul de tes sourires suffit amplement pour les effacer. Je suis avec admiration et ravissement le travail de Dieu dans ton âme. Il se révèle dans les moindres mots et je vois qu'il t'a fait de plus en plus forte, courageuse, femme de caractère, d'énergie et de conseil droit et juste.! Mais je sens un froid glacial envahir mes moelles quand je pense que Dieu ne te fait ainsi progresser qu'en proportion de tes peines, de tes sacrifices, de tous ...et de tes mortifications ; prenant mes aises et jouissant des bienfaits dont Dieu me comble sans cesse. C'est pourquoi, souvent je le remercie de m'envoyer la souffrance et la privation puisque je n'en veux pas de volontaires. La vision de ton doux visage que j'évoque si souvent au milieu de mes peines et de mes plaisirs et pendant le silence de mes nuits est toujours accompagnée des trois autres qui me sont aussi bien chers et bien des fois plus chers que les liens de parenté n'en peuvent le faire soupçonner , mais il en est une parmi elles qui les domine par son éminente vertu et par ses qualités supérieures. Elle est tellement élevée dans les régions célestes que semblable à l'agneau dont elle porte le nom elle ne soupçonne même pas l'ombre du mal ; elle est tellement dégagée des biens de ce monde, qu'elle n'en connaît même pas les usages, et que dans la pratique de la vie elle est inexpérimentée comme un petit enfant. C'est pourtant à elle que je fais de la peine par mes brutalités et mes sévérités. Oh dis- lui combien je l'aime, je l'admire et qu'elle reconnaissance j'ai pour elle, la première des élues de Dieu dans notre famille. C'est elle qui par ses prières, ses conseils, sa profonde connaissance des voies spirituelles a préparé et accompli les desseins de Dieu sur les quatre âmes qui les convoitent
Il y a eu 42 ans qu'il a commencé à préparer ses voies sur nous. Il a commencé à nous défricher par ma chère Sœur Marie Dosithée, qui a façonné Pauline, puis c'est par celle-ci qu'Il continue son action sur les autres, splendide parterre dont Thérèse est l'ornement et toi, ma chérie le plus petit fleuron. Je crains fort d'en être le chardon.
Je professe aussi une bien grande reconnaissance à la bonne Mère Prieure qui a pour vous des soins si maternels et pour nous des attentions si délicates. Il en est un surtout qui me touche profondément, c'est la permission qu'elle nous donne de nous écrire tous les 8 jours. Si c'est un écart à la règle, je suis sûr que Dieu le lui permet, car Lui seul sait combien cette correspondance bénie fait du bien à nos âmes qu'elle élève et fortifie et à celles à qui nous les communiquons quand cela se peut.
- Pour moi c'est la meilleure méditation que je puisse faire. – Tu ne saurais croire combien j'ai été ému jusqu'aux larmes de la lettre des bonnes sœurs du voile blanc. Quelle candeur ! Quelle humilité ! J'étais ravi de voir une sainteté si grande et si simple s'abaisser jusqu'à moi qui suis si inférieur et altier. – Remercie-les bien ma chérie et embrasse-les encore une fois. Je t'ai parlé à bâtons rompus dans l'ordre de mes pensées et en suivant les élans de mon cœur, au sortir du lit où je me reposai d'une petite attaque de goutte qui va excuser mon désordre. Je te dévore de baisers ma bien-aimée. Partage avec mes autres enfants chéris et même avec la bonne Mère. Car pour moi le baiser est la meilleure manière de témoigner mon affection. Aussi je les prodigue.
Ton père I. Guérin

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