Carmel

L'office divin

On appelle office divin la prière qui monte vers Dieu tout au long de la journée, et qui est faite au nom de l'Église.  Au temps de Thérèse, elle était chantée ou récitée par les prêtres et par certaines communautés religieuses. Aujourd'hui, elle est aussi proposée à tous, car elle est la prière du peuple de Dieu. Au 19e siècle, « l'Office » ou plus familièrement le bréviaire comme on disait alors, comprenait des psaumes, des hymnes, de courts passages bibliques. La communauté le chantait et récitait au nom de toute l'Église, en réponse à l'invitation de Jésus de prier sans cesse Dieu, son Père, comme lui-même l'a fait.

Une couverture de bréviaire. Chaque volume mesure 23,5 cm de haut et 15,5 de large, pour un poids moyen total de 1 kilo 175 grammes (très lourd).

Cinq ans avant la fondation du Carmel de Lisieux, dom Guéranger refonda le monastère bénédictin de Solesme, en 1833. Il voulait créer un modèle de communauté chrétienne unie autour de la liturgie de l'Église. Ce faisant, il fit de la liturgie officielle de l'Église (la messe et les heures liturgiques telles que laudes et vêpres) le centre du culte. Il détourna la piété de ces nombreux autres services et dévotions, telles que neuvaines et chemins de croix, qui avaient proliféré dans le catholicisme depuis le Moyen Âge. (cf. John O'Malley: L'événement Vatican II; éditions Lessius, 2011). Ces temps de prière communautaire favorisaient l'union à Dieu tout au long du jour, en communion avec l'humanité, dans la louange, la supplication, l'adoration. Céline raconte dans ses Conseils et Souvenirs que pour bien se recueillir, Thérèse se voyait alors en imagination sur un rocher désert, devant l'immensité, et là seule avec Jésus, ayant la terre à ses pieds, elle oubliait toutes les créatures et lui redisait son amour dans les termes qu'elle ne comprenait pas, il est vrai, mais il lui suffisait de savoir que cela lui faisait plaisir. Il est bon de se rappeler que jusqu'au concile de Vatican II (1962-1965), l'Office était célébré en latin, langue que la plupart des soeurs ne connaissaient pas, même s'il y avait à la bibliothèque une grammaire latine, un petit livre de 146 pages peu avenant. 

Pour que la journée entière soit sanctifiée, cette prière de l'Église est répartie à des moments bien précis, où toutes les sœurs se rassemblaient ensemble dans le chœur des carmélites de la chapelle pour chanter hymnes, psaumes, prières, selon la manière établie. Ce temps est donné à Dieu, gratuitement.

L'office comprend donc au temps de Thérèse :

Les 4 petites Heures de Prime, Tierce, Sexte et None, célébrées le matin après l'oraison.

Les Vêpres célébrées en début d'après-midi.

L'office des Complies, célébré à la fin de la journée après la récréation du soir.

Les Matines au début de la nuit, suivies des Laudes.

Il faut lire cette liste en consultant ici l'horaire de la communauté au temps de Thérèse.

Cette prière liturgique de la communauté obéit à des règles pour favoriser la prière de toutes, le recueillement et le bon ordre pendant la célébration. Au temps de Thérèse, les soeurs entrent au choeur en procession et s'inclinent profondément devant le Saint Sacrement 2 à 2, avant de se diriger chacune de son côté vers sa place aux stalles.

La Prieure ou celle qui préside donne le signal du commencement de l'office et les soeurs récitent recto-tono (c'est-à-dire sur une même note) les psaumes, les hymnes et autres parties de l'office. Les versets de psaumes sont alternés, c'est-à-dire que les soeurs d'un côté récitent le premier verset et le second verset est récité par les soeurs de l'autre côté, etc.

Certaines parties de l'Office sont proclamées par des soeurs désignées d'avance chaque semaine : les versiculaires pour les antiennes, les chantres pour entonner psaumes ou hymnes, l'hebdomadière pour entonner l'office, et pour le conclure par l'oraison. Céline ajoute dans ses Conseils que Thérèse aimait à être hebdomadière pour dire tout haut l'oraison, comme les prêtres à la messe.

Voici une esquisse de la structure générale, sans les exceptions des dimanches, fêtes et solennités:

 Petites heures VêpresCompliesMatinesLaudes
Pater et Ave Maria en silence ouverture hymne antienne suivie de 3 psaumes capitule / répons oraison (idem pour Tierce, Sexte et None: Pater et Ave, hymne, et tout ce qui suit)Pater et Ave en silence
ouverture antienne suivie de 5 psaumes capitule / répons hymne verset antienne et Magnificat Prières et Notre Père oraison conclusion



Ouverture lecture brève pater confiteor antienne suivie de 4 psaumes hymne capitule / répons antienne et Nunc dimittis oraison antienne à la sainte Vierge conclusion




Pater et Ave en silence ouverture invitatoire 1er nocturne hymne suivant le temps antienne suivie de 8 à 12 psaumes 3 lectures bibliques 2e nocturne antienne suivie de 3 psaumes 3 lectures de patristique ou hagiographique 3e nocturne antienne et 3 psaumes 3 lectures de patristique absolution hymne
Pater et Ave en silence ouverture antienne suivie de 4 psaumes antienne suivie de 3 psaumes capitule / répons hymne antienne et Benedictus conclusion





Ce bref tableau ne donne qu'une faible idée de la complexité des différentes sections de l'Office nommées rubriques. Pour s'en faire une idée, il est bon de feuilleter le bréviaire même. C'est possible en cliquant ici pour lire (courageusement!) l'intégralité de l'Office de Matines du Dimanche vers la fin du XIXe siècle.

vignette matines

Aujourd'hui, la structure est différente: voir ici la célébration de l'Office contemporain.

« Demeurons près du Sauveur. Occupons-nous à considérer qu'Il nous regarde, que nous lui tenons compagnie. »

Thérèse d'Avila, Vie, ch.13