Carmel

Notes préparatoires de Sr Thérèse de St Augustin

Sr Thérèse de l'E.J. fut un sujet de grande édification lorsqu'elle entra au monastère. Le maintien grave et recueilli avec lequel elle accomplit cet acte laissait deviner une âme au-dessus de l'ordinaire. L'air angélique répandu habituellement sur ses traits avait été déjà remarqué dans le monde. Une personne me disait dernièrement " Bien que Sr Thérèse de l'E.J. n'ait eu rien d'extraordinaire, elle avait cependant un regard à impressionner même une enfant, on sentait une âme privilégiée" D'autres, l'ayant vu rentrer aux Buissonnets le soir de sa première communion, éprouvèrent une impression surnaturelle dont elles furent vivement frappées, elles croyaient voir un ange.

FOI
La servante de Dieu faisait ses délices de la Sainte Ecriture, elle n'était jamais embarrassée dans le choix des passages qui convenaient le mieux aux âmes, on voyait qu'elle en faisait chaque jour l'aliment de sa vie intérieure. Elle laissait volontiers la plupart des autres livres qui ne lui disaient rien au cœur, ne pouvaient accroître son amour ni lui donner les lumières qu'elle désirait. L'Imitation de J-C faisait exception, elle aimait à repasser les pensées profondes contenues dans ces pages. Elle goûtait aussi beaucoup les ouvrages de Ste Thérèse et de St Jean de la Croix. Elle écoutait avec un grand respect les enseignements de la Ste Eglise, les instructions données par les prêtres sans s'arrêter à ce qu'il pouvait y avoir de défectueux dans leur prédication. Rien ne pouvait la distraire de son recueillement durant la sainte Messe, l'Office divin, l'oraison ; entendait-elle du bruit, elle n'y faisait pas attention, ou si elle ne pouvait éviter d'en être troublée, elle savait en tirer un grand profit pour son âme. Son union avec N.S. était habituelle même au milieu des occupations les plus distrayantes, mais cette union pourtant si intime ne lui suffisait pas, elle aspirait à la rendre plus étroite par la sainte communion. La maladie ne ralentit pas cet élan, et nous la vîmes après des nuits d'insomnies et de souffrances, venir à une messe assez souvent matinale, par la saison la plus rigoureuse, afin de n'être pas privée de ce pain du ciel dont elle était avide. Elle faisait ses préparations en union avec la très sainte Vierge lui demandant de la revêtir de ses dispositions et de la présenter elle-même à son divin fils. Elle désirait ardemment recevoir chaque jour Notre Seigneur, mais à cette époque les Supérieurs ne le permettaient pas ; elle souffrit beaucoup d'en être privée, aussi quelle ne fut pas sa joie, lorsque le décret de sa Sainteté Léon XIII vint leur enlever ce droit. Cependant l'épreuve n'était pas finie, la mère Prieure tout en respectant cette décision, ne voulut pas s'y conformer entièrement et laisser au confesseur toute liberté. Elle la laissa dans une certaine mesure, mais en suscitant de si grandes difficultés que celui-ci par prudence, ne crut pas devoir user de son autorité, et la servante de Dieu dut se résigner à continuer sa vie de privations. Les derniers mois de sa maladie Notre Seigneur permit qu'elle se trouva dans l'impossibilité de Le recevoir, ce qui accrut encore sa souffrance
mais toujours soumise à la volonté divine, elle s'inclina doucement et demeura dans la paix. Elle eut à coeur de nous épargner ce qui avait été pour elle un martyre, et sur le point de nous quitter, elle nous promit que lorsqu'elle serait au ciel, elle ferait tomber sur la communauté une pluie de roses. Cette pluie bienfaisante fut sans aucun doute la communion quotidienne dont nous fûmes favorisées aussitôt après sa mort et dont nous avons joui jusqu'à présent sans interruption.
Lorsque le Saint Sacrement était exposé, son regard profond et enflammé révélait ses sentiments intimes ; un ange n'aurait pas contemplé avec plus d'amour Celui qu'elle adorait sous ces voiles rendus transparents par sa foi. Aussi quelle prière ardente dans sa simplicité, ce n'était qu'un élan, mais il embrasait tout : les intérêts de Dieu et ceux des âmes.
Elle aimait à effeuiller des roses au Calvaire ou sur les pieds de son crucifix, parce qu'elle y voyait l'image de ce qu'elle voulait être elle-même : une âme livrée au bon plaisir divin afin de satisfaire ses moindres désirs.
L'office de sacristine qui donnait à la servante de Dieu le privilège de toucher aux vases sacrés, aux linges qui avaient servi à la célébration du St Sacrifice, fut pour elle l'occasion de vivre plus près de Notre Seigneur. Elle s'acquittait avec un grand respect de cette fonction qu'elle sentait devoir être accompli par les Anges. C'était un stimulant pour travailler avec plus d'ardeur à devenir chaque jour moins indigne de la part précieuse qui lui était échue, elle voulait gravir les degrés de la sainteté qui devaient la rapprocher davantage de l'Agneau divin

ESPERANCE
Sr Thérèse de l'E.J., vivant habituellement dans l'intimité de Notre Seigneur, avait en Lui une confiance inébranlable et enfantine ; elle ne doutait jamais du succès de sa prière : demander une grâce et avoir l'assurance de l'obtenir, lui paraissait tout naturel puisqu'elle s'adressait à un Père infiniment bon et puissant. Elle voulait devenir une sainte et comptait sur Notre Seigneur pour lui faire atteindre ce but ; le moindre doute de ne pas y parvenir ne se présentait jamais à son esprit. Appréciant à un haut degré les vertus spéciales à l'enfance, et s'efforçant de les reproduire, elle espérait que le divin Maître la prendrait dans ses bras et la ferait monter jusqu'aux sommets les plus élevés de l'amour
Les difficultés, les circonstances les plus douloureuses ne pouvaient altérer sa confiance, son visage était toujours calme et ne témoignait aucune préoccupation même au milieu des plus grandes épreuves de sa vie. Sans doute, son attachement pour le cloître lui faisait redouter les conséquences de la persécution religieuse, mais me disait-elle, " je suis un bébé, je ne m'inquiète pas, j'irai où le bon Dieu voudra." Elle vivait sans souci, sans occupation d'elle-même se remettant complètement entre les mains de la divine Providence. J'ai pu admirer cette disposition durant sa maladie :"Que je serais malheureuse, avouait-elle si je n'étais pas abandonnée ! Aujourd'hui le docteur dit que je suis perdue, demain que je suis mieux, que cette alternative serait fatigante, mais tout cela n'effleure pas mon âme et ne trouble pas sa paix.
Elle souffrait avec joie ce que le bon Dieu lui donnait à endurer au moment présent, sans s'inquiéter de celui qui devait suivre, persuadée que la tendresse de son Père Céleste ne lui en donnerait pas plus qu'elle ne pourrait en supporter. Elle s'offrait à tous les vouloirs divins, même à éprouver les frayeurs qui accompagnent parfois la mort, " mais, disait-elle ingénument, elles ne seront pas suffisantes pour me purifier, ce ne serait que de l'eau de javel ! c'est le feu de l'amour qu'il me faut. "
Une âme aussi confiante et s'appuyant à chaque instant sur la force divine était inaccessible au découragement. Pendant toute sa vie religieuse elle m'édifia beaucoup par son assiduité à orner la statue de l'Enfant Jésus dont elle était chargée, sans qu'elle ne le fit jamais avec moins de soin ou qu'elle témoignât quelque fatigue. Elle reconnaissait simplement les dispositions que le bon Dieu avait mises dans son âme pour lui permettre d'éviter cet écueil
"Si vous saviez me disait-elle comme je suis persévérante, lorsque j'ai commencé une chose je la poursuis jusqu'au bout sans que rien ne puisse m'en empêcher. "C'était bien ce qu'elle faisait ; pendant sa maladie lorsque les souffrances étaient plus vives, elle s'adressait aux Saints, espérant recevoir quelque secours. Souvent le silence répondait à sa prière, mais elle ne cessait pas de les invoquer disant qu'ils voulaient voir jusqu'où elle pousserait sa confiance
Son regard était toujours tourné vers le ciel, elle désirait ardemment voir se briser les liens qui la retenaient ici-bas. Mais c'était uniquement pour aimer Dieu davantage et non pour son intérêt. Malgré ses aspirations, elle serait volontiers restée dans l'exil si le bon Dieu eût été plus glorifié, mais elle pensait que là-haut, elle serait plus puissante pour aider les âmes et faire aimer l'amour.
Elle s'élevait au-dessus des choses d'ici-bas et voyait tout dans la lumière de Dieu. Aussi comprenait-elle difficilement qu'on éprouvât trop de peine en voyant une sœur mourir, puisque ce n'est qu'une séparation momentanée, disait-elle, et que nous devons toutes aller au ciel et nous y retrouver

CHARITE pour DIEU
L'amour de Dieu était la note dominante de cette âme séraphique. Elle évitait avec un grand soin ce qui pouvait mettre obstacle à son développement, non seulement les fautes volontaires pour lesquelles elle avait une horreur profonde, mais les plus légères imperfections. Loin d'elle la recherche des consolations et des douceurs dans la vie spirituelle : elle voulait donner à Dieu au prix des plus grands sacrifices un amour pur et désintéressé. Dans ses rapports avec Notre Seigneur, ne rien voir, ne rien sentir, excepté sa faiblesse, son impuissance à tout bien, était le seul bonheur qu'elle ambitionnait ; réjouir le divin Maître aux dépends de son repos, dans la pure souffrance, lui semblait un festin délicieux auquel elle participait d'autant plus volontiers qu'elle se confiait à l'amour pour suppléer aux manquements qui pouvaient se glisser dans ses actes. Cette âme fortement trempée ne connaissait pas de défaillance dans son dévouement aux intérêts de Jésus et des âmes.
Elle allait à Dieu comme une enfant, ne comprenait rien aux voies compliquées que suivent certaines âmes qui selon son expression "tournent dans un labyrinthe
dont elles ne peuvent sortir et qui n'aboutit à rien. " Elle suivait la voie droite de la simplicité, la considérant comme plus courte et plus capable de lui faire éviter les écueils si fréquents dans le chemin du ciel :" c'est en vain disait-elle que l'on jette le filet devant les yeux de ceux qui ont des ailes, "
L'amour de la servante de Dieu pour Notre Seigneur se manifestait par une grande dévotion aux mystères de la Ste Enfance et de la Passion. Les outrages dont la Ste Face fut particulièrement l'objet, la touchaient profondément et excitaient de préférence sa compassion. Elle eut aussi un recours très fervent au Sacré Coeur. Ce qui la soutenait dans sa vie intérieure, c'était la présence de Dieu qui ne la quittait jamais ; elle l'avouait simplement. Le recueillement habituel se lisait sur sa physionomie, et impressionnait vraiment les soeurs même pendant les récréations. On voyait que le ciel était sa demeure et qu'elle se prêtait seulement aux conversations ; elle le faisait avec tant d'amabilité qu'il était facile de comprendre que l'amour divin était le mobile qui la faisait agir, elle voulait rendre les soeurs heureuses et par là faire plaisir à Notre Seigneur
Lorsqu'elle se trouvait auprès d'une âme qui la comprenait, elle suivait avec joie la pente naturelle qui la portait à parler de Celui qui la charmait uniquement, si simplement, si discrètement qu'on ne pouvait cependant pénétrer toutes les beautés de sa vie d'union, on les soupçonnait par l'ascendant qu'elle exerçait autour d'elle. Me trouvant avec elle au parloir, j'éprouvais une impression surnaturelle très profonde, je la sentais dans l'au-delà.
Le désir du martyre était souvent le thème favori qu'elle choisissait ; quel regret
n'éprouvait-elle pas de ne pouvoir cueillir cette palme si désirée ! Elle se consolait en pensant que le martyre de l'amour suppléerait à celui du sang, aussi voulait-elle que sa vie fut sans cesse immolée, ne pouvant espérer la couronne si les renoncements quotidiens ne venaient à chaque instant briser sa nature et la détacher de la terre. Ce regret cependant la suivit jusqu'à la mort, vers la fin de sa vie elle exhalait encore cette plainte :"Vous êtes plus heureuse que moi, je vais au ciel, mais vous aurez peut-être bien la grâce du martyre !

CHARITE pour le PROCHAIN
De cet amour de Dieu poussé jusqu'à l'héroïsme, découlait naturellement l'amour du prochain. D'abord les âmes. Elle ne perdit jamais de vue le but principal de son entrée au carmel, la sanctification des prêtres. Elle ne comptait pas avec sa peine lorsqu'il s'agissait de leur venir en aide, soit pour leur bien personnel ou pour celui des âmes qu'ils avaient mission de ramener au bercail ou de guider sur le chemin de la perfection. Elle suivait en cela son attrait spécial qui la portait à prier pour les âmes pures et les pécheurs. Elle désirait ardemment voir le Père Hyacinthe Loyson abjurer ses erreurs et elle me demandait de m'unir aux prières qu'elle faisait pour obtenir sa conversion.
Elle eut voulu partager les travaux des missionnaires et voler vers les contrées lointaines pour convertir les infidèles ; elle y suppléait par les nombreux sacrifices qu'elle offrait pour leur venir en aide.
Dans la vie de communauté, la servante de Dieu pratiqua la plus exquise charité, s'oubliant constamment pour le bonheur des sœurs supportant sans se plaindre et sans qu'on puisse s'en apercevoir les souffrances que lui faisaient éprouver la malveillance, la jalousie, de quelques sœurs qui ne surent pas reconnaître sa vertu, restant toujours avec elles patiente, douce, aimable, les accueillant avec un gracieux sourire, évitant ce qui pouvait leur faire de la peine, essayant de leur être agréable et les excusant sans cesse. Lorsqu'elle rencontrait une Sœur pour laquelle sa nature éprouvait un peu d'éloignement, elle priait pour elle et offrait au bon Dieu les vertus qu'elle remarquait en elle.
Sr Thérèse de l'E.J. était empressée à rendre les services qu'on lui demandait parce qu'elle se rappelait cette parole de Notre Seigneur :"Ce que vous ferez au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous le ferez." Quand elle ne le pouvait pas, elle s'en excusait si aimablement qu'on ne pouvait s'empêcher de  lui témoigner quand même sa reconnaissance. Elle se prodiguait ainsi sous le regard de Dieu sans réclamer de retour. Certains caractères profitaient à l'excès de son obligeance, mais elle ne les évitait pas, parce qu'elle avait pour maxime qu'il ne faut jamais s'éloigner de celles qui demandent facilement des services. Elle montra l'héroïsme de sa charité à l'égard d'une sœur converse qu'elle assistait dans son infirmité et qui ne lui témoignait assez souvent sa reconnaissance que par des brusqueries, sans que la servante de Dieu se lassa de lui continuer ses bons offices. Elle était ingénieuse à trouver les moyens de témoigner sa compassion aux sœurs qu'elle savait souffrantes ou affligées. Avec une délicatesse ravissante, elle disait un mot, ou se contentait de sourire si elle ne pouvait faire davantage. Mais cette sympathie allait droit au cœur, on la savait vraie, autour d'elle régnait vraiment une atmosphère de paix, on se sentait auprès d'un ange !
Pourtant, à cette époque que de choses fâcheuses vinrent troubler notre vie religieuse ! C'est à se demander comment on pouvait les supporter et se maintenir dans la pratique de la vertu. Dans les moments critiques, la servante de Dieu ne perdait rien de son recueillement, elle tâchait d'excuser si la chose était possible, souvent rien ne pouvait motiver la plus légère excuse, alors elle se contentait de supporter et de prier, témoignant à la Mère prieure, qui était la cause de ce désordre, le respect qu'elle devait à son autorité. Elle défendait à ses novices toute critique sur sa conduite et leur recommandait la soumission la plus absolue et la plus grande charité. Plus tard, lorsque la Mère Prieure redevint seulement la mère Marie de Gonzague, elle eut pour elle des attentions pleines de délicatesse.

PRUDENCE
Dans les circonstances pénibles du triste gouvernement de Mère Marie de Gonzague, la servante de Dieu fit preuve d'une grande prudence pour éviter ce qui aurait pu aggraver la situation déjà si difficile ; elle essayait de concilier les choses, d'apaiser les esprits bouleversés afin que la paix revienne et que les âmes puissent reprendre leur vie intérieure, si souvent troublée et interrompue. Pour elle, jamais elle ne se départit du souci de sa perfection, elle sut au contraire profiter de ces occasions pour avancer plus rapidement vers le but qu'elle voulait atteindre. Elle le faisait si simplement que sa vie paraissait toute ordinaire, cependant la continuité de ses efforts dans la pratique de la vertu, la faisait remarquer de celles qui l'approchaient de plus près.
Les prêtres qui furent appelés à diriger la communauté, eurent pour la servante de Dieu une grande estime, et lui témoignèrent souvent beaucoup de confiance. Elle ne fut pas moins prudente dans la direction des novices, elle savait attendre les âmes, les exciter à la vertu sans les presser plus qu'elles n'étaient capables de le supporter. Lorsqu'elle se trouvait en face de caractères difficiles, elle ne se rebutait pas, elle leur montrait leurs torts avec fermeté et souvent elle en triomphait. Que de luttes parfois où son courage était mis à l'épreuve, mais elle ne connaissait pas la faiblesse, et tout en ménageant les âmes pour ne pas les briser, elle atteignait le but qu'elle se proposait ; les coupables revenaient désireuses de mieux faire et demandaient pardon de leur conduite.

JUSTICE
Il était doux à Sr Thérèse de l'E.J. de rendre à Dieu le tribut d'hommages et d'adoration qui Lui est du, mais elle s'appliquait très spécialement à lui témoigner sa reconnaissance pour les bienfaits sans nombre dont elle se voyait redevable à sa divine bonté. Elle savait par expérience que Dieu récompense magnifiquement cet élan spontané d'un cœur rempli de gratitude. Cependant ce n'était pas toujours le motif qui la faisait se tourner ainsi vers l'auteur de tout bien, elle éprouvait un sentiment de tendresse reconnaissante qu'elle m'exprimait ainsi : "Oh que le bon Dieu me fait pitié ! Il prodigue ses plus grands trésors et nous les donne pour rien".
Elle témoignait fréquemment sa reconnaissance à la très Sainte Vierge dont elle se sentait chérie et qu'elle entourait d'un amour tendre et filial ; à St Joseph pour lequel elle ressentait les mêmes sentiments et qui répondait à sa confiance par des faveurs signalées. Les Anges et les Saints qu'elle nommait ses frères, avaient part aussi à ses actions de grâces, ne leur avait-elle pas demandé de la prendre très spécialement sous sa protection, et souvent elle avait expérimenté qu'elle n'avait pas en vain attendu leur secours.
Dans la vie religieuse elle observa exactement les règles de la justice dans la manière dont elle se conduisit à l'égard de ses Supérieurs, en leur rendant les témoignages de respect et de soumission que réclame leur autorité. Elle ne changea point de conduite lorsqu'elle se trouva vis à vis d'une Supérieure dont les défauts était apparents et l'extérieur parfois rebutant.
La servante de Dieu ne donna jamais à qui que ce soit aucune marque de partialité, surtout à ses sœurs selon la nature. Bien que ses sentiments ne fussent pas changés à leur égard, et que les liens qui les unissaient se fussent plutôt resserrés, personne ne pouvait s'en apercevoir. On ne soupçonnait pas la violence qu'elle était obligée de se faire pour se maintenir toujours dans les limites de la plus exacte réserve.

FORCE
Sr Thérèse de l'E.J. comme elle le dit elle-même eut beaucoup à souffrir ici-bas, de tous côtés, la croix s'appesantissait sur elle et toujours elle la recevait avec amour. Elle trouvait au Carmel ce qu'elle était venue y chercher, le renoncement quotidien, l'humiliation. Dans chacune de ces rencontres, on put admirer la force de cette enfant de quinze ans, qui dès le début de sa vie religieuse sut faire son bonheur de ce qui effraie tant d'autres âmes. Pendant son postulat, elle fut traitée très sévèrement par la Mère Prieure ; je ne la vis jamais entourée de soins ou de ménagements. Cette manière d'agir envers la servante de Dieu ne se modifia pas avec les années. La douceur et l'humilité avec lesquelles elle accepta les observations et les réprimandes ne se démentirent jamais, même quand celles-ci n'étaient pas méritées, et certes celles-ci ne lui étaient pas épargnées : un jour elle fut prise au réfectoire d'une quinte de toux assez forte, la Mère prieure fatiguée de l'entendre ainsi tousser, lui dit assez vivement :"mais enfin, sortez Sr Thérèse de l'E.J. !" Elle se retira sans rien perdre de son calme et de sa sérénité.
Pendant la maladie de son Père sa force d'âme brilla d'un plus vif éclat au point de provoquer l'admiration de nos vénérables anciennes qui s'étonnaient d'un tel courage surtout en la voyant garder son recueillement habituel.
Je fut extrêmement surprise lorsqu'elle me fit la confidence de ses tentations contre la foi. Comment supposer cette âme toujours sereine, aux prises avec de si grandes difficultés, on la croyait comblée de consolations. Elle agissait avec tant de facilité qu'elle paraissait accomplir sans efforts des actes de vertu multipliés. Cette paix habituelle lui valut des jugements peu favorables, on ne craignait pas de les manifester et de dire bien haut que la servante de Dieu n'ayant jamais eu de combats, n'avait pas de mérites à pratiquer la vertu. Ces propos étant venu à ma connaissance quelque temps avant sa mort, je m'adressai directement à celle qui en était l'objet, et je lui demandai s'il était vrai que pendant sa vie religieuse elle n'avait jamais eu à lutter contre sa nature ?-
"J'avais une nature pas commode, me répondit-elle, cela ne paraissait pas, mais moi je le sentais bien ! Je puis vous assurer que j'ai eu beaucoup de combats et que je n'ai pas été un seul jour sans souffrir, pas un seul. Ah ! les créatures, quand elles ne voient pas, elles ne croient pas."  Je puis affirmer pour en avoir été témoin que la servante de Dieu s'est constamment exercée à pratiquer la vertu. Elle ne se bornait pas à tout attendre de Dieu, elle agissait.
Malgré son état maladif, elle ne se dispensait jamais des exercices communs, et des travaux pénibles. Rien ne pouvait l'arrêter, elle allait sans se plaindre jusqu'au bout de ses forces. "Je puis encore marcher, disait-elle, je dois être à mon devoir.
Elle fit l'admiration du médecin par le courage avec lequel elle supporta sa maladie : "Si vous saviez ce qu'elle endure, disait-il, je n'ai jamais vu souffrir autant avec cette expression de joie surnaturelle, c'est un ange."

TEMPERANCE
Sr Thérèse de l'E.J. était un ange tant elle s'éloignait de ce qui pouvait flatter sa nature, elle paraissait vivre au-delà du temps, et ne prenait aucun intérêt aux nouvelles, aux conversations, quand la Règle ou la charité ne lui en faisait pas un devoir. Les rassemblements que l'on voyait, hélas, si souvent dans nos cloîtres, la laissaient indifférente elle passait sans s'y arrêter, marchant toujours les yeux baissés avec ce maintien religieux qui la faisait remarquer. Elle recommandait à ses novices de ne pas perdre leur temps à écouter ces sortes de discours qui ne les regardaient pas, mais de se rendre promptement à leurs occupations. Quand il s'agissait de sa famille qu'elle aimait pourtant beaucoup, elle ne se donnait pas la plus légère satisfaction, elle retranchait toutes les jouissances dont le cœur est si avide, domptant pour cela sa nature qui lui représentait une foule de raison pour triompher de sa résolution, mais rien ne pouvait ébranler sa constance. Que de victoires elle remporta sur ses sentiments naturels, lorsque les élections lui donnèrent pour Prieure Mère Agnès de Jésus. Elle fut admirable, jamais on ne put la surprendre moins héroïque. Elle le fut aussi dans la pratique du silence qu'elle garda fidèlement, même avec sa Mère Prieure, pour laquelle cependant la Règle donne une certaine latitude. Les liens du sang ne purent affaiblir sa volonté de pratiquer un détachement absolu.
La servante de Dieu se mortifiait sans trêve, ne se plaignant jamais de l'intempérie des saisons, bien qu'elle eut beaucoup à en souffrir, écoutant doucement les paroles désobligeantes, pratiquant vaillamment les mortifications imposée par la Règle et se dédommageant de ne pouvoir obtenir la permission d'en faire davantage, en saisissant avec empressement toutes les occasions de souffrir qu'elle rencontrait.
Au réfectoire, elle prenait invariablement tout ce qu'on lui présentait, même si les aliments la rendaient malade. A la récréation, elle se plaçait de préférence auprès de celles qui lui plaisaient le moins.
Sa nature aimante se serait volontiers prêtée aux épanchements de l'amitié, mais elle se refusait constamment cette satisfaction. Les préférences données aux autres à ses dépens lui causaient de la joie, une jeune sœur converse ne se gênait pas d'en profiter pour exercer sa patience. Sr Thérèse lui témoignait alors une affection plus vive et un dévouement inlassable.
Cet amour de la pénitence eut son plein épanouissement pendant sa maladie. Dans les derniers mois les douleurs devinrent très violentes et la Mère Prieure crut devoir refuser d'employer les moyens de la soulager. Elle accepta tout avec sa sérénité habituelle. Je voulus demander au bon Dieu d'adoucir ses souffrances, " Non, non, me dit-elle vivement, il faut Le laisser faire !" Ce n'était pas dans la vue d'obtenir une gloire plus grande qu'elle parlait ainsi, car elle ajouta :" Pas pour la récompense, pour Lui faire plaisir".

OBEISSANCE
Une âme ainsi mortifiée soumettait pleinement son jugement aux décisions des Supérieurs quels qu'ils fussent sans aucune distinction, persuadée qu'on ne peut s'égarer en obéissant. La volonté de Dieu manifestée, elle l'accomplissait promptement sans se permettre la plus légère réflexion ; il suffisait d'un simple avis, pour qu'elle s'y soumit ponctuellement. S'il arrivait que les recommandations qui lui était faites parfois dans le but de la soulager eussent un autre résultat, elle ne s'y conformait pas moins à la lettre, pratiquant ainsi la vertu jusqu'à l'héroïsme.
Elle observait la Règle avec fidélité dans les plus menus détails et assujettissements avec une régularité exemplaire. Cette obéissance déjà si admirable ne semblait pas assez parfaite à la servante de Dieu, elle voulut y ajouter en reconnaissant à toutes ses sœurs le droit de lui donner des ordres. Une parole, un signe suffisait pour la faire agir, que le désir fut exprimé avec douceur ou qu'un ton impérieux vint choquer sa nature, elle n'était pas moins exacte à se plier aux exigences de toutes, même de ses inférieures.
Elle ne se montrait pas moins bienveillante dans les dérangements continuels qu'on ne craignait pas de lui imposer ; elle le faisait avec une grâce charmante
qui empêchait de soupçonner les sacrifices renouvelés qui étaient la conséquence de son abnégation.

PAUVRETE
Dès son entrée au carmel, la servante de Dieu eut à supporter les privations
de la pauvreté ; placée au réfectoire auprès d'une sœur qui par distraction sans doute, ne faisait pas attention à sa voisine, elle fut privée pendant longtemps du nécessaire, elle n'en laissa rien voir mais attendit patiemment que la divine Providence vint à son secours. Elle recherchait de préférence ce qui était le moins commode et le moins à son goût, mortifiant ainsi son inclination qui eut préféré le contraire, elle faisait en faveur des autres le sacrifice d'objets moins (?)rustiques.
Elle évitait de se plaindre si on lui enlevait quelque chose à son usage, trouvant que tout ce qu'elle possédait appartenait à ses sœurs.
L'emploi du temps attirait particulièrement son attention, elle était très exacte à ne pas perdre une minute, ainsi que la règle l'ordonne. Ces pratiques extérieures ne lui suffisaient pas, elle se laissait dépouiller des dons de l'intelligence dont elle était grandement douée, en permettant à ses soeurs de se les approprier à leur gré et restant modestement dans l'ombre lorsqu'on s'était emparé de ses pensées et de ses lumières.

HUMILITE
L'humilité achève cette physionomie si attrayante ; en cherchant à se cacher, la servante de Dieu ne réussit qu'à jeter sur sa vie un lustre plus brillant. A chaque instant les humbles sentiments qu'elle avait d'elle-même révélaient l'élévation de son âme. La ferme conviction de son ignorance et de sa faiblesse la pressait de recourir à Dieu pour obtenir la lumière et la force dont elle se croyait dépourvue. Elle gardait habituellement le silence sur les faveurs qu'elle recevait,
d'ailleurs, elle était loin de se comparer aux Saints, elle se disait simplement une toute petite âme que le bon Dieu avait comblée de grâces. La vue de son néant lui faisait éprouver de la joie de se sentir imparfaite et d'être reconnue de même par ses sœurs. Elle aimait la dernière place, l'oubli, qu'elle préférait au mépris
parce qu'il portait à sa nature des coups plus mortels Elle aimait à penser que sa gloire au ciel ne serait pas éclatante. "Le bon Dieu a toujours exaucé mes désirs
me disait-elle à ce propos, et je lui ai demandé d'être un petit rien. Quand un jardinier fait un bouquet, il se trouve toujours un petit espace vide entre les magnifiques fleurs qui le composent, pour le remplir, il y met de la mousse, voilà ce que je serai au ciel : un petit brin de mousse qui fera ressortir les beautés des belles fleurs du bon Dieu.
La servante de Dieu rendait gracieusement les services qu'on lui demandait, elle se prêtait aimablement au désir qui lui était témoigné qu'elle composa des poésies, elle faisait tout cela simplement, sans affectation ni recherche d'elle-même, avec un cachet d'humilité profonde, uniquement pour faire plaisir.
 Cette humilité elle la manifesta en acceptant avec douceur les reproches, non seulement de ses Supérieurs, mais encore de ses sœurs. Les jugements défavorables dont elle fut l'objet, excitaient en son âme une vive allégresse. On serait surpris qu'une âme aussi parfaite n'ait pas été appréciée de toute la communauté, si on ne savait que Dieu le permettait pour éprouver la vertu de ses serviteurs, les passions humaines faussent le jugement d'un grand nombre et font souvent prendre pour des défauts les plus grandes vertus. Sr Thérèse de l'E.J. passa par cette épreuve, mais il faut ajouter que pour elle ce fut le petit nombre qui ne la comprit pas. Une sœur se permit de tenir ce langage :"Je ne sais pourquoi on parle tant de Sœur Thérèse de l'E.J., elle ne fait rien de remarquable, on ne la voit point pratiquer la vertu, on ne peut même pas dire que ce soit une bonne religieuse ". Ces paroles ayant été rapportées à la servante de Dieu, à la fin de sa vie, elle m'exprimait ainsi son bonheur :" M'entendre dire sur mon lit de mort que je ne suis pas une bonne religieuse, quelle joie ! Rien ne pouvait me faire plus de plaisir."

SA SAINTE MORT
La mort de la servante de Dieu fut grandiose et impressionnante dans sa simplicité. Son regard brillant se fixant un peu au-dessus de la statue de la Sainte Vierge fut particulièrement émouvant, on la sentait appelée par une voix céleste. Sans craindre d'exagérer, on peut dire que pendant l'espace d'un credo, l'extase transfigura ses traits. Au mois d'avril 1895, elle m'avait fait cette confidence :" Je mourrai bientôt, je ne vous dis pas que ce soit dans quelques mois, mais dans deux ou trois ans. Je sens à tout ce qui se passe dans mon âme que mon exil est près de finir." Ces paroles recevaient leur accomplissement. Ce n'est pas la seule fois que Sr Thérèse de l'E.J. prononça des paroles inspirées ; dans certaines occasions elle répondait à des pensées intimes qu'on ne lui avait pas manifestées. Elle fit prévenir l'une d'entre nous de sa mort prochaine, qui arriva en effet l'année suivante. Elle semblait prévoir ce qui arriverait à son sujet après sa mort, disant que Mère Agnès aurait jusqu'à la fin de sa vie à s'occuper de sa petite Thérèse. D'autres fois, elle affirmait qu'il n'y aurait jamais pour elle rien d'extraordinaire, parce qu'il fallait que toutes les petites âmes puissent l'imiter.
Elle invitait à recueillir avec grand soin les pétales de roses dont elle embaumait son crucifix, ajoutant qu'ils pourraient servir et faire des heureux.

REPUTATION DE SAINTETE
Le désir de Ste Thérèse de l'E.J. était de passer son ciel à faire du bien sur la terre. Après sa mort, elle fit éprouver les effets de sa protection à l'une des Sœurs qui avait eu à son égard des procédés blessants. Quant elle fut exposée, celle-ci vint lui demander pardon de l'avoir méconnue, et appuya son front sur les pieds de la servante de Dieu, en ayant recours à son intercession, elle fut guérie à l'instant d'une anémie cérébrale dont elle souffrait depuis plusieurs années.

Dans les dernières semaines de sa vie, elle se proposait de commencer ses conquêtes aussitôt après sa mort, et de visiter les séminaires et les Missions. Dès l'année suivante, les Annales de la Propagation de la Foi enregistrèrent des résultats que les missionnaires disaient n'avoir jamais réalisés, ils les attribuaient à un souffle particulier du Saint Esprit qui passait sur quelques-unes de leurs missions et y déterminait un élan irrésistible des païens vers notre sainte religion. Dans beaucoup d'endroits, les infidèles se présentaient d'eux-mêmes pour recevoir l'instruction et le baptême
Depuis cette époque, elle ne cesse de faire tomber sa pluie de roses sur tous ceux qui ont recours à son intercession : confessions, guérisons, grâces spirituelles et temporelles de toute nature. Les récits qui sont envoyés au Carmel se comptent par milliers. Ayant l'occasion de recevoir fréquemment au parloir des prêtres des religieux des missionnaires, j'ai pu constater non seulement leur admiration pour la servante de Dieu, mais encore leur confiance sans bornes en sa protection, ils la considèrent comme une grande sainte : lui demander une grâce disent-ils, c'est être assuré de l'obtenir, aussi les uns lui confient leur ministère, les autres lui donnent la direction de leur paroisse et se considèrent simplement comme ses vicaires. Il y en a qui la prenne pour guide de leur vie intérieure, lui reconnaissant la science d'un docteur.

Quelques-uns sont venus en réparation, n'ayant pas voulu reconnaître les dons que le ciel lui a départis, et se sont engagés à propager sa dévotion, soit en se servant de la presse, lorsqu'ils en avaient la possibilité, ou en pressant les âmes qui leur étaient confiés de recourir à son intercession. L'un deux me faisait cet aveu: " Je ne voulais pas me rendre, mais la petite sœur m'a terrassé, maintenant, je ne puis exprimer mon admiration ; je suis enthousiasmé!" Ce qui les charme, c'est cette vie intérieure intense avec une si grande simplicité. Aussi, quels vœux ardents pour sa prompte béatification ! Le doyen d'une paroisse du nord me disait :" Je recommande beaucoup la confiance en la petite sœur, mais aussi la prudence, afin de ne rien faire qui ressemble à un culte. Ce serait bien malheureux de compromettre une si belle cause".

Plusieurs sont favorisés de parfum sur sa tombe ou ailleurs, et ne tarissent pas sur les grâces surnaturelles qu'ils doivent reconnaître devoir à son intercession. Ils viennent nombreux solliciter la faveur de célébrer la Messe dans la chapelle de la petite Thérèse, là où elle s'est sanctifiée et consumée d'amour pour Dieu et les âmes. Depuis le commencement de l'année 1912, les Messes célébrées, s'élèvent au nombre de 1395.
Preuve de progression pour l'année 1912, pendant 8 mois, 191messes ont été célébrées ; cette année, pendant 8 mois également, il y en a eu 286.

Les religieuses, les personnes du monde, n'ont pas une confiance moins grande en la servante de Dieu, et ne sont pas moins favorisées. Leur dévotion est touchante : " Cette petite sœur, disent-elles, s'occupe absolument de tout, aussi font-elles dire un nombre considérable de messes, soit pour obtenir sa béatification, soit en actions de grâces pour des faveurs obtenues, ou pour en obtenir de nouvelles. Conversions, guérisons, protections pour des soldats, délivrance des âmes du Purgatoire. Le nombre des messes demandées depuis le commencement de l'année 1912 jusqu'à ce jour, s'élève à 166....
Preuve de progression : la 1e année 1912 pendant 8 mois, 9.594 messes ont été demandées. Cette année pendant 8 mois également, les demandes se sont élevées à 56.800.
La simplicité de sa vie les encourage, et provoque leur admiration, il n'est pas rare de les entendre dire :" Elle n'a rien fait d'extraordinaire, c'est vrai, mais quelle vie intérieure ! Que nous voudrions bien aimer le bon Dieu comme elle !"

Ses reliques sont un trésor, quand on sait qu'une personne en possède, on envie son bonheur ! aussi me disait-on nous en distribuons continuellement. Les officiers les fixent dans les plis de leur drapeau, les soldats les réclament sans cesse comme une sauvegarde ...C'est par centaines de mille que le carmel donne ces souvenirs sans pouvoir satisfaire complètement les solliciteurs, nous sommes quelquefois obligées d'en refuser. Les missionnaires constatent dans les païens une grande confiance en la Servante de Dieu, "c'est merveilleux, disent-ils le bien qu'elle fait chez nos sauvages."

Les pèlerinages à sa tombe augmentent chaque jour. J'entends assez souvent parler d'une affluence considérable qui empêche d'y aborder. Là, on prie, on pleure, on espère, et on s'en retourne fortifié ou consolé. Il s'y opère de vraies transformations : telle est venue au désespoir, qui s'en va pleine de confiance, le visage irradié comme si elle venait du ciel. Une personne en a été témoin : dans les nombreux pèlerins, on remarque particulièrement les missionnaires et actuellement, les officiers et les simples soldats dont la confiance en la servante de Dieu se manifeste chaque jour davantage, et souvent est récompensée par des grâces merveilleuses. Les récits de conversions, de guérisons, de grâces temporelles que j'ai entendus au parloir, sont innombrables. Un prêtre me disait :" je viens ici en actions de grâces pour la guérison de mon neveu atteint d'une fièvre typhoïde avec hémorragie, et désespéré des médecins. Nous attendions sa mort de jour en jour, mais il avait auprès de lui une image de la petite Soeur qui ne le quittait pas et il avait en son intercession une grande confiance. Maintenant, il est parfaitement guéri.

Une autre fois, c'est la conversion d'un pécheur endurci, refusant le prêtre, ayant perdu connaissance. Une neuvaine est faite à Sr Thérèse à ses intentions,
au septième jour, le malade retrouve sa connaissance, demande le prêtre reçoit la Ste Communion, l'Extrême-onction et meurt avec de parfaites dispositions. C'est encore l'abjuration d'un vieil israélite de 80 ans : il permettait que ses enfants soient catholiques, mais lui refusait obstinément de quitter la religion de ses ancêtres malgré des instances réitérées. Pour obtenir cette conversion si désirée, la famille s'adresse à la servante de Dieu. Un prêtre la fait connaître au malade, lui prête la Pluie de Roses qui l'intéresse vivement, et sans qu'il y ait sur lui aucune pression, il change de détermination et meurt dans la religion catholique
On demandait la guérison d'un enfant : cet enfant meurt, mais avec des sentiments si admirables, que les parents ont été consolés. Depuis, le Père et la Mère sont souvent favorisés de parfums de violettes

Sr Thérèse semble avoir une prédilection marquée pour les soldats, tant ils sont entourés de sa protection. Les uns la voient dans les tranchées, les autres sur le champ de bataille, tous sont encouragés par cette douce vision, beaucoup échappent à une mort certaine.

Voici un fait qui m'a été raconté par un prêtre, il y a quelques semaines :"Un cycliste à l'état-major et par là même très exposé, voit tomber à ses côtés 3 de ses camarades tués par un obus, sa bicyclette est démolie sous lui par ce même obus et projetée à 10 mètres, et lui n'a pas la moindre égratignure ! Sa mère attribue cette protection à une relique de Sr Thérèse de l'E.J. que le jeune homme portait sur lui. Les faits de ce genre ne sont pas rares.

La servante de Dieu révèle assez souvent sa présence par des parfums, roses violettes, encens, etc. Cela s'est produit plusieurs fois dans la communauté ; les personnes du monde en sont plus favorisées. Sur la demande de quelques unes, elle se tient auprès d'elles comme leur Ange gardien, sans cependant leur manifester directement sa présence, mais en répandant près d'elles à leur insu, un parfum délicieux dont elles sont informées par les personnes qui les aborde et qui demandent d'où peut venir une odeur aussi pénétrante.

Sr Thérèse fait quelquefois pressentir les épreuves, je le sais pour en avoir fait moi-même l'expérience: le 2 janvier 1911, en prenant ma place au réfectoire pour la collation du soir, j'aperçus devant moi sur la table, quelque chose qui me parut être un bout de bois insignifiant. Pendant le repas, je remarquais plusieurs fois sans y ajouter aucune importance, et même je me disposais à quitter le réfectoire sans me rendre compte de ce que cela pouvait être, lorsqu'une sœur placée près de moi me fit signe de le prendre. Je le fis, et quelle ne fut pas mon étonnement en voyant dans ma main une épine très pointue et assez longue, elle a 5 centimètres. Je voulus la casser, mais une lumière très vive m'arrêta ; je pensais qu'il ne fallait pas la briser parce qu'elle pourrait ne pas être une épine ordinaire. Je demandais à la provisoire pourquoi elle avait mis cette épine à ma place, elle me répondit qu'elle ne comprenait pas ce que je voulais lui dire. Des informations furent prises auprès des sœurs de la cuisine, toutes affirmèrent y être étrangères, on ne découvrit absolument rien qui puisse donner l'explication de ce fait. Il était donc évident qu'il n'y avait là aucune intervention humaine ; je compris aussitôt ce qu'elle signifiait : Sr Thérèse m'avertissait de la mort de ma Mère que rien cependant ne pouvait faire prévoir. Je m'y préparais sans toutefois me douter que deux mois à peine m'en séparaient. Ma Mère en effet décéda le 27 février suivant.

La servante de Dieu avait promis qu'elle descendrait auprès de ceux qui l'invoqueraient. Un soldat belge, souffrant depuis le mois d'octobre 1914 d'asthme, de douleurs névralgiques au cœur, et d'une grande faiblesse générale fut soigné dans plusieurs hôpitaux sans obtenir de guérison. Au Bon Sauveur de Caen, Sr Paule, son infirmière, lui remit une image et une relique de Sr Thérèse en lui conseillant de la prier, ce qu'il fit avec une grande confiance. Ayant entendu dire que la servante de Dieu faisait tomber une pluie de roses, il éprouva un grand désir d'en avoir seulement une. Le 30 mai 1915, la Ste Vierge lui apparut, elle était sur un tronc en forme de boule, revêtue d'un manteau bleu parsemé d'étoiles d'or, portant une couronne sur la tête, et laissant échapper beaucoup de rayons. Quelques secondes après Sr Thérèse lui apparut au côté droit de la Ste Vierge, souriante et très belle, vêtue en religieuse carmélite portant le manteau blanc. Elle tenait à la main un panier de roses, elle en jeta une sur le lit que le malade ne retrouva pas après l'apparition. Cela dura environ une minute
A ce moment, il fut saisi par un froid très vif et se mit à trembler. Quelques instants après, il s'endormit, et se réveilla le lendemain matin parfaitement guéri. Depuis ce temps le mal a tout à fait disparu. Etant venu à Lisieux faire un pèlerinage d'actions de grâces et prier dans notre chapelle, il fut très impressionné en voyant la statue de la Ste Vierge qui occupe le fond du sanctuaire, la trouvant exactement semblable à celle qui lui est apparue.