Carmel

Circulaire de Soeur Stanislas des Sacrés Coeurs

Marie Rosalie Guéret   1824-1914

Paix et très humble salut en Notre‑Seigneur qui, dans l'Octave de l'Ascension, est venu associer à son triomphe, nous en avons la confiance, notre bien‑aimée sœur Marie-Rosalie SAINT‑STANISLAS DES SACRÉS‑COEURS professe et doyenne de notre communauté, âgée de 90 ans, 19 jours, et de religion 69 ans, un mois, 17 jours.

Cette vénérée sœur ayant demandé instamment de ne pas avoir de circulaire, nous croyons devoir accéder à son humble désir; mais il nous est impossible de ne pas dire au moins quelques mots de sa vertu dominante: la charité. Nos sœurs anciennes ne se souviennent pas d'avoir vu Sr Saint-Stanislas, dans les différents offices du monastère qu'elle remplit avec une entente et une activité extraordinaires, refuser jamais un service, fut‑elle surchargée de besogne, et cela immédiatement, avec une bonne grâce parfaite.

Cette charité brilla, surtout dans l'emploi d'infirmière qu'elle exerça de longues années. Elle eut ainsi la consolation de prodiguer ses soins à notre chère Sœur Thérèse de l'Enfant‑Jésus :« Si vous saviez, disait la Servante de Dieu à ses novices, comme les soins dont je suis l'objet de la part de Sr Saint‑Stanislas me rappellent la bonté de Dieu ! Elle panse les plaies avec tant de douceur! Je la vois choisir les linges les plus fins et elle les applique avec une main de velours. Cela me fait louer Dieu de me donner, par cette bonne soeur, une idée de la délicatesse infinie avec laquelle il panse et guérit les plaies de nos âmes. »

   De son côté la vénérée doyenne s'édifiait de la patience de sa jeune malade; et le souvenir de ses vertus lui inspira les lignes suivantes que nous transcrivons ici, d'après son désir : «  C'est en présence de la Très Sainte Trinité que moi, Sr Saint‑Stanislas, ayant été plusieurs années dans les mêmes emplois que Sr Thérèse de l'Enfant‑Jésus, j'affirme l'avoir toujours vue pratiquer la vertu d'une manière héroïque et que je n'ai pu découvrir en elle d'imperfection. Jamais elle ne me fit aucune réflexion sur ce que je lui demandais de faire, étant sa première d'emploi, et sa parfaite régularité m'a constamment édifiée. A propos de Monsieur son père, elle a beaucoup souffert, mais en silence, et dans toutes les circonstances pénibles où je l'ai vue, j'ai admiré en elle une grande force d'âme.     Dans la maladie qui l'a conduite au tombeau, malgré ses grandes souffrances, je n'apercevais rien sur son visage qui pût les faire deviner, et jamais je ne l'ai entendue proférer une seule plainte. J'ai écrit cela, dans le cas où je viendrais à mourir, afin de le faire connaître, pour la plus grande gloire de Dieu et la glorification de sa Servante, la veille de la fête du Sacré-Cœur de Jésus, de l'année 1906.  » Sr Saint Stanislas des Sacré-Cœurs.

Notre vénérée sœur n'écrivit pas, par humilité sans doute, les faveurs obtenues de celle qu'elle nommait parfois, avec un sourire de fierté, sa «petite fille » Elle nous a affirmé cependant avoir vu, après sa mort, une couronne lumineuse s'élever dans le ciel, et une autre couronne la suivre à quelque distance; mais perdue dans la brume et dont elle ne pouvait distinguer les fleurs! Cette dernière. couronne n'était‑elle pas la sienne, que. 17 ans de privations et d'infirmités croissantes devaient. parachever ?

Une autre fois, dans un moment d'angoisse, elle nous dit avoir vu le soir, le portrait de sa «petite fille» suspendu au mur de l'infirmerie, dégager un rayon de lumière qui vint jusque-là elle et la réconforta.

Enfin, dans ces derniers mois, alors que sa charitable infirmière aidée d'une de nos sœurs du voile blanc, 1ui donnait ses soins, toutes les trois sentirent un mystérieux parfum de roses, attestant en quelque sorte la présence et aussi l'assistance de la Servante de Dieu.

Un autre jour, sa dévouée infirmière, très fatiguée elle‑même, se trouvant seule à laver ses plaies, dont l'odeur était infecte, sentit un suave et très intense parfum de violettes l'embaumer, tout à coup. N'était‑ce pas encore un merci, et un encouragement de celle qui avait trouvé si douce autrefois, la main de la vénérable infirme ?

Notre bonne sœur Saint‑Stanislas se montra très patiente pendant les derniers jours de sa vie. Atteinte depuis plusieurs années de diverses infirmités dues à son grand âge, elle fut prise de la grippe dimanche dernier. Comme elle avait beaucoup de peine à s'exprimer à cause de sa suffocation, si nous lui demandions ce qu'elle désirait, elle répondait sans cesse : « La miséricorde du Bon Dieu ! »

Le mal s'aggravant d'heure en heure, nous lui fîmes administrer les derniers sacrements, qu'elle reçut avec une grande piété.

C'est seulement la veille de sa mort, vendredi 22 mai, après la réception du saint Viatique, à 3 heures de l'après‑midi que la vénérée malade perdit peu à peu connaissance. Cependant, vers 9 heures du soir, elle baisa encore son crucifix avec une piété touchante. Enfin, après une agonie des plus pénibles qui se prolongea jusqu'au lendemain samedi, à 5 heures un quart du matin, elle rendit le dernier soupir, les sœurs infirmières et nous présentes.

Notre si chère doyenne avait fait et renouvelé bien des fois L'ACTE d'OFFRANDE de Sr Thérèse de l'Enfant‑Jésus à l'Amour MISERICORDIEUX, ainsi que le vœu héroïque en faveur des âmes du Purgatoire. Tout nous fait donc espérer que la main du bon Dieu n'aura été que très douce et bénissante pour cette âme droite et pure, si reconnaissante des grâces reçues, surtout au moment de ses deux jubilés, et d'une délicatesse de conscience vraiment remarquable.

Cependant, ma Révérende Mère, nous vous prions de lui faire rendre au plus tôt les suffrages de notre saint Ordre; et par grâce, d'après ce qu'elle‑même nous a demandé, une communion de votre fervente communauté, l'indulgence du Chemin de la Croix, celle des six Pater, une invocation au Sacré-Cœur de Jésus, le Magnificat et le Te Deum.

Nous avons la consolation de nous dire avec un religieux et fraternel respect,
Ma Révérende et très honorée Mère, Votre humble sœur et servante,
Sr AGNÈS DE JÉSUS,
r. c. ind.
De notre Monastère du Sacré-Cœur de Jésus et de l'Immaculée Conception des carmélites de Lisieux, le 24 mai 1914