Carmel

Biographie de Soeur Stanislas des Sacrés Coeurs

Rosalie Guéret 1824-1914

toujours prête à aider

Stanislas sign

Des Lexoviens solides

Tous natifs de la paroisse Saint-Jacques de Lisieux, les Guéret devaient avoir un tempérament résistant! Rosalie, notre héroïne, cinquième des six enfants, née le 4 mai 1824, rue de la Paix, mourra au lendemain de ses 90 ans. Joséphine (1818- 1900) avoisine les 82. Des trois garçons, Joseph- Stanislas, Pierre-Eugène et Eugène-Alexandre (nés en 1820, 1823, 1828), on ignore tout. Si l'aînée, Caroline (1817-1892), est enlevée «prématurément» à 75 ans, c'est peut-être qu'elle a connu des années qui comptent double. Quant au père, Nicolas-Joseph, il franchit presque la barre du centenaire (1790-1888). Son épouse, Rosalie Valle, originaire de Fumichon, n'avait pas sa robustesse : elle disparaît à 49 ans. Les Guéret- Valle exercent la profession de fabricants de toile, industrie lexovienne en pleine expansion. L'aisance du foyer est tout de même relative puisque Madame Guéret doit reprendre son métier de blanchisseuse.

L'enfance de Rosalie aurait été marquée par la souffrance, à en croire la chanson jubilaire de 1897 (« Du sceau divin de la souffrance/Dieu vous marqua dès le berceau,/Sœur vénérée, en votre enfance/La croix devint votre flambeau »; composition de Mère Agnès de Jésus.) On ignore absolument ce dont il s'agit.

L'abbé Pierre-Nicolas Sauvage prépare l'enfant à la première communion et ne cesse plus de s'intéresser à elle. Elle n'a pas connu «le monde» (« Votre cœur pur de jeune fille/Ne connut pas la vanité,/Mais la douce vie de famille/Le bonheur de la charité. ») A en juger par son écriture et son orthographe, elle n'a guère fréquenté l'école. A quoi bon, aura-t-on pensé, puisque dès ses quatorze ans elle n'aspire qu'à suivre les traces de Caroline au Carmel?

Caroline la fondatrice

Le rôle déterminant des sœurs Gosselin dans la fondation du Carmel de Lisieux (Annales, janvier 1983) ne doit pas éclipser celui de Caroline Guéret. Celle-ci n'a pas dix-huit ans quand elle manifeste à M. Sauvage sa détermination d'être carmélite. Mais la Révolution a balayé le Carmel de Caen, il faut chercher hors du Calvados. Il présente donc sa postulante à Pont-Audemer (Eure). Essai décevant : ce Carmel a dû, pour rouvrir ses portes en 1803, prendre en charge un pensionnat. Or Caroline veut la vie purement contemplative; elle rentre chez elle après quelques mois. Mais les Supérieures de Pont-Audemer ont discerné la valeur de M. Sauvage. Aussi lui adressent-elles les demoiselles Gosselin, leurs anciennes élèves, quand celles-ci décident de fonder un nouveau monastère (1835). Le vicaire de Saint-Jacques parle du projet à Caroline. Au printemps 1 837, elle se joint avec l'enthousiasme de ses vingt ans aux deux fondatrices pour aller faire son noviciat à Poitiers. Revenue à Lisieux avec l'essaim poitevin (15 mars 1 838) elle fait profession le 1 6 septembre. Sœur Saint-Jean de la Croix — c'est son nom — ira en 1862 remplacer à Saïgon une des fondatrices terrassée par le climat. Elle y remplit cinq ans la charge de sous-prieure. A peine rentrée à Lisieux, elle repart à l'automne 1868 avec la prieure, Mère Marie-Baptiste, et deux autres sœurs, pour restaurer le Carmel de Caen. Elle ne reverra plus son monastère d'origine et succombera à l'influenza le 14 janvier 1892.

Soeur Saint-Stanislas avant Thérèse (1845-1888)

Rosalie n'a jamais quitté son père. Elle est « sa consolation », surtout depuis la mort de la maman (1 7-4-1 844). Pourtant ce grand chrétien ne refuse pas à Dieu cette seconde fille. Elle est reçue par Mère Geneviève le 6 avril 1845. Le Père Sauvage lui donne l'habit le 1 5 janvier 1 846. M. Guéret se remarie alors (9-2-1 846) avec Aimée Toutain, une célibataire de 44 ans qui habite juste en face du Carmel : c'est une cousine de soeur Madeleine du Saint-Sacrement (Annales de mars 1983).

Sœur Saint-Stanislas fait profession le 8 février 1847. Longtemps elle souhaitera «partir vers la Chine lointaine», ce Saïgon dont il est question dès 1849. On lui préférera Caroline. Mais quel glaive quand celle-ci s'enfuira littéralement pour Caen, le soir du 19 octobre 1868, avec la prieure et les deux sœurs, sans prévenir la communauté, sans un baiser d'adieu à sa Rosalie!

Après ce départ dramatique, il faut procéder à des élections. Sœur Saint-Stanislas est nommée première dépositaire (ou économe), la prieure étant Mère Geneviève, la sous-prieure sœur Marie de Gonzague (34 ans). Maintenue dans cette charge jusqu'en 1874, elle devient alors troisième conseillère et le restera jusqu'au 20 février 1893.

Affectée aux différents emplois du couvent, elle les remplit « avec une entente et une activité extraordinaire » : les Guéret sont de grands actifs! Sa charité est proverbiale, elle ne refuse jamais un service :
« Nous survient-il dans notre office
Quelque souci, quelque embarras?
Toujours prête à rendre service,

Nous trouvons Sœur Saint-Stanislas», dit la chanson.

Avec Thérèse (1888-1897)

Estime et affection mutuelles résument les relations de sœur Saint-Stanislas et de Thérèse. Et cependant quels contrastes entre la toute petite ancienne de 64 ans et la grande postulante de 1 5 ans! De la première, « toujours jeune de cœur » il est vrai, on admire le «dévouement héroïque», source d'une « activité qui édifie et défie les plus jeunes» (CG II, 1172). De sœur Thérèse, on ne tarde pas à trouver qu'elle est « lente et peu dévouée dans les emplois» (CJ 13.7.18). Une vertu sans faille, de part et d'autre, permet une collaboration paisible à la sacristie, du 10 février 1891 au 20 février 1893. Certes, sœur Saint-Stanislas soupire bien un peu après la « petite sœur Ainsi soit- il » qui passe un temps fou à gratter cierges et encensoir. Mais elle lui rend hommage: «Je l'ai toujours vue pratiquer la vertu d'une manière héroïque et je n'ai jamais remarqué une imperfection. Jamais elle ne m'a fait réflexion sur ce que je lui demandais de faire; toujours d'une grande régularité en tout.» (Mémoire de 1906).

Et encore : « A la mort de Monsieur son Père, elle a beaucoup souffert mais en silence, et dans toutes les circonstances pénibles j'ai toujours remarqué en cette chère sœur une grande force d'âme. » Si la « première d'emploi » n'avait été retenue au lit, en janvier 1892, par l'influenza, elle aurait pu admirer l'aisance avec laquelle son auxiliaire s'en tirait seule à la sacristie, pour préparer les enterrements, les vases sacrés, etc. (Ms A, 79 r°/v°)...

Après la disparition de quatre carmélites en cinq semaines, Sœur Saint-Stanislas se retrouve, en février 1 892, doyenne de la communauté. On fête avec affection ses cinquante ans de vêture (1 5 janvier 1 896). Thérèse y va de quelques vers : « De tous nos cœurs elle est aimée/Comme un bien doux présent du Ciel/... Vos bontés nous sont bien connues/Ainsi que votre tendre amour. » (Poésies, II, 317.)

Aux élections de 1896, on permute les emplois. Sœur Saint-Stanislas devient première infirmière (poste qu'on lui a souvent confié déjà) et Thérèse revient à la sacristie. Mais bientôt elle tombe malade et la doyenne retrouvera sa « petite fille » pour la soigner de son mieux, surtout à partir du printemps 1897.

C'est pour le jubilé d'or de sœur Saint-Stanislas que Thérèse compose sa huitième et dernière « récréation pieuse », Saint-Stanislas Kostka (8 février 1 897); courte composition, jouée par les novices. Au jeune saint jésuite, mort à moins de dix-huit ans, l'auteur prête ses propres sentiments : « j'ai un désir... un désir si grand que je ne saurais être heureux dans le Ciel s'il n'est pas réalisé... travailler (encore) au salut des âmes... dans le Paradis... revenir sur la terre afin de protéger des âmes saintes dont la longue carrière ici-bas complétera la mienne. » (RP 8).

Lorsqu'en avril-mai 1897, vésicatoires et pointes de feu lui lacèrent le dos, Thérèse s'émeut des attentions de sœur Saint-Stanislas: «Elle panse les plaies avec tant de douceur! Je la vois choisir les linges les plus fins, et elle les applique avec une main de velours » (Circulaire). Et puis «l'infirmière est là qui veille à ce que rien ne vous manque. Ah! pourquoi ne faisons-nous pas la même chose pour les maladies spirituelles de nos sœurs. » (DE, 393). Thérèse s'amuse du « sirop de limaçon » (CJ 6.6.6.), est touchée aux larmes pour une boisson rafraîchissante que la bonne petite vieille lui monte un soir de fièvre (DE, 785). Parfois, si son âme est «embaumée devant un pareil dévouement» (l'infirmière, toujours active, ne craignant pas «de faire deux mille pas là où vingt suffiraient»), elle avoue que son esprit en est «un peu paralysé», tandis qu'elle écrit son dernier manuscrit dans l'allée des marronniers (Ms C, 17r°). Pour ne pas peiner l'ancienne, maintenant sourde, elle supporte un amoncellement de couvertures en plein mois d'août (DE, 520). Elle ne manque jamais de la remercier par « des sourires et des caresses... pour le moindre service» (CJ 4.9.1.).

Sœur Saint-Stanislas n'oubliera jamais cet été 1897 : « Dans la maladie qui la conduisit au tombeau, malgré ses grandes souffrances, je n'apercevais sur son visage aucun signe qui fit apercevoir qu'elle souffrait beaucoup; jamais une plainte... »

Dernière étape (1897-1914)

Une dernière fois, la doyenne est élue troisième conseillère (1899-1902), sous un priorat de Mère Marie de Gonzague. Mais les infirmités de l'âge ont raison de sa résistance. Et c'est une jubilaire (de diamant) en petite voiture drapée de blanc que Mgr Lemonnier roule lui-même sous le cloître, le 8 février 1907. Sœur Saint-Stanislas lui offre une photographie de la petite Thérèse en lui disant «qu'elle protégeait son épiscopat».

Encore sept années de plus en plus pénibles, à l'infirmerie, illuminées parfois par des visites posthumes de sa «petite fille» : rayon de lumière se détachant d'un portrait suspendu au mur, intense parfum de violettes venant embaumer « ses plaies dont l'odeur était infecte», etc. Quelques jours après ses 90 ans, en mai 1914, une épidémie de grippe frappe le Carmel. Elle est mortellement atteinte. Elle suffoque, on lui demande comment la soulager, ce qu'elle désire. Unique réponse : «La miséricorde du bon Dieu!» (Elle avait fait sienne depuis longtemps l'Offrande à l'Amour miséricordieux.) Dans la soirée du 22 mai, elle baise encore son crucifix et perd connaissance. Longue et très dure agonie, et c'est enfin l'entrée dans la Vie, à l'aube du samedi 23 mai 1914.

« Sa petite Thérèse l'avait voulue près d'Elle pour son premier triomphe », l'accord de Pie X à l'introduction de la Cause en cour de Rome le 10 juin 1914.

Sr Cécile ocd