Marie Lerebourg 1809-1892Première postulante du Carmel de Lisieux Enfance et jeunesse (1809 1835) «Ce siècle avait neuf ans» (le XIXe bien sûr) quand vint au monde Eugénie-Marie Lerebourg, le 16 février 1809, à Saint-Méen-le-Grand (IIle-et-Vilaine). Son père, 37 ans, est gens d'arme impérial. Il signe alors Charles Larbourg - et Eugénie est enregistrée sous ce nom. La maman, Julienne Giclais, 32 ans, originaire de Bédée (IIle-et-Vilaine), village de la Radois, est issue d'une famille nombreuse de laboureurs. Trois garçons au moins ont précédé Eugénie : de l'aîné (vers 1804-1805), on n'a jusqu'ici retrouvé aucune trace; puis vient Charles qui meurt à 4 mois (1806) et François (1807-1809) qui meurt quelques heures après la naissance d'Eugénie. Le 17 février 1809, le curé Dublot procède à l'inhumation de l'un et au baptême de l'autre. Charles Larbourg est affecté à la brigade de Saint-Méen vers l'été 1806. C'est là qu'il perd sa femme, en 1813. Eugénie n'a que 4 ans et demi. Impossible au gendarme de s'occuper de ses deux enfants! Il confie la petite à l'institutrice du lieu, «laquelle ne sachant pas conduire ce coeur si tendre ne sut que la rendre malheureuse et lui donna plus de coups que de caresses », dit la circulaire du Carmel. On ignore le sort du frère aîné. En 1813, le père se fait appeler « Charles d'Airbourg » : sans doute a- t-il reçu un titre honorifique de l'Empereur, pour ses bons services. Mais son zèle pendant les Cent-Jours lui est fatal. Peu après son retour, Louis XVIII le fait destituer le 30 septembre 1816, avec une quinzaine de collègues, comme «mauvais sujets» (du Roi!), pour le seul arrondissement de Montfort. Il n'est plus alors que Charles Lerebourg, et il meurt quelques années plus tard. Eugénie est maintenant une jeune fille. Son frère aîné, marié en Bretagne, l'appelle près de lui, mais on ne sait ni où ni quand. Vers 1829, elle rencontre un prêtre (l'abbé Olivier?) qui exerce un ministère dans le diocèse de Bayeux. Il s'intéresse à l'orpheline, la fait recevoir au Bon Sauveur de Caen comme dame pensionnaire. Dans cette ambiance de piété, Eugénie se sent à l'aise ; Jésus parlait à son coeur. Le dévouement des Soeurs qui dirigent cet établissement lui fit demander la faveur d'être admise au Noviciat, ce qui lui fut accordé. Son bonheur ne fut pas long, des vomissements de sang étant survenus, on la crut poitrinaire et elle se vit obligée de sortir au bout d'un an. Dans l'attente d'une indication providentielle, Eugénie trouve un poste de sous-maîtresse dans une école, à Caen d'abord, puis à Lisieux. L'appel au Carmel (1835 1838) A la même époque, deux jeunes femmes du Havre, Athalie et Désirée Gosselin, décident de se consacrer, corps et biens, à la fondation d'un nouveau Carmel. Celui de Pont-Audemer (Eure) les oriente vers le Calvados et les met en relation avec M. Pierre-Nicolas Sauvage (1794 1853), Sulpicien, vicaire de son oncle à Saint-Jacques de Lisieux. Mgr Dancel, évêque de Bayeux, choisit Lisieux pour l'implantation, désigne l'abbé Sauvage comme supérieur du futur monastère, et meurt quelques mois après (1836). Mgr Robin, son successeur, se montre des plus favorables. C'est alors qu'Eugénie fait la connaissance de l'abbé Sauvage. Celui-ci, reconnaissant en cette jeune personne la vocation religieuse, lui parla de ses projets qui la comblèrent d'espérance et de joie. Voilà donc une première postulante toute trouvée, bientôt suivie de deux autres. Mais comment former ces aspirantes qui ignorent tout du Carmel? Après de longues démarches infructueuses (lire le récit de la fondation), le Carmel de Poitiers enfin accepte de prêter deux religieuses et d'accueillir les premières aspirantes pour un noviciat régulier. Les demoiselles Gosselin et Caroline Guéret, lexovienne de 19 ans, adoptent ce parti. Eugénie, pour sa part, préfère terminer son année scolaire 1836-1837. Conduites en diligence par M. Sauvage, les trois postulantes prennent l'habit à Poitiers le 26 avril 1837. En juillet, Mlle Lerebourg fait une retraite au Carmel de Pont-Audemer. Sa vocation s'y affermit tellement qu'elle veut rejoindre de suite ses compagnes. Le Supérieur l'en dissuade : qu'elle attende plutôt la fondation à Lisieux même. Elle retourne quelques semaines en Bretagne, dire adieu à son frère et à sa nombreuse parenté. En février 1838, pèlerinage à la Délivrande, et nouvelle retraite à la « Communauté de la Charité », avec une autre aspirante. Il faut maintenant préparer la maison provisoire des fondatrices. «Bethléem», chaussée de Beuvillers (15 mars-5 septembre 1838) A l'origine, M. Sauvage voulait établir ses carmélites sur la hauteur de Lisieux, dans le quartier dit «du Nouveau Monde». Après des déboires multiples, il doit se rabattre sur une modeste maison, rue de Livarot, dans la cuvette insalubre de l'Orbiquet. En attendant son aménagement en monastère régulier, l'essaim fondateur sera hébergé par une veuve, Mme Le Boucher, chaussée de Beuvillers. Dans cette pauvre maison normande, aujourd'hui coquette maison à colombages, à l'entrée de la rue du P. Zacharie du côté voie ferrée), les fondatrices trouveront «la pauvreté de Bethléem telle qu'elles l'avaient rêvée dans leurs oraisons ». Le Supérieur va quérir son monde à Poitiers : Mère Élisabeth de Saint-Louis, 62 ans, prieure, qui mourra dès 1842 ; soeur Geneviève de Sainte-Thérèse, 33 ans, maîtresse des novices, et les trois novices, Thérèse de Saint-Joseph (Athalie Gosselin, 30 ans), Marie de la Croix (Désirée Gosselin, 26 ans), Saint-Jean de la Croix (Caroline Guéret, 21 ans). Après un voyage aussi pittoresque que fatigant, digne des Fondations de Thérèse d'Avila, on arrive à Lisieux le 15 mars 1838, à 4 heures du matin, sous une pluie battante. Eugénie attend les voyageuses au relais. En guise de carrosse, elle a fait préparer une charrette bâchée (pour la plus grande humiliation de M. Sauvage...). Les bagages ne peuvent y trouver place, Eugénie reste à les garder à l'hôtel, plus morte que vive, seule dans la nuit! A l'arrivée au «pauvre Bethléem », pas un mot d'accueil, silence complet de la part de Mme Leboucher... sur la recommandation d'Eugénie, car elle sait que les Carmélites observent un grand silence de 20 heures à 7 heures ! Il faut attendre 3 heures avant d'ouvrir la pièce destinée à l'oratoire : la clé est restée dans la poche d'Eugénie! Et quand elle arrive enfin, la clé ne peut tourner dans la serrure... On s'installe tant bien que mal dans le misérable logis. Et c'est là que, le 19 mars 1838, Mlle Lerebourg devient la première postulante de Lisieux, sous le nom de soeur Saint-Joseph de Jésus. Elle a 29 ans. Les deux Mères de Poitiers s'activent pour organiser la maison de la rue de Livarot, à cinq minutes de marche de chez Mme Leboucher. La ruelle qu'elles empruntent est si solitaire qu'il leur arrive de ne croiser qu'une pie, «silencieuse», précise M. Sauvage, qui a de l'humour à revendre. Mgr Robin célèbre une première messe le 24 août 1838 (jour de la fondation de Saint-Joseph d'Avila : 24 août 1562). La communauté se transfert le 5 septembre 1838. «Vrai type des premières carmélites» (1838 1888) Les trois novices formées à Poitiers font profession le 16 septembre. Et soeur Saint-Joseph prend l'habit le 16 octobre 1838. Elle émet ses voeux l'année suivante, le 20 novembre 1839. L'abbé Olivier — d'abord épouvanté de voir une «poitrinaire» aspirer au Carmel — prêche sa prise de voile le 22 novembre. Et le rideau tombe sur cette existence obscure s'il en fut. La soeur demandera, au soir de sa vie, à n'avoir pas de circulaire. Mère Marie de Gonzague, alors prieure, respectera «le désir de cette âme remplie de simplicité et d'innocence, vrai type ancien des premières filles de Notre Mère Sainte Thérèse, et dont la mort, comme la vie humble et cachée, nous laisse une grande paix et une douce assurance de son bonheur. » La chronique ajoute ces quelques mots : Ce qu'elle fut dans notre cher monastère, il n'y a que ceux qui l'ont connue qui pourraient nous le dire. Ame très scrupuleuse, mais aussi très obéissante, ses supérieurs n'avaient qu'à lui dire : «Allez en paix... je m'en charge... », on voyait Soeur Saint-Joseph épanouie et aller à Jésus sur cette simple parole. Elle était bonne, charitable, aimant particulièrement les petites novices et même, ce qui ne nuit pas à l'union des coeurs, sachant faire des petites malices. Elle aura, au fil des ans, quarante-quatre petites novices à aimer et à taquiner! Plusieurs mourront prématurément. D'autres partiront comme fondatrices à Saigon (1861), Coutances (1866), Caen (1868). La quarante-troisième d'entre elles s'appellera Thérèse Martin... Avec Thérèse (1888-1892) A l'entrée de Thérèse, le 9 avril 1888, il ne reste plus que deux témoins de la fondation : Mère Geneviève, 83 ans, et soeur Saint-Joseph, 79 ans. Celle-ci est totalement sourde depuis plusieurs années. Les relations consisteront surtout en échanges de sourires! En raison de son infirmité, la vieille soeur demande, pour son jubilé d'or (20 novembre 1889) : «pas de grand'messe, ni sermon, ni visite au parloir. » Tout se passe dans l'intimité de la clôture. On lui offre quantité de petits cadeaux: elle s'en faisait une fête depuis des mois, voulant les réserver tous à son neveu, le Père Louis Gillois, missionnaire Père Blanc, alors supérieur du Petit séminaire de Carthage. Sur l'air de « Je suis chrétien », soeur Agnès de Jésus a composé une longue chanson humoristique, rappelant les péripéties de la fondation. Quoique sourde, la jubilaire rit avec tout le monde, comprenant avec son bon jugement et son bon caractère que nous exaltions certaines petites méprises... À notre chère jubilaire Sr St Joseph R. Oh ! quel joyeux anniversaireNous célébrons en ce beau jourA notre heureuse jubilaireChantons, chantons tout notre amour 1er c. Délices des noces sacréesAh faites-vous goûter encoreLa chaîne de cinquante annéesN'est-ce pas une chaîne d'orR. Au monde les joies périssablesAu monde les sentiers battusA vous les trésors ineffablesA vous le ciel, à vous Jésus 2e c. Et maintenant Soeur bien-aiméeLaissez le présent, l'avenirPour remettre à votre penséeQuelques bons petits souvenirsR. Oh ! quel joyeux anniversaire... 3e c. D'abord c'est la sainte colèreDe Monsieur l'abbé OlivierComment, dit-il, vous poitrinaireAu carmel pouvez-vous songerR. Saint directeur votre sagesseest en défaut pour le momentJe suis à l'extrême vieillesseMa poitrine a quatre-vingt ans 4e c. Les navets, les pommes de terreMa pauvre vie mènent encoreCe n'est pas un régime austèreQui peut jamais donner la mortR. D'ailleurs si je tombe maladeLe remède est vite trouvéUn plat de diète en saladePar le docteur est ordonné 5e c. S 5e c. Comme je vais en décadenceQuand je n'aurai plus le pied bonVous m'aurez, j'en ai l'espérancePour monture un dos de moutonR. Mais ne mettons pas en désordreLe long fil de notre discoursMes enfants, procédons par ordreEt cependant riez toujours 6e c. Voyez mon carmel qui arriveIl est trois heures du matinJe l'attends plus morte que viveSeule dehors dans le cheminR. Oh ! quel joyeux anniversaire... 7e c. Enfin voici la La bonne dame Leboucher8e c. Moi je reste pour les bagagesRendez vous à votre palaisVrai Bethléem à deux étagesDont la pauvreté fait les fraisR. Oh ! quel joyeux anniversaire... 9e c. Vous trouverez l'autel modesteOù devant moi le Roi des roisDescendit du palais célesteHier pour la première foisR. Oh ! quel joyeux anniversaire... 10e c. Mais voilà bien une autre histoireTrois heures dans ma poche hélasCette clé de l'humble oratoireJe gardai ne le sachant pasR. Ainsi ni Jésus, ni chapelleRien que madame LeboucherAinsi rester vis-à-vis d'elleEn silence la regarder 11e c. Pour compléter mon aventureJ'apporte la fameuse cléJe la tourne dans la serrureMais hélas j'avais beau tournerR. La communauté réunieM'attendait là sur le palierVoyant si la cérémonieAllait bientôt se terminerR. Oh ! quel joyeux anniversaire... 13e c. On rit de ma sollicitudeUn jour parce que je pleuraisVoyant avec inquiétudeSortir mes mères du palaisR. C'est que j'avais la peur étrangeQu'elles ne vinssent à tomberDans l'eau, dans la boue, dans la fangeDu dangeureux petit fossé 14e c. Une autre fois ma disciplineEntre mes bras mal exercésSautant par dessus la peau fineSur l'autel allait s'acharnerR. Oh ! quel joyeux anniversaire... 15e c. Par ce singulier exerciceTout le couvent j'amusais tantQu'on m'imposa le sacrificeDe sortir ou faire autrementR. Mais je devins plus sérieuseDu réfectoire on me chargeaVoilà qu'un jour...ah ! malheureuseBouteilles et moi tout s'étala 16e c. Père Sauvage, Mère PrieureMe virent dans la positionMais au lieu de venir sur l'heureIls en firent récréationR. Heureusement la ProvidenceM'envoya mon SamaritainGrand barbu, ma reconnaissanceN'aura pour toi jamais de fin 17e c. Encore un trait: une calotteDemanda un bon prêtre étrangerNous ne vendons point de carottesFis-je répondre à ce curéR. Mais ma Soeur, c'est une calotteDont il s'agit ! Dépêchez-vousEnfin je n'ai point de carottesA vous vendre... que voulez-vous 18e c. Je compris enfin ma mépriseEt j'acceptai ma surditéMa confiance, j'avais miseDans ma Vierge de l'escalierR. Je l'aime ma petite MèreElle me comprend bien au moinsEntend ma naïve prièreEt l'exauce dans mes besoins 19e c. Ah ! comment penser à détruireSon temple, magnifique autelIl faudra bien le reconstruireCar c'est la gloire du carmelR. Mais pour cela, maman prieureA promis de se mettre en fraisUne niche avant que je meurePetite Mère vous aurez... 20e c. J'aime tant le pauvre en détresseAh ! combien plus je vous chérisIl est bien dur à ma tendresseDe vous voir ainsi sans abriR. Là se termine mon histoireEn abrégé bien entenduPour compléter le répertoireIl faudrait bien un an et plus 21e c. Ah ! merci de chaque historietteTous ces petits traits sont charmantsConsolez-vous d'être simpletteCar Jésus bénit les enfantsR. Oh ! quel joyeux anniversaire... 22e c. Voyez aussi comme il vous traiteVenant presque chaque matinPour vous toujours la table est prêteAh ! contentez bien votre faimR. Oh ! quel joyeux anniversaire... 23e c. Vous n'entendez rien de la terreMais vous avez les chants du cielAux petits Dieu n'est point sévèreMais plus doux qu'un rayon de mielR. Obtenez-nous l'esprit d'enfancePour le posséder à jamaisAu seul mot de l'obéissanceAh ! puissions-nous aller en paix. Le noviciat avec sa benjamine, soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, ne veut pas être en reste. Soeur Marie des Anges a composé aussi son chant, sur l'air de Pitié, mon Dieu... 1* Laissez, laissez vénérée jubilaireLes tout-petits enfants de ce carmelVous assurer de leur amour sincèreFiers et joyeux en ce jour solennel Soeur vénérable,Que nous voyonsToujours bonne et aimableCombien nous vous aimons 2* Il appartient aux petites novicesDe proclamer, de chanter vos vertusVous qui aimez leur faire des malicesEt mieux encore leur parler de Jésus 3* Vous qui avez première postulanteVu se former notre communautéEt qui avez en voiture éléganteA Bethléem, nos mères amené 4* Gloire est à vous qui dès votre naissanceAvez aimé la régularitéDès le berceau, chérissant le silenceEt de chacun voulant qu'il fut gardé 5* Nous contemplons de votre sainte vieLa charité et l'affabilitéVotre vertu, ma soeur nous édifieBien en dépit de votre humilité 6* Nous admirons bien digne jubilaireVotre ferveur et votre esprit de foi,Dieu a parlé : Quand vous dit notre Mère« Allez en paix, oui, je prends tout sur moi » 7* Nous envions de votre cinquantaine,De vos vertus les trésors amassésDe lingots d'or, votre humble vie est pleineIls sont au ciel par votre ange emportés ! 8* L'Epoux divin, vierge prudente et sageVous aperçoit toujours la lampe en mainIl vous sourit tout au long du voyageA tout instant, vous dit : ne craignez rien 9* Sur votre front la touchante couronneSied ma soeur à vos quatre-vingts ansEt le bonheur qui sur vos traits rayonneEpanouit vos chers petits enfants 10* Là-haut au ciel comme en nos monastèresOn est heureux dans ce jour solennelDe tendres soeurs et les anges nos frèressSaluent ce jour, glorieux au carmelDe la maîtrese, de ses enfants,Recevez la tendresseLes plus doux sentiments. Une mort paisible (2 janvier 1892) Le 5 décembre 1891 meurt la fondatrice, Mère Geneviève de Sainte-Thérèse, après une longue maladie. Juste après Noël, l'influenza commence ses ravages. Thérèse a décrit dans son Manuscrit «le triste état de la communauté à ce moment» (79 r°/v°). Elle restera sur pied avec deux autres jeunes seulement. Soeur Saint-Joseph est atteinte l'une des premières. «Excessivement craintive [avec un père gendarme et une maîtresse qui l'avait battue!..], elle avait toujours redouté les grandes frayeurs de la mort et elles lui ont été épargnées». Il faut, disait-elle, souvent que toute justice s'accomplisse. Mais le bon Dieu à ce moment suprême prodigua ses consolations à cette âme si simple et si religieuse. On entendait cette chère Soeur appeler Jésus de tous ses voeux, on n'avait nul besoin de lui susciter des actes d'amour, d'abandon ; son agonie a été une prière continuelle, il était doux d'être près d'elle, on sentait une âme vraiment digne d'aller s'unir à son Dieu. Notre dévoué aumônier ne cessait d'ailleurs de répéter à notre chère Soeur ces paroles si consolantes : «Allez au ciel... » Oui, c'est bien le cri unanime de toutes nos soeurs : «Notre bonne Soeur Saint-Joseph est allée tout droit au Ciel!... » C'était le 2 janvier 1892. Ce jour même, Thérèse avait 19 ans. Deux autres victimes suivront, les 4 et 7 janvier. Belles morts de carmélites : «C'était sans effort que les mourantes passaient à une vie meilleure; aussitôt après leur mort une expression de joie et de paix se répandait sur leurs traits, on aurait dit un doux sommeil; c'en était bien un véritablement puisqu'après que la figure de ce monde aura passé, elles se réveilleront pour jouir éternellement des délices réservées aux élus... » (Ms A, 79 v°)