Carmel

Notes préparatoires de Soeur Marie des Anges

Pour attester l'héroïcité des vertus de la servante de Dieu, dans le procès apostolique de N.S.P. le pape Benoît XV, j'affirme soutenir tout ce que j'ai déjà dit des vertus de la servante de Dieu, dans mes dépositions du Procès diocésain.

Dès l'âge de huit ans, que je connus cette enfant de bénédiction, elle m'apparut être plutôt un ange du ciel qu'une petite fille de la terre. L'Esprit Saint reposait en elle, Dieu la possédait déjà, et l'on eut dit qu'un ange gardait l'entrée de cette petite âme tout enveloppée d'une atmosphère céleste, tant elle était calme et silencieuse, recueillie et réfléchie. On se sentait en présence d'une enfant qui n'était pas ordinaire et qui était pourtant destinée à ravir et entraîner les âmes à Dieu par la simplicité de sa sainteté, qui consiste dans la pratique héroïque des vertus les plus ordinaires, ce qu'elle fit jusqu'à sa mort, et qui fut le cachet  de sa vie.
A son entrée, la servante de Dieu surprit la communauté par sa tenue empreinte d'une sorte de majesté à laquelle on était loin de s'attendre dans une enfant de quinze ans. Elle se mit à tout avec une grâce charmante, fut le modèle du noviciat, et dépassa toutes ses compagnes par sa vertu. Elle fut remplie d'égards pour moi, son obéissance était aussi prompte qu'aveugle, elle avait une telle intuition de la vertu, de la perfection religieuse, qu'il n'y avait pour ainsi dire qu'à l'instruire de la Règle, de nos Constitutions, et des usages propres à notre Saint Ordre. Je ne me souviens pas de lui avoir fait un vrai reproche.
Je l'ai eu près de 4 ans au noviciat que je quittai 5 mois après sa Profession, [elle se trompe] chargée à son tour du noviciat ce dont elle était bien digne, elle s'en acquitta comme la religieuse la plus expérimentée. Elle eût été aussi bien capable de remplir les offices de la Cté, même la charge de Prieure.


FOI
La foi de la servante de Dieu brilla dès sa plus tendre enfance dans son amour de la prière, des fêtes variées, des offices divins, des lectures pieuses, surtout de l'Imitation de N.S.J.C. et du Saint Evangile. On sait avec quel soin édifiant elle se prépara à sa première communion, et ce que fut son amour pour l'Eucharistie.  A son entrée au carmel sa foi se manifesta dans la joie qu'elle éprouvait d'avoir enfin trouvé le lieu de son repos après lequel elle avait tant soupiré et qui n'était pour elle que la maison de Dieu et la porte du ciel. Dès le principe, elle n'y vient que surnaturellement, n'y voyant que Dieu en tout, en tous. Elle ne considérait que Notre Seigneur en l'autorité, ce n'était pour elle que l'image du Crucifix, et n'aurait-elle été que de cuivre, elle lui aurait donné le plus profond respect tout autant que s'il eut été d'or. Sa foi si éclairée ne lui fit voir que la volonté de Dieu dans la grande épreuve de la maladie de son Père, elle l'adorait avec un redoublement d'amour. Plus les souffrances et les humiliations augmentaient, et plus elle embrassait généreusement les unes et les autres.
En cette immense peine comme en toutes les croix de sa vie religieuse, elle goûta toujours une paix profonde, ce qui explique son calme imperturbable, alors qu'on lui apportait les nouvelles les plus poignantes : C'est à l'occasion de cette douleur qu'elle disait un jour à Mère Agnès de Jésus :"Tout chante en mon coeur, comme en celui de Ste Cécile ".
La foi inspiratrice de toute sa vie, de ses écrits, de ses poésies, fut soumise à bien des épreuves, à de cruelles tentations très longues et terribles :" voilà des mois que je la souffre, disait-elle, et j'attends encore l'heure de ma délivrance. Il faut avoir voyagé sous ce sombre tunnel pour en comprendre l'obscurité !"
Et le démon, pour la désespérer encore plus, lui disait :"Une nuit plus profonde t'attend encore, celle du néant ...."  C'est sans doute de ces heures d'angoisse extrême que le bon Dieu fit jaillir sur elle ces flots de lumières qui devaient lui donner l'intelligence de sa "petite voie d'abandon, d'enfance spirituelle" qu'elle a si admirablement pratiquée, enseignée à ses novices, découverte à toutes les âmes qui lisent sa vie, et laissée surtout aux "petites âmes "comme une doctrine de simplicité et d'amour, laquelle devait lui attirer l'admiration universelle de nos Saints Pères les Papes Pie X et Benoît XV, de cardinaux, d'évêques, de religieux, prêtres et missionnaires des plus savants, dont l'un nous disait au parloir"avoir trouvé dans la lecture de sa vie, ce qu'il cherchait en vain depuis longtemps."
Notre Saint Père le Pape Benoît XV parlant à un religieux fort dévot à Sr Thérèse, lui disait au printemps dernier en parlant d'elle "C'est sa mission d'apprendre aux prêtres à aimer Jésus-Christ". Elle portait sur elle le texte du Credo qu'elle avait écrit de son sang. Elle avait toujours aussi le saint Evangile afin de l'avoir sans cesse à sa disposition ; elle en faisait ses délices, et c'est là qu'en ses peines, en toutes circonstances, elle allait puiser la lumière et la consolation, comme la force dont elle avait besoin. Elle avait une intelligence rare des saintes Ecritures, du reste on en peut juger par sa manière de les expliquer, et d'en découvrir le sens dans l'histoire de son âme que l'on peut dire être une merveille, car ces pages entraînantes n'ont été qu'un jet de sa plume, n'ayant jamais fait aucun brouillon.
Elle voyait Dieu en  toute la nature dont les beautés lui découvraient l'amour infini et élevaient son âme vers Lui. Les fleurs entre toutes la ravissaient ayant pour son âme un langage particulier. Elle avait pour elles un vrai culte et je me demande s'il y a jamais eu de saints qui s'en soient servis comme elle pour glorifier Dieu.
Je puis affirmer que la servante de Dieu mit héroïquement en pratique durant sa courte vie si bien remplie, ces paroles de notre sainte Règle :"Armez-vous partout du bouclier de la foi, afin que vous puissiez amortir toutes les flèches de feu que l'ennemi vous tire sans cesse, car sans la foi il est impossible de plaire à Dieu."  Ce bouclier sacré ne la quitta jamais, avec lui elle triompha de tout ce qui aurait pu l'empêcher d'arriver au degré de sainteté admirable auquel elle est parvenue en si peu de temps.


CONFIANCE
Sa confiance n'était que le sentiment pratique de sa foi en la bonté infinie de Dieu qui l'avait enveloppée dès le berceau. Elle l'avait tellement expérimentée que son âme était envers Dieu semblable à celle d'un petit enfant à l'égard du plus tendre  père, et qui se laisse porter dans ses bras, s'abandonnant à Lui pour tout ce qui le concerne. Aussi les difficultés ne l'effrayaient pas, comme elle l'a prouvé en celles qu'elle rencontra pour sa vocation, car sa confiance  se basait sur la certitude profonde de la fidélité de Dieu à la secourir. Ce fut donc cette confiance aveugle qui lui donna le courage admirable dont elle fit preuve dans son pèlerinage à Rome, ne se laissant intimider par aucune des contradictions qu'elle rencontra, et qui eussent déconcerté tant d'autres âmes
C'est encore cette même espérance qui la soutint toute sa vie, tant à son entrée au carmel, durant son postulat, son noviciat, qui ne manquèrent pas d'épreuves, que durant la maladie, et jusque dans les bras de la mort
A son retour de Rome, elle n'eut chaque jour que de nouvelles déceptions, elle croyait recevoir sans délai la permission d'entrer au Carmel, mais Noël se passa, etc."Jésus dit-elle laissa par terre sa petite balle sans même jeter sur elle un regard." Cependant elle ne cessa d'espérer contre toute espérance parce qu'elle disait que "pour une âme qui a de la foi comme un grain de sénevé, Dieu accorde des miracles pour l'affermir" ce fut pour elle l'enseignement de cette épreuve. Dans la maladie de son vénérable Père, sa confiance ne s'altéra pas, elle la mit au nombre des jours de grâces, et la souligna du nom de "grande richesse."  Elle avait une confiance illimitée en la prière et disait souvent que Dieu l'avait toujours exaucée, qu'il ne pouvait rien refuser à une prière fervente.  Elle ne doutait jamais de sa miséricorde, aimait à prier pour les pécheurs, toute enfant encore, pour le grand criminel Pranzini, condamné à mort pour ses meurtres épouvantables. Elle avait la certitude d'être exaucée tant elle avait confiance en la miséricorde divine, elle demandait un seul signe de repentir, et l'on sait qu'il lui fut accordé.
Elle ne craignait pas la mort, qui était disait-elle le seul moyen d'aller à Dieu, ni le Purgatoire qu'elle me disait un jour être le cadet de ses soucis.
Elle écrivait à Mère Agnès de Jésus :"Ah! dès à présent, je le reconnais, toutes mes espérances seront comblées...Oui, le Seigneur fera pour moi des merveilles qui surpasseront infiniment mes immenses désirs...."
Notre Seigneur disait un jour à Ste Mechtilde :" C'est un grand plaisir pour moi
que les hommes attendent de moi de grandes choses...Il est impossible que l'homme ne reçoive pas ce qu'il a cru et espéré....c'est pourquoi il lui est utile d'espérer beaucoup de moi et de se confier à moi."  Ces paroles de Notre Seigneur sont bien l'explication des merveilles qu'il opère dans l'univers par la servante de Dieu depuis sa mort.
Où pourrai-je mieux placer qu'ici les paroles suivantes de Pie X, dans une audience privée  avec un personnage de la haute noblesse romaine, il disait en parlant de Sr Thérèse :" Il est extraordinaire de voir la condescendance que Notre Seigneur témoigne à tous les désirs de cette âme."


CHARITE envers Dieu.
Dès sa plus tendre enfance la servante de Dieu L'aima de l'amour le plus ardent, comme tout le dit dans l'histoire de son âme. Elle pratiqua héroïquement la mortification du coeur dès son postulat, sachant que le plus petit fil aussi bien qu'une chaîne, empêche l'oiseau de voler. Elle eut, j'en fus témoin bien à lutter pour ne pas laisser coller son coeur, surtout à sa Prieure qu'elle aimait beaucoup, mais Dieu l'aida, permettant que souvent celle-ci n'eût pour elle que des sévérités qui brisaient son coeur, et d'autant qu'elle ne pouvait saisir en sa façon d'agir envers elle, qu'un sentiment humain qu'elle gardait au fond de son coeur. Elle n'allait donc plus à elle que religieusement autant qu'affectueusement, se privant de toute satisfaction naturelle et sa tenue fut bien édifiante
Elle avait une grande crainte des plus petites fautes et cette parole " Nul ne sait s'il est digne d'amour  ou de haine", lui fit un jour verser bien des larme jusqu'à ce qu'elle fut consolée par l'explication qui lui en fut donnée. Elle allait à Dieu par la pure foi, acceptait gaiement ses désolations spirituelles et les offrait à Dieu pour qu'Il donnât des consolations aux âmes qu'Il pourrait gagner ainsi à son amour.
Tout ce qui avait rapport à Dieu faisait ses délices au carmel, comme en son enfance. Sa joie était d'orner l'autel du noviciat dédié à l'Enfant-Jésus, et le comble du bonheur fut pour elle d'être chargée de fleurir la pieuse statue  de l'Enfant-Jésus de notre cloître. Il souriait à sa joie comme à ses désirs en lui envoyant, comme on ne l'avait jamais vu, des fleurs à foison, tant des plus belles que des fleurs des champs, objets de sa prédilection. Durant les deux dernières semaines du Carême, elle mettait à son petit Jésus, de petits instruments de la Passion qu'elle avait faits, et de quel esprit intérieur animait-elle tous ses soins données à son divin Roi.
Elle n'épargna aucune fatigue pour faire une crèche au noviciat, postulante encore, charriant, charriant sans compter avec ses forces et d'assez loin, de lourdes pierres pour la faire. Elle montra alors une grande vertu, car une autre, manquée
cette année là, dont on voulait lui faire la surprise, l'attendait, lui donnant de comprendre que la sienne si jolie, ne verrait pas la Cté ....Elle ne laissa rien paraître de sa déception.
Elle chérissait la solitude, comprenait admirablement cette parole :"le royaume de Dieu est au dedans de vous ", et ces autres qu'elle a si admirablement chantées dans son cantique Vivre d'amour : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole et mon Père l'aimera et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure...
Elle mettait en pratique ce conseil de l'Imitation de J.C. :"Fermez sur vous la porte de votre coeur et appelez à vous Jésus votre bien-aimé !"
Etant sacristine, elle ne touchait aux vases sacrés qu'avec un redoublement de ferveur, se souvenant de cette parole :"Soyez saint vous qui touchez aux vases du Seigneur."
Sa dévotion suprême était la sainte Face de N.S., qui lui redisait tout l'amour dont Il l'avait aimée dans sa Passion ; c'est en la contemplant qu'elle s'enflamma
d'amour et de zèle pour le salut des âmes : elle l'avait toujours devant elle dans son livre d'office et dans sa stalle pendant son oraison. Elle était suspendue aux rideaux de son lit pendant sa maladie ; sa vue l'aida à soutenir son long martyre, elle pouvait lui redire cette strophe si touchante  du cantique qu'elle avait composé en son honneur :
                                    Mon amour découvre les charmes
                                    De tes yeux embellis de pleurs
                                    Je souris à travers mes larmes
                                   Quand je contemple tes douleurs
Un autre de ses plus beaux cantiques dédié au Sacré-Coeur nous dit encore quelle dévotion elle avait pour le sacré Coeur qu'elle disait être "tout son appui, et dont l'amour si tendre l'aimait malgré sa faiblesse".
Elle le trouvait dans l'Eucharistie où il ne la quittait jamais, aussi communier tous les jours était son rêve ; M. l'abbé Youf, qui avait en si grande estime cette âme privilégiée lui accorda cette faveur pendant plusieurs mois.
N'est-ce pas un séraphin qui parle lorsqu'elle dit dans le onzième chapitre de sa vie, avoir trouvé sa vocation, que sa vocation est l'amour, qu'elle a trouvé sa place au sein de l'Eglise, que c'est Dieu qui la lui a donné, que dans le coeur de l'Eglise elle sera l'amour !...
Elle disait à notre Mère quelques jours avant sa mort :"un seul attrait fait battre mon coeur, c'est l'amour que je rendrai et celui que je pourrai donner... ma petite voie aux âmes va commencer...Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre !"
Voici la pensée qui se présente à moi au sujet de la servante de Dieu :dans le coeur de Sr Thérèse de l'E.J., l'amour divin a été sur la terre un feu caché sous les cendres de la vie obscure du carmel et de la pratique héroïque de toutes les vertus religieuses sans défaillance. Après s'être déjà choisi Ste Mechtilde,
Ste Gertrude, et la Bse Marguerite Marie pour révéler au monde l'amour dont il l'aime, N.Seigneur ne veut-il pas se servir de la servante  de Dieu pour en incendier la terre  ? car sa mort n'a été que l'explosion au ciel du feu divin de l'amour qui la consumait ici-bas, et les pluies de roses qu'elle jette de là-haut ne sont-elles pas autant de gerbes enflammées pour rallumer l'amour du bon Dieu au sein de l'Eglise dans ces derniers temps où il est si refroidi !
Ce qui pourrait confirmer ma pensée serait l'extrait d'une lettre d'un prêtre de l'Argentine, Augustin Barrera(?), de Buenos-ayres1894 (?), et que voici : "Comme je remercie le bon Dieu du bien qu'Il fait de par le monde par l'apostolat posthume de sa petite servante  ! Elle qui dans des transports d'amour avait rêvé d'être missionnaire de Dieu en tous lieux, en tous temps et ce jusqu'à la fin du monde ...La voilà prêchant à tous à la fois, dans leur propre langue, l'Evangile du salut, la petite voie d'enfance spirituelle. Quel miracle de la toute puissance divine que cette Pentecôte renouvelée et agrandie ! Quelle leçon pour notre siècle orgueilleux, et aussi pour nous, ministres du Seigneur, et qui pour atteindre les âmes, comptons plus sur notre science que sur notre sainteté...."


CHARITE envers le prochain
L'amour de Dieu développa dans le coeur de la servante de Dieu celui des pauvres et de tous ceux qui souffraient. Sa grande joie était qu'on lui confiât le soin de porter l'aumône aux malheureux qui venaient tendre la main. Cette charité grandit dans son coeur avec l'âge et s'épanouit au carmel. Dès son entrée elle montra une charité touchante au noviciat dans le bien qu'elle s'employa à faire à une de ses compagnes. Avec quelle charité ne me consolait-elle pas aussi, dans bien des difficultés que je rencontrais et qu'elle sentait m'être si pénibles. Déjà elle avait à coeur la conversion des pécheurs, et entreprit celle de l'infortuné Père Hyacinthe auquel elle pensait encore à la fin de sa vie, offrant pour lui sa dernière communion. Je ne me souviens pas de l'avoir entendu dire un seul mot contre la charité ni jamais une réponse amère, si parfois on lui disait quelque chose de pénible. Avait-on besoin d'elle pour quelque service, n'importe si cela la dérangeait, elle ne témoignait jamais ni ennui ni fatigue. Frappait-on à la porte de sa cellule alors qu'elle était le plus occupée, elle n'allait pas moins répondre en souriant.
Elle aimait à mettre au service des Soeurs ses petits talents de peinture et de poésie, elle y consacrait joyeusement ses temps libres !Dimanches, Fêtes  et silences, elle en faisait le sacrifice et les donnait tellement aux autres que pour elle-même, elle n'en trouvait plus. Elle s'offrait à tous les travaux pénibles :
au lavage surtout, s'ingéniait à se renoncer, allant à l'eau froide l'hiver, ce qui lui coûtait beaucoup, et l'été au contraire elle restait de préférence à la buanderie : là, elle souffrait en silence que la soeur qui était vis à vis d'elle, lui lança au visage, sans s'en apercevoir, l'eau sale du linge qu'elle lavait.
Elle observa aux récréations comme ailleurs le point suivant de nos constitutions
"Qu'elles n'aient  aucune amitié en particulier, mais qu'elles s'aiment toutes en général, comme N.S.J. Christ le commande à ses Apôtres...Le point de s'aimer les unes les autres en général est de grande importance ".
Aux récréations, elle ne recherchait pas la société de ses soeurs selon la nature malgré son affection pour elles. Elle s'imposait ce sacrifice pour que sa charité si vive envers sa famille du carmel n'en souffrit.
Au sortir d'une retraite, elle arriva à la récréation sans avoir été dire un seul bonjour à sa chère petite Mère Agnès de Jésus, ce dont celle-ci avait eu de la peine. Il lui semblait que du moins  elle se mettrait auprès d'elle, mais il n'en fut rien, elle alla se placer près de la première venue. Cela fut raconté à Mère Geneviève qui la gronda, lui disant que ce n'était pas entendre la vraie charité.
Le R. Père Auriault, auquel je citais ce fait, me dit :" Oh ! je trouve cela magnifique !"et la religieuse ancienne qui me le raconta, cette même soeur  me disait, tout dernièrement même, " Sr Thérèse est une âme qui a une mission sublime à remplir dans la Sainte Eglise", m'ajouta, en me parlant de la perfection de la servante de Dieu, " Vraiment on n'a jamais vu cela ".
Elle supportait en silence tout ce qui lui était sujet d'exercice, et triompha d'une antipathie naturelle qu'elle raconte elle-même, envers une soeur ; le démon lui faisant voir en elle tant de côtés désagréables, aussi ne cédait-elle pas à la tentation se disant que la charité ne consiste pas seulement dans les sentiments mais dans les oeuvres. Elle agit donc avec cette soeur comme avec la personne la plus aimée et lui rendit tous les services en son pouvoir. Elle pria pour elle, offrit à Dieu ses vertus, ses mérites." Je sentis dit-elle que cela réjouissait grandement mon Jésus".Elle souriait à cette soeur quand elle était tentée de lui répondre désagréablement, elle lui faisait un aimable sourire, et changeait de conversation. Cette soeur lui demanda un jour ce qui pouvait l'attirer ainsi vers elle qu'elle lui faisait son plus beau sourire chaque fois qu'elle la rencontrait ?..."Ah dit-elle, ce qui m'attirait, c'était Jésus caché dans le fond de son coeur ".
Elle demanda d'elle-même à être compagne d'emploi avec une soeur près de laquelle l'attendait un véritable et difficile apostolat. Quelle patience et quelle charité n'eût-elle pas à pratiquer sur ce terrain hérissé de plus d'une épine, mais elle travailla avec tant de bonté, d'intelligence et de sagesse, qu'elle parvint à lui faire beaucoup de bien. Elle pratiqua un autre acte de charité héroïque dont fut témoin la Cté, dans le service de charité qu'elle s'offrit à rendre à la bonne Sr St Pierre, qui ne marchait qu'avec des béquilles ; il fallait la conduire à la fin de l'oraison du soir, du choeur au réfectoire, ce qui n'était pas une petite affaire !
Quelle mine d'exercice et de patience trouva-t-elle là ! Cela lui coûtait beaucoup  et par cette raison même, elle ne voulut pas perdre une si belle occasion Elle fit tout pour contenter la pauvre infirme, poussant la vertu jusqu'à s'offrir à lui couper son pain ce qui lui attira complètement ses bonnes grâces, car elle couronnait le tout par son plus gracieux sourire.
Je fus encore témoin de sa charité lorsque l'influenza vint jeter la consternation dans la communauté, lui prenant trois victimes. Toutes les soeurs sauf deux ou trois, dont elle était l'une des plus valides, étaient alitées. L'Office était suspendu, c'était un silence de mort dans la Cté  : elle se multiplia alors, près des soeurs mourantes et malades, ainsi qu'à la sacristie, avec son calme, une présence d'esprit, une intelligence qui n'étaient pas ordinaires. Notre Supérieur M. Delatroëtte, qui à cause de son jeune âge avait été si hostile à son entrée, en fut frappé chaque fois qu'il venait voir ses filles. Il entrevit alors dans cette enfant un sujet de grande espérance pour l'avenir de la Communauté
C'était fort touchant encore de voir de quelle tendre charité elle entourait, malgré les peines qu'elle lui faisait bien souvent, la bonne Mère Marie de Gonzague  : la servante de Dieu avec sa finesse d'esprit remarquable, saisissait les lacunes qui s'unissaient à tant de belles qualités en cette Mère, et qui nous la faisait aimer malgré tout ! Se rendant parfaitement compte de ce qui la faisait souffrir, elle savait par ses manières enfantines  si gentilles, l'envelopper de tendresse, la consoler, l'éclairer, et nulle parole ne pouvait  mieux être appliquée à la servante de Dieu que celle-ci :"La vérité sort de la bouche des enfants ".
Ce fut surtout à l'occasion d'une élection qu'elle savait avoir été très pénible à la malheureuse Mère, qu'elle lui écrivit une lettre fort belle paraît-il, laquelle fut une bonne semence jetée dans son coeur. Elle savait bien dire les choses, non sous forme de conseil, mais leur en donnant la portée.


PRUDENCE
Que dire de la prudence de la servante de Dieu, si ce n'est que ce fut celle d'un vieillard qui a expérimenté la vie, avec ses épreuves. Elle était d'une grande réserve en toutes choses, en ses paroles comme en ses moindres actes, dans les petites et grandes difficultés qui se multipliaient sous ses pas. Elle observait tout, réfléchissait profondément, l'oeil toujours fixé vers le bon Dieu.
Sa prudence se manifesta dans les difficiles et délicates négociations qu'elle eut à faire pour sa vocation. Les difficultés furent telles que sans la sagesse et prudence dont elle fit preuve, elles eussent certainement échoué. Son moyen fut la prière et la confiance en Dieu. Elle ne s'impatientait pas, n'avait pas de paroles amères pour ceux qui contrariaient son désir.
Quelle merveille ne fût pas de voir l'énergie qu'elle montra dans le voyage à Rome ! Quel courage ne lui fallut-il pas, et comme elle le disait elle-même " pour oser parler au Pape" pensée qui la faisait frémir, et démarche que le Vatican n'avait pas encore vue dans une enfant de quatorze ans alors !
Événement si extraordinaire que le journal le raconta dans son article sur le pèlerinage de Rome, qui fixa l'attention de plus d'un lecteur, événement qui faisait dire au vénérable Frère Siméon, Directeur et fondateur du collège St Joseph à Rome, que M. Martin connaissait et auquel il le rapporta :"on ne voit pas cela en Italie !"
A son entrée au carmel, quelle prudence accompagna ses premiers pas, dans la réserve  dont elle usa pour ne pas s'attacher humainement à sa Mère Prieure. Dans les peines qui lui vinrent de cette pauvre Mère, elle agit toujours comme si de rien n'était, lui souriant malgré tout et lui rendant le même respect. Témoin parfois de pénibles difficultés que Mère Marie de Gonzague occasionnait à Mère Agnès de Jésus devenue Prieure, elle souffrait cruellement en silence. Un jour cependant, elle me dit le coeur plein de larmes et d'une tristesse qui se peignait sur son visage.."Je comprends maintenant ce que Notre Seigneur a souffert de voir souffrir sa Mère en sa Passion."
Au noviciat, avec quelle prudence agit-elle pour faire du bien à l'une de ses compagnes.! Je fus encore témoin de sa prudence lorsqu'étant sacristine, elle devait me demander de faire passer au confessionnal ses petites novices, gênées de le demander à M. Marie de Gonzague! Ayant expérimenté ce que souffre une âme du manque de liberté de conscience, elle s'employa avec autant de prudence que de sagesse, à épargner cette souffrance à ses novices. Elle n'allait au parloir que par devoir de charité ; ses conseils étaient-ils demandés, elle les donnait avec autant de simplicité que d'humilité, elle se montrait là comme partout, un ange de paix !
Elle aimait la solitude, sa petite cellule. Elle avait vraiment le mépris du monde, était personne d'oraison ce que demandent nos saintes Constitutions.


FORCE
La force chrétienne fut de tous les jours dans la vie de la servante de Dieu. Dès sa petite enfance elle parvint à dominer sa nature et à conserver son humeur égale et bienveillante. Elle reçut le don de force le jour de sa confirmation, elle en avait besoin pour soutenir les épreuves qui l'attendaient.
Sa force se montra dès le début, dans son énergie à supporter les austérités de la Règle et ses désolations spirituelles. Elle accepta avec courage les sévérités de sa Mère Prieure après sa Prise d'habit et sa Profession, malgré l'illusion de plusieurs Soeurs sur la manière dont elle fut traitée, et qui la croyaient généralement gâtée  de toute façon, mais elle reconnaissait que Jésus trouvait nécessaire que sa petite fleur fut arrosée de l'eau vivifiante de l'humiliation pour prendre racine, et Il ne la laissa pas en manquer...Quand elle rencontrait Notre Mère, elle n'entendait que des reproches qu'elle supportait en silence. Ayant laissé dans le cloître une toile d'araignée, elle lui dit devant toute la Cté, "on voit bien que nos cloîtres sont balayés par une enfant de 15 ans !... c'est une pitié !Allez donc enlever cette toile d'araignée et devenez plus soigneuse à l'avenir".
Pendant ses directions, où elle restait près de notre Mère pendant une heure, elle était grondée presque tout le temps, et ce qui lui faisait le plus de peine était de ne pas comprendre le moyen de se corriger de ses défauts. La servante de Dieu avait le principe qu'il faut aller au bout de ses forces avant de se plaindre:" Je puis encore marcher, je dois être à mon devoir."
Plus on la regarde dans le voyage de Rome, et plus elle est étonnante et excite l'admiration, car pour une jeune fille aussi charmante et qui attirait les regards
des pèlerins, devant les beautés de la nature, mille choses séduisantes  qui l'entouraient, combien à son âge auraient résisté  ! mais son coeur et son esprit étaient élevés bien haut au dessus des choses de ce monde, et ce voyage ne fit que lui donner de voir plus que jamais la vanité de tout ce qui passe.
Le jour de son entrée, elle n'entendit que des sanglots lorsqu'elle se rendit à la porte de clôture ; elle ne versa pas une larme, marcha la première, son coeur battait si fort qu'elle se demandait si elle n'allait pas en mourir : quelle agonie, disait-elle, il faut y avoir passé pour la comprendre. Notre Mère Ste Thérèse dit que lorsqu'elle s'arracha des bras de son Père, elle sentit ses os se briser...que devait-ce en être pour une enfant de quinze ans  à laquelle le bon Dieu demandait, pour la troisième fois d'imposer un tel sacrifice à son vénérable Père?
Postulante encore lorsqu'à la fin de juin, la paralysie cherchant à se fixer, faisait craindre un affreux malheur pour son Père, elle me surprit me disant et jetant un regard angélique vers le ciel :"Je souffre beaucoup, mais je puis souffrir encore davantage ".L'épreuve l'attendait ; quelques jours après sa Prise d'habit, elle s'abreuvait au plus amer des calices :" Je ne pouvais écrit-elle, dire alors que je pouvais souffrir davantage, les paroles ne peuvent exprimer mes angoisses et celles de mes soeurs."
Etant postulante, violentes étaient parfois les tentations d'entrer chez notre Mère pour y trouver un peu de joie, alors elle passait rapidement devant sa cellule et se cramponnait à la rampe de l'escalier pour ne point retourner sur ses pas, rejetant les prétextes qui se présentaient à son esprit pour céder à sa nature.
La force de la servante de Dieu fut dans le silence et l'espérance. " Elle y travaillait, elle y priait, elle y souffrait et dans les épreuves de sa vie comme notre Seigneur en sa Passion, "elle se taisait". Ne lui enseignait-il pas en contemplant surtout sa divine Face "qu'une âme sans silence est une ville sans défense, et que celui qui garde le silence garde son âme".


TEMPERANCE
La mortification de la servante de Dieu fut héroïque, car elle la fit consister dans le courage et la patience à supporter les mille et mille petites souffrances qui composent la vie religieuse, dans le support mutuel, le heurt continuel des unes contre les autres, et que l'on rencontre sans cesse par suite de la différence de caractère, d'éducation, dans les communautés même les plus parfaites. Ces occasions si fréquentes étaient une mine d'or pour la servante de Dieu qui ne manquait pas de l'exploiter pour le ciel et d'autant mieux qu'elle les souffrait en silence, ce qui leur donnait un mérite immense.
Jamais elle ne se plaignit de rien, ni du chaud ni du froid, bien que l'on sût plus tard qu'elle avait souffert de ce dernier à en mourir ; aussi eut-ce été à elle, un devoir rigoureux de le dire ...Elle prenait  les choses comme on les lui donnait
soit pour le vêtir soit pour le manger, et sur ce dernier point elle eut beaucoup à souffrir, car elle n'avait souvent que des restes, qu'un estomac peu solide aurait eu peine à supporter, alors qu'à son âge si tendre elle aurait eu besoin d'être soutenue par une  nourriture très fortifiante, ainsi qu'il doit être fait à tout sujet si jeune et d'une santé aussi fragile et délicate...Elle ne mit donc pas sa mortification dans les grandes austérités qu'elle eut beaucoup aimées, si elle en avait eu la permission, mais dans lesquelles l'amour propre et l'orgueil trouvent souvent leur pâture. Elle la plaça surtout dans le renoncement à elle-même et à sa propre volonté. Du reste c'est ce qu'elle avait compris dès son enfance, où elle s'efforçait déjà de briser sa volonté, sa sensibilité, de retenir une parole inutile et mille autres choses de ce genre.
Arrivée au carmel, elle se mit à l'oeuvre et je puis affirmer que ses débuts furent bien pénibles. Il lui en coûtait beaucoup d'aller arracher des herbes au jardin où je l'envoyais tous les jours à 4h½ pour prendre l'air, mais elle se gardait bien de me le dire, d'autant plus que c'était une bonne occasion pour elle de rencontrer notre Mère, qui ne manquait pas de l'humilier, en lui disant:" qu'est-ce donc qu'une novice qu'il faut envoyer tous les jours à la promenade?"  Et elle l'entendait dire encore :" cette enfant ne fait absolument rien !"  Plus tard elle remerciait notre Mère de cette éducation si précieuse !
Notre Mère lui ayant reproché son peu de dévouement dans les offices, elle se crut obligée de travailler durant ses temps libres sans le dire à personne.
Lorsqu'elle allait en direction chez notre Mère, alors que c'était Mère Agnès qui était Prieure, ce qui lui arrivait moins souvent qu'aux autres soeurs, si la portière ou quelqu'autre soeur venait la déranger, elle ne se plaignait jamais, bien qu'au fond elle en souffrit sensiblement. Cette mortification fidèle et constante dans laquelle elle grandit et qui s'étendit à toute sa vie, nous donna de la voir toujours sourire à la souffrance. Deux mois avant sa mort, Mère Agnès de Jésus entendant louer sa patience, vint la visiter un jour, ayant le désir de la surprendre en un moment de crise ; au même instant son visage prit une expression de joie et s'anima d'un céleste sourire ...elle lui demanda qu'elle pouvait en être la cause, elle lui répondit :"C'est parce que je ressens une vive douleur. Je me suis toujours efforcée d'aimer la souffrance et de lui faire bon accueil".  Elle disait encore :" depuis longtemps la souffrance est devenue mon ciel ici-bas, et j'ai du mal à comprendre comment il me sera possible de m'acclimater dans un pays où la joie règne toujours sans aucun mélange de tristesse".


JUSTICE
La servante de Dieu n'a cessé de pratiquer la justice envers Dieu et les Saints par le culte qu'elle leur rendait. Les cérémonies, les fêtes, la fréquentation des sacrements, tout la ravissait. Au carmel, elle eût pour l'office divin la plus grande dévotion. A la fin de sa vie, l'office disait-elle, était mon bonheur et mon martyr à la fois par mon grand désir de bien le réciter, et de n'y pas faire de fautes. Je ne crois pas que l'on puisse plus que moi, réciter parfaitement l'office et de bien y assister au choeur.
 Soeur Thérèse qui avait été guérie dans son enfance par N.D. des Victoires eût toujours pour Marie une dévotion très tendre. Aussi je la surpris un jour qui baisait amoureusement et sans plus s'en gêner, la Vierge Immaculée de nos cloîtres. Elle s'écriait un jour :" Que je l'aime la Vierge Marie, si j'avais été prêtre que j'aurai bien parlé d'elle ! On la montre inabordable, Elle est plus Mère que Reine ! J'ai entendu dire qu'elle éclipse tous les Saints comme le soleil à son lever fait disparaître les étoiles ...Mon Dieu que cela est étrange, une mère qui éclipse ses enfants ! Moi je pense tout le contraire.
Le chapelet, le souvenez-vous, étaient ses prières quotidiennes. Son premier cantique qu'elle composa fut en son honneur, c'était "le lait virginal de Marie " et de même son dernier, intitulé "Pourquoi je t'aime ô Marie " ;
Saint Joseph lui était aussi particulièrement cher : elle lui demandait surtout que la Sainte Communion fut accordée fréquemment au Carmel de Lisieux, elle fut exaucée par le décret de Léon XIII. Elle fit aussi un cantique en son honneur.
Les Saints Anges eurent aussi leur part dans sa poésie car elle les aimait d'une tendre piété. Elle aimait pardessus tout le saint Evangile, les livres saints, le Cantique des cantiques, les Œuvres de St Jean de la Croix. Un jour, je ne sais si elle avait 17 ans, elle me parla de certains passages de sa mysticité avec une intelligence tellement au dessus de son âge, que j'en restais tout étonnée.
Peu de temps après sa sortie du noviciat, elle me dit en licence des choses magnifiques qu'elle exprimait plus tard dans son splendide cantique "Vivre d'Amour.
Postulante et novice, sa piété se montra dans les petites fêtes de Noël et de Pâques et autres encore, si gracieusement et poétiquement préparées, composées par Mère Agnès de Jésus. C'était ravissant de voir et d'entendre la servante de Dieu les réciter, tant par l'expression de sa physionomie  angélique, que par le ton de piété si pénétré qui traduisait les sentiments de son coeur. C'était à faire venir les larmes aux yeux. Un jour de Noël que représentant la Sainte Vierge, elle tenait l'Enfant Jésus dans les bras, Il eût été vivant qu'elle n'eut pas été plus recueillie et touchante.
Elle a toujours été très soumise à la direction de ses Supérieurs et confesseurs qu'elle avait en grande estime et qui eux-mêmes lui en rendait une toute semblable. Tout le premier M.l'abbé Youf qui la connue dès son entrée, et la confessa jusqu'à sa mort. Quel beau témoignage aurait-il rendu à ses vertus,
aux deux procès qui l'eussent tant réjoui !
M. l'abbé Baillon, aumônier de la Providence, et que l'on disait être un prêtre des plus instruits du diocèse et dont elle aimait à consulter la science, avait aussi la plus grande considération pour la servante de Dieu. Le Révérend. Père Armand Lemonnier ne la considérait aussi que comme une âme prédestinée, ne parlait d'elle qu'avec un profond respect, de la petite Fleur, comme il la nommait....et le conseil de "la petite Fleur "était tout pour lui.
Elle pratiqua la justice dans sa manière de comprendre et de pratiquer le silence car elle l'observait selon ce point de notre Ste Règle : "L'apôtre nous recommande le silence quand il nous recommande que nous travaillons en icelui, et comme dit le prophète : l'ornement et les parures de la justice, c'est le silence.
Sur les ordres de l'obéissance elle mit toute sa piété et son talent encore inexpérimenté, à faire une fresque d'Anges  entourant le tabernacle de l'oratoire. Les fonctions qu'elle assigna à chacun dépeignent les désirs de son âme. Chanter les louanges de Dieu, faire connaître le don de Dieu, par son désir ardent d'être missionnaire, jeter des fleurs, s'effeuiller comme les roses sous les pieds de Notre Seigneur par ses mille petits sacrifices.
Le culte singulier qu'elle avait pour les fleurs m'a paru extraordinaire et je me demande si jamais aucun Saint ne s'en est servi comme elle pour alimenter leur piété. Aussi, la voyant mourir le 30 septembre, j'ai pensé que la Ste Vierge était venu la chercher ce jour là, en récompense de la touchante piété avec laquelle elle avait employé les roses à témoigner son amour à Notre Seigneur. Elle lui ouvrait le ciel pour le mois du saint Rosaire pour qu'elle pût y cueillir de bien plus belles roses encore que celles de la terre, et les jettent en pluie de grâces sur les cinq parties du monde comme elle le fait tous les jours.


HUMILITE
La servante de Dieu dès son entrée au noviciat mit en pratique ce point si recommandé dans nos Constitutions et si essentiel à la perfection  : "Qu'elles
aient grand soin de ne pas s'excuser, si ce n'est chose où il en soit besoin, car elles trouveront par là un grand avancement en humilité ".  Un jour, je la grondait au noviciat pour un petit vase cassé, et lui dit qu'elle n'avait pas d'ordre. Elle n'était pas coupable, il lui en coûta beaucoup de ne pas me le dire mais elle comprima sa peine.
Elle ne se mettait jamais en avant pour ce qui eût pu paraître et ne donnait son sentiment que bien humblement, et seulement quand on le lui demandait. Il n'y avait en elle aucune recherche d'elle-même ni de susceptibilité.
A la veillée du soir qui précède au choeur l'aurore du grand jour de la sainte Profession, sa vocation lui apparût comme une chimère, une ruse du démon lui suggérant que la vie du carmel ne lui convenait pas, qu'elle trompait les Supérieurs. Elle accourut me découvrir humblement sa tentation, me faisant sortir du choeur, pour me dire l'état de son âme. Je la rassurais vite lui découvrant le piège de Satan, qu'elle vit s'enfuir aussitôt, mais pour mieux s'humilier, elle confia aussi à notre Mère ce qui lui était arrivé.
Remplie des grâces de Dieu, elle ne se les attribuait pas, mais l'humilité étant la vérité, elle les reconnaissait, lui en rapportant toute la gloire, se tenant petite à ses yeux ne craignant pas de dire comme la Sainte Vierge " que le Seigneur avait fait en elle de grandes choses, et elle ajouta :" et la plus grande est de m'avoir montré ma petitesse et mon impuissance à tous biens". "Le bon Dieu m'a chargée de grâces pour moi et pour bien d'autres ....je veux donc m'incliner sous l'abondance des dons divins reconnaissant que tout vient d'en haut. Elle ne chercher ni les regards ni l'estime, ni les louanges des hommes Dieu seul était son tout, elle n'ambitionnait que Dieu.
Elle a écrit les pages sublimes de l'Histoire de son âme, par obéissance, dans la simplicité de son coeur et sans se douter que ce livre était destiné à être publié. Et n'était-ce pas son droit de mettre sous les yeux de ses Supérieurs les trésors de lumière  et de grâce dont elle était comblée ? Dieu le voulait ainsi pour que le monde entier pût en bénéficier, comme le prouve la diffusion rapide et prodigieuse de ces lignes merveilleuses qui ravissent, transportent leurs lecteurs et leur apprend à aller à Dieu par la confiance, l'amour et l'abandon.
Elle étudia l'humilité dans sa bien-aimée Ste Face, elle comprit là mieux que jamais ce qu'est la véritable gloire. Celui dont le royaume n'est pas de ce monde
lui montra que la royauté, seule enviable, consiste à vouloir être ignorée et comptée pour rien, à mettre sa joie dans le mépris de soi-même ...Elle ne voulait qu'une chose, c'est que son visage aussi fut caché à tous les yeux, que personne sur la terre ne la reconnût. Il n'y a, disait-elle que la dernière place qui ne soit pas vanité et affliction d'esprit.
Dans son agonie, notre Mère l'encourageait par ces paroles :" o mon enfant, vous êtes toute prête à paraître devant Dieu, parce que vous avez toujours compris l'humilité du coeur." Elle répondit :"Oui je le sens, mon âme n'a cherché que la vérité, oui j'ai compris l'humilité du coeur "
Je ne peux mieux comparer la servante de Dieu qu'au grain de sénevé de l'Evangile, le plus petit des grains, qui lorsqu'il a crû est plus grand que toutes les plantes et s'élève comme un arbre en sorte que les oiseaux du ciel viennent et habitent dans ses branches." Oui vraiment n'est-ce pas merveilleux de voir en cette horrible guerre la protection admirable que trouvent en elle nos vaillants chefs d'armée, nos braves soldats dont elle est un si doux espoir et la confiance qu'ont en elle les familles en larmes. Ah, c'est qu'elle a été douce et humble de coeur, et selon la parole de Notre Seigneur, elle possède vraiment la terre  !Elle est dans les airs où un aviateur l'a placée sur les ailes de son aéroplane, sur tout le globe terrestre où elle se fait de plus en plus connaître et apprend à aimer le, bon Dieu, elle est sur mer dans la barque  de pauvres pécheurs dont elle favorise miraculeusement la pêche, elle fend les mers à bord des navires dans la cabine des commandants selon que le rapporte ce passage nouveau et si touchant, extrait de la lettre de M Augustin  Bavier déjà citée :" L'autre jour, j'ai déjeuné à bord d'un quatre mâts en rade à Buenos-Ayres, savez-vous ce qui a frappé mes regards en entrant dans le cabinet du Commandant ? Le portrait de Sr Thérèse !
Il y avait à bord deux exemplaires de sa vie, tous les officiers l'avait lue, et notre conversation a roulé sur elle une bonne partie du repas...Que de fois j'ai parlé de Sr Thérèse sur les navires qui traversent les mers, et que de saintes pensées elle suscitera ! Vrai, il n'y a que l'enfer où elle ne soit pas aimée et imitée...." et moi, je crois pouvoir dire qu'elle y fait la rage et le désespoir des démons.

CHASTETE
La servante de Dieu fut au carmel comme en son enfance, enveloppé d'une atmosphère d'innocence et de candeur qui imposait la réserve et le respect. Quelque chose en elle semblait dire :"Ne me touchez pas", du reste sa compagne de première communion, pensionnaire avec elle à la Cté des Bénédictines,
(Melle Louise Delarue) me disait un jour ne pouvoir oublier l'air d'innocence, de candeur extraordinaire, extraordinaire, répétait-elle, en appuyant bien fort sur ce mot. Elle avait des manières de petit enfant qui lui étaient si naturelles, qu'elles lui allaient à ravir. Le bon curé d'Ars  disait :" le Saint-Esprit repose dans une âme pure comme dans un lit de roses, d'une âme où réside le Saint Esprit, il sort une bonne odeur comme celle de la vigne quand elle est en fleurs : c'est la bonne odeur du Christ." Cette admirable parole ne peut être mieux appliquée qu'à la servante de Dieu, qui embaume du parfum de ses vertus les âmes dans tout l'univers. Sa pureté se révélait dans toute sa physionomie par son maintien calme, modeste, recueilli, que M.l'abbé Youf fut à même d'admirer lorsque lors de l'influenza, il entra pour confesser les soeurs alitées :"Oh, me disait-il, voyez donc la petite  Sr Thérèse de l'E.J., elle vous en remontre à toutes par sa tenue si religieuse".
Et notre jardinier, à même de la voir passer sous nos cloîtres lorsqu'il travaillait dans le préau, la reconnaissait malgré son voile, à sa tenue, il était si édifié de ne pas lui voir faire un pas plus vite que l'autre ; Elle allait les yeux baissés, ne cherchant pas à savoir les nouvelles. Elle ne vivait que pour le bon Dieu, elle le voyait en tout, en tous, et cette béatitude "Bienheureux les coeurs purs" était bien faite pour elle. Je ne puis mieux comparer la servante de Dieu qu'à ces petits ruisseaux de nos vallées qui coulent à l'ombre et sans bruit, et dont l'eau limpide n'est jamais troublée. Son âme était toujours élevée vers Dieu sur les ailes de la pureté et de la simplicité, simplicité extraordinaire qui est à la portée des grands comme des plus petits. Voici un témoignage peu banal, rendu à la servante de Dieu par un zouave qui l'a en grande admiration. Remerciant une dame qui lui avait donné sa biographie et une relique, il lui dit :"J'ai été quatre ans avec le général Gaurand, il est dans le genre de Sr Thérèse, pur comme un ange, fort comme un lion !" – Cette dame des plus honorables nous a transmis ces belles paroles qu'elle pensait devoir nous réjouir. N'est-il pas dit que l'hermine meure si elle voit une tache à sa fourrure qui fait le manteau des rois ; très certainement, je l'affirme, la servante de Dieu eût aussi mille fois préféré la mort à la moindre souillure qui aurait pu ternir son vêtement royal d'innocence, qui la faisait déjà proclamer "Reine" sur la terre.

PAUVRETE
On pouvait dire de la servante de Dieu que son royaume n'était pas de ce monde, et ce mot de St François de Sales avait en elle son parfait accomplissement :"Je désire fort peu de choses, et le peu que je désire, je le désire fort peu." Elle voulut dès le principe être dégagée de toute attache aux choses de la terre, pour non seulement marcher, mais courir, voler dans les voies de la plus grande perfection selon ces paroles de son cantique "Vivre d'amour" :
                                   Au coeur divin débordant de tendresse,
                                   J'ai tout donné légèrement je cours,
                                   Je n'ai plus rien que ma seule richesse,
                                                 Aimer toujours !"...
Pendant son postulat, elle aimait avoir à son usage des choses soignées, et trouver sous sa main tout ce qui lui était nécessaire pour travailler ; mais petit à petit Jésus lui donna la lumière et elle y fut fidèle. Elle fit donc avec joie le sacrifice de sa jolie petite cruche de cellule, pour une autre grosse tout ébréchée qui la remplaça...Elle fut alors éprise d'amour pour les objets le plus laids, les plus incommodes...rien ne lui appartenait. Un soir, on lui prit sa lampe par méprise ; elle avait précisément beaucoup à travailler et se réjouissait d'avoir son silence pour s'y employer...Elle fut donc tentée de s'impatienter et de réclamer comme de se plaindre, si ce n'eut été le grand silence. Mais la lumière de la grâce l'illumina de telle sorte au milieu des ténèbres de sa cellule, qu'au lieu d'avoir du chagrin, elle fut heureuse de comprendre que la pauvreté consiste à aimer de se voir privée des choses non seulement agréables mais même indispensables. Elle ne voulait pas réclamer ce qui était à on usage puisque cela ne lui appartenait pas ; se mettant à l'ouvrage, ce qui lui était nécessaire avait-il disparu, elle se serait bien impatientée, mais alors, elle prenait à deux mains sa patience et gardait le silence pour ne pas réclamer. Ces choses indispensables elle pouvait les réclamer, mais alors avec humilité, comme les bons pauvres qui tendent la main pour recevoir le nécessaire. Elle mettait ainsi  fidèlement en pratique ce point de nos saintes Constitutions :"que les Soeurs ne possèdent en sorte que ce soit, chose en particulier." (ch.8, art 3)
Elle n'aurait jamais pris sur le temps du travail pour fleurir son petit Jésus, elle n'y consacrait que ses temps libres. Il en était de même pour ses poésies, qu'elle composait en travaillant, et qu'il lui fallait ainsi retenir jusqu'au soir, ce qui lui était une grande fatigue, mais demander la permission de les transcrire de suite c'eût été s'accorder un soulagement qui lui aurait rendu la vie trop commode. Je la surpris un soir, démontant une garniture d'autel faufilée à grands points, elle aurait pu couper le fil, mais non! et doucement avec un petit outil, elle le tirait soigneusement, en vertu de son voeu de pauvreté, afin de l'utiliser encore.
Pour les vêtements elle les prenait comme on les lui donnait, ne demandant rien de surplus. Pour la nourriture, c'était de même et plus d'une fois, elle eût à souffrir sur ce point.
Elle comprenait la pauvreté d'esprit avec une haute perfection, et la pratiquait ainsi qu'elle en avait l'intelligence. Les biens de l'esprit et du coeur ne lui appartenaient pas plus que ceux de la terre, elle avait renoncé à ces derniers
par le voeu de pauvreté, et les premiers ne lui étaient que prêtés ; Dieu pouvait en disposer à son gré, elle devait donc être détachée des pensées personnelles, des flammes de l'intelligence, richesses qui semble bien être une propriété. Si donc une soeur s'emparait d'une de ses pensées, d'un de ces mots d'à propos, elle se les
laissait voler sans réclamer, malgré l'envie qu'elle en avait.  Ses pensées appartenaient à l'Esprit-Saint, Il était libre d'en disposer à son gré. " Oui, disait-elle maintenant je puis le dire, j'ai reçu la grâce de n'être pas plus attachée aux biens de l'esprit et du coeur qu'à ceux de la terre, je trouve tout naturel que mes soeurs s'en emparent. Le bon Dieu est bien libre de se servir de moi pour donner une bonne pensée à une âme, elle n'est pas ma propriété."
Elle écrivait à l'une de ses soeurs :" le seul désir d'être victime d'amour suffit, mais il faut consentir à rester toujours pauvre et sans forces, et voilà le difficile, car le véritable pauvre d'esprit, où le trouve-t-on " dit l'auteur de l'Imitation ....bien loin, c'est-à-dire dans la bassesse et l'humiliation
La servante de Dieu eut sans cesse devant elle ces paroles de nos saintes Constitutions :" Qu'elles aient toujours devant les yeux la pauvreté dont elles font profession pour en épandre partout l'odeur ". Elle fut vraiment ce pauvre de l'Evangile auquel le royaume du Ciel appartient.


OBEISSANCE
Dès son entrée au noviciat la servante de Dieu me fut soumise en tout, et dans son obéissance comme dans toutes ses autres vertus, elle surpassa ses compagnes. Jamais une observation elle ne me fit, et son obéissance fut aussi prompte qu'aveugle, non seulement avec moi mais aussi envers sa Mère Prieure. 
Un jour, je crus lui faciliter l'oraison en lui suggérant une pensée que je croyais pouvoir lui aider, mais je sus qu'elle n'était pour elle qu'une fatigue ; elle ne m'en dit rien et fut restée ainsi si je n'avais été prévenue.
Par un soir d'hiver, très froid, elle était au feu pendant la récréation pour sécher ses bas de laine humides qu'elle avait retirés selon l'usage du carmel. On sonna à la sacristie, et comme elle était sacristine, elle se leva aussitôt  ne prenant que le temps de mettre ses chaussures de corde, autrement dit "alpargates ", et partit ainsi en toute hâte traversant les cloîtres sans s'occuper de l'imprudence qu'elle faisait.
Elle n'aurait pas voulu demander à ses soeurs de lui apprendre à peindre sans s'être autorisée de ma permission, il en a été de même de son désir de faire des poésies et sa joie fut grande de m'apporter son premier essai qui était le charmant cantique sur le"lait virginal de Marie". Sachant qu'une postulante ne peut rien sans la permission de sa maîtresse, elle m'arriva toute gênée, d'un air malheureux, car elle ne savait pas comment me dire que notre Mère désirait qu'elle gardât pour elle cette correspondance. Je la mis bien vite à l'aise mais je vis là quelle était la délicatesse de sa conscience qui ne voulait rien me cacher, et tout autant la bonté de son coeur qui aurait craint de me faire de la peine en ne me disant pas la chose que je trouvais toute naturelle.
Notre Mère faisait souvent des recommandations dont elle-même ne se souvenait plus quelque temps après, ce qui faisait que des soeurs croyaient pouvoir aussi se dispenser de les suivre. Pour la servante de Dieu il n'en était pas ainsi, elle continuait à les pratiquer fidèlement.
Etant sortie du noviciat, je l'eus quelque temps pour m'aider à la sacristie ; je pus encore admirer en cet office quelle était son humilité, sa déférence, son obéissance ; elle ne se serait jamais offerte pour ce qui aurait pu la mettre en avant, se tenant toute petite et n'aurait pas touché aux vases sacrés sans ma permission.

Mais voici l'acte d'obéissance le plus héroïque que je lui ai vu pratiquer en sa vie religieuse : le R.P. Auriault de la compagnie de Jésus auquel je l'ai raconté s'écria :" Ah ! c'était bien trouvé !" et je vis qu'il en était très édifié. Ce fut quand la servante de Dieu reçut de sa Mère Prieure le dur refus de ne pas retourner trouver au confessionnal le Révérend Père Alexis, alors que c'était son droit comme celui des autres soeurs. Ce saint religieux avait mis la paix dans son âme troublée, elle subit alors un vrai martyre intérieur qui lui était inexplicable : il l'avait merveilleusement devinée et lui avait dit de revenir...Mais elle n'osa enfreindre la défense de la Mère Prieure, et retourner comme les autres soeurs au confessionnal, et combien lui fut pénible ce refus qui liait la liberté de conscience et qui n'avait que des motifs pénibles. Elle m'avait confié sa douleur  comme elle était accourue me dire sa joie, je fus émue de l'une et de l'autre ; je lui conseillai d'insister près de notre Mère, mais pour plus de perfection, elle préféra garder le silence et obéit avec Notre Seigneur, obéissant jusqu'à la croix.
Cette admirable enfant mit alors en pratique ce qu'elle avait  fait toute sa vie, ce point qui termine notre sainte Règle  : Vous aussi les religieux, honorez votre Prieur avec entière humilité, le reconnaissant pour Jésus Christ davantage pour ce qu'il est en soi, puisque c'est J.C. qui l'a établi sur vous, et dit aux prélats de l'Eglise : Celui qui vous écoute m'écoute, et celui qui vous méprise me méprise

DONS SURNATURELS
La servante de dieu fut favorisée à l'âge de 8 ans (10 ans) de l'apparition de la Sainte Vierge qui vint la guérir d'une grave maladie: la Ste Vierge s'avança vers elle et lui sourit. Cette statue qui s'était animée, et  montrée si belle est aujourd'hui placée et honorée dans le petit oratoire de Sr Thérèse de l'E.J.
Elle eut un transport d'amour pendant son noviciat mais je n'en ai qu'une vague connaissance, peut-être Mère Marie de Gonzague lui avait-elle dit de ne pas m'en parler.
Pendant sa maladie, on lui avait apporté des roses pour qu'elle en couvrit son crucifix ce qui était sa dévotion ; quelques pétales étant tombés à terre, on les ramassait pour les jeter, mais baissant la voix, d'un air mystérieux "oh, ne les jetez pas dit-elle, elles pourront faire des heureux..." et cette parole s"est réalisée par les miracles opérés par ces pétales. Un autre jour, elle disait à Mère Agnès de Jésus: "Après ma mort vous en aurez de petites joies, à la boite aux lettres, du côté du tour !

Aux consolations que donne à la Cté la sainteté de Sr Thérèse, dans la gloire dont la sainte Eglise s'occupe de la couvrir actuellement, il est d'autres grâces immenses qui rejaillissent encore sur notre Carmel. Bien sensible est la progression de sa perfection, de la régularité, du silence, lequel voici quelque temps frappa un de nos fournisseurs qui, en sortant de la Cté, entra chez nos soeurs tourières, pâle et ému, leur demandant de s'asseoir, et leur disant :" o mes soeurs, qu'y a-t-il dans votre Communauté ? quel silence, quel calme, o que c'est beau !"   Un prédicateur de retraite disait à notre Mère après avoir entendu les Soeurs :"Ma Mère, on voit qu'une sainte a passé dans votre carmel."
Les évêques, les prêtres qui pénètrent dans notre cloître ne le quittent qu'édifiés ravis, comme ayant respiré un air de surnaturel, à l'oratoire de Sr Thérèse, en visitant ses reliques et notre monastère, qu'elle a embaumé de ses vertus.

La vénérable doyenne de notre carmel notre bonne Sr St Stanislas, morte l'année dernière (1914), a raconté à notre R. Mère, la conversation suivante qu'eût un jour en se promenant dans Lisieux avec sa soeur, son neveu Monsieur xxx: Apercevant la servante de Dieu qui donnait le bras à son bon Père Mr Martin, il lui dit :" Regarde donc Mlle Martin, c'est un ange!..veux-tu que je te dise: elle sera canonisée un jour !"

Plusieurs fois, Sr Thérèse de l'E.J. m'a favorisé de ses parfums, une fois en préparant de petits papiers destinés à recevoir de ses reliques, et qui ont embaumés bien plus encore ma Sr Jeanne-Marie, lorsqu'elle ouvrit le carton qui les renfermait afin de les terminer.  Depuis cela, voici plus de deux ans, au moment même de recevoir la Ste Communion, et le temps de m'agenouiller et de me retirer, un parfum d'une odeur exquise et que je ne saurais définir, m'enveloppa si fort que je restai saisie de surprise, car j'étais fort loin d'y penser
...Pendant quelques jours je sentis l'odeur de violettes en me retirant de la sainte table. Ces divers parfums m'ont été expliqués par divers événements, d'épreuves comme de consolations, concernant ma famille.

Les flots de lettres s'élevant à 500 tous les jours, et dont un si grand nombre viennent du front, témoignent de la confiance sans borne des soldats envers la servante de Dieu. Les officiers la prennent pour protectrice de leurs régiments ou de leur compagnie, c'est ainsi que le colonel Etienne n'appelle son régiment que "le régiment de Sr Thérèse ". Plusieurs escadrons portent aussi son nom ; un soldat s'élançait à l'assaut en s'écriant :" Vive Sr Thérèse !"...un soldat blessé est relevé par elle, ... et nous avons peine vraiment à suffire à toutes les demandes d'images et souvenirs qui nous sont adressées.  

Un soldat passant par Lisieux disait à la bonne Mère St Ignace, si vénérée de toute la ville dont elle est " l'ange des malheureux ": C'est effrayant au moment de l'assaut d'entendre les soldats s'écrier d'une voix :"Sr Thérèse, sauvez-nous !"

Du matin au soir, je ne travaille que pour elle, j'ai fait des milliers d'images ; je ne reçois guère de lettres où il ne me soit parlé d'elle, et je n'en écris guère non plus sans faire de même. Je n'ai pas un parloir qui ne soit pour en entendre parler et en entretenir les personnes avec lesquelles je suis, et avec lesquelles je suis heureuse de la faire connaître et aimer davantage.
Ses portraits, images, charment ceux qui les voient, entre tous, la belle héliogravure qui est au commencement de sa vie. (Il a déjà été fait 8 millions d'images et un million de reliques )
Miss Mac Shecky [Miss Mac Shecky qui garde la petite boutique de Sr Thérèse] écrivait dernièrement à Sr Geneviève :" les clients s'extasient devant le magnifique tableau de Sr Thérèse aux roses ; ils disent que sa soeur a eu certainement une vision et je suis de leur avis, car Sr Thérèse vous  parle et vous suit des yeux ; on est pénétré jusqu'au fond de l'âme en la regardant..
Les petits babys (sic) auxquels elle se montre, la reconnaissent à son image quand on la leur présente.
La nuit de sa mort, une tourterelle fit entendre ses gémissements à la fenêtre de son infirmerie où reposait sa dépouille mortelle.
Lorsque Mère Agnès de Jésus ouvrit pour la première fois son manuscrit pour l'examiner, un petit rouge-gorge voltigea sur le bord de sa fenêtre et gazouilla comme pour s'en réjouir.
On ne pensait pas à ouvrir la fenêtre de sa cellule, et voici qu'un petit oiseau sembla vouloir avertir de cet oubli, par les coups de bec qu'il donna dans les vitres.

MALADIE ET MORT
Lorsque la maladie conduisit la servante de Dieu à l'infirmerie, elle y fit voir héroïquement la vertu qu'elle avait acquise en santé, ce que demande nos Constitutions  : son courage et sa patience furent à la hauteur de ses souffrances physiques et morales, car les épreuves de l'âme y furent encore sa part.
La Cté n'allait que rarement la voir pour ne pas la fatiguer, tant elle était faible, mais ce n'était jamais que pour la trouver gaie, aimable n'ayant pour toutes qu'un angélique sourire. Dieu permit que notre saint et dévoué docteur ne pensât pas à lui donner de ces adoucissements qui eussent pu alléger ses cruelles souffrances. Elle les supporta jusqu'à la fin dans toute leur intensité. Il en était très édifié et disait :" Si vous saviez ce qu'elle souffre, vous ne voudriez pas la retenir... je ne pourrais pas la guérir, c'est une âme qui n'est pas de la terre ".
Après avoir reçu l'Extrême Onction, elle disait :" J'ai trouvé le bonheur et la joie sur la terre mais uniquement dans la souffrance, car j'ai beaucoup souffert ici-bas il faudra le dire aux âmes  ! en mon enfance je désirais la souffrance, mais je ne pensais pas en faire ma joie. C'est une grâce que le bon Dieu m'a faite plus tard.

Son âme était tellement livrée à l'amour que la souffrance lui était devenue douce, et cependant elle demandait que l'on priât pour elle car elle sentait sa faiblesse et délaissée du ciel, et c'était alors qu'elle redoublait de confiance en Dieu. Les paroles qui sortaient de ses lèvres étaient autant de flèches enflammées, elle pouvait redire alors ce qu'elle disait en son postulat :" tout chante en mon coeur comme en celui de Sainte Cécile ", mais alors c'était le chant du cygne qui va mourir. Elle avait vécu comme un ange dans notre carmel, elle y mourait en séraphin.
Le 30 septembre l'agonie commença à 3h. La Cté se réunit auprès d'elle, tous les petits oiseaux s'était donne rendez-vous à la fenêtre de son infirmerie pour lui faire concert de leurs gazouillements. A 7 h du soir, les soeurs sorties un instant, furent rappelés par un fort coup de sonnette ; j'accourus et arrivais à temps pour la voir encore pencher la tête à droite, remuer les lèvres disant alors :"Oh je L'aime, ..... mon Dieu........ je vous aime !  Ce furent ses dernières paroles. Elle s'affaissa, entr'ouvrit les yeux, jeta un regard brillant et magnifique vers l'image de la Ste Vierge comme voyant quelque chose de surnaturel et son âme s'envola au ciel...elle mourait d'amour comme elle l'avait rêvé  !...

Elle fut très belle exposée à la grille du choeur, mais cette beauté était bien faible à côté de l'extraordinaire beauté dont elle rayonnait lorsque la Cté fit la levée du corps sous le cloître, à la porte de l'infirmerie. J'en fus saisie et me demandais si elle était réellement morte ...elle m'apparaissait tellement vivante que je n'aurais pas été surprise de la voir sourire à son petit Jésus en passant près de lui. Elle avait l'air d'une vierge martyre étendue sur sa châsse, plutôt que d'une pauvre carmélite sur son cercueil.
L'ayant prise le 30 septembre, je pensai que la Ste Vierge était venu la chercher ce jour-là, en récompense de la touchante piété avec laquelle elle avait employé les roses à témoigner son amour à Notre Seigneur. Elle s'envolait au ciel pour le mois du saint Rosaire pour y cueillir de plus belles roses encore que celles de la terre, afin de les jeter en pluie de grâces sur le monde entier selon sa promesse : "Je mettrai mon ciel à faire du bien sur la terre ".

Quelques jours avant la mort de la servante de Dieu, on avait roulé son lit sous le cloître. Sr Marie du Sacré-Coeur, jardinière du préau, étant près d'elle, lui dit :"Voici un rejeton de rhododendron qui se meurt, je vais l'arracher. - Oh! ma Sr Marie du Sacré-Coeur lui répondit-elle d'un son de voix plaintif et suppliant, je ne vous comprends pas ...et bien pour moi qui vais mourir, je vous en supplie, laissez-lui la vie à ce pauvre rhododendron.." Il lui fallut insister encore, mais son désir fut respecté... - Or, ce pauvre rejeton était le seul survivant de magnifiques rhododendrons qui avaient été donnés, et qui dans une des corbeilles du préau, en faisaient le charme, mais un très court espace de temps. Parmi eux, il y en avait, de venus de chez ma famille, lesquels ne flattèrent guère mon amour-propre, car retirés d'un massif, ils n'avaient plus ni forme ni beauté !
En peu de temps tous moururent, sauf le rejeton en question, qui était un de ceux venus de chez nous, et qui, resté à la parole de Sr Th. de l'E.J. échappa au naufrage !  On le vit donc ressusciter, pousser des branches, les étendre, prendre une forme gracieuse qu'il n'avait jamais eu, si bien qu'aujourd'hui, il est l'un des arbustes les plus jolis du préau, et qui, cette année, a donné plus de cent fleurs, et progresse chaque année en beauté à mesure que la cause progresse elle-même.
L'intérêt mystérieux que la servante de Dieu témoigna à ce rejeton me semblait bien être un signe de sa protection envers ma famille, mais c'était tout... et depuis quelques temps c'est comme si elle m'ouvrait les yeux, et même donne la certitude dans la merveilleuse protection dont elle couvre mes soldats, si bons chrétiens, et qui ont en elle une si grande confiance, et par bien d'autres grâces encore. Mais je recueille surtout et avec joie, la leçon que me donne la servante de Dieu par ces rhododendrons, qui est que, tout ce qui brille n'est que vanité et affliction d'esprit, et passe en un clin d'oeil comme l'adversité, mais cette différence que ceux qui boivent ici-bas l'eau du torrent avec le Christ, comme Lui, relèveront la tête.
Et ce qui est à remarquer, c'est que bon nombre de rhododendrons réussissent maintenant dans le jardin !
Origine du rhododendron : il y avait dans la forêt de Montpinçon bordant l'habitation de mes parents, un pauvre mendiant qui s'y était fait un gîte de branches d'arbres, et un lit de feuilles de fougères, où venait se réchauffer près de lui de pauvres couleuvres. Un jour d'hiver que la neige tombait abondante, ne le voyant pas venir prendre son repas à la maison comme c'était son habitude, trois fois la semaine, mes parents envoyèrent voir ce que devenait leur bon vieux, et c'est dans ce triste état que le domestique le trouva ; celui-ci navré revint rendre compte de ce qu'il avait vu, aussitôt on l'envoya chercher et on l'installa au rez-de-chaussée ; mais un an après il tomba malade, et ma soeur de Lagivière, qui avait alors 3 ou 4 ans, me dit voir encore nos parents et M. le curé l'entourant et lui donnant les derniers sacrements. Elle s'était glissée au pied du lit dont on voulait l'éloigner, mais lui de dire :"Laissez la petite approcher, la bénédiction du pauvre porte bonheur !.Une vingtaine d'années plus tard, ma soeur alors mariée achetait cette même forêt d'où est venu ce rhododendron et qui, de toutes les belles et nombreuses propriétés  que la ruine où l'a jetée son mari l'a forcée de vendre, c'est la seule aussi qui ait échappé à la vente.
Les malheurs l'ont, comme le bon vieillard, réduite à la détresse la plus grande, et aujourd'hui, avant de mourir elle m'envoie sa bénédiction pour la Cté  sur la demande que je lui en est faite, et dans sa vive reconnaissance désirant à son tour que sa bénédiction lui porte bonheur en récompense de ses charités à son égard. Puisse ce bonheur être comme je l'espère, la Béatification de Sr Thérèse de l'E.J. en ce carmel de Lisieux où il va y avoir 49 ans que ma soeur m'a amenée et conduite à l'autel ; n'est-ce pas ce que semble bien me dire sa mystérieuse protection en faveur de ce pauvre rejeton ? [toujours vivant et florissant en 2012].


Ma Sr Thérèse de l'E.J. a parfaitement connu ma Sr Ste Fébronie. C'est une parole de cette bonne Sr que je vous cite, nous vous confions ce détail tout intime." Un jour, notre Ange et ma Sr Fébronie, avaient ensemble une conversation spirituelle où cette vénérée Soeur un peu craintive, défendait à outrance les droits de la justice divine, et notre ange, ceux de la miséricorde infinie, mais cette dernière voyant qu'elle ne gagnait rien et restant toujours dans son sentiment, finit par lui dire sérieusement, et nous dirions presque divinement :" Ma Soeur, vous voulez de la justice de Dieu, vous aurez de la justice de Dieu. L'âme reçoit exactement ce qu'elle attend de Dieu."
Or l'année de la mort de cette soeur, les premiers jours de janvier, le jour de la fête de sa patronne au baptême Ste Julie, Sr Thérèse de l'E.J. vit en songe une procession de carmélites parmi lesquelles était ma Sr Fébronie...Elle tourna douloureusement la tête et sans rien dire, fixa sur notre sainte enfant un long et triste regard ! Son attitude était suppliante, plus expressive encore que ses paroles. Ce songe fut rapporté à notre Mère, il avait fortement impressionné le petit apôtre de l'amour et de la miséricorde :" O ma mère lui dit-elle, ma Sr F.
est venue cette nuit demander que l'on prie pour elle ; elle est en Purgatoire sans doute, pour n'avoir pas assez compté sur la Miséricorde du bon Dieu ! par son air suppliant et son regard profond, elle semblait me dire :"Vous aviez raison, toute justice s'accomplit sur moi, mais c'est de ma faute, si je vous avais cru, j'aurai été droit au ciel !!"

Ma Sr Geneviève ne pouvant reconnaître quel avait été le grand voile de Sr Thérèse, lui demanda de lui donner un signe, en permettant que celui qu'elle poserait sur la jambe malade d'une Sr du voile blanc, couverte d'une trentaine de furoncles, opéra sa guérison. Elle fut exaucée et cette soeur (Marie madeleine) fût tellement guérie, qu'à partir de ce jour, il y a eu 7 ans le 1er juin, elle n'a cessé de faire toute seule la cuisine, obédience si pénible qu'elle est donnée ordinairement chaque semaine tour à tour à nos soeurs du voile blanc.

Une de nos soeurs était atteinte d'une très violente crise d'aliénation mentale, on fut forcé de l'envoyer subir un traitement dans une maison de santé. Elle nous revint assez rétablie mais quelque temps après, le mal s'annonça vouloir revenir par des symptômes alarmants. Notre Rde Mère demanda des prières à la Cté, mais Sr Thérèse de l'E.J. assura qu'elles ne seraient pas exaucées, parce qu'elle l'avait vu en songe entrant à la salle de récréation, portant sur son épaule une croix très longue et très lumineuse. Le rêve s'est réalisé, notre pauvre soeur
a été obligée de nous quitter de nouveau et porte encore sa lourde croix qui lui vaudra certainement une grande gloire au Paradis, car nous pouvons assurer avoir perdu en elle une des perles de notre carmel (Sr Marguerite Marie)

.D'où a pu venir la sainteté de la servante de Dieu? peut-être serait-il permis de penser qu'elle a pu prendre source dans la réversibilité des vertus de ses ancêtres, surtout de ses propres parents, vrais patriarches, dont le salut de leurs enfants était leur première préoccupation.
Et qui a pu attirer sur notre carmel cette âme privilégiée ? Il nous est permis je crois, de penser que la sainteté de nos fondatrices que j'ai connues, peut y être pour beaucoup : je puis dire hautement que nos premières Mères, pierres fondamentales de la Communauté, ont passé par les plus crucifiantes et humiliantes épreuves que l'on puisse imaginer, et qui auraient pu faire sombrer la fondation, et dont la plus terrible fut la maladie de notre fondatrice- bienfaitrice, Sr Marie de la Croix, qui s'étant offerte en victime pour la promulgation du dogme de l'Immaculée Conception, dut accepter le sacrifice de son intelligence que Dieu lui demanda. Mais cette épreuve, comme en son principe, ne fut que pour la gloire de Dieu, n'étant qu'une source de mérites tant pour la pauvre victime que pour toute la communauté, qui eut à souffrir tant d'humiliations et de souffrances qui ne seront bien connues qu'au ciel. Mais combien n'est-il pas consolant aujourd'hui de voir combien sont récompensés la sagesse, la force d'âme, l'héroïque vertu de nos premières Mères, surtout de notre vénérée Mère Geneviève, elle a résisté à tout, et aujourd'hui, ces si parfaites carmélites voient au ciel notre petite Thérèse couvrir de gloire notre carmel, le combler de joie, et l'envelopper de bénédictions. Ne peut-on lui appliquer ces paroles de Notre Seigneur à ses Apôtres :" Ne fallait-il pas que le Christ souffrit tout cela pour entrer dans sa gloire ?"


Ce qui pourrait confirmer ma pensée est cette dernière larme de Mère Geneviève recueillie après sa mort, par la servante de Dieu, larme qu'elle avait vue briller à sa paupière lorsqu'elle mourut, larme la dernière de toutes celles qu'elle avait versées, et qui étaient changées en joie pour toujours

Une nuit après la mort de cette vénérable Mère, Sr Thérèse la vit en songe donnant à chacune de ses filles quelque chose qui lui avait appartenu, elle vint à elle les mains vides, et la regardant avec tendresse, elle lui dit :" A vous, je laisse mon coeur."
En finissant, comme en mes dépositions du procès diocésain, je dis encore qu'il en est pour moi quand je considère la servante de Dieu, ce qu'il en est de tout oeil qui regarde les étoiles du ciel, plus il les fixe, et plus il en découvre. Cette fois encore, plus j'ai contemplé cette petite et si brillante étoile, plus que jamais elle a lancé sur moi ses rayons lumineux, et plus je la reconnais et proclame une sainte. J'aime à citer un passage d'une lettre écrite en 1898 par le Père Thomas de Jésus Agonisant, de l'Ordre des Passionnistes, surtout du magnifique ouvrage intitulé " Les opérations du St Esprit", et qui parle ainsi de la servante de Dieu :
( Cette lettre était écrite à l'un de nos carmels qui nous l'a envoyée ) Quelle gloire pour le Carmel et quelle espérance pour tous...cette petite étoile sous le souffle d'en haut est sortie de sa petite nuée, et déjà elle brille comme un arc en ciel, annonçant la fin des orages..... ; J'en ai l'intime conviction, cette petite étoile deviendra de plus en plus radieuse dans l'Eglise de Dieu. Ce n'est encore que l'étoile du matin au milieu d'une petite nuée, mais un jour elle remplira la maison du Seigneur. Si Dieu nous l'a envoyée en nos jours de ténèbres, en des jours de nuages et de tourbillon, croyons bien que c'est pour nous apporter la paix, la lumière, l'espérance du ciel. Non, au ciel, aucune des aspirations de cette vierge apostolique n'est oubliée, et le divin Epoux, en faisant de sa petite Reine une grande Reine a déjà mis en sa main le sceptre de sa toute puissance. C'est maintenant que dans les bras de son amour elle répète avec un amour qui Le ravit :" Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre ...!!"