Carmel

22 avril 1890 – Albi

 

Ma Révérende et très honorée Mère,

Que la sainte volonté de Dieu soit notre force et notre consolation !

Le Divin Maître nous impose de nouveau la croix, au milieu des joies de la Résurrection, et il exige de nos coeurs un bien pénible sacrifice, en enlevant à notre fraternelle affection notre chère Soeur Blanche Marie-Thérèse de Saint-Jean de la Croix, professe de choeur, âgée de 52 ans et ayant de religion 29 ans et demi.

Notre bonne et regrettée Soeur, ma Révérende Mère, a été toute sa vie l'enfant bien aimée de la très Sainte Vierge. Elle aima Marie, dès son enfance, de l'affection la plus ardente et la plus filiale. Elle avait puisé cette dévotion, si douce à son coeur, dans le sein d'une famille éminemment chrétienne, véritable sanctuaire des plus nobles sentiments de l'honneur et de la vertu.

Sa pieuse Mère inspirait à tous ses enfants l'amour de la Reine du ciel et les plaçait, d'une manière spéciale, sous sa protection maternelle. Aussi la Vierge Marie a-t-elle fait à Dieu une large part dans ce foyer pri­vilégié : deux frères de notre chère fille sont entrés dans l'Ordre de saint Benoît et celui qui reste dans le monde, ainsi que ses bien aimées soeurs, y sont tout, dévoués à la gloire de Dieu.

 

C'est à Marie Immaculée que notre bien chère enfant dut la grâce de la vocation religieuse. Elle avait terminé son éducation et était rentrée dans sa famille quand l'appel de Dieu se fit entendre à son âme. Que de liens la retenaient alors dans le monde ! Ses dons naturels, son enjouement, son intelligence répan­daient un tel charme sur les réunions dont elle faisait partie, que la meilleure société de Montauban, sa ville natale, l'attirait et la recherchait. Auprès des siens, elle avait une place à part : elle était l'aînée des jeunes filles; ses bons parents la consultaient et ne voulaient rien faire sans sa participation ; elle don­nait à ses deux jeunes soeurs les soins affectueux d'une seconde mère ; elle était de la part de tous l'objet des plus délicates attentions. Néanmoins, elle se rendit insensible à ces" séductions puissantes. Le Maître Souverain avait parlé, la Très Saint| Vierge veillait sur l'âme "qu'elle s'était choisie; notre bien chère Soeur n'eut qu'un désir : quitter tout ce qu'elle aimait et s'ensevelir dans la vie de solitude et de prière du Carmel, où la volonté de Dieu lui marquait sa place.

Dès le premier appel de la grâce, à l'âge de 17 ans, elle avait parlé de voca­tion à son Père et à sa Mère. Ses instances devinrent plus pressantes, à 21 ans. Mais, ses bien aimés Parents, malgré leur foi vive et leur ardente piété, ne pou­vaient se résoudre à sacrifier, sitôt l'aînée de leurs filles.

Ils demandaient un délai prolongé ; et pour lui adoucir cette longue attente, ils lui laissaient une liberté complète de suivre tous les pieux exercices, auxquels elle se sentait portée'. Deux années s'écoulèrent encore ainsi. Mais alors le. saint Religieux, qui dirigeait l'âme de notre bien chère Soeur, conseilla un

coup décisif et elle eut le courage de le réaliser. Ses parents habitaient la ' campagne ; elle leur demanda d'aller faire une retraite dans une Maison reli­gieuse de' Montauban. On accédait toujours à de semblables demandes, et son vénérable Père se disposa à l'accompagner. Elle fit des préparatifs de départ, qui ne lui étaient pas ordinaires, prit ses papiers, une partie de son linge, ce qui étonna ses jeunes soeurs.

Arrivée à Montauban, elle dit à son Père que c'était au Carmel. qu'elle désirait faire sa retraite. Celui-ci comprit alors le projet de sa fille, qu'il avait favorisé sans le savoir, et sa douleur éclata d'une telle manière que notre bien chère Soeur ne s'en ressouvenait toujours qu'avec une émotion profonde. Sans un secours particulier de Dieu, je n'aurais pas eu la force, nous disait-elle, de voir pleurer mon Père, d'entendre ses reproches, de penser à la désolation où ma Mère serait plongée à son retour, et dont il me faisait le tableau le plus touchant ! Mais c'était l'heure de Dieu, le moment de la grâce, et tout concourut à lui prêter l'appui dont elle avait besoin. Son frère aîné, opposé jusqu'alors à son départ, arriva sur ces entrefaites et, subitement changé, sollicita pour elle le consentement paternel. Le pieux Directeur de notre bien chère enfant se joignit à lui, et, comme il avait une grande influence sur la famille, il obtint enfin le consentement désiré. Le même jour, le Père, désolé, mais soumis à la volonté de Dieu, laissait au carmel sa bien aimée fille et en elle offrait au Seigneur, le plus douloureux des sacrifices.

 

Nous avons peu de détails, ma Révérende Mère, sur les premières années de vie religieuse de notre Soeur. Attirée à une vie cachée, elle parlait peu de ce qui la concernait. Sa respectable Parente, la Mère Sainte Fleur, lui avait frayé la voie au Carmel de Montauban, où elle avait vécu 68 ans, l'édifiant par ses vertus et ayant, dans le cours de sa longue carrière, fondé plusieurs Maisons de notre Saint Ordre. Elle s'inspira de ses exemples. Sa nature généreuse et énergique lui fit vaincre sa délicatesse et elle se porta avec courage aux plus humbles et aux plus pénibles pratiques de notre vie. Le bon Maître la récompensa, en soutenant ses forces, et la Communauté l'admit avec joie, aux époques ordinaires, à la grâce du Saint Habit et à celle de la Profession.

Deux fêtes de la Reine du ciel furent choisies pour ces engagements sacrés. Elle fut revêtue des livrées du Carmel le 23 Janvier, fête des Épousailles de la Sainte Vierge et le 25 Mars, fête de l'Annonciation, elle prononça les Saints voeux qui l'unissaient pour jamais à son céleste Époux.

 

Notre bien chère Soeur se dévoua, pour sa famille religieuse, dans les divers offices qu'on lui confia. L'affection et l'estime de la Communauté, qu'elle s'était acquises, la firent appeler à exercer la charge de Sous-Prieure, quatre ans après sa Profession. A la fin du Triennat, elle demanda avec instance de n'être point maintenue dans cet emploi ; et, en même temps, elle sollicitait la permission de venir dans notre Carmel. Le désir d'y trouver une vie plus cachée, de profiter pour son âme de la direction si éclairée et si sûre de notre Vénérée Mère Catherine, que nous avions la grâce d'avoir pour Prieure, et plusieurs

raisons particulières l'inclinaient puissamment. Les rapports les plus fraternels nous unissaient au cher Carmel de Montauban ; c'est pourquoi ses bons Supérieurs se rendirent à ses prières, et elle nous arriva, au mois d'août de l'année 1872.

 

Cette Soeur bien-aimée nous apportait tout son coeur, tout ce dont le Sei­gneur l'avait si abondamment favorisée. Elle s'identifia à la Communauté dès l'heure de son arrivée, avec la même effusion qu'elle s'était unie à sa pre­mière famille religieuse, quand les portes du cloître s'étaient ouvertes devant elle; et ce don d'elle-même fut sans retour: elle avait la conviction d'avoir accompli la volonté de Dieu.

Nous la vîmes s'appliquer tout de nouveau au travail de la perfection, avec la simplicité, et la ferveur d'une novice, et elle demanda même de suivre, pendant quelque temps les exercices du Noviciat.

Pleine de force et de vie, elle se trouvait la première à tous les travaux com­muns et ne s'y ménageait point. Les offices de lingère, de sacristine, celui des Reliques, lui furent tour à tour confiés. Elle faisait de nombreux petits ouvrages, avec un goût parfait, pour la fête de ses Mères Prieures, et composait au besoin, avec une facilité étonnante, de délicates et spirituelles poésies.

 

Notre chère Soeur, ma Révérende Mère avait un amour particulier pour la Ste Pauvreté. Nous retrouvions en elle, par rapport à cette vertu, ces habitudes religieuses, ce type ancien, dont elle avait eu l'exemple dans sa chère Maison de Profession et sur lequel elle s'était admirablement formée ; elle employait activement son temps, désirait pour elle les choses vieilles et raccommodées, mettait tout à profit, se contentant du pur nécessaire, et cela si naturellement qu'on eût dit qu'elle n'avait point connu autre chose et que, dans cette part, elle trouvait son bonheur. Quand elle écrivait à sa chère famille elle n'employait jamais d'enve­loppe, prenait une feuille de papier, toujours convenable, mais- si juste, qu'un mot de plus n'y eût point trouvé place.

Tout ce qui était à son usage portait un cachet rigide et austère.

Son amour pour cette vertu et le détachement intérieur, qui l'accompagne, lui avait fait cesser, dès le commencement de sa vie religieuse, toute correspon­dance au dehors. Elle n'écrivait qu'à ses bons Parents, qui transmettaient de ses nou­velles à la famille. Tous savaient qu'elle était la part exclusive de Dieu et ils avaient respecté sa voie, sans douter jamais de son affection et de son coeur.

C'est même dans un degré plus élevé que notre bonne Soeur a sur ce point fait progresser son âme, elle annihilait les dons naturels qu'elle avait reçus du ciel, ne se mettant en avant pour aucune chose, à moins d'un ordre de l'obéissance, et passant, au milieu de nous, silencieuse, solitaire et cachée en Dieu, ainsi qu'elle l'avait désiré.   

L'Esprit de foi, qui faisait voir Dieu dans l'autorité à notre bien-aimée Soeur, rendit sa conduite égale vis-à-vis de toutes ses Mères Prieures. A toutes elle a donné les mêmes témoignages de respect, de confiance et d'affection. Nous remarquâmes la profondeur de ce sentiment de foi, au départ de notre Vénérée Mère Catherine, qui s'était occupée de son âme avec tant d'intérêt ; sa paix, sa joie intérieure ne subirent aucune altération et elle nous édifia par son détachement et sa -force.       

Notre bonne Soeur, ma Révérende Mère, soumettait à l'obéissance la direction de son âme avec beaucoup de simplicité ; elle travaillait courageusement à se défaire des imperfections qui lui restaient encore et dont le divin Maître faisait la sauvegarde de son humilité.

Une épreuve crucifiante vint l'aider à accomplir ce travail de mort si pénible à notre nature. Il y a 14 ans, notre bien-aimée Soeur ressentit les premières atteintes des douleurs rhumatismales qui ont fait progressivement de sa vie un vrai martyre. Nous ne saurions vous exprimer combien son abandon à la volonté de Dieu fut admirable et parfait. S'il y avait un désir dans son âme, c'était bien celui de se dévouer pour le Communauté qui l'avait reçue comme une soeur, et qu'elle aimait de la plus tendre affection.

Cependant, elle ne fit pas une prière, ne laissa pas son coeur formuler un désir, pour éloigner le mal dont elle prévoyait les suites. Comme le bon Dieu voudra ! disait-elle à ses Mères Prieures, en rendant compte, avec simplicité, de ce qu'elle éprouvait. J'ai fait un don absolu de moi-même par les mains de Marie, ma

Mère Immaculée, c'est à ma Mère de pourvoir à tout ce qui me regarde ; je ne m'en occupe pas !  

 

Notre bien aimée Soeur malgré des souffrances parfois bien vives, put long­temps encore suivre tous nos exercices. Nous avons eu lieu d'admirer sa régularité parfaite. Elle prévoyait l'heure et se trouvait la première au choeur pour le Saint-Office, où sa bonne et forte voix soutenait la psalmodie, avec une ferveur constante. C'était la même exactitude à la récréation, au réfectoire, à tous les actes de Communauté. L'hiver, avec les rigueurs du froid, elle assistait régulièrement à Matines et à l'oraison du matin, nous suppliant avec instance de ne pas la priver de cette grâce, quand nous voulions lui donner du repos pour soulager ses douleurs.

Elle a pu de même, une grande partie de sa vie, garder toute l'austérité de notre Sainte Règle. Sa forte constitution et son tempérament sain le lui permettaient ; mais au besoin, son énergique volonté eût suppléé à ses forces.

Il y a trois ans seulement, notre bien aimée Soeur dut quitter sa cellule pour se rendre à l'infirmerie : sa difficulté à se mouvoir était plus grande et les soins de ses chères infirmières lui devenaient plus nécessaires.

A mesure que son infirmité a progressé, l'abandon s'est maintenu dans son âme et, avec l'abandon, une sainte joie. Elle retrouvait ces mots spirituels et aimables qui lui avaient été ordinaires dans sa jeunesse, pour plaisanter agré­ablement sur elle-même au sujet de ses béquilles et de la déformation de son corps, qui se rapetissait d'une manière sensible.

C'est surtout auprès de sa chère et bien aimée famille qu'elle a été ingénieuse à dissimuler ses souffrances. Que n'a-t-elle pas fait pour calmer les inquiétudes de ses bons Parents, que la connaissance de son état affligeait à si juste titre? Ses lettres avaient toujours un ton joyeux ; ce qu'elle souffrait, disait-elle, n'était rien, mais les soins qu'elle recevait de la religion étaient si assidus, si délicats, que le coeur maternel n'aurait pu rien y ajouter, et qu'il y avait à désirer d'être malade pour faire l'expérience d'une si tendre charité... Sa famille se retirait toujours d'auprès d'elle consolée et édifiée, se demandant s'il fallait la plaindre, ou s'il fallait bénir Dieu de son courage et de sa joie dans une telle épreuve.

Nous allions fréquemment visiter notre chère Fille, et la Communauté se rendait souvent à l'infirmerie, pendant les heures de récréation. Cette Soeur bien-aimée vivait toujours au milieu de nous par son coeur et elle prenait une vive part à tout ce qui intéressait sa famille religieuse. Jusqu'à son dernier jour, elle a dit le Saint-Office, entendu au choeur la Sainte Messe, y communiant les jours prescrits. Elle a de même accompli fidèlement ses dévotions particulières et offert à la Reine du Ciel son tribut quotidien, dans la récitation du Saint Rosaire.

Nous ne pension pas que l'heure de la séparation fût si proche! Vendredi, le 18 avril, fête de notre Bienheureuse Soeur Marie de l'Incarnation, notre bonne Soeur Saint Jean de la Croix se levait comme d'habitude, quand une oppression plus forte la surprit et inspira de vives craintes à l'infirmière qui l'assistait.

Nous nous rendîmes auprès de la chère malade et, comme notre présence la soulageait, nous récitâmes auprès d'elle les petites Heures. Sur les 9 heures, elle se calma un peu et se sentant bien fatiguée de la crise qu'elle venait de subir, elle nous exprima le désir de se coucher de nouveau. A 11 heures, l'oppression reparut plus forte ; notre bien aimée Soeur perdait la parole et la connaissance. Nous fîmes appeler en toute hâte notre digne Père confesseur ; la chère malade le regarda à son arrivée, mais ce fut le seul signe de vie que ce bon Père put recueillir. Il lui donna l'absolution, lui appliqua l'indulgence de l'Ordre et lui administra le Sacrement de l'Extrême-Onction. La Communauté récita ensuite les prières de la recommandation de l'âme et ne quitta plus notre bien-aimée Soeur, jusqu'à l'heure de Vêpres. Elle se réunit de nouveau après cet exercice, et assista la chère mourante, qu'un léger souffle retenait encore ici-bas. Quelques instants avant 3 heures, son âme acheva de se dégager des liens du corps et alla recevoir au ciel la récompense des sacrifices qu'elle avait si généreusement accomplis pour son Dieu. La Communauté et nous étions présentes. Cette mort, ma Révérende Mère, n'a pas été imprévue, pour la

Soeur bien-aimée qui vient de nous être ravie. Son état d'infirmité faisait présager ce dénouement, le coeur était de plus en plus comprimé par la déformation de son corps et les étouffements étaient fréquents. Elle avait, à l'avance, calmé nos inquiétudes, en nous assurant qu'elle se tenait prête.

Dans un écrit qu'elle nous a laissé à sa mort, elle nous donne de nouveau cette assurance. Nous transcrivons ces lignes, ma Révérende; elles vous feront connaître dans quels sentiments d'abandon et de paix se trouvait son âme à l'appel du céleste Époux ; elles vous diront aussi sa tendre dévotion pour la Sainte Vierge, dévotion qui était vraiment l'âme de son âme, le secret de sa force et la plus douce consolation de son coeur,

"O Jésus, mon doux Maître, depuis quelque temps vous mettez sans cesse dans mon âme ce pressentiment fort et intime que je mourrai subitement et que je dois sérieusement me préparer à ce dernier passage par une fidélité plus généreuse au travail ; où votre grâce m'attire, et par une désoccupation complète de tout le créé. Mon Dieu, je suis votre créature, et l'ouvrage de vos mains!

 

Disposez, selon votre bon plaisir, de ce néant ingrat et rebelle. Je me soumets à tous vos décrets divins sur moi, et j'accepte, avec un abandon entier et sans réserve, si c'est votre adorable volonté, de mourir seule, sans secours humains, et dans le dénuement et la privation de toutes choses, unissant mon délaissement à celui que vous endurâtes sur la Croix, et disant par avance en union avec vous : mon Bon Maître, par Marie Immaculée, je remets mon âme entre vos mains. O ma tendre et bien-aimée Mère,

si je suis seule à ce moment suprême de la mort, vous serez là près de moi pour m'assister et présenter mon âme à Jésus.

Pas un seul jour de ma vie ne s'est écoulé, ma bien-aimée mère, sans que vous ne m'ayez fait sentir par un bienfait particulier, votre protection et votre amour !... Au ciel seulement je pourrai dire et comprendre tout ce que « vous avez fait pour moi, surtout depuis que je suis 'au Carmel: vous saviez que mon coeur avait besoin d'une Mère, aussi avez-vous été toujours pour votre pauvre enfant la plus tendre et la meilleure des Mères.

Hélas! je le confesse avec un regret plein de douleur, je n'ai répondu à tant de bienfaits que par la plus noire ingratitude; néanmoins vous savez, ma tendre Mère, ma plus douce consolation est d'entendre parler de vous, de vos bontés, de vos grandeurs; toute ma joie de vous prier, de penser à vous ; le besoin le plus intime de mon âme, de me confier à votre Coeur Immaculé! Votre Coeur, ma tendre Mère, c'est la demeure que vous-même m'avez choisie pour y habiter le reste de mes jours. Je m'y enferme aujourd'hui et veux y rester jusqu'à mon dernier soupir, comme Jésus Hostie dans le Ciboire, solitaire, silencieuse, cachée, anéantie, pour n'être plus rien , en moi et plus rien en aucune chose, mais toute perdue en ma Mère Immaculée!...

Je remets aujourd'hui entre vos mains maternelles, mon passé, mon présent, mon avenir; mon âme avec toutes ses puissances, mon coeur avec toutes ses affections, mon Corps avec tous ses sens ; ma volonté mes désirs, mes craintes, mes espérances, mes joies, mes douleurs; tout est vôtre, ma tendre Mère, et je suis maintenant votre bien, votre propriété pour toujours; ma perfection est votre affaire, et je n'ai plus ici-bas d'autre travail à accomplir que celui de me tenir dans votre Coeur Immaculé comme les morts dans leurs tombeaux, afin que vous seule soyez tout en moi.

Ma Mère, vous voyez les sentiments de mon coeur, et la sincérité de cette donation ; néanmoins je suis si faible, si inconstante, que je tremble à la pensée que je pourrais encore être infidèle!... Oh! de grâce, ma bien aimée Mère, ne le permettez pas, et faites-moi mourir à l'instant même si je devais vous contrister de nouveau.

Ma Mère bien-aimée, bénissez votre petite enfant qui est tout heureuse de VOUS appartenir sans partage, et qui se console des peines de son exil à la pensée que bientôt j'irai vous rejoindre au ciel, pour contempler votre beauté, aimer Jésus par votre Coeur Immaculé, et chanter éternellement vos bienfaits et votre amour."

 

Oui, nous en avons la confiance, Marie Immaculée aura reçu dans ses bras maternels, son Enfant si fidèle et si dévouée !... et elle versera le baume de la consolation dans le coeur de ses vénérés parents, qui offrent généreusement au Seigneur la consommation du sacrifice accepté par eux avec tant de générosité

il y a 20 ans!

Veuillez cependant, ma Révérende Mère, vous unir à nous pour hâter, s'il en est besoin, le bonheur éternel de notre Soeur bien-aimée.

 

Nous vous demandons pour elle les suffrages de notre Saint Ordre, par grâce, une communion de votre sainte Communauté, une journée de bonnes oeuvres, les indulgences du chemin de la Croix et des six Pater, une invocation au Sacré Coeur de Jésus, au Coeur Immaculé de Marie, à notre Mère Sainte Thérèse et à notre Père Saint Jean de la Croix, elle vous en sera très reconnaissante, ainsi que nous, qui avons, la grâce de nous dire en union de vos saintes prières.

Ma Révérende et très honorée Mère,

 

Votre humble Soeur et Servante,

Soeur MARIE DE SAINT GÉRARD, R. C. Ind.

De notre Monastère de l'Immaculée Conception et de notre Père Saint Joseph des Carmélites d'Albi.

Ce 22 avril 1890.

 

Albi - Imprimerie-Reliure des Apprentis-Orphelins.

 

 

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